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fort scrupuleux sur cet article. Un trop grand nombre de gentilshommes ne connaissaient d'autres règles que leurs caprices, et ne savaient mettre aucun frein à leurs passions désordonnées. L’ėtat de guerre presque continuel auquel était péniblement assujettie la malheureuse population de cette époque était surtout cause des désordres qui régnaient dans la société. L'homme d'armes, dont on avait vanté les combats, croyait souvent tout permis dans nos cités dont il avait affei mi les murs, dans nos campagnes dont il avait préservé les moissons, sa vaillance semblait lui tenir lieu de toule autre vertu ; c'était ainsi que pensait du moins messire Louis de la Viefville, chevalier, seigneur de Sains en Artois, promu par ses exploits au titre de capitaine de Gravelines, au milieu du 15° siècle.

se

Il n'avait pas tardé à obtenir la main de la plus riche héritière du canton, car les jolies filles, les veuves opulentes étaient toutes alors pour les favoris du bon duc de Bourgogne. Au reste, le capitaine de Gravelines était le type d'un beau chevalier; malheureusement « très-luxuriait estait» et il ne fut que peu d'années fidèle à sa vertueuse épouse. Ses excès déplorables finirent même par lui faire décerner le sobriquet honteux: grand amiral des écumeurs de filles. Un jour, qu'à la fin d'une orgie, il s'était aventuré dans la campagne, suivi de quelques-uns de ses infâmes courtisans, tout-à-coup

il apperçût assise dans une prairie émaillée, à l'ombre d'un léger taillis, et livrée à une lecture attentive, la jeune Angèle, la plus belle femme du pays, la nièce de l'abbesse de Bourbourg, de la sage héritière de Clémence, dont le monastère n'était pas encore alors transféré dans l'enceinte intérieure de cette jolie petite ville; à cette rencontre inattendue, le sire de la Viesville jeta un cri semblable à celui de l'épervier qui se précipite sur sa proie; « Pauvre Eurydice, frappée à son premier pas dans ce monde par le dard mortel du serpent caché sous des fleurs. » Angèle opposa à son ravisseur une résistance inutile, le farouche guerrier l'entraîna malgré ses horribles clameurs ; il ne fut retenu ni par l'attachement et la naissance de sa femme, ni par la vue de ses enfans, ni par les plaintes touchantes de sa victime; Angèle fut forcée de partager sa table et son lit, et les plus affreuses menaces imposèrent silence à celle qui lui avait procuré une fortune immense et dont il aurait dû respecter le sublime caractère. Le sire de la Viefville, dans son fastueux orgueil commit publiquement l'adultère, et parut mépriser la réprobation générale. « La très-noble dame souffrait ce patiemment.» Cependant Philippele-Bon avait cessé de régner; son successeur était « cette grande figure de Charles, aujourd'hui encore si peu connue » terrible justicier, amateur de la chasteté et punissant la débauche avec sévérité. L'inconduite du capitaine de

Gravelines ne pouvait manquer de lui être tôt ou tard dénoneée; il eût ordre de comparaître à son audience, accompagné d'Angèle; mais sa généreuse épouse qui ne redoutait pas à tort la justice du prince et qui n'avait cessé d'aimer le coupable, quoique la vie ne fut plus pour elle qu'un supplice, craignant les révélations fatables de l'infortunée qui lui avait été si injustement préférée, s'a'baissa jusqu'à embrasser ses genoux à diverses reprises, et en versant des torrens de larmes, la suppliant d'être discrète, de taire les violences de son mari et d'avoir pitié au moins de ses enfans. Angèle, ainsi humblement et trésinstamment sollicitée et recevant d'ailleurs un présent de mille florins d'or, garda devant le duc un silence salutaire. Le chevalier était parent au surplus du seigneur de Croy. C'était un privilége. Il parvint à se faire excuser, mais il perdit le commandement de la place de Gravelines. Toute fois, la disgrâce ne corrigea pas le sire de la Viefville; il ne témoigna même qu'une noire ingratitude à la compagne qui lui avait épargné un supplice mérité ; le déplaisir qu'elle en ressentit abrégea bientôt ses jours; le chevalier lui jura faussement à ses derniers momeus de revenir à de plus dignes sentimens ; « Il estait grand parleur et ne tenait chose qu'il promettait. » Mais sa punition approchait. Une intrigue nouvelle l'avait déterminé à faire le voyage de St.-Omer; il s'était arrêté un

instant devant la Croix Pèlerine (1) et ce monument d'honneur et de chevalerie, en lui retraçant les faits glorieux de sa jeunesse car il avait jouté aux côtés du brave sire de Hautbourdin, avait aussi réveillé dans son âme émue le souvenir trop longtems négligé de la belle vie et de la belle fin de son excellente épouse. Arrivé sur le marché de St.-Omer, il entendit les clameurs d'une foule considé rable qui se portait vers l'hôtelde-ville. Il s'enquit du motif de ce tumulte, et on lui répondit que le magistrat venait de recevoir la copie de la sentence exécutée par les ordres du duc Charles sur Claude Rhynsault, cruel suborneur de l'imprudente Zachire. Cet incident imprévu le fit rentrer en lui-même; il n'ignorait pas qu'il avait commis naguère un crime presque semblable; son sang s'échauffa, sa tête se perdit; il chancela, tomba de cheval et mourut soudainement; il n'avait pas quarante ans. H. P.

CAMBRÉSIS, Camaracensis ou Cameracensis pagus, Cameracensium. Ces dénominations ne paraissent dans les actes publics qu'à dater du vire siècle. La Notice des Gaules, rédigée vers l'an 595,

mentionne la cité des Cambrėsiens

(Camaracencium civitas) parmi les 12 cités de la seconde Belgique, dont la métropole était Reims. Le Cambrésis est borné au nord par

Voyez plus haut Hommes et Choses, pages 75 et suiv.

la Flandre et par le Hainaut, qui forme aussi sa limite orientale; à l'ouest par l'Artois, au sud par la Picardie; son étendue en longueur, depuis Arleux jusqu'à Câtillon sur-Sambre, n'est guère que de 30 kil. (six lieues); sa largeur, prise de l'est à l'ouest, est de 10 à 11 lieues. Après la conquête du pays par Louis XIV, en 1677, il fut fait un arpentage général du Cambrésis, duquel il résultat que cette petite province offrait en superficie 128,498 mencaudées de terre (la mencaudée vaut 35 ares 46 centiares), réparties de la manière suivante: terres labourées ou labourables, 113,390; prairies, 1, 899; bois, 4,980; étangs, viviers, 260 ; jardinages et manoirs, 7,969. L'arrondissement actuel de la souspréfecture de Cambrai, qui est formé de la province du Cambrésis, moins 4 communes, et d'environ 20 communes de la Picardie, de l'Artois, et du Hainaut, présente une superficie de 89,086 hectares. La province est baignée par l'Escaut et la Selle; elle est bordée par la Sambre, l'Escaillon et la Sensée. L'Escaut et la Sensée sont maintenant navigables. On y rencontre en outre plusieurs torrens considérables, ce qui ne se voit guère dans les autres parties de nos Pays-Bas. Il n'y a point de montagnes, car on ne peut appeler de ce nom les côteaux de Marcoing, de la Terrière, du bois de Bourlon et du Camp-de-César. Néanmoins, c'est au sud du Cambrésis que se trouve le point le plus élevé de la contrée, les hauteurs de Bonavis, situées à 145

mètres au-dessus du niveau de la mer. Les forêts un peu remarquables, déjà entamées au reste par le défrichement, sont: le bois l'Evêque, de 900 hect., celui de Walincourt, de 868 hect., et celui de Vaucelles, de 817 hect. On y voit encore les bois d'Hurtebise, de Prémont, de Busigni, de Fémi et de Clermont, mais mutilés, rapetissés par les défricheurs. Le sol, composé, dans les proportions variées de silice, de calcaire et d'alumine, est assez fertile, mais il l'est bien moins que la plupart des cantons qui l'entourent. Les grandes prairies naturelles ne se voient guère que vers le sud, le long de la Sambre. Le Cambrésis ne compte actuellement que deux villes, Cambrai et le Câteau-Cambrésis (Castellum Cameracesi), bâti en 1001 par l'évêque Herluin, sur l'emplacement des villages de Péronne et Vendelgies, pour arrêter toutes les courses et les ravages que faisaient dans le pays les seigneurs de la Thiérache et du Vermandois. Un diplome impérial de la même année accorde à cette ville nouvelle diverses prérogatives, entre autres les droits de marché, de péage et de monnayage. Une abbaye de bénédictins y fut fondée en 1020, sous le nom de St-André. Cette ville, cédée au comte de Flandre en 1108, rendue 10 ans plus tard à l'évêque de Cambrai, pillée et brûlée en 1133 par Gérard de StAubert, reconstruite et agrandie vers 1250; assiégée et prise en 1449 par les comtes de Dunois, de Clermont et de Nevers, in

cendiée presque totalement en 1472, prise par les garnisons de Guise et de St.-Quentin en 1481, par les huguenots en 1491, brûlée par les Français en 1554, séjour d'un congrès qui amena, en 1559, la paix entre le roi de France Henri II et Philippe II, roi d'Espagne, fut prise pour la dernière fois en 1793 par les autrichiens. Ce fut par le Câteau que Louis XVIII fit sa rentrée en France, le 25 juin 1815, jour où il publia sa première proclamation, contre-signée par le duc de Feltre. Après le Câteau, le lieu le plus remarquable du Cambrésis est Solesmes, bourg sur la Selle, mentionné comme un fief important dans des chartes du VII° siècle. En 1437, les écorcheurs vinrent camper à Solesmes et y firent beaucoup de mal. En 1793, les Autrichiens, sous le commandement du prince de Saxe-Cobourg, y campèrent pendant 11 mois. Ce bourg a aujourd'hui une population de 5.000 habitans et fait un commerce considérable. Le Cambrésis était jadis entouré de forteresses qui le défendaient contre les incursions auxquelles ce pays était sans cesse exposé. Au nord, on remarquait Arleux, où fut détenu, en 1557, Charles-le-Mauvais, roi de Navarre, et qui fut démantelée en 1711; au sud, Crèvecœur, où est la ferme de Vinchi, près de laquelle en 717, Chilpéric fut défait et vaincu par Charles-Martel et Rainfroi; Honnecourt, où le maréchal de Guise, en 1642, éprouva, de la part des Espagnols, un échec considérable; Thun-l'Evêque-sur-l'Escaut, où il parait

que les Normands furent défaits en 879 par Louis de Germanie; Haussi, dont le château fort, brûlé en 1185 par Philippe d'Alsace, fut vainement attaqué en 1254 par les troupes réunies de Marguerite, comtesse de Flandre, et de Charles frère de Saint-Louis; Estrun, qui offre, entre l'Escaut et la Sensée, un camp romain retranché, connu sous le nom de Camp-de-César, où s'établit, en 1793, l'armée française, que commandait le général Custine; Escaudœuvres, où le comte de Hainaut, qui tenait le parti des Anglais, avait mis, en 1339, une forte garnison, que le duc de Normandie prit après six jours de siége. Le Cambrésis n'a pas toujours été restreint dans les limites que nous lui avons assignés plus haut; il est même probable qu'au IVe siècle la Civitas Camaracensium comprenait aussi dans son ressort le pays d'Alost, le Hainaut et le Brabant, jusqu'à la Dyle, c'est-à-dire l'ancien diocèse de Cambrai, tel qu'il existait avant l'érection des nouveaux évèchés dans les Pays-Bas. Plus tard, quand les diocéses furent divisés en archidiaconés, le nom pagus cameracensis fut appliqué à l'archidiaconé du Cambrésis, qui renfermait les trois décanats ou districts de Cambrai, du Câteau et de Beaumetz. Tant que le Cambrésis fut entre les mains des comtes laïcs, il éprouva peu de pertes dans son territoire; mais depuis l'époque (1007) où l'empereur Henri II unit le comté de Cambrésis à l'église de Cambrai, la faiblesse du pouvoir sacerdotal fut

souvent contrainte de céder quelque chose à l'exigence des puissans seigneurs qui l'environnaient. L'Artois lui enleva plus de 48 villages; la Flandre lui en prit 2; le Vermandois avec la Picardie 18; le Hainaut 7 ou 8. Il y avait en dernier lieu dans le Cambrésis 12 terres seigneuriales, qui étaient décorées du titre de pairies: c'étaient Rumilli, Cauroir, Cantaing, Marcoing, Cuvillers, Bousies, Esne, Audencourt, Prémont, Blargnies, Niergni et Montrécourt. Outre les nombreuses communautés religieuses qui existaient à Cambrai, on trouvait dans le Cambré sis l'abbaye de Vaucelles, ordre de Citeaux, fondée en 1131 par Hugues d'Oisi, à la sollicitation de Saint - Bernard; l'abbaye de Saint-André du Câteau, ordre de Saint-Benoît, dont nous avons parlé précédemment; le prieuré des Guillemins, à Walincourt, etc. -L'industrie et le commerce ont toujours été florissans dans le Cambrésis, au point même que l'agriculture a pu en souffrir. La batiste, cette toile fine dont le nom est inséparable de celui de Cambrai, a été fabriquée, dit-on, pour la première fois vers l'an 1300, par Baptiste Cambrai, tisserand du village de Cantaing. Le liu qui sert à la confection de ce précieux tissu se récolte dans la vallée de la Sensée : il est roui, façonné et filé par les gens du pays. C'est dans le Cambrésis que les toiles se tissent, qu'elles sont blanchies, soumises à l'apprêt, ployées et imprimées. Ainsi, culture, matière première, main-d'oeuvre, industrie, tout est

du pays. Néanmoins, la fabrication des tissus de coton occupeaujourd'hui bien plus de bras que celle des batistes. Le Câteau possède une des plus belles et des plus riches manufactures de coton qu'il y ait en France; Troisvilles a une fabrique importante de schalls de soie. Les tissus de mérinos se confectionnent partout dans les cantons du Câteau et de Clary. Quatre fabriques de sucre indigène sont en pleine prospérité, à la Neuville-Saint-Rémi, à ThunSaint-Martin, à Estrun et à Carnières. - Le Cambrésis était un pays d'Etats: une assemblée provinciale, composée de députés du clergé, de la noblesse et du tiersétat réglait les affaires du pays, et votait librement les subsides demandés par le gouvernement. Louis XIV, en prenant possession de Cambrai, jura de maintenir les priviléges politiques et civils du Cambrésis; et ce fut après avoir reconnu tout ce qu'il y avait de bon et de libéral dans cette administration provinciale représentative que Fénélon traça à Cambrai le plan de gouvernement que devait suivre son élève, le duc de Bourgogne, si la Providence avait voulu qu'il succédât à Louis XIV. LE GLAY.

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