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un graveur de musique; mais, indocile au vœu de sa famille, il sentait peu de goût pour une marche opposée à ses dispositions naturelles. Il employait presque tout son temps à figurer des bons hommes sur les pages, à noircir de monotones rangées de lettres symétriquement alignées. Le maître de Ducornet, tout en grondant son écolier de son inapplication aux règles de l'écriture, ne pouvait s'empêcher de sourire aux inspirations de l'enfant, constamment préoccupé du soin de dessiner tout ce qu'il avait sous les yeux. Frappé des résultats de ce penchant irrésistible, l'écrivain en fit part à M. Wateau (Louis), professeur à l'école de dessin de Lille; ce dernier, étonné des naïves compositions sur lesquelles on appelait son jugement, s'empressa d'en aller visiter l'auteur, et lui proposa d'entrer à l'établissement public placé sous sa direction. Ducornet accepta cette offre avec reconuais sance, et c'est ainsi qu'à dater de 1819, il put se livrer exclusivement à sa vocation prédominante. Un an après cette admission, le jeune débutant fit accueillir à l'exposition de peinture et d'industrie de la ville de Douai quelques-uns de ses premiers essais, et fut assez heureux pour obtenir à cette occasion une médaille de seconde classe. En 1822, et sur une figure dessinée d'après nature, Ducornet remporta le premier prix à l'école où les élémens de son art lui avaient été enseignés: ce succès attira sur le vainqueur l'attention de l'un des juges du concours; cet ama

teur éclairé sollicita près des autorités de la ville natale de son protégé une pension alimentaire en faveur d'un sujet aussi bien partagé sous le point de vue moral, que dénué de toute ressource relativement à l'existence purement matérielle. Les 300 fr. par annuité dont la ville de Lille honora le mérite de Ducornet ne suffisaient point; le célèbre Gérard à qui les députés lillois avaient montré les productions de leur compatriote, fit quelques démarches auprès du roi. Ce prince constitua sur la liste civile une rente de 1,200 fr. au jeune Louis, à compter du mois de juillet 1824. Riche alors, Ducornet vint à Paris où l'auteur de la bataille d'Austerlitz le fit entrer dans l'atelier des élèves de Lethiers. Grâces aux soins bienveillans de cet habile direc teur, le provincial abandonna bientôt une manière sèche et rude, et s'appliqua tellement qu'au mois de mars 1825 il obtint une troisième médaille à l'école royale de peinture et de sculpture, où il n'avait été appelé, lors de sa présentation, que le deuxième de la liste supplémentaire. En remportant l'année suivante une seconde médaille, il se classa parmi les élèves les plus distingués de l'académie. En 1828, Ducornet essaya ses forces en peignant les Adieux d'Hector et d'Andromaque, dont il fit hommage à ses concitoyens. Admis en loge pour concourir au grand prix de Rome, il balança la.... seconde palme; alors, pour l'encourager à continuer ses dignes efforts, le ministère le chargea de

représenter sur une toile de huit pieds sur cinq, St.-Louis rendant la justice sous un chêne. Cette composition où l'on distingue d'heureux détails, parut au salon de 1851; elle est maintenant au musée de Lille. Ducornet cessa vers ce temps de suivre l'académie. Des portraits qu'il exposa dans la ville de Cambrai lui valurent une médaille d'encouragement. Ducornet fit plus tard son propre portrait où il s'est représenté; s'occupant de sa profession. Cette toile ést citée comme extrêmement remarquable par la ressemblance et le modelé des formes. En 1833, son tableau des esclaves, acheté depuis par le musée d'Arras, réunit les suffrages du jury de Douai: une médaille d'argent en fut le témoignage authentique.-Ducornet a peint deux portraits du roi ; l'une de ses copies est à Lille et Pautre à Sisteron [Basses-Alpes]. Ces deux commandes furent suivies de celle d'une figure de Henri II pour le château d'Eu. Récemment enfin, l'on a pu voir, en 1834, dans le grand salon carré du Louvre, un Christ apparaissaut à la Magdelaine. Ces personnages, de grandeur naturelle, sont traités largement; le dessin en est correct, et le coloris offre plus d'une partie bien rendue.Ducornet ne s'est pas exercé seulement à des travaux dont la dimension en rendît l'exécution plus aisée; il a dessiné plusieurs vignettes où l'on est surpris de rencontrer une finesse et une légèreté de touche dont on ne peut se faire une idée en se reportant unique

ment par la pensée au procédé mis en usage afin d'obtenir de tels résultats: il est indispensable de les voir si l'on veut les apprécier à leur véritable valeur.

On ne saurait trop admirer ce qu'il a fallu de conviction dans l'artiste naissant pour tenter une pareille entreprise avec si peu de chances de succès. L'anecdote suivante prouvera combien la difficulté des moyens de Ducornet se fait peu sentir dans l'exécution de ses œuvres. Une exposition de peinture en faveur des indigens fut ouverte à Paris dans la salle Taitbout: le commissaire désigné pour l'arrangement des envois fit demander à ce peintre son tableau de concours, et le plaça près d'autres productions qui ne valaient point celle du pied de Ducornet. Un anglais visitait la galerie au moment où l'un des gardiens énonçait comme un fait ajoutant au mérite du tableau les particularités relatives à sa confection. L'étranger prit pour une mystification les assurances réitérées à l'appui de cette incroyable assertion, sans y attacher d'autre importance; mais, lorsque sur l'insistance de son interlocuteur, il lui fut proposé de s'assurer par ses propres yeux de la réalité de ce qu'il jugeat impossible, l'insulaire britannique ne put retenir son indignation, et, ne voulant point passer pour avoir été le jouet d'un français sans que la punition eût immédiatement suivi l'offense il se mit en mesure de boxer avec avantage l'innocent cicérone : heureusement pour ce dernier les

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spectateurs de cette scène comique intervinrent à propos dans une discussion dont la suite pouvait devenir plus sérieuse. Ce ne fut pas sans peine que l'on parvint, sinon à convaincre l'incrédule, du moins à faire sortir de la salle l'antagoniste opiniâtre. Ducornet fournit un des plus frappans exemples de l'action cérébrale sur l'économie et les agens de la volonté. Chez lui, la seule conscience de ses facultés intellectuelles a dû déterminer cette impulsion si forte, malgré l'imperfection des instrumens destinés à la seconder. Certes, la carrière que Ducornet suit avec distinction ne lui a pas été indiquée par une facilité d'exécution native; rien dans son extérieur ne pouvait servir de guide à cet égard,

Dans la conversation, Ducornet assis, gesticule avec ses jambes comme un autre agit avec ses bras, tant la corrélation des mouvemens internes et externes est une vie positive de notre organisation.-La physionomie de Ducornet présente une mobilité remarquable. Son front, large et haut, atteste la capacité d'intelligence dont la nature l'a doué, pour tirer tout le parti possible d'une structure incomplète.

Un œil vif et spirituel, des traits agréables, dénotent un caractère enjoué, bienveillant et actif. Sa personne entière inspire un intérêt d'autant mieux senti que l'on a plus de tems pour apprécier les connaissances variées dont il sait embellir son existence. La nature n'a cependant pas réduit Ducornet

à lui-même; elle a commis au soin de cet être physique inachevé l'être le plus complémentaire, le plus enclin à s'adapter, si l'on peut s'exprimer de cette façon, à cet organisme particulier. Le père de Ducornet remplit auprès de son fils cette fonction bien respectable et bien digne d'éloges; c'est ce compagnon inséparable, attentif, qui transporte sur ses épaules le peintre, soigneux de ne pas fatiguer des pieds si bien utilisés à la culture des beaux-arts; c'est constamment lui qui s'adjoint à tous les actes que Ducornet ne peut accomplir avec ses seuls moyens: c'est lui qui monte Ducornet sur son échafaudage, l'en descend l'habille, en un mot, le complète. Maintenant, lecteur, si vous n'avez pas foi dans nos récits, ne nous traîtez pas, comme l'Anglais dont nous avons parlé plus haut qui voulait se conduire envers un autre historien du même personnage: allez plutôt visiter Ducornet, commandez-lui quelque travail à faire sous vos yeux, vous aurez de quoi vous louer de votre invitation, et d'abord vous deviendrez possesseurs d'une composition improvisée qui ne sera pas sans mérite réel; vous contribuerez en outre à réparer un tort de la fortune. Ducornet a perdu depuis 1852 la pension que lui faisait l'ancienne liste civile: l'artiste ingénieux n'a plus à consacrer au bien-être de ses parens que le produit de son crayon savant et de son habile pinceau.

(Echo du Nord.)

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L'ACADEMIE DE BRUXELLES. On a composé contre les académies et les académiciens force mordantes épigrammes ; ils ont été l'objet de mille bons mots, de nombreuses plaisanteries, ces bons mots n'étaient d'ordinaire que l'expression du dépit de beaux esprits qui n'avaient pu arriver à l'immortel fauteuil, plus souvent ils étaient dictés par l'ignorance; et en effet, beaucoup d'hommes se sont-ils donnés la peine, nous ne disons pas de lire, mais de parcourir les nombreux volumes qui contiennent les mémoires de l'Académie des inscriptions et belles lettres, ou ceux qui renferment les travaux de l'Académie des sciences? Il est permis d'en douter, car on eut parlé avec moins de dédain des savantes recherches d'hommes doctes qui jettaient des flots de lumière sur l'antiquité, ou étendaient le vaste champ des connaissances humaines.

L'académie de Bruxelles, fondée en 1772, par Marie-Thérèse, sous les auspices d'un ministre éclairé, n'a joui que d'une existence éphémère; elle fut emportée, comme tant d'autres institutions beaucoup plus anciennes et enracinées par le torrent révolutionnaire: à peine avait-elle eut le temps de révéler son existence au pays, et cependant le recueil de ses mémoires l'atteste, ses travaux n'avaient été ni sans importance, ni sans utilité, et comme toutes autres sociétés savantes, elle avait ajouté quelques anneaux à l'immense chaîne des connaissances humaines; mais qui parmi nous

s'en doute? qui de nous a jamais songé que notre honneur était in– téressé à ne pas ignorer jusqu'à quel point la Belgique à la fin du 17° siècle, a suivi le mouvement des esprits, jusqu'à quel point elle a contribué aux importantes découvertes qui honorent cette grande époque? qui, disons-nous ? M. Quetelet peut-être.

Nous avons conservé nos affections belges, notre caractère belge sous tous les régimes, même sous ceux qui devaient nous abâtardir, nous dénationaliser; mais, il faut l'avouer à notre honte, à notre grande honte, soit paresse, soit ignorance, nous avons jusqu'ici attaché peu d'importance aux travaux de nos jeunes écrivains. Nous applaudissons aux premières compositions d'un peintre, aux premiers essais d'un musicien, mais nous recevons avec une indifférence, un dédain décourageant les premières inspirations d'un jeune poète, les premières études d'un littérateur: dès leur entrée dans la carrière, on les tue moralement par d'amers sarcasmes, et on leur ôte jusqu'à la pensée de reprendre la plume.

Il semble, en vérité, aux yeux de quelques-uns, que la Belgique si richement dotée en grands peintres, en excellens musiciens, ait été traitée en marâtre par la nature sous le rapport de l'imagination, des facultés spirituelles; comme si la peinture et la poésie n'avaient besoin d'aucune inspiration, comme si ces deux arts n'étaient empreints d'aucune poésie.

La Belgique, comme l'a si heu

reusement rappelé M. de Stassart, dans le discours remarquable qu'il a prononcé à la séance d'ouverture de notre Académie, n'était-elle pas pour ainsi dire devenue sous les princes de la maison de Bourgogne le centre de la civilisation européenne? La cour de Philippe le Bon et de Charles le Téméraire était la meilleure école de courtoisie, d'élegance et de goût, la langue française s'y parlait avec plus de pureté qu'en France. Aussi les mémoires de Philippe de Comines et ceux d'Olivier de la Marche sont-ils à peu près les seuls livres de cette époque qui soient encore lus avec plaisir.

Pourquoi donc le Belge resteraitil étranger au mouvement intellectuel qui entraîne notre époque? On ne conteste point son aptitude aux travaux scientifiques, mais il parait peu propre à ceux de l'esprit, parce que, il faut l'avouer, c'est principalement vers les connaissances positives, les sciences exactes que jadis on dirigeait chez nous toutes les études, et notre ancienne académie s'occupait fort peu à faire naître le bon goût, l'amour des lettres, satisfaite qu'elle était de contribuer aux progrès des sciences physiques, des mathématiques, de l'économie politique, des études historiques et surtout de l'histoire du pays.

Il reste une grande tâche à remplir à notre nouvelle académie, c'est de favoriser en Belgique le développement des études littéraires. Cette tâche grave, importante, sera comprise par une assem

blée qui compte dans son sein des écrivains d'un mérite aussi distingué que les Reiffenberg, les Stassart, les Quetelet.

La langue française est celle d'une grande partie du pays, mais en général, nous l'écrivons avec peu de correction et de goût. L'ancienne académie ne se piquait pas d'une grande élégance de style, et dans la préface de ses mémoires elle demandait avec modestie qu'on s'attachât moins aux mots qu'aux idées qu'ils présentent, mais à notre époque ce ne serait plus là une excuse. La pureté du style ajoute une nouvelle clarté aux bonnes idées: énoncées incorrectement, elles rendent souvent inintelligibles les vérités les plus claires.

C'est à l'académie à apprendre à nos jeunes écrivains à écrire avec correction, à soigner leur style, mais surtout qu'ils ne se laissent pas,à leur entrée dans la carrière, dégoûter par quelques sarcasmes lancés par la malignité, souvent par la malveillance: qu'ils se relèvent d'une chute par de nouvelles études et de nouveaux travaux. Vaincus aujourd'hui en entrant dans la lice, ils peuvent y être vainqueurs demain. Corneille n'a point débuté par le Cid, Racine par Athalie, Molière par le Tartufe. Courage donc, vous excellerez quand vous ne vous découragerez point par les critiques dédaigneuses de cette foule de petits maîtres dont, comme l'a dit St-Foix, l'impertinence et l'audace, filles de l'ignorance et l'oisi

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