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est fort simple: c'est une tarte dont la pâte est fine et mince, et dont la farce, soulevée et brunie au four, est faite de fromage blanc, d'œufs et de fromage de Maroille qui vient en relever le goût; elle se mange chaude et après qu'elle a été bourrée de beurre frais en dessous de la croûte. Tel ce mets se fabriquait sous les vieux ducs de Bourgogne, tel il se compose encore pour lui il n'est point de révolutions, et quand toutes les choses de l'ancien régime ont subi des changemens, la goyère a demeuré intacte; le consulat, l'Empire, la Restauration même, à la quelle il pouvait bien appartenir d'y apporter quelque modification, n'ont rien pu y changer : la bonne tarte flamande est restée elle-mê

me.

M. Charles Dupin, le monomane statistique, pourrait faire des calculs profonds et des rapprochemens curieux sur le chiffre présumé des goyères fabriquées, mangées et digérées en Flandre, depuis Villon jusqu'à nos jours; il dirait si ce nombre, mis en cercle, pourrait former la ceinture de la France impériale, alors qu'elle commençait à Rome et finissait à Hambourg; si, mises à la file, ces pâtisseries flamandes formeraient un cordon assez long pour mesurer la route de Moscou; si, enfin, leur pile graisseuse entassée en hauteur, serait capable d'atteindre la cime du neigeux Mont-Blanc. Your nous, saus nous occuper à combattre l'utilité de pareils calculs, nous nous contenterons de dire que ce nombre a dû être ef

frayant, si l'on en juge par la consommation faite de nos jours, dans un seul établissement d'un faubourg de Valenciennes, tenu depuis trente ans, par la bonne faiseuse; établissement dont la maitresse, qualifiée par le vulgaire d'un homérique surnom, que le poète Barbier traduit par l'équivalent de Marie aux puissantes mamelles, a obtenu une renommée que les grands de la terre auraient pu envier. Qu'on sache donc que nos guerriers, après avoir fait leur premier apprentissage de l'art militaire derrière les murs de Valenciennes, et avoir pris connaissance à la fois du dur métier de la guerre et des douces pâtisseries de Marie, en ont emporté un si profond souvenir, que sous les murs croulans du Kremlin, au milieu des hautes pensées qui les devaient dominer, ils redisaient entr'eux et les plaisirs du faubourg et les délices de la goyère (1).

Les pieux et gastronomes flamands ont imaginé une fête qui résume tout-à-la-fois leurs goûts dévotieux et gourmands; elle se nomme la fête du Bon Dieu à Tartes; cette solennité, qui eut été drolatiquement choyée par le bon et joyeux curé de Meudon, s'il en eut eu vent, a lieu le Dimanche des Rameaux, c'est comme un tems de repos dans le carême, une pose au milieu des mortifications, et une prise d'haleine pour fournir avec succès la dernière et la plus rude semaine des jeûnes et des macérations. Ce jour est la mort aux

(1) Historique.

goyères heureux qui peut avoir son tour! Car dans le bon pays de Flandre, la piété est si fervente, si vivace, si pure, que nul n'oserait ne pas fêter dignement le bon Dieu de ce jour; chez nous, on se pique encore de ponctualité dans la célébration des saints protecteurs du pays, parceque nos pères ont su donner aux déités de la contrée d'attrayans attributs, et de gais pa tronages, qui ne périront point tant qu'on aimera en Flandre à banqueter, à prier et à boire.

A. D.

il frappait à grands coups de masse sur le casque de son adversaire. Celui-ci, sans s'émouvoir, parait les coups et les défendait fièrement. Enfin, en repoussant du tranchant de sa hâche une des attaques du sire de Lallaing, il l'atteignit au défaut du gantelet. On vit toutaussitôt le sang couler en abondance du bras du bon chevalier et sa main gauche lâcher la hache, car il n'avait plus la force de la soutenir.

Chacun pensa que le duc de Bourgogne, juge de la lice, allait arrêter le combat, mais il n'en fit rien et s'en fia à Dieu et à la che valerie de son cher Jacques de Lallaing..

LE BON CHEVALIER SIRE DE LALLAING. Après son tournoi de Gand, Jacques de Lallaing alla chercher des joutes en France, en Castille, en Arragon, en Portugal, en Ecosse, et eût partout de beaux faits d'armes. Ayant fait publier à son retour une nouvelle entreprise, un écuyer du pays de Galles vint lui demander à le combattre. La lice pour cette joute fut dressée à Bruges. Le sire de Lallaing avait pour écuyers le sire de Beaugie, Adolphe de Clèves, seigneur de Ravestein, le bâtard de Bourgogne et d'autres grands seigueurs qui, pour lui faire hon-d'œil il tomba de son long, sa vineur, portaient ses couleurs, la robe de satin gris et le pourpoint cra

moisi.

Le combat de la hâche commença; le sire de Lallaing portait la sienne par le milieu pour se servir, à son choix, ou du bout ferré ou de la masse qui était en bec de faucon. Tantôt il essayait d'entrer dans la visière avec la pointe, tantôt tenant sa hâche des deux mains

Ne pouvant plus soutenir ce combat inégal, Jacques poussa le bâton de sa hâche entre le bras et le corps de son adversaire; et se jetant sur lui, il souleva son bras blessé et le lui jeta sur l'épaule, tandis que de l'autre il le saisit par le bord de son casque; puis, il tira avec force. L'anglais fut pris à l'improviste; son armure était lourde, et le bon chevalier armé à la légère. Il fut ébranlé et entraîné en avant sans pouvoir se soutenir. En un clin

sière dans le sable, Jacques de Lallaing ne songea point à user de son avantage, ni à faire un mauvais parti à son adversaire; il ramassa la bâche et se présenta devant son juge. Les hérauts relevèrent l'anglais; il voulut dire qu'il n'était tombé que sur le coude, et s'était retenu. Le maréchal de la lice et les témoins attestèrent qu'il avait eu tout le corps à terre, et la victoire fut

econnue au bon chevalier. Il se montra si courtois et si généreux qu'au lieu d'enjoindre à son adversaire vaincu de s'en aller, selon les conditions du combat, rendre son gantelet à la personne que désignerait le vainqueur, il lui fit grâce de cet affront et lui donna même un beau diamant en gage de consolation et d'amitié.

Après son tournoi de Bruges, le sire de Lallaing continua à chercher les aventures; car il s'était promis d'avoir paru trente fois en champ-clos avant d'avoir atteint sa trentième année. L'une de ses remarquables entreprises est celle de Châlons où il combattit tout venant au nom de la Dame des Pleurs. Il se rendit ensuite en Italie.

A son retour le duc de Bourgogne le décora de l'ordre de la Toison-d'Or; à peu de tems de là il lui réserva l'honneur de briser la première lance en champ-clos contre son fils le comte de Charolais. Chacun dit que si grand honneur ne pouvait être attribué à meilleur

chevalier.

En 1452, au siége d'Audenarde, le comte d'Estampes s'étant fait ar

mer chevalier avec cinquante jeu

nes gentilshommes, Jacques de Lallaing leur dit : «Voici l'heure de gagner honorablement vos éperons dorés et de faire œuvre de chevaliers; j'y veux aller avec vous.»

Les Gantois, pour garder le chemin d'Audenarde à Courtray par ou arrivait le comte d'Etampes, avaient fait en avant de leur camp, un retranchement où ils avaient

placé une troupe nombreuse. Ce fut ce poste que voulut emporter Jacques de Lallaing avec huit jeunes chevaliers. Chacun d'eux prit seulement avec soi un valet armé ; ils couchèrent leurs lances, passèrent un fossé, et arrivèrent sur les Gantois qui se tenaient fermes et serrés, opposant leurs piques plus longues et plus solides que la lance des chevaliers. Quelle que fut leur résistance, Jacques de Lallaing et ses compagnons rompirent les rangs, entrèrent parmi eux, non sans avoir perdu quelqu'un des leurs. Mais ce fut alors qu'ils furent en grand péril. Les Gantois refermèrent leurs rangs, et les chevaliers environnés d'ennemis ne trouvèrent plus d'issue. Chacun d'eux pressé et assailli ne pouvait songer qu'à lui, sans donner ni recevoir aucun secours de ses compagnons. Jacques de Lallaing surtout fut assailli d'une telle manière, qu'encore qu'il se défendit comme un lion, il allait succomber sous les piques des Gantois, lorsqu'un valet le voyant en tel danger donna des éperons à son cheval, et, sans être couvert d'aucune armure, u ne

seule javeline à la main, il se précipita au milieu de la foule qui pressait le sire de Lallaing. Il fit tant que, de ses mains et du poitrail de son cheval, il écarta les piques et lui fit jour. Mais en lui portant ainsi secours, il reçut sur la tête un coup d'une massue à pointes de fer, et tomba de cheval. Le bon chevalier pour rien au monde n'eût voulu abandonner cecelui qui venait de le sauver. Il se lança de nouveau l'épée au poing,

dans le plus fort de la mêlée, avanturant sa vie, sans regarder à rien Heureusement quelques chevaliers qui venaient de se dégager, tout blessés qu'ils étaient, vinrent à son aide. Ils eussent tous péri si le comte d'Etampes n'eût fait avancer les archers de Picardie. Ils commencèrent à tirer serré sur les Gantois, qui, n'ayant que des hauberts ou cuirasses légères ne pouvaient se défendre contre les archers aussi bien que contre les hommes d'armes, qu'ils atteignaient de loin avec leurs longues piques. Ce premier poste défait, les Gantois se trouvèrent attaqués en avant et par le flanc. Il fallut encore le secours des archers pour mettre le désordre dans leurs rangs; la victoire fut bientôt assurée, les Gantois furent défaits et Audenarde délivrée.

Au combat de Lokeren, en 1452, Jacques de Lallaing eût cinq chevaux tués dans la même journée, et sur la fin de l'affaire ayant appris que son frère Philippe était de l'autre côté du canal resté au pouvoir des ennemis, il traversa de nouveau le canal et s'en alla le délivrer. Lorsque le duc de Bourgogne apprit tout ce qu'il devait en cette journée à Jacques de Lallaing il lui fit le plus grand accueil. Il con via ses chevaliers à manger avec lui et il fit asseoir près de lui le sire de Lallaing pour honorer, disait-il, le meilleur chevalier de la journée. Lorsque l'on demanda à celui-ci qui l'avait le mieux secondé, il répondit que c'était André De la Plume, le fou du comte de Charolais, qui ne l'avait pas quitté un instant.

Cet excellent et valeureux che

valier fut tué devant le château de Poucke en 1455, presque sous les yeux de Philippe-le-Bon; quoique blessé à la jambe quelques jours auparavant, il avait voulu assister aux travaux de siége. Comme il regardait les progrès de la brêche un boulet vint lui enlever le sommet de la tête, il tomba blessé à mort. « Ce fut un deuil universel dans >> toute l'armée, nul n'était au lant >> aimé que lui pour sa merveilleu» se vaillance, sa douceur, sa cour » toisie; il s'était plus illustré que » personnedaus cette guerre con>>>tre les Gantois. Tout jeune qu'il >> fût, car il n'avait que 34 ans, il » était le modèle de tous les jeunes >> chevaliers : Le duc ressentit la plus vive douleur de cette mort; » Il ne chérissait aucun de ses che>>valiers autant que celui-là, et ne >> lui connaissait point un pareil en >> bonté et en beauté. >>

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enterré dans l'église de Lallaing. Le corps du bon chevalier fut Avant la révolution on voyait dans l'épaisseur du mur de la chapelle Notre-Dame de cette église une tombe sur laquelle était placée la statue couchée d'un chevalier armé, ayant à ses pieds un canon court; on y lisait l'épitaphe sui

vante:

Chy gist le bon chevalier messire Jacques de Lallaing, aisné filz de hault et noble monsieur Guille, seigneur de Lallaing, quy trépassa au siege devant Poucques, le III jour du mois de juillet l'an mil CCCC et LIII, etc. Contre la muraille était placé un tableau sur lequel étaient peints des vers que nous donnerons

plus tard, de George Chastelain, historiographe des ducs de Bourgogne (1).

Après Jacques, le plus illustre des sires de Lallaing, fut Simon, son oncle, aussi habile dans les conseils que brave devant l'ennemi. Il se distingua particulièrement dans la guerre de Picardie de 1434, dans celle du duc de Clèves et de l'archevêque de Cologne en 1447, et en 1452 par sa belle défense de la ville d'Audenarde, dans laquelle il commandait. Renfermé dans cette place avec soixante lances et deux ceus archers seulement, il était attaqué par trente mille Gantois bien armés, pourvus d'une belle artillerie, de bagages, de vi

vres et de munitions en abondance. Et lui manquait de tout. Le feu fut mis aux riches faubourgs, et la flamme de cet incendie fut apperçue de plus de quatre lieues à la ronde. Les Gantois s'étonnaient d'une telle résistance, et se préparaient à donner l'assaut. Simon de Lallaing s'y préparait. Toutes les femmes de la ville, dames ou bourgeoises et la dame de Lallaing tou te la première, apportaient chaque jour des pierres sur le rempart, dans des hottes et des paniers. Les assiégeans avaient usé de tous les moyens pour amener la reddition de la place, enfin ils s'avisèrent d'une autre imagination. Le sire

(1) Georges Chatelain et Jean Dennetière ont tous deux écrit une vie de Jacques de

Lallaing. Ces ouvrages ne se trouvent point
à la bibliothèque publique de Douai, quoi-,
qu'ils se rattachent si directement à Phis-
toire du pays.

de Lallaing avait laissé à Lallaing deux jeunes enfans. Les Gantois cherchèrent deux enfans de même taille, et à-peu-près de même apparence, les amenèrent de vant le rempart, et crièrent de loin au capitaine et à sa femme, qui était là apportant des pierres sur la muraille, que dans une course vers la France ils venaient de saisir leurs enfans, et qu'ils allaient les mettre à mort si la ville n'était pas rendue. Ils comptaient sur la tendresse de la mère et la faiblesse du chevalier. Mais le sire de Lallaing fit amener des couleuvrines à cet endroit même, et ordonna qu'on tirât encore plus fort. Audenarde fut délivré quelques jours plus tard, comme nous l'avons dit plus haut, par l'entreprise hardie de Jacques de Lallaing.

En 1453 il empêcha la duchesse de de Bourgogne qu'il escortait, tomber dans un piége que lui avaient tendu les Gantois. La même année il fut envoyé comme ambassadeur auprès du roi de France.

En 1454 il accompagna le duc de Bourgogne en Allemagne où il se rendait pour conférer avec l'empereur et les princes à la diète de Ratisbonne, sur les projets de croisade.

Il fut en 1456 l'un des négociateurs envoyés par Philippe-le-Bon, auprès du roi de France, à la suite de la fuite du Dauphin.

Il assista comme représentant du duc en 1458 au jugement du duc d'Alençon.

Philippe de Lallaing, frère du

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