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chambre. Un tout jeune lorrain, caporal-fourrier, assis au milieu de ces hussards, élevait par dessus toutes les voix, sa voix joyeuse et plus bruyante encore.

Ce tapage déplut à Malassart. Echauffe d'ailleurs par d'amples libations, il apostrophe grossière ment le jeune hussard: celui-ci riposte; on échange des injures. Soudain les sabres sont tirés et un coup terrible tranche les tendons de la main droite de Malassart.

Mis à la réforme, à cause de cette blessure, il revint dans sa ville natale. Là sans courage et sans énergie, il se mit à traîner une existence vagabonde et misérable, quand le travail aurait pu lui offrir des jours meilleurs et surtout plus honorables..... Un vol fut même commis par lui et il alla expier sa faute, durant cinq longues années de réclusion.

Il était redevenu libre, depuis quelques mois, quand, un jour, il voit sur la place d'armes de Cambrai, toute la garnison rassemblée et sous les armes. Elle etait passée en revue par un duc, par un maréchal de France. Il perce la foule pour voir plus à son aise le guerrier célèbre qui occupe un poste si brillant et si élevé.... C'était le hussard qui l'avait estropié; c'était Michel Ney.

Tandis que lui, chétif mendiant, subissait tout ce que la paresse, la misère et le vice ont de plus dur et de plus infâme; celui avec le fer duquel il avait croisé son fer; celui dont naguère il était l'égal,

se trouvait un général célèbre. Pour lui Malassart, le lendemain n'avait jamais cessé d'être semblable à la veille........ Et un nouveau pas dans le chemin de la fortune et des honneurs marquait pour ainsi dire

chaque jour l'existence de Michel Ney. Durant ce court espace de peu d'années, il s'était distingué

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à Altenkirchen, à Obermersch Rednitz. Le fort de Rothembourg à Wurtzbourg et sur les bords de la était enlevé par lui à la Bayonnette. Son courage et sa présence resaisissaient la victoire près de Neuwied, et les autrichiens fuyaient devant son épée à Diersdoff, Francfort, Manheim, Zurich, Kilmuntz, Inspruch, Hall, Iéna, Magdebourg, Eylau, Friedland; d'autres lieux proclamaient ses victoires. Il était duc d'Elchingen, grand aigle de la Légion-d'Honneur, Légion-d'Honneur, et Maréchald'Empire.

Ney reconnut le mendiant au milieu de cette foule qui se pressait autour de lui. Il le fit avancer, lui parla avec bonté, et finit par lui annoncer que celui qui s'était battu en brave avec lui n'aurait plus à mendier désormais. Tu recevras de moi une pension, à dater d'aujourd'hui, ajouta-t-il, et elle ne finira qu'à la mort de l'un de nous

deux.

Hélas! c'était lui qui devait précéder le mendiant dans la tombe! Lui que devait y précipiter une catastrophe terrible et sanglante! Peu de jours de gloire et d'existence lui était encore réservés, et la fortune que l'on aurait dit se complaire à le guider, s'apprêtait déjà

à lui retirer brusquement sa main et à l'accabler d'un coup affreux. Cependant l'espace qui le séparait du supplice, fut rempli de victoires et d'honneur. La bataille de la Moskowa, la retraite de Moscow où lui seul sauva quelques débris de l'armée française, l'organisation d'une armée à Hanau, les combats de Bautzen et de Dresde, le placèrent parmi les généraux les plus célèbres. Les suédois expulsés de Dessau, la bataille de Leipsick; Brienne, Montmirail,Craône, Chalons-sur-Marne laissent à peine le souvenir de l'avantage obtenu sur lui par Bulow.

Comblé, en 1814, des récompenses et des faveurs royales, il était commandant en chef du corps royal des cuirassiers, dragons etc. gouverneur de la sixième division militaire, et pair de France, quand l'évasion de l'île d'Elbe vint amener dans notre pays la discorde et la guerre. Ney jura de défendre le Roi contre Napoléon qui s'avançait et le guerrier qui s'était montré loyal toute sa vie, subit l'en

traîment irrésistible d'une ancienne amitié........ huit mois après un tombeau recouvrait le vain

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JUMENTIER. Bernard Jumentier, ancien maître de chapelle du chapître de St.-Quentin, né à Lèves, près Chartres, le 24 mars 1749, mourut le 16 décembre 1829, à StQuentin, où il avait fixé sa rési– dence depuis l'an 1774.

Il est peu d'exemples d'une aussi longue carrière parcourue d'un pas si ferme, avec une vigueur de facilités, une égalité d'ame aussi soutenue. A quatre-vingts ans, quelque tems avant sa mort, M. Jumentier s'occupait encore avec une ardeur infatigable de ce qui avait fait l'occupation de sa vie entière; on pourrait dire de lui qu'il ne quitta ses élèves que pour mourir.

Son nom se mêle aux traditions que nous avons reçues d'une autre époque, il se rattache aux plus anciens souvenirs: ses véritables contemporains n'existent sans doute plus qu'en petit nombre; des vieillards ont reçu ses leçons, et, dans ces derniers tems, nous l'avons vu, toujours le même, prodiguer ses soins à de jeunes élèves qu'il appelait ses enfans, et qui se féliciteront un jour d'avoir étudié à cette école, d'avoir reçu ces principes solides que le vieux professeur leur inculquait avec tant de persévérance et une méthode si judicieuse.

Ainsi la vie de notre excellent

maître, ses utiles travaux appartiennent à plusieurs générations. Ne semble-t-il pas que le tems ait voulu rendre hommage au génie en respectant cette honorable vieillesse, en lui épargnant les infirmités corps et d'esprit, tristes, mais

de

ordinaires compagnes du grand ne nous taxera de flatterie : doué

âge.

Bien M. Jumentier fut orique ginaire de la Beauce, la ville de St.-Quentin a été sa véritable patrie; il s'y fixa à l'âge de 25 ans et lui resta fidèle, sans que ni les événemens dont il fut victime et qui lui enlevèrent ses places, ni la juste ambition d'acquérir plus de célébrité pussent le déterminer à quitter sa patrie d'adoption.

Les rares avantages qu'il tenait de la nature, une connaissance profonde de son art lui eussent sans doute valu d'éclatans succès, peu d'hommes en effet satisfont plus complètement aux conditions qui fondent la supériorité dans un

genre.

La science de la musique exige des études bien autrement longues et sérieuses qu'on ne pense communément; pour la posséder véritablement, en embrasser toutes les ressources, et pénétrer le secret de ces savantes théories, il faut une portée d'intelligence, une puissance d'esprit peu ordinaire: joignezy l'aptitude physique; faites qu'une longue et constante pratique ait applani toutes les difficultés et vous ait rendu cet art comme naturel, si vous n'avez reçu en partage ce qu'on appelle le génie, si vous ne vous sentez échauffé du feu sacré, vous pourrez être un musicien distingué, mais vous n'atteindrez jamais aux inspirations du véritable compositeur.

Quand nous dirons que M. Jumentier méritait ce titre, personne

d'un sens exquis, d'une organisation toute musicale, possédant une âme sensible, une vive et poétique imagination, la nature avait marqué sa place, et ses œuvres devaient présenter des beautés de premier ordre. On admire surtout y une touche mâle et vigoureuse et cette expression si vraie, si puissante, qui est le caractère particulier de ses productions.

Mais ne nous laissons point aller à des éloges superflus; espérons plutôt qu'en perdant M. Jumentier nous profiterons de l'héritage qu'il a laissé à notre ville et que nous jouirons encore de ses belles compositions.

Les messes exécutées à Versailles devant le Roi, à Notre-Dame, par les artistes les plus célèbres, de la capitale, lui attirèrent, à son début, des éloges non suspects donnés en présence même du monarque, et lui assignèrent un rang à côté des compositeurs les plus distingués qui devinrent alors ses amis, mais dont les instances ne purent le décider à passer de l'étroite sphère où il se renfermait sur un théâtre plus digne de lui.

Sa modestie, la simplicité de ses goûts, peut-être aussi l'amour de l'indépendance le fixèrent au milieu ne nous, où il a vécu apprécié comme il devait l'être, environné de l'estime publique, heureux de cette condition d'artiste que quelques gens dédaignent, parcequ'ils sont étrangers à ses puissances, et qu'ils ignorent ses ressources et les

il

élémens de bonheur que le vrai mérite sait tirer de son propre fonds. M. Jumentier se suffisait à luimême. Nos obscurs suffrages n'étaient pas sans prix à ses yeux; mettait à conduire notre orchestre de province la même importance qu'il avait mise jadis à diriger celui de Versailles. Nous nous rappellerons longtems ces traits nobles et mobiles dont la moindre dissonance faisait vibrer toutes les fibres, ce port majestueux où respirait un si juste sentiment de dignité personnelle.

Ses amis oublieront plus difficilement encore les précieuses qualités qui formaient son caractère. Sous un extérieur sévère, il cachait la plus grande sensibilité, la bonhommie la plus touchante; un esprit orné de connaissances profondes et variées, une imperturbable mémoire meublée de toutes les beautés classiques de l'ancienne littérature, rendaient sou commerce aussi instructif qu'agréable.

On s'étonnait de trouver chez lui cette douce gaîté qu'on rencontre rarement chez les vieillards, parcequ'elle tient à une fraîcheur d'imagination qui semble appartenir exclusivement à la jeunesse.

De toutes parts on a voulu contribuer à rendre sa pompe funèbre digne des souvenirs qu'il a laissés à Saint-Quentin : le clergé lui a rendu des honneurs particuliers, la garde nationale a escorté son convoi, MM. les professeurs et amateurs ont montré un zèle vraiment

monie, ils ont spontanément arrê¬ té entr'eux qu'un monument serait élevé, à leurs frais, sur la tombe de leur doyen, du patriarche de la musique, et que le jour de l'inauguration, sa messe de Requiem, son dernier et son plus bel ouvrage, serait exécutée par eux dans la cathédrale (1). Après avoir payé à la mémoire de M. Jumentier notre tribut de reconnaissance et de regrets, félicitons-nous d'appartenir à une ville dont les habitans s'honorent par de tels actes, et faisons des vœux pour que de semblables sentimens se perpétuent parmi nous.

manuscrits et légués à la ville de Ses principaux ouvrages, tous St-Quentin avec la bibliothèque, le piano et le portrait de l'auteur, se musique, 2o trente-quatre Motets; composent de: 1° Onze Messes en 30 onze Magnificat; 4 deux Stabat ;

5o trois Oratorio; 6o six Domine sal8° deux De profundis; 9o trois symvum fac regem; 7o deux Te Deum ; phonies; 10° Règles du plein chant, ouvrage complet; 11o l'opéra-ballet de Cloris et Médor; 12° deux Messes de Requiem; 13 les fureurs de Saul, poëme oratorio, paroles de Moline, et beaucoup d'œuvres détachées moins importantes ; d'autres non terminées. Plusieurs de ses compositions furent chantées à la cour devant le Roi; Chérubini, qui n'était pas complimenteur, lui a

(1) Une jeune personne, fille d'un maçon de la loge de Saint-Quentin dont M. Jumentier était membre, a lithographié son portrait qui se vend au profit des pau

digne d'éloges; à l'issue de la céré- vres,

dressa diverses lettres de félicitations. La Reine Marie-Antoinette, qui l'honorait de son estime, l'avait surnommé l'abbé Jumentier. Plusieurs de ses ouvrages ont été demandés et copiés au Conservatoire, où des compositeurs modernes ont pris des passages, reconnus depuis, et qui leur out valu des succès. Sic vos non vobis!

CH. QUENTIN.

LE GÉNÉRAL CORBINEAU. Le comte Jean-Baptiste-Juvenal Corbineau, naquit à Marchiennes, le 1er août 1776, d'une famille dont les membres furent doués de toutes les vertus guerrières. Quoique bien jeune encore à l'aurore de la Révolution, il embrassa la carrière militaire à cette époque avec son frère ainé, (mort à Wagram) et ils servirent tous deux sous le général d'Harville, leur compatriote et leur protecteur. Le général Corbineau passa par tous les gradesetilles gagna tous par des actions d'éclat. Etant capitaine des chasseurs de la garde impériale, il fut nommé chef d'escadron sur le champ de bataille d'Eylau. Appellé à commander le 20 régiment de dragons, dont le dépôt fut longle.ns à Cambrai, il le conduisit en Espagne où il fit la campagne de 1808 et se signala devant Burgos. Promu au grade de général de brigade, Bonaparte le rappella près de lui, ce qui lui fit faire la campagne d'Autriche en 1809. La trop célèbre guerre de Russie en 1812, Jui fournit l'occasion de se distinguer; c'est le général Corbineau

qui trouva, à la retraite de la Bérésina, un passage pour l'Empereur, qui dès lors l'attacha à sa personne en qualité d'aide-de-camp place que son malheureux frère avait déjà remplie. Il se fit encore remarquer pendant la campagne de 1813, en Saxe, et surtout à l'affaide Culm, où il enfonça les Prussiens et se fit jour à travers leurs bataillons. Napoléon le créa général de division le mai 1813. Il fit avec distinction la savante campagne de France, pendant l'hiver de 1814, et il eut le bonheur de sauver une seconde fois la vie à l'empereur à Montmirail, où il le débarrassa. Si tout le monde à cette époque avait fait son devoir comme le général Corbineau, les destinées de la France auraient peut-être changé. Le comte Corbineau, fut nommé chevalier de St-Louis le 19 juillet 1814 et grand officier de la légion d'honneur le 19 janvier 1815. Pendant le règne des cent jours, Napoléon lui rendit ses fonctions d'aide-decampetlui confia plusieurs missions importantes et délicates. Il fut chargé de se rendre au Pont-Saint-Esprit pour s'opposer à la marche du duc d'Angoulême et ensuite il prit part à la pacification de la Vendée, Il assista à la bataille de Waterloo et accompagna l'empereur dans sa retraite. Quoiqu'un des plus jeunes généraux de division, il cessa d'être en activité peu après la seconde restauration, et fut mis en disponibilité avec une foule de ses compagnons d'armes parmi lesquels on comptait ce que la France avait de plus honorable et de plus capable. Il vécut alors

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