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pourra peut-être jeter un peu de lumière sur cette question encore indécise. C'est l'abbé A. J. Guyot, né à Gommegulies, curé à Cambrai de 1778 à 1787, qui parle ainsi, s'adressant au pape Pie VII; (1) Un intérêt particulier joint à l'intérêt général dirige ici ma vive sollicitation (pour Fénélon ). Des onze curés de la ville de Cambrai, j'étais le plus voisin de sa tombe, que j'ai révérée à loisir et avec extase pendant neuf années........ Ce digne prélat est, de nos jours, et il le sera jusqu'à la fin des siècles, l'ami de toutes les nations, de tous les états et de tous les hommes: comment donc ne serait-il pas l'ami chéri du Dieu

que

rétractation la plus prompte, la plus sincère, la plus solennelle, et le couvrit d'une gloire singulièrement éclatante.

« Il y ajouta six mois avant sa mort, un riche monument de sa parfaite soumission au saint-siège; il fit don à son église métropolitaine, d'un soleil d'or de ducats, du prix de 24,000 liv., de vingt-six pouces de hauteur. Etant curé dans Cambrai, je l'ai mesuré, et j'ai copié sur le registre du chapitre, l'acceptation de ce magnifique présent; en voici le dessin : Un chérubin, debout sur un piedestal quarré, les deux mains élevées latéralement au-dessus de la tête, Rome adore? supportait le soleil dont il était surmonté; un voile d'or tombait avec toutes les grâces d'une draperie la plus délicatement imitée et couvrait avec tout le beau silence yeux

«Que l'erreur passagère de Fénélon ne rallentisse point votre zzèle à canoniser un personnage si digne d'être révéré par tous les humains (2); il serait moins grand s'il n'avait point erré ; ce fut lui pour une faute heureuse qui amena la

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de la modestie, les de ce gé

nie céleste.

>> Le même chérubin tenait un

(1) Hommage et gloire aux deux illustres pied levé, et sous ce pied était pla

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conciliateurs du dix-neuvième siècle, Pie VII
el Napoléon-le-Grand. Paris, 1806,
pages 115 et 116,

(2) L'ancien curé de Cambrai demandait au saint Pére, dans son livre, trois can onisations nouvelles ; celles de Fénélon, du chancelier Gerson, et de l'astronome Copernic. On conçoit encore cette demande, par rapport à Fénélon et à Gerson, de la part d'un homme d'une part élevé dans une ville pleine encore du souvenir des vertus de l'illustre archevêque et persuadé d'autre part que l'imitation de Jésus-Christ, une des plus belles productions de l'esprit

humain, était l'œuvre du chancelier de l'université; mais il fallait que A. J. Guyot fut un bien grand partisan du systême de Copernic pour vouloir faire un saint de son

que Rome

cé en même or massif, le livre des
maximes des saints -9
avait condamné. En signe de
soumission et de conformité à la
décision du chef de l'église, le gé-
nie foulait ce livre aux pieds; il
s'échappait en mêine tems de des-
sous ce livre, une lame d'or flot-
tante en forme d'une bande de
par-
chemin, sur laquelle on lisait ces
paroles d'Isaïe: Verè tu es Deus
absconditus vous êtes vraiment un
Dieu caché. Ce monument, qui
devait durer selon le vœu de Fé-

auteur, Aussi ne parait-il pas que sa requête nélon, jusqu'à la fin des siècles,

ait eu quelque suite.

fut pris et mis en fonte par les vendalistes révolutionnaires.

« Je garantis également, sous la même foi du serment, Saint Père, le trait suivant, que je tiens de la bouche d'une des supérieures des couvents dont j'étais confesseur ordinaire, etc. >>

Ces détails si minutieux, auxquels nous ne changeons pas une lettre, donnés sous la foi du serment par un ecclésiastique qui a vécu neuf années à Cambrai, et qui s'adresse au Saint-Père, ont bien aussi leur caractère de vérité. La lettre de M. Gricourt, rapportée par M. Servois est au contraire celle d'un militaire, si peu initié à la connaissance des livres saints qu'il désigne deux titres pour les livres foulés aux pieds de l'ange; l'un : Biblia sacra, l'autre novum testamentum ; et sur la remarque qu'il est d'usage que sous le titre général de Biblia sacra, on réunisse le vieux et le nouveau testament, il se ravise, et affirme en dernière analyse, et d'après l'avis aussi adopté par ses compagnons de voyage, qu'il pouvait bien y avoir sur les deux livres Novum testamentum et vetus testamentum.

Nous ne prétendons pas affirmer que l'opinion du curé Guyot soit la seule infaillible; il faudrait pour écider cette question sur un moaument qui n'existe plus, faire des recherches plus étendues et plus savantes; mais son dire est une pièce que nous avons cru devoir joindre au procès, pour servir un jour ce que de besoin.

A. D.

MEURTRE D'UNE FEMME DE SEIGNEUR A HESDIN, dans le 15o siècle.- En l'an 1460, le seigneur de Thiembrone était veuf depuis quelques années; il avait fixé sa résidence à Hesdin; une affaire importante l'ayant appelé dans la ville de St.-Omer, il y fit la connaissance de la dame Austreberthe, veuve d'un échevin de cette cité. L'intérêt l'avait attiré à St.-Omer, l'amour l'y retint; son hommage fut agréé, et le seigneur de Thiembronne ne tarda pas à emmener la belle Audomaroise dans son joli castel d'Hesdin. « Elle avait bonne grâce d'être honne, la dame Austreberthe, elle était preude femme et grande aumonière, et moult bien servant Dieu.» Mais les seconds mariages ne sont pas toujours heureux; il n'avait pu dompter ses passions au joug de la famille, le sire de Thiembronne, et déjà auparavant marié deux fois, il avait eu des enfans pour lesquels l'aspect d'une belle-mère est rarement agréable. Parmi ceux, en âge de porter les armes, le nommé Antoine surtout n'avait vu qu'avec le plus violent dépit le nouvel hyménée de l'auteur de ses jours; en vain, la pieuse Austreberthe avait fait parler le langage de la religion et de l'amitié, auprès de cet enfant dénaturé; la voix paternelle restait méconnue; les conseils les plus prudens étaient sans cesse rejetés ; Antoine paraissait obsédé d'une fureur inquiète, en proie à de sinistres desseins. Le seigneur de Thiembronne, vivement alarmé, avait de nouveau mis en usage tous les moyens propres à ramener à la

raison ce furieux obstiné; à force de caresses et de promesses favorables, il était parvenu cependant à le rendre un peu plus calme; dans le transport de la joie que lui avait causé ce retour inespéré, le pacifique châtelain avait voulu célébrer, par un festin splendide, cette précieuse concorde entre tous les membres de sa maison, une gaîté vive avait présidé à cette réunion ; la dame Austreberthe s'était montrée pleine d'attentions pour le fils de son mari; et comme sa louable habitude était de rapporter avec une respectueuse soumission, les divers événemens de ce monde à la volonté céleste, elle s'était retirée à la fin du repas, dans un petit oratoire, situé à l'une des extrémités du jardin du castel. Là, prosternée devant son Dieu, elle le remerciait avec larmes du bonheur qu'elle avait ressenti de la réconciliation d'Antoine, et invoquait ardemment sa puissante bénédiction sur la tête du jeune égaré; quand tout-à-coup la porte de la chapelle s'ouvrit avec fracas, et apparût, tel qu'un réprouvé, le traître Antoine qui s'était tenu momentanément dans une exécrable dissimulation; sa voix affreuse exhalait le blasphême, et son bras parricide perça de trois coups de dague le sein d'une belle-mère qui n'avait cherché qu'à le chérir tendrement. « Ce fut ung horrible et villain meurdre, s'écrie avec raison Duclercq, et toutes fois nulle justice n'en fust faite. » Le coupable se réfugia dans une église, comme si le sanctuaire de la vertu devait couvrir le criminel d'un

voile impénétrable, horrible abus d'une époque dépourvue d'une saine philosophie! Le coupable était le neveu du seigneur de Croy; et s'étant retiré auprès du seigneur de Reubempré, son cousin, capitaine du Cretoy, il y vécut tranquille, sans être aucunement l'objet des poursuites du magistrat; Ce funeste exemple d'impunité n'était malheureusement pas rare dans notre contrée, au 15e siècle; nous avons déjà mentionné, pour prouver jusqu'à quel point les gentilshommes de ce siècle poussaient l'audace et quelque fois la barbarie, le traitement effroyable, raconté aussi par Duclercq, exercé par l'exécuteur de la justice féodale du comte de St. Pol, aux environs de la ville de Renti, à un compagnon, fiancé à une jeune fille qui avait excité la convoitise de son lâche assassin (1). Deux siècles antérieurs, cependant, sous la domination française, il n'en était pas tout-à-fait de même. « Deux Artésiens, l'un nommé Alénard de Sélinan, et l'autre André de Renti, s'en rapportèrent au jugement de Louis IX sur la contestation élevée entr'eux. Le second était accusé d'avoir assassiné le fils du premier; ne s'étant pas justifié de ce crime, Louis IX le condamna à demander pardon à genoux au père du défunt, à faire 40 livres de rentes en terres à ses enfans, et à vuider le royaume pour aller passer cinq ans au service de la Terre-Sainte (2). »

(1) Histoire de Renti, p. 101.

(2) Dictionnaire de la Pénalité, par St. Edme.

Les Audomarois plaignirent extrêmement le cruel destin de la bonne dame Austreberthe; Philippe-le-Bon en eut connaissance quelques mois avant sa mort, et redit alors en gémissant ces sages paroles qu'il avait déjà vainement répétées à ses courtisans : « Les plus dignes étrennes que puissent se donner les Rois et les peuples, ce sont de bonnes lois ! >>

H. P.

LES BOCQUETEAUX. 1575.Depuis quelque temps une troupe de malfaiteurs répandoit l'effroi dans la châtellenie de Lille, déjà en butte aux courses et pilleries des gueux et des hurlus. C'étoit pitié de voir ce pauvre peuple s'enfuir des villages, où il n'avait nul moyen de défense, pour venir se réfugier dans les villes, où il n'avait nul d'existence. Certains riches moyen fermiers, plutôt par avarice que par vraie croyance dans les damnables doctrines de Luther, Mélanchton et autres, s'étoient avisés dans les commencemens que mieux valoit encore aller aux prêches entendre prier en mauvais françois et débiter maintes vilenies contre Saint Père le Pape, que de voir saccager leurs maisons, violenter leurs femmes ou leurs filles, et risquer de perdre tous les biens temporels auxquels ils avaient tant d'attache. Mais Dieu, qui par justes raisons punit souvent les avaricieux par le sujet même pour quoi ils ont pêché, suscita contre eux plusieurs enragés voleurs et mordreurs appelés bocqueteaux, à raison de ce qu' ls se mussoient le jour

dans des bois d'où ils issoient la nuit pour se livrer, à l'encontre des plus riches censiers de la châtellenie, à leurs ruelles et détestables pratiques, lesquelles consistoient, ainsi que par bonne et vraie enquête il a été connu, à prendre et loier lesdits censiers par leur col, non toutesfois sans leur laisser certain passage assez libre pour qu'ils aient aisance de respirer un petit ; et puis étant lesdits censiers ainsi pris et loiés, ces méchants et cruels bocqueteaux les appendoient en quelque lieu de leur manoir et amassoient sous les pieds d'iceux assez. bonne quantité de fagots, de copures ou d'estrain, selon ce qu'ils pouvoient trouver, à quoi ils boutoient le feu et dansoient ensuite tout à l'entour, ni plus ni moins que vrais Satans et vrais Lucifers, jusques à tant que lesdits censiers eussent déclaré tout à plein les endroits où étoit mussé leur argent..

Or, lesdites pratiques, souventes fois répétées ès environs de Lille, labeurs, et pouvant, par succesayant quasi fait abandonner les sion de temps, si remède convenable n'y étoit applicqué, faire tomber les bonnes gens et le pauvre peuple d'icelles ville et châtellenie dans une disette effroyable de grains et de toutes autres choses nécessaires à leur substentation, il n'étoit justice tant spirituelle que · laïcque qui ne fust en émoi pour parvenir à la prise et punition desdits Bocqueteaux.

Un jour donc que deux d'entre eux s'étoient rendus si hardis que de venir en la ville de Lille pour y

mener joyeuse vie et dépenser en bons compagnons, le jour durant, quelque portion de l'argent qu'ils avoient dérobé, disant qu'il n'étoit de raison que eux qui avoient puni l'avarice des censiers, devinssent à leur tour avaricieux; ils furent reconnus et mis ès mains de monsieur de Marissal, lors prévost de Lille, à la semonce duquel le procès fut fait auxdits Bocqueteaux, qui comparurent en halle le 8 de février, l'an 1575, où siégeoit le mayeur, assisté des échevins et des voir-jurés, tous assis sur des coussins rouges, ainsi qu'il étoit d'usage pour les causes criminelles.

Etant bien et duement convaincus du crime à eux imputé, les deux Bocqueteaux furent condamnés au feu, et l'exécution confiée à M. le prévost qui, pour la gran

deur du méfait et l'avertissement de ceux qui n'avoient été pris, ordonna telle manière de feu que oncques n'avoient encore vue les habitans de ladite ville, et qui pourtant fut chose pitoyable à regarder.

Car le 9 de février, entre quatre et cinq heures du soir, on attacha les deux condamnés à une étaque dressée au-devant de l'hôtel de ville, sur la place du marché (1). Et à six pieds entour d'eux, on alluma un grand feu qui les cuisoit sans pouvoir les brûler, vu que chacun d'eux étoit attaché à ladite étaque par une chaîne longue seulement de trois pieds.

(1) C'est dans cet endroit qu'est naintenant la salle de spectacle.

L'un et l'autre étoient arrivés sur la place avec une mine asseurée qui dénotoit un courage hardi, et le petit peuple tant de la ville que des campagnes qui étoit accouru en foule pour les voir brûler, commençoit à se sentir induit en compassion rien qu'à considérer leur jeunesse et leur brave maintien. Eux jetoient leurs regards à droite et à gauche et sourioient à ceux qu'ils connoissoient, car ils n'étoient gens étrangers ni de lointain pays. Pour ce aucuns les plaignoient et disoient entre eux que ce n'étoit chose juste de faire endurer tels tourmens à ces jeunes compagnons pour avoir mis à contribution de vieux ladres indifférents aux misères du temps, et qui préféroient enterrer leurs carolus que de les employer au soulage

ment de leurs voisins ruinés par les guerres. D'autres tenoient discours contraires, disant que nul ne seroit en seureté dans son hôtel s'il n'étoit fait rude exemple de ces traîtres pillards et effrontés mor

dreurs.

Cpendant ceux-ci, en voyant que l'enceinte formée à l'entour d'eux commençoit à flamboyer, se mirent à examiner d'un œil inquiet la distance où ils étaient du feu. Par une sorte d'instinct, ils se serrèrent contre l'étaque et dirent entre eux quelques paroles que le peuple ne put entendre, car le craquement des bourrées qui s'enflammoient couvroit leur voix. Mais quand cette muraille de feu se trouva complètement allumée, la chaleur devint si forte que les pau

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