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diction nuptiale, sa fille, parée de son voile de batiste, orné de dentelles de Lille ou de Valenciennes; voile dont elle racon tait avec orgueil la généalogie. La grand' mère de son mari l'avait reçu en cadeau de son jeune époux Cambrésien, quand celui-ci avait été la demander en mariage à ses parens de Tournay. Il y avait de cela plus de cent cinquante ans et elle léguait l'heureux tissu à sa fille, aussi brillant que le jour où il avait caché, pour la première fois, les joues roses de la jeune épou

sée.

Quand ils avaient vu cette écharpe, tous les jeunes chevaliers allaient humblement, par tendre prière, requérir semblable don de la dame de leurs pensées.

Quand les jeunes filles avaient vu ce beau voile, elles soupiraient après le jour où il serait permis à quelqu'un de leur en offrir un semblable.

Ce dont riaient sous cape tous ceux qui, dans le Cambrésis, s'occupaient du commerce de la batiste, à savoir les manans qui cultivent le lin, et leurs femmes qui le font rouir, les liniers qui le battent et le peignent, les fileuses, les tisserands, les apprêteurs, les blanchisseurs, et enfin les marchands qui le détaillent aux bourgeois de la ville, ou qui l'envoient aux étrangers. Car, avant que cette chétive petite plante des champs devienne une élégante toilette, il faut qu'elle passe entre bien des

mains laborieuses et adroites. En revanche, l'industrie cambrésienne attirait dans le pays contentement et abondance, ces deux suivans du labeur, d'après la parole d'un bon vieux moine du pays.

Cambrai était alors le siége d'un clergé riche et puissant ; le culte catholique y déployait toute sa magnificence. Aussi toutes les plus fines toilettes du pays couvraient les autels de toutes nos églises, le beau tissu ornait toutes les statues de Notre-Dame-de-grâce, dont la dévotion de nos pères avait prodigieusement multiplié le nombre; et, depuis Monseigneur l'archevêque, duc de Cambrai, jusqu'au dernier sacristain de la moindre église paroissiale, tous les prêtres avaient, suivant leur dignité ou leurs bénéfices, vingt, dix, six, ou tout au moins deux beaux sur

plis en batiste. C'était encore la batiste qui servait aux cornettes des religieuses, dont les couvens n'étaient pas rares à Cambrai et dans les environs.

Lorsque les Espagnols vinrent établir leur domination à Cambrai, ce fut la batiste raffermie par l'empois, qui environna de ses raides tuyaux la tête des graves personnages, qui ressemblait ainsi, dit un vieux historien, au chef de Monsieur Saint Jean dans son plat.

Bientôt le luxe vint modifier les costumes et changer leur naïve simplicité en une variété infinie de formes bizarres ou pittoresques, mais jusqu'à la révolution exclu

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sivement, la batiste, l'antique batiste suivit tous les caprices de la mode, toujours rajeunie, toujours recherchée. Le luxe étendit son domaine loin de le rétrécir. La batiste, qui jusqu'alors avait été réservée à couvrir de ses précieux tissus les formes délicates des femou le corps efféminé des grands personnages, la batiste devint la tunique ordinaire du bourgeois enrichi; il ne fut pas rare de voir des draps de lit en batiste, et elle tomba jusqu'à l'ignoble mouchoir de poche. Cependant, on la retrouvait encore plissé en orgueilleux jabots, drapée en légères manchettes ; les mères de familles se fesaient encore gloire de donner à leurs filles, en mariage plusieurs douzaines de chemises du tissus national, et fesaient sonner haut cette parole à l'oreille du fiancé: « Votre fiancée a de beau linge!» D'ailleurs, le commerce de cette bienheureuse industrie cambrésienne avait pris une telle extension, elle avait des débouchés si faciles, que le pays y trouvait toujours son compte. Ah! croyez-le bien, ce qui fesait tant de plaisir à Monseigneur François Salignac de Fénelon, de vénérable et sainte mémoire, sur la face de ces bons campagnards du Cambrésis, c'était cette douce aisance que leur procurait la culture du lin, ou la préparation des fils destinés à la batiste.

Mais hélas! hélas ! si le bon archevêque de Cambrai revenait aujourd'hui recommencer ses rêveuses promenades le long des rives

de l'Escaut ou de la Sambre, que dirait-il, à voir ces faces amaigries et exténuées par un travail pénible et presque sans salaire ! Il s'enquerrait sans doute; le digne prélat, avec cette voix d'ange qui fesait courir à lui les petits enfans, il s'enquerrait des causes d'une si grande pâleur et d'une si piteuse santé. Monseigneur! (je ne sais si l'on dirait encore Monseigneur, même à Fénelon). ↑ Monseigneur, la batiste ne va plus, il nous fiut travailler vingt-quatre heures dans des caves humides et malsaines pour gagner huit ou dix sous tout au plus, et dix sous d'à présent, Monseigneur, c'est moins que cinq sous d'autrefois. » Et Fénelon de demander avec effroi, si la guerre ou la famine ravage encore le pays comme il advint après la bataille de Malplaquet? « Non, Monseigneur, nos greniers regorgent de blé, et nous sommes en paix avec les étrangers, grâces à Dieu, le mal n'est pas là. Mais, voyez-vous, Monseigneur, presque tout le monde est devenu pauvre et veut paraître riche; il faut briller à bon marché, et pour que l'on puisse donner la batiste à bon marché, il faut que le pauvre ouvrier ne soit pas payé cher; voilà pourquoi, Monseigneur, nous sommes pâles et faibles; nous travaillons longtems pour manger la moitié de notre faim! Si le digne prélat rentrait en ville, et qu'il interrogeât tour-à-tour les mulquiniers, les apprêteurs et les marchands de batiste, on lui répondrait par le même cri de détresse : « la batiste ne va plus! il faudrait

toit bâtie que de terre et de bois et recouverte en chaume; mais Sainte Rictrude, la fondatrice de l'abbaye de Marchienne, estoit sa patrone. Comme toutes les moissons estoient plus en sûreté aux alentours de l'église qu'ailleurs, on les y avoit rangées en pile et tas, de sorte qu'elle en estoit serrées de tous côtés. Le feu s'en vint à prendre à tous ces gerbes et moissons, qui s'alluma avec une fureur de ravage, comme on n'avoit vu de mémoire d'homme ; mais les flammes passoient sur l'église, tournoyoient sur le clocher sans qu'onc y print le feu. Pendant que l'on n'apercevoit plus que les flammes, advint que Sainte Rictrude fut vue tout au travers, avec un visage rayonnant de gloire et de béatitude. Par ainsi l'église fut préservée par sa sainte intervention, dont grand los lui est dult. »

la donner pour rien, les tissus de coton nous ont tués; nous sommes obligés, pour soutenir la concurrence, d'affaiblir la qualité, soit à la fabrication, soit au blanchiment, et le peu de personnes qui restaient attachées à la batiste pour sa solidité, trompées dans leur attente, l'abandonnent peu à-peu ; les riches eux-mêmes n'usent plus que les tissus de coton; et pour écouler le peu de batiste qui se fabrique encore dans le pays, il faut faire de lointains voyages, et aller porter aux étrangers les produits de notre industrie, jusqu'à ce que ces étrangers aient appris à nous imiter. Et cependant, l'existence de plus de 100,000 mille individus était attachée au commerce de la batiste! Si du moins le gouvernement, prenant à cœur les intérêts de ses administrés, cherchait, par des encouragemens, à ranimer cette branche d'industrie, s'il consacrait à Ainsi parle un moine de Mardes primes d'exportation, quel- chiennes, de l'incendie qui eut qu'un de ces millions du budget? lieu à Waziers, en 1049. Les moiMais il a bien d'autres soins, le nes de cette abbaye, avaient la gouvernement. Hélas! hélas ! la dîme de cette église; ils voulaient batiste est perdue! » — N'est-ce la mettre en réputation, et ils y pas que notre Fénelon aurait le cœur parvinrent au moyen de ce prébien gros, s'il pouvait entendre tendu miracle. Une église coude semblables plaintes? verte de paille, bâtie en bois, qui ne se consume pas, entourée de flammes, était un fait merveilleux; et, les moines de Marchiennes, rusés mâtois, comme nous les montre leur histoire, n'eurent pas de peine à en faire alors un miracle. C'était le bon tems, pour conduire les peuples! les gouvernans doivent bien le regretter, car après tout, ne valait-il pas autant pour

H. C. (Emancipateur).

WAZIERS. 5. — « Or, oyez comme quoi un grand miracle advint en cetui villaige de Waziers, en l'an de grâce de Nostres Seigneur, mil quarante-neuf. L'église que les nostres avoient faict édifier à Waziers, dont aviesmes la dîme, n'é

eux régner sur des brutes que sur des hommes?

La dîme de ce village, passa dans le quatorzième siècle, de l'abbaye de Marchiennes au chapitre de Saint-Pierre à Douai. Depuis l'établissement de la féodalité, les habitans de Waziers étaient restés hôtes, c'est-à-dire serfs de leurs seigneurs; dans ce même siècle, Nicolas Chevalier, seigneur de Waziers, leur donna une loi et un échevinage.

Au voisinage de Waziers, était un fief nommé la Rosière, appartenant à Michel de Waziers, auquel Marguerite, comtesse de Flandres et de Hainaut, avait accordé par des lettres, de l'an 1268, le sang, le wan et le lairon (1), retenant à elle la haute justice.

Michel habitait un petit castel, élevé sur son fief de la Rosière; pour toute famille, il avait une fille de dix-huit ans, nommée Jolende, fort belle, fort agréable, fort recherchée par la noblesse du pays. C'était à l'époque, où l'empereur Henri V vint, sur la demande du comte Bauduin, assiéger dans Douai Robert de Jérusalem, comte de Flandres, pour le contraindre à remettre cette place à Bauduin, qui, par faiblesse, l'avait livrée à sou cousin. Les troupes de l'empereur étaient logées dans les environs de Douai;

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elles occupaient Waziers. Un chevalier de la Souabe, jeune et vaillant, avait, avec les lances qui l'accompagnaient, reçu l'hospitalité dans le château de Michel de Waziers. Il s'éprit éperduement d'amour pour Jolende, et chercha par ses gestes, ses regards et ses attentions, à lui faire connaître son amour, ne pouvant le lui faire comprendre dans son tudesque langage. Jolende n'avait pas été insensible à la passion du beau chevalier; mais, Michel de Waziers, qui s'en était apperçu, en était fort courroucé. Ne pouvant mettre le jeune allemand hors de chez lui, il avait pris le parti de surveiller avec attention les deux amans, et il cherchait tous les moyens d'empêcher qu'ils ne se trouvassent ensemble: leur passion s'en était accrue. Cependant, Robert de Jérusalem avait su gagner l'amitié des Douaisiens; ils défendirent la place vaillamment, et soutinrent trois assauts successifs, après lesquels l'empereur se vit contraint de lever le siège, et de reprendre avec son armée, la route de ses états. Le jeune allemand dût quitter le castel de Michel de Waziers; mais avant de partir, il avait été assez heureux pour faire comprendre à Jolende, que bientôt il reviendrait : qu'il tenterait de l'enlever, et que s'il réussissait, il l'emmènerait en Souabe, où il l'épouserait.

Au moyen de l'or qu'il avait largement distribué, le chevalier se présenta huit jours plus tard, à minuit, à la poterne de la Ro

sière: elle lui fut ouverte. Il pénétra sans crainte dans le castel; mais, son secret avait été trahi. Comme il cherchait à gagner l'aîle du bâtiment qu'occupait Jolende avec ses femmes, il fut saisi, garroté et entraîné dans la salle, où Michel rendait justice. Là, le bailli du justicier l'accusa d'avoir pénétré, comme lairon et malfaiteur, dans le castel de la Rosière, à mauvais dessein. Michel, avide de vengeance, le condamna de ce fait à la pendaison; et le lendemain, comme Jolende, inquiète de ne plus entendre parler de lui, allait à Douai, pour s'enquérir de la direction qu'avaient prises les troupes de l'empereur, elle apercut son corps pendant au Gibet (2). Cet horrible spectacle la frappa à ce point, qu'elle en perdit la raison, et qu'elle ne la recouvra jamais.

La terre de Waziers appartint à la maison de Wavrin dans la suite, et passa après à celle de la

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d'un siècle : cela n'a pas empèché que dans la suite on ne les ait souvent confondus. Quelques auteurs parlent d'un voyage Rome, par notre Philippe Gaulthier, qui, de retour en Flandre, fut fait chanoine, et ensuite prévôt de la cathédrale de Tournai. On croit qu'il mourut en cette ville en 1201. Ce qui a transmis son nom à la postérité, est un poëme héroïque latin en dix livres, en vers hexamètres, intitulé Alexandreis, sive Gesta Alexandri magni, qui parut vers 1180. Cette Alexandreïde eut tant de vogue que dans le siècle suivant, lorsque Henri de Gand écrivait son traité des hommes illustres, on la substituait aux poèmes des anciens dans les écoles de la Belgique. On voit en effet, dans plusieurs manuscrits de cet ouvrage, des indices qui confirment cette remarque de Henri de Gand. Il n'en faudrait pas conelure que l'Alexandréide eut quelque droit d'entrer en parallèle avec l'Enéide. Gaultier n'a rien de comparable à Virgile. On pourrait, sous quelques rapports, l'assimiler à Lucain. Il marche comme lui sur les pas de l'histoire, et Quinte-Curce est son fidèle guide. On trouve chez l'un et chez l'autre poète, de grands sentimens, des peintures énergiques et de l'enflure. Gaultier n'est point dépourvu d'imagination ni de verve. Il a quelquefois de beaux détails, des expressions heureuses, et même des vers qui sont devenus proverbes, tels que ceux-ci par exemple :

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