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de la place, vers le milieu des fortifications comprises entre les portes Beaudimont et Meaulens, une grosse tour ronde qui protégeait autrefois une des poternes de la ville c'est à son pied que se passa un de ces touchans et tristes épisodes qui ne sont que trop souvent la suite des combats.

Le jeune soldat dont nous venons de parler était depuis quelques jours atteint d'une fièvre qui ne lui avait pas encore permis de prendre part aux engagemens partiels par lesquels l'armée de Turenne prélude au fait d'armes qui ajouta à la gloire de son chef; car il n'y avait alors de gloire que pour le chef, Mais une attaque décisive des lignes espagnoles ayant été résolue pour la nuit du 24 au 25 août 1654, Albert, c'est le nom de notre héros, voulut, malgré son état de faiblesse, y gagner ses éperons c'était sa première campagne,

:

Il y aurait ici sujet à faire je ne sais combien de belles phrases sur l'amour de la patrie inné au cœur des jeunes français, etc., etc; mais en historien véridique, nous devons avouer que c'était l'amour, l'amour, dans le sens propre et restreint de ce mot, qui guidait Albert. Peu de jours avant son départ pour l'armée, il avait rencontré une jeune, jolie et naïve fille, naïve à ce qu'il lui avait semblé; quand vous connaitrez la jeune personne, vous jugerez du degré de naïveté dont elle était pourvue. Quoi qu'il en soit, les deux jeunes gens s'étaient vus,

aimés, et avaient scellé leur tendresse des gages les moins équivoques. Depuis son arrivée au camp, Albert avait reçu presque tous les jours des lettres de son amie, et dans la dernière elle lui annonçait que, ne pouvant vivre loin de lui et le sachant exposé à tous les hasards de la guerre, elle allait se rendre auprès d'une de ses tantes, supérieure d'un couvent aux environs d'Arras; elle devait arriver du 20 au 24, et Albert voulut se montrer à elle paré de la poudre des combats.

Rien ne plait tant aux yeux des belles Que le courage des guerriers. Pauvre Albert, il paiera cher sa coquetterie !

Les faits généraux de la nuit qui sauva Arras de l'entreprise tentée par les Espagnols sont assez connus; notre compatriote, M. Ch. Buissart, les a relatés avec autant de clarté que de concision, dans la notice qu'il a publiée sur donc pour ne nous occuper que cet objet; nous les abandonnons de ce qui est relatif à Albert.

Les lignes espagnoles étaient enfoncées, et Albert, après s'être distingué sous les yeux du maréchal de La Ferté, qui, oubliant un instant sa rudesse accoutumée, avait amicalement pressé la main du jeune guerrier, se transportait de toute la vitesse de son cheval au couvent où l'attendait sa maîtresse. Le corps dont il faisait partie avait vaillamment combattu pendant quatre heures consécutives, et on lui avait accordé le repos jusqu'au jour.

Plusieurs fois Albert avait couru les plus grands dangers en rencontrant des détachemens épars de trou pes espagnoles, il s'en était heureusement tiré, et il approchait du tecme de sa course, lorsqu'il aperçut dans le sentier qu'il suivait une voiture renversée et deux femmes qui se débattaient au milieu de quatre soldats espagnols qui, après les avoir dépouillées, se disposaient à consommer sur elles les plus odieux outrages.

Prompt comme l'éclair, Albert se précipite et deux des misérables ont mordu la poussière, les deux autres prennent la fuite; trop animé pour réfléchir, il s'élance imprudemment à leur poursuite. Les inégalités du terrain, la clarté encore incertaine du jour naissant, favorisent leur retraite et au moment où Albert, après les avoir perdus de vue, se disposait à revenir sur ses pas, plusieurs balles siffent à ses oreilles, une troupe nombreuse d'espagnols l'environne et le somme de se rendre.

Al

La résistance était inutile, bert se résigna et suivit son escorte. Après un quart-d'heure de marche, ils découvrirent les remparts d'Arras; à l'aspect des étendards français que la brise du matin faisait doucement onduler dans les airs, l'amour de la liberté fit bondir son cœur, il crut apercevoir que la poterne de la tour était ouverte, et plongeant ses éperons dans les flancs de son cheval, il se dégagea rapidement de ceux qui l'entouraient, il touchait déjà la porte de salut, lorsqu'un

coup de mousquet le traverse de part en part: il tombe au pied de la tour.

Les deux femmes qu'il avait soustraites aux outrages des bandits espagnols, étaient couvertes de longs voiles, dans la chaleur de l'action, il n'avait pas reconnu la voix de l'une d'elles qui l'appelait par son nom : c'était sa maîtresse: sa douleur, le sentiment de son danger avaient exalté ses forces; et elle arriva à tems pour recueillir le dernier regard et le dernier soupir de son amant.

Une femme éplorée, couverte de sang et de poussière, et tenant dans ses bras le cadavre glacé d'un soldat, tels furent les objets qui frappèrent les regards de quelques officiers qui observaient du haut, du rempart l'instant favorable pour seconder leurs vaillans défenseurs; ils descendirent pour sauver au moins l'amante infortunée des dangers qui la menaçaient entre deux armées aux prises, et reconnurent en elle... Marion Delorme.

C'était en effet cette beauté célèbre qui, séduite par la jeunesse et la grâce du pauvre Albert, avait momentanément quitté les brillans hommages dont elle était environnée à Paris, pour venir au fond de la province goûter quelques instans de ce bonheur doux et tranquille si peu apprécié de ceux qu'emporte le tourbillon du grand monde. Sur la nouvelle prématurée de la levée du siége, elle venait rejoindre son humble amant et fut ainsi la cause innocente de sa mort.

O vous! que les fêtes anniversaires du glorieux événement qui nous a soustraits à la domination espagnole, attirent dans nos murs, faites un pélerinage au pied de la tour de l'Est, donnez une larme à Albert, un souvenir et une prière à Marion (1); elle en a besoin de prières, la pauvre femme; ce fut une bien aimable, mais bien grande pécheresse.

C. de M.
(Courrier du Pas-de-Calais).

(1) Les personnes qui jouèrent un rôle dans le tems de la fronde, sont séparés de nous par deux siècles, et cependant quelques-unes d'entre elles sont arrivées

pour ainsi dire jusqu'à notre époque. Nous avons parmi les membres existans de nos familles, des hommes qui peuvent avoir vu

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M. LEFRANC. Pierre-Antoine Lefranc, bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Cambrai, membre du conseil municipal de cette ville, est décédé le 2 février 1834, à l'âge de 68 ans. C'est une perte qui sera vivement sentie par tous ceux qui ont été à même de le connaître et de l'apprécier.

M. Lefranc était né à Aubencheul-au-Bois. Il avait fait de bonnes études à l'Université de Douai. Plus tard, en vertu de la loi du 9 brumaire an 3, il fut envoyé aux écoles normales de Paris, par ́le district de Cambrai. Comme il avait un goût très prononcé pour les études sérieuses, il acquit des connaissances solides et variées

Marion Delorme, non pas moderne Aspasie, dans différentes parties. Mais il

recueillant au sein des salons dorés l'encens d'une jeunesse brillante, mais malheureuse vieille femme, infirme et paraly

s'adonna principalement à l'étude
de la médecine, des langues, de la

tique, recueillie dans un de ces asiles que philosophie et du droit.
la piété ouvre au malheur. Voici ce que
Denon, mort en 1826, rapporte sur cette
femme célèbre :

"Marion Delorme s'était retirée en Angleterre où elle fut aimée de St.-Evremont, du duc de Buckingham et de plusieurs au tres. Déjá avancée en âge, elle revint à Paris, fut arrêtée en route par une bande de voleurs dont le chef devint amoureux d'elle et l'épousa. Devenue veuve, elle chercha un asile à Paris auprès de son ancienne amie Ninon de Lenclos, mais celleei vint à mourir le jour même où Marion Delorme devait s'établir dans sa maison.

» Il restait alors pen de fortune à Marion Deforme: elle se retira dans une maison de la place Royale avec une servante qui un jour la vola et disparut, Seule et sans ressources, et déjà dans la plus grande vieillesse, Marion Delorme se fit porter á P'Hôtel-Dieu où elle vécut encore pendant

trente ans.

C'est là que M. Denon prétend l'avoir vue. Selon lui, elle conservait à peine une figure humaine. Elle semblait privée de tout sentiment, et ne répondait par aucun signe

Il vint se fixer à Cambrai quelque tems avant le 18 brumaire et commença par s'y liver à l'enseignement dans un pensionnat particulier.

En 1802, il fut l'un des citoy

aux questions qui lui étaient faites sur son état présent ou sur les événemens récens, mais on apercevait encore sur son visage des signes d'émotion lorqu'en s'approchant d'elle et en elevant la voix, on prononçait les noms de Cinq-Mars et du cardinal de Richelieu.

Nous ne garantissons pas l'identité de la personne, mais il est certain que les regis tres de la paroisse de St.-Paul, de Paris, contiennent, sous la date de l'année 1741, P'extrait mortuaire d'une femme nomme Marie et âgée de 130 ans.

ens estimables aux soins desquels on dut le rétablissement du collége de Cambrai. Il en fut aussi l'un des premiers professeurs et il y occupa successivement différentes chaires, notamment celles de rhétoriques et de poésie. Vers la même époque, il suivit le barreau, comme défenseur officieux, et obtint une dispense de diplôme. En 1806, M. Farez, son ami, qui était alors procureur-impé rial à Cambrai, ayant été appelé pour la première fois au corps législatif par les suffrages de ses concitoyens et le choix du sénat, M. Lefranc fut nommé procureur-impérial par intérim pour les cinq années que devait durer la législature de M. Farez. En 1810, il commença à remplir les fonctions de magistrat de sûreté qui venaient d'être réunies à celles du procureur-impérial.

naux,

A la réorganisation des tribuen 1811, M. Lefranc fut nommé substitut au tribunal de Cambrai et il exerça en cette qualité jusqu'à la seconde restauration.

A cette époque et en septembre 1815, M. Farez ayant été brutalement destitué et remplacé par M. Bouly, M. Lefranc déclara noblement qu'il aimait mieux renoncer à ses fonctions que de les remplir sous un chef autre que M. Farez. Il donna sa démission et resta sans emploi pendant les quinze années de restauration, malgré les instances qui lui furent faites à diverses époques pour le décider à rentrer dans la magis

trature.

Rendu à la vie privée, M. Le-. franc s'était marié et avait repris. la profession d'avocat. Il devint père de quatre enfans à l'éducation desquels il consacra sou temps et ses soins.

Après la révolution de juillet, il fut nommé membre du conseil municipal. Aux élections qui eurent lieu ensuite, les suffrages deses concitoyens vinrent confirmer le choix qu'avait fait d'abord l'autorité. Il fut aussi nommé juge-sup-.. pléant au tribunal de Cambrai ; mais il ne crut pas devoir accepter cette haute fonction, bien que depuis longues années il en eut rempli tous les devoirs, comme avocat assumé, avec un zèle et un empressement bien digues d'éloges.

Dans les fonctions délicates du ministère public qu'il occupa peu dant plus de dix années, M. Lefranc n'a cessé de faire preuve de capacité et d'intégrité. Il fut toujours l'homme de la loi et ne con· nut que son devoir,

Dans toute sa carrière, il a conservé ces mœurs simples et patriarchales qui semblent donner du relief au mérite Il était plein de bonté, de franchise et de droiture. Modeste, mais ferme et indépendant par caractère, il sut toujours rester fidèle à ses principes qui étaient ceux de l'honnête homme et du bon citoyen. Pour qui se rappelle l'état des eprits en 1815, son dévouement à l'amitié est un trait hien honorable de sa vie.

Les avocats de Cambrai étaient fiers de le voir à leur tête comme

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O bon roi maurienne,
Dont l'eau grégorienne
Chasse le mal esprit,
Attiédis donc l'amour
Qui la nuit et le jour
En tous lieux me poursuit !
Canchon d'Anchin,

Pecquencourt appartenait à l'abbaye d'Anchin, autrefois située dans un ilot de la Scarpe ; cependant les moines de cette maison n'ont jamais pu produire le titre de sa donation. Il est certain qu'ils la tenaient de la libéralité de Wautier, l'un des fondateurs de cette abbaye puisqu'il était seigneur de Pecquencourt, au tems de la fondation et que les historiens conviennent qu'il donna tous ses biens à cette maison (2). Bauduin V, comte de Haynaut, reconnait par un diplôme de l'an

(1) Pecquencourt, ferme de la Pécherie, du celtique Peck poisson, pêcher et curt, ferme, maison, château, qu'on a rendu en latin par piscatorum et piscatoria curtis.

(2) Quelques-uns de ses parens suivirent son exemple, entr'autres Ode d'Auberchi court qui donna à la même abbaye vers l'an 1153 tout ce qu'elle possédait à Vred et à Pecquencourt.

1178, que l'abbaye possède librement ce village, qu'il n'y a aucun droit non plus que sur ses habitans. Il veut que ceux qui habitent les terres de l'abbaye soient absolument libres et les dispense en toute occasion, soit qu'il voyage, soit qu'il aille en campagne de lui fournir et à ses successeurs aucups chariots et chevaux. Le même prince en 1181 se rendit à Pecquencourt avec un grand nombre de seigneurs, où les religieux d'Anchin vinrent le chercher pour placer la première pierre de l'église qu'ils faisaient bâtir.

Pecquencourt avait été en 1096 le lieu de réunion du célèbre tournois d'Anchin, où se trouvèrent trois cens chevaliers, écuyers ou servans, dits depuis bacheliers, qui promirent de se croiser. Les habitans de ce village marchèrent en 1566, sous le commandement de Ferri de Guyon, leur bailli et défirent, aidés des habitans des villages voisins les hérétiques qui avaient pillé Marchiennes.

Il existait autrefois sur la place de Pecquencourt une chapelle isolée dans laquelle on faisait chaque année, le jour des Rois une eau dite grégorienne, à laquelle la superstition du tems attribuait une grande vertu. Un peuple nombreux y accourait de tous les environs avec des pots et des bouteilles pour venir prendre de cette eau. On assurait qu'elle avait la puissance de guérir les possédés et d'écarter les maléfices. Laissons parler sur ees faits un témoin oculaire.«Etant dans le voisinage de Pecquencourt

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