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Norbert se vit cependant forcé d'y séjourner parceque ses trois disciples tombèrent malades et moururent à Valenciennes (1). Pendant son séjour dans cette ville, on y vit arriver Burchard qui, sur le refus de Norbert, vait été nommé évêque de Cambrai, et le missionnaire, qui avait connu ce prélat à la cour de Henri, alla le visiter. Il se présenta devant l'évêque sous le costume le plus modeste et les pieds nus, malgré la rigueur de la saison.

Burchard avait pour chapelain un prêtre nommé Hugues, qui était de Fosses, près de Namur, et qui avait été élevé dans le monastère de cette ville. L'évêque, après avoir reconnu avec peineson ancien ami sous ses humbles vêtements, l'embrassa tendrement et lui témoigna les sentiments les plus affectueux. Hugues présent à leur conversation, n'y comprenait rien, parce qu'elle avait lieu en allemand. Étonné de l'amitié qui unissait son su

ceptus factus est, ut cogerent eum ibi festa peragere et attenuata membra paululum recreare. Quibus cum non vellet acquiescere, facies enim ejus erat euntis in episcopatum coloniensem, propter populi et linguæ notitiam quam habebat.

Collection des Bollandistes, 6 juin, p. 827. (1) Factum est per dispositionem Dei, ut sociis ejus subitanea ægritudine oppressis, non posset inde tunc ulterius profisisci. Remansit itaque homo ad custodiendum infirmos suos, qui sequentibus infra octavas paschæ diebus beato fine in domino quieverunt. E quibus duo laici sepulti jacent in suburbio apud valentianas, in eccl sia beati Petri juxta forum, in sinistro latere ad oc

cidentem. Subdiaconus vero monachus effectus, jacet sepultus in ecclesia sanctæ mariæ, quæ in codem oppido sita est. -- Voir dans les Bollandistes la note sur ce passage, au 6 juin, et D'Outreman, Histoire de Valenciennes, p. 120.

périeur à cet homme, Burchard dat lui raconter l'histoire de ce dernier, ce qui toucha tellement le chapelain qu'il résolut de suivre Norbert, et devint son plus fidèle compagnon. Ce saint personnage étant devenu plus tard archevêque de Magdebourg, Hugues fut élu premier abbé de l'abbaye de Prémontré, en 1129, et c'est à lui que plusieurs auteurs attribuent la Vie de St. Norbert.

De ce récit, dit M. Raoux, il résulte clairement qu'en 1119 le peuple de Valenciennes et des environs ne parlait que le roman et n'entendait pas la langue teutonique; qu'il en était de même dans la petite ville de Fosses où Hugues était né et avait fait ses premières études.

Le second fait est relatif à St.Bernard. Vers la fin de l'année 1146, cet homme, à la parole forte et puissante, entreprit, avec quelques uns de ses religieux et trois autres ecclésiastiques, un voyage pour prêcher la croisade en Allemagne. La relation nous en a été conservée par ces compagnons dont l'un, nommé Philippe, était archidiacre du diocèse de Liége. Ils revinrent en France dans le courant de février 1147, par Cologne, Aix-la-Chapelle, Maestricht, Liége, Huy, les abbayes de Gembloux et de Villers en Brabant, Fontaine-Lévêque, Binche, Mons, Valenciennes et Cambrai.

Dans ces trois premières villes le peuple, à chaque miracle de Saint Bernard, faisait retentir l'air de ses acclamations et des louanges de Dieu, en chantant: Christ uns genade, kirie eleison, die heiligen alle

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helffen uns. Christ ayez pitié de nous, Seigneur ayez pitié de nous, que tous les saints nous assistent (1).

La narration continue.

Le onzième chapitre, qui consiste en une lettre adressée par le moine Godefroid (Gaufridus) à Herman, évêque de Constance, signale les miracles opérés à Liége, Gembloux, Mons, Valenciennes, etc. On trouve dans le récit concernant les villes parcourues par nos voyageurs, depuis Cologne jusqu'à Valenciennes et Cambrai, la preuve positive que le langage teutonique du peuple finissait à Aix-la-Chapelle et Maestricht, comme aujour d'hui, et que le roman était la langue vulgaire à Liège et dans les autres lieux désignés dans cette lettre. « Dès que nous fûmes sortis du pays allemand, dit Godefroid, on n'entendit plus votre Christ uns genade, et l'on ne chantait plus; car les peuples qui parlent la langue romane n'ont pas, comme vos compatriotes, des chants accoutumés rendre grâce à Dieu à pour chaque miracle qu'ils voient. >>

A Liége, St. Bernard guérit un boîteux dans l'église cathédrale. Dans son émotion, le peuple, inhabile à chanter, offrait des larmes au lieu de chant. Dabat pro cantu lacrymas plebs ignara canendi.

Chemin faisant, les pieux pélerins passèrent une petite rivière nommée Huns; c'est, suivant M. Raoux, le Hon, entre les villages de Quiévrain et d'Onnaing.

Ils arrivèrent un samedi à Va

un

lenciennes, ville déjà considérable et populcuse, oppidum grande et populosum. Y ayant passé la nuit, ils se rendirent le lendemain à Cambrai, et là s'opéra un miracle dont le naïf récit est digue de tout notre intérêt ; on amena dans l'église cathédrale, où saint Bernard avait célébré la messe, enfant, d'un village voisin, sourd et muet de naissance. L'enfant ayant baisé la main de saint Bernard, se retira, et un des soldats de l'évêque l'interrogea en ces termes: oz-tu? Ce qui doit se rendre en latin par ces mots audistu? entends-tu? A quoi l'enfant trouvant tout-à-coup la parole, répondit: oz tu; car parlant pour la première fois, il ne pouvait que. répéter les mots qui venaient de frapper son oreille.

L'incrédulité pourrait s'attaquer au miracle en lui-même, elle ne tentera de repousser ni de détruire la preuve qui résulte de cette narration en faveur du langage usité dans nospays à cette époque reculée. Cette preuve existe encore appuyée sur d'autres monuments; mais ici, elle a cela de remarquable, qu'elle était imprévue et que deux simples lettres, formant un tout petit mot français noyé dans une longue histoire latine, composent tou

te sa force.

Une phrase de M. de Châteaubriand, répétée par plusieurs hommes comme frappés d'une soudaine révélation, a rendu saillante l'utilité, l'importance dont pouvaient être les doctes ouvrages de nos écrivains ecclésiastiques et de quel

(1) OEuvres de St.-Bernard, T. 2, p. 1194. ques autres. Cette simple phra

se d'un esprit méditatif, cette ré- réchal-de-camp Victor de Broflexion de haute portée, jetée à glie. Après le 10 août 1790 il redes hommes dédaigneux de tré-fusa de prêter le serment à la sors qu'ils ignorent, a déjà produit des fruits que l'expérience murira (1). On ne tardera peut-être plus à reconnaître généralement tout ce qu'il y de science, d'instruction et de bonne foi dans ces vieux et consciencieux recueils d'un travail qui confond notre ignorance et notre frivolité.

A. L.

MASCLET.- Amé-Thérèse Masclet, ancien souss-préfet de Douai, est né en cette ville, le 17 novembre 1760, où son père exerçait la profession d'avocat. Amé fit ses premières études au collège d'Anchin, mais il alla les achever au collége des Grassins à Paris. En 1783, il fut envoyé par M. le maréchal de Castries à Saint-Domingue, pour y être employé dans l'administration coloniale. Revenu en France en 1786, il fit un cours de droit, fut reçu avocat et admis au stage en 1788. Il devait retourner en Amérique avec un emploi supérieur, mais la révolution l'en empêcha. En 1790, le roi le nomma sous-lieutenant au 1er régiment de carabiniers ; il devint lieutenant en 1792, et bientôt après adjoint aux adjudansgénéraux sous les ordres du ma

(1) Je recommande surtout à nos historiens futurs une lecture sérieuse des con

ciles, des annales particulières des provin

ces,

et des coutumes de ces provinces, tant latines que gauloises: c'est là qu'avec les vies des saints pour les huit premiers siècles de notre monarchie, se trouve la véritable histoire de France.

CHATEAUBRIAND, préface des Études his

toriques.

constitution, il sortit de France et se retira en Angleterre, où il se maria en 1793. Lorsque la tourmente révolutionnaire fut passée, il revint en France en 1800, il fut nommé sous-préfet à Boulogne. Il exerça successivement ces fonctions à Lille, à Douai et à Cosne, jusqu'en 1814. A cette époque il fut décoré de la croix de la légion d'honneur et envoyé en qualité de consul de France à Liverpool, d'où il passa ensuite à Edimbourg. En 1824, le gouver nement le nomma consul-général de France à Bucharest, en Valachie; mais il ne crut pas devoir accepter ces fonctions. Il jouissait d'une retraite de 6,000 fr. à Paris; lorsque la révolution de juillet éclata, il s'empressa d'offrir ses services au Roi des Français et fut envoyé comme consul à Nice où il est mort le 7 octobre 1833. Son épouse l'avait précédé dans la tombe; il fut, selon ses dernières volontés, déposé à côté d'elle dans le cimetière des Anglais. De grands honneurs lui furent rendus par toute la population de Nice, et surtout par les Français qui y sont établis, parce que la sagesse et la fermeté de son administration lui avait concilié l'estime grnérale. M. Tassy, avocat d'Aix et le vice-consul de

France, prononcèrent des discours sur sa tombe en présence de la foule de nationaux et d'étrangers qui étaient venus rendre le dernier hommage à cet habile administrateur.

M. Masclet n'était point seulement un excellent administrateur, c'était encore un homme d'esprit et d'une vaste érudition. Il était très-versé dans l'étude des langues anciennes, parlait cinq ou six langues vivantes et les écrivait avec beaucoup de facilité. Les «rticles et opuscules qu'il a publiés sur l'agriculture et l'économie publique forme aussi plusieurs volumes. Il avait achevé une traduction de Thucydide, que de savans hellénistes entre autres M. Larcher, à qui il l'avait communiquée le pressaient de publier. Il se disposait à la mettre au jour, lorsque forcé de s'éloigner de France pendant les troubles de la révolution, il perdit le seul manuscrit qu'il eût de cet ouvrage.

Notre compatriote appartenait à la Société Royale et centrale d'Agriculture de Paris, et comme correspondant à presque toutes les Sociétés Agricoles de quelque importance de la France et de l'Angleterre. Ses connaissances et sa longue carrière publique l'avaient mis en rapport d'amitié avec une infinité d'hommes distingués de l'Europe et de l'Amérique, parmi lesquels nous citerons Walter-Scott, Lafayette, Foy, Benjamin Constant, Cook d'Holkam, le duc de la Rochefoucault-Liancourt, le duc de Cazes.

M. Masclet s'est fait surtout remarquer dans les missions qu'il a remplies à l'étranger par la susceptibilité qu'il montrait dans tout ce qui concernait l'honneur de la France, ainsi que par une affabilité la fermeté de son caque ractère et son opiniâtreté habi

tuelle semblaient devoir exclure. Comme preuve de cette vérité nous traduisons le passage suivant du Général advertiser, journal qui s'imprime à Edimbourg, 1827. << M. Masclet qui a habité l'Ecosse pendant plusieurs années en qualité de consul Français, a quitté jeudi, à cause de sa mauvaise santé, la ville d'Edimbourg pour retourner dans sa patrie. Il emporte avec lui les regrets et l'estime de tous ceux qui l'ont connu. Ses manières simples, affables et polies lui avaient acquis une affection générale. Il s'est véritablement rendu aussi cher à la ville d'Edimbourg que s'il était un de ses propres enfans. Saisissant avec une parfaite sagacité le génie particulier de notre nation, il était un ardent admirateur de nos progrés et de nos découvertes, et mettait un zèle infatigable à recueillir des observations et à les transmettre à son gouvernement. Enfin, soit comme fonctionnaire public, soit comme homme privé, il a laissé dans l'Ecosse, des souvenirs qui ne s'effaceront pas de longtems.

>>

M. Masclet avait un grand nombre de frères et de sœurs et il nereste plus maintenant aucun membre de cette famille à Douai. L'un de ses frères est mort évêque à Moskou, un second, M. Hip. Masclet, maintenant à Nice, a été conseiller de cour en Russie, une de ses sœurs a été sous-gouvernante des grands ducs à St.-Pétersbourg.

Notre compatriote a succombé à une attaque d'apoplexie qu'il redoutait depuis longtems. D.

XVIII.

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LES HOMMES ET LES CHOSES.

321

OSTENSOIR DE FÉNÉLON. « Nous visitâmes votre belle mé

Il s'est élevé une controverse fort animée sur la question de savoir si l'ostensoir d'or donné par Fénélon à sa métropole en 1714, représentait ou non un soleil porté -par deux anges foulant aux pieds plusieurs livres sur l'un desquels était le titre de: Explications des Maximes des saints ? D'Alembert, dans son panégirique de Fénélon, l'affirmative; il est même le premier, je pense, qui ait répandu cette anecdote, en la donnant comme un acte de haute humilité et une preuve de la soumission parfaite de l'excellent archevêque de Cambrai, à la décision du saint-siége qui avait condamné ses Maximes des saints.

est pour

L'anecdote fit fortune en France, où la parole de d'Alembert la rendit populaire; à Cambrai, elle passa en tradition positive, si bien qu'on y citait maints vieillards qui avaient vu et lu l'inscription du livre de Fénélon, foulé aux pieds par l'ange d'or. Les choses paraissaient ainsi tellement établies, que feu l'abbé Servois, vicaire-général à Cambrai, consulté sur ce fait par M. de Bausset, auteur de la Vie de Fénelon, n'hésita pas d'abord à lui répondre dans le sens de la tradition non-contestée ; puis remontant, à des renseignemens plus précis, il découvrit une lettre de M. de Gricourt, de Douai, écrite à M. de Muysṣart, chanoine, après avoir visité la métropole de Cambrai en 1799, avec M. Cardon de Montreuil, de Lille. On y lit :

tropole, la sacristie, les richesses qu'elle renfermait, et le magnifique ostensoir que Fénélon avait donné.... C'était la Foi, voilée, qui portait un grand soleil, au centre duquel, selon l'usage ordinaire, était enfermée la sainte hostie...... La Foi avait les pieds posés sur deux volumes fermés, et placés de maniére qu'on lisait très-distinctement, sur le dos de ces livres Biblia sacra, et sur celui plus bas : Novum testamentum. Nous rîmes beaucoup de tout ce qu'on avait débité sur cet ostensoir, et des éloges que M. d'Alembert avait donnés au prétendu monument expiatoire de Fénélon. »

La découverte de cette lettre fut

transmise, par M. l'abbé Servois, à M. de Bausset, qui fit faire un carton au second volume de sa vie de

Fénélon pour rectifier le fait de l'ostensoir, en renvoyant à la fin de l'ouvrage les pièces justificati ves pour appuyer sa nouvelle interprétation.

L'abbé Servois fit à cette occasion une petite dissertation curieuse et intéressante, publiée dans les Mémoires de la Société de Cambrai, de 1817; dissertation qui fut l'objet d'une controverse dans laquelle, dit M. Le Glay, bon juge en pareille matière, M. Servois ne parait pas avoir été réfuté.

Nous trouvons aujourd'hui, dans un livre curieux et peu connu d'un écrivain du pays, un passage qui

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