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de se rendre. Antoine, aussi capitaine de vaisseau et frère de Jean, a laissé une postérité masculine qui subsistait en France, à la fin du siècle dernier, dans Cornil-Guislain Jacobs, ancien aide-major de la capitainerie, garde-côte de l'île de Noirmoutier, où il s'est établi vers 1730. C'est le premier qui dans cette île a forcé la mer à reculer sur elle même, en établissant des desséchemens. Les services qu'il a rendus à la marine, au commerce et à l'agriculture, ajoutent un nouveau lustre à celui qu'il a reçu de ses ancêtres. C'est à son intelligence et à son courage infatigable qu'est due l'existence entière de l'île de la Crosnière, dont son fils, ancien député de Noir mourtier porte le nom. Ce fut le 1er avril 1767, qu'il rassembla onze cents hommes de dix sept paroisses du continent voisin, et qu'il déroba cette île à l'océan par cinq mille toises de digues. C'est, pour ainsi dire une image en raccourci des travaux de la Hollande, pays de ses pères.

Depuis ce tems, il a fait construire une église paroissiale, un presbytère, des maisons, etc. en sorte que cette nouvelle colonie, qui n'était auparavant qu'un banc couvert par les eaux de la mer

est

actuellement habitée, bâtie et défrichée. Dans l'exécution de sa noble entreprise, M. Jacobs s'était associé à M. du Berceau son gendre c'est à ces deux citoyens que Mgr. le prince de Condé, avait concédé, en 1766, le terrein submergé qui forme aujourd'hui l'île

:

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de la Crosnière, etque S. A. S. venait d'obtenir du Roi.

LE VICOMTE DE TN-RG. OUDESCH, ou le champ de bataille de Denain.- Un dictionnaire historique ( je ne puis en donner le titre, car il manque à mon exem→ plaire (1) contient une anecdote intéressante, qui me parait digne de figurer dans les Archives du Nord . La voici textuellement :

<< Immédiatement après la bataille de Denain en 1712, Oudesch, Bavarois, officier d'un régiment de grenadiers au service du duc de Bavière, alla dans les retianchemens compter le nombre des hommes qui avaient été tués pendant l'attaque. Il n'alla pas loin sans trouver des morts à compter; il allait en mettre un dans le nombre, lorsqu'il l'entendit se plaindre. Un grenadier du régiment de Guyenne qui se promenait aussi pour voir si on n'aurait pas oublié d'en dépouiller quelques-uns, entendit la voix plaintive du mourant, et en homme charitable, il voulut le soulager. Pour cet effet, il s'en approche, le couche en joue, et dit en jurant qu'il allait achever ce pauvre malheureux qui souffrait trop. Heureusement M. de Queucin, major du régiment, qui accompagnait le lieutenant, détourna le fusil, et dit au grenadier: Laisse mourir ce misérable, s'il doit mourir. Monsieur, dit le grenadier, excusezmoi, s'il vous plait, je voulais ren

(1) Dictionnaire historique des batailles, 6 vol. in-8°. (Nole des éditeurs.)

dre service à ce pauvre garçon, et dans l'état où il est, le meilleur est de l'achever. Il voulut le coucher en joue de nouveau, et M. de Queucin fut enfin obligé de le chasser. Le lieutenant Oudesch qui savait un peu de français, avait entendu ce discours : il s'approcha du blessé; et voyant qu'il savait l'alle= mand, lui fit plusieurs questions. Il lui demanda d'abord de quel pays il était. Le blessé répondit qu'il était Bavarois. Bavarois, dit le lieutenant en grondant, Quoi! tu servais contre ton prince? Il fallait achever de le tuer. Et de quel endroit es-tu de la Bavière, continua-t-il? L'autre lui répondit qu'il était des environs d'Ingolstad. Quel est ton père, quels sont tes parens, reprit le lieutenant? Ma mère est morte, dit-il, et je suis fils unique d'un officier qui apparemment a été tué à la bataille de Hochstet, et dont je n'ai pu avoir de nouvelles ; depuis ce tems-là, mes parens se sont emparés de tout son bien et me laissaient manquer de tout. Quand je me suis vu un peu grand, ne sachant devenir, j'ai fait complot de m'enrôler avec deux de mes camarades, et j'ai pris parti avec le premier officier qui s'est présenté. Le lieutenant lui dit : Comment t'appelles-tu? Je m'appelle Oudesch, rẻpondit le blessé. Ah! malheureux, reprit le lieutenant, tu es mon fils, et j'étais ici spectateur de ta mort, sans le secours de M. de Queucin, et sans aucun effort de ma part pour t'en garantir; tu t'es mis dans le cas de nous tuer l'un l'autre, si

que

l'occasion s'en fut présentée; et le ciel nous a conduits ici pour te sauver la vie. Ce pauvre garçon, qui, dans la plus triste situation où l'on puisse être, eut le bonheur de trouver un père qu'il croyait mort depuis longtems, fut si transporté de joie, qu'il se mit à se traîner en criant: Ah! mon père! il se jeta à ses pieds, et les embrassa avec un transport si grand, qu'on eut de la peine à l'en arracher. Le blessé fut transporté, soigné, guéri, et entra en qualité d'officier dans ce régiment. »

B.-L.

LE GOUVERNEUR DE GRAVELINES. La tradition suppiée à l'histoire, et avant l'histoire, il n'y avait que la tradition. On tient le fait sui

vant d'un Calaisien presque octogénaire, connu pour être véridique, il le tenait de son grand-père, qui le tenait, lui, de son aïeul, le héros de l'aventure.

Ce particulier, propriétaire et rentier à Calais, était marié, lorsque Gravelines était encore sous la domination espagnole, qui occupait des postes jusqu'à Marck; et le commandant de cette place faisait parcourir la ligne par des partis qui parvenaient à enlever et à conduire à Gravelines, où on rançonnait, suivant l'usage du tems, les voyageurs qu'ils pouvaient rencontrer.

Cet ancêtre de notre contempo→ rain avait, ainsi que beaucoup d'au tres propriétaires de Calais, des biens et des fermes situés à Marck et à

Oye, et les fermiers détenteurs de ses biens, sur le territoire espagnol, se faisaient un prétexte de l'occupation ennemie qui les frappait de réquisitions pour ne pas payer ces propriétaires.

Ceux-ci, gênés, parce qu'enfin il fallait vivre, et qu'on ne vit pas sans argent, s'exposaient souvent au dan ger d'être enlevés, pour aller tou cher quelques écus.

Un jour notre ancêtre, et cinq autres propriétaires de ses amis, éprouvant un extrême besoin d'argent, s'arraisonnèrent sur le meilleur moyen à prendre pour en aller chercher sans risque. Ils n'en trouvèrent pas de plus sûr que de choisir un jour où il pleuvait comme un déluge, et où il était à présumer que les patrouilles ennemies ne battraient pas la campagne, et de se déguiser en paysans, afin de les tromper, parce travestissement, au cas qu'ils vinssent à les rencontrer.

Mais les patrouilles étaient aux champs, par la même raison qu'elles supposaient que quelques particuliers pourraient chercher à profiter du tems affreux pour faire une incursion sur leur territoire.

Nos six aventuriers avaient des biens sur Marck et Oye. Ils eurent quelques succès sur Marck, et se disposaient, mouillés comme des canards et consolés par quelques écus, à les poursuivre à travers les champs sur Oye, lorsque ceux de leurs locataires qu'ils étaient parvenus à faire payer, mircnt les pa

trouilles sur leurs traces, en les faisant connaître pour ce qu'ils étaient car en général les cultivateurs paient toujours en rechignant, et s'inquiètent peu si leurs propriétaires meurent de faim. Nos voyageurs furent donc bientôt rencontrés et saisis. Ils eurent beau se donner pour des paysans, on leur répondit qu'ils n'en avaient pas le langage. Ils furent conduits à Gravelines, et parurent devant le gouverneur, dans un pileux équipage.

Il devint inutile de feindre. Le gouverneur leur dit : «J'ai la certi-. «tude, messieurs, que vous êtes des « notables habitans de Calais. Nous << sommes en guerre; il est probable, « par votre déguisement, que vous

avez mission pour espionner et << peut-être fomenter quelque com

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je veux bien user d'indulgence et « vous donner le tems de me prou« ver que vous n'aviez pas d'inten<«<tions hostiles, et à moi, celui de «prendre les informations nécessai« res; mais en attendant, mon in<< tention n'est pas de vous mettre « au pain et à l'eau, ni au cachot, <«< vous serez convenablement logés, << avec un gardien qui répondra de « vous, et j'entends que vous soyez «< nourris comme vous l'êtes habi«tuellement chez vous. >>

« Voyons, vous, monsieur, quel « est votre ordinaire ? »>

Il est à remarquer qu'on leur avait vidé le gousset des écus qu'ils

avaient eu tant de peine à arracher de leurs fermiers.

Celui à qui le gouverneur s'adressait, passablement gastronome et privé d'argent, se décida à se consoler de sa captivité en faisant au moins bonne chère, et en conséquence, il lui répondit:

Monsieur le gouverneur, dès « que je suis levé, ma ménagère « m'apporte mon chocolat et une << demi-douzaine d'œufs frais; à mi«di, on me sert la soupe, le bouil– « li, une entrée, le rôti, la salade, « un plat d'entre-mêts, du dessert « selon la saison, et j'arrose tout ce« la d'excellent vin de Bourgogne ; « à huit heures précises, on me sert “ « le souper, qui consiste, seulement, « dans une bonne volaille rôtie, la salade, un plat de douceur arro« sé du même vin. Je fais ensuite « mes prières, et je vais me coucher « dans un excellent lit. »>

Le gouverneur lui répartit:

« C'est bien, monsieur, vous se<< rez servi de même jusqu'à nouvel << ordre.

On le fit sortir. Le gouverneur fit la même question successivement à quatre autres, qui, alléchés parle tableau gastronomique qu'avait présenté le premier, lui donnèrent à peu de chose près le même menu. Ils sortirent à leur tour; notre ancêtre resta seul, et le gouverneur lui fit la même demaude.

« Moi, M. le gouverneur, je ne << suis que le crieur de la ville, et

"

«< commeje connais parfaitement le « pays, ces messieurs m'ont pris <«< pour leur servir de guide. J'ai << une femme et dix enfans, et voi«ci, puisque vous désirez le con<< naître, quel est mon ordinaire. Je « déjeûne avec d'assez bon pain que « je frotte d'une gousse d'ail; le << dimanche, nous faisons la soupe « pour trois jours avec la moitié « d'une tête de boeuf; les autres «jours, nous fricassons, avec un << peu de graisse, des féveroles et des « haricots; et les jours maigres, « nous accommodons un peu de « poisson que les pêcheurs me don<< nent pour quelques services que « je leur rends. Je bois ordinaire«ment de l'eau fraîche, et le soir, << je vais, le plus souvent, coucher << sans souper. Si vous daignez m'ac«corder un ordinaire un peu suc<«< culent, j'en serai bien reconnais<< sant. J'imagine, au reste, que ces « messieurs, à qui j'ai servi de gui« de, voudront bien permettre que « je vive de la desserte de leur table; << dans tous les cas, je saurai me ré«signer, car mon ordinaire ici, ne « peut jamais être plus frugal que «< celui que j'ai dans mon ménage. » Il sortit et fut rejoindre ses camarades..

la part du gouverneur, lui ordonLe lendemain, un officier vint de ner de le suivre. Il le conduisit à la porte, et le mit hors de la ville, en lui disant << Mon ami, comme Son « Excellence n'a pas de rançon à at<< tendre de vous, et n'entend pas << vous nourrir à ses frais, elle vous << permet de retourner chez vous,

«mais à la condition de ne plus « vous aviser de servir de guide sur « le territoire espagnol. »

Le gouverneur se fit amener ses camarades, et leur dit : «Messieurs, « des particuliers qui vivent chez <«<eux comme vous l'avez annoncé, «doivent être des gens opulens. « Vous resterez donc ici, sur le mê« me ordinaire, jusqu'à ce que vous m'ayez fait payer deux mille écus << de rançon; plus, les frais de vo« treordinaire, parce qu'il n'est pas << juste que je vous nourrisse aussi <«<somptueusement à mes dépens. >>

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Notre ancêtre regagna en riant ses foyers; il avait trouvé le moyen de glisser dans ses bottes l'argent qu'il avait reçu; car si on l'avait trouvé, cela seul aurait prouvé qu'il était autre chose qu'un guide.

Nos cinq captifs, après avoir prié M. le gouverneur de les met¬ tre à la pitance, pour ne pas doubler leur rançon, rentrèrent dans leurs foyers trois mois plus tard, après l'avoir acquittée. Ils furent accueillis par notre ancêtre, qui, par un bon dîner, calqué sur le menų qu'ils avaient donné à son excellence, et grâce aux écus qu'il avait adroitement sauvés, chercha, en s'amusant un peu à leurs dépens, à les consoler de leur mésa

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des menuisiers, des tailleurs, des exilés renversent des dynasties, font capituler les rois dans leurs palais, et pour un principe, pour un droit, pour une franchise, sortent à tel jour, à telle heure, et se disent adieu du cœur et de la voix pour se revoir plus libres ou pour se rencontrer dans le lit de chaux vive que la patrie leur a préparé. Ainsi tous ont fait ainsi la France, ainsi l'Espagne, ainsi la Belgique.

La Belgique! elle a des noms que l'histoire n'oubliera pas; un surtout, un qui restera debout, tant que les mots de gloire, patrie, vertu, courage, n'auront pas changé de sens dans la pensée des hommes.

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Il est facile de mourir quand on a vieilli sur la terre, que vieux général on méconnait vos services que vieux citoyen on vous délaisse dans votre grenier, que patriote ardent on rit à vos théories: alors on conçoit qu'au jour où la terre remue sous les volcans des révolutions, où lesastres de cour s'égarent dans leur firmament, on conçoit que toutes les haines rouillées sortent du fourreau, que l'amour-propre ployé se redresse, qu'on coure à la mort comme en force logique on court à la conséquence quand on a établi, resumé les principes: on le conçoit,

Mais avoir de la vie plein le cœur, de la jeunesse plein la tête, de la noblesse plein ses parchemins, ses murs ses tentures ses armes ; au lieu de Pierre, Antoine ou Joseph, s'appeler comte Frédéric de Mé

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