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curiosité, accourut le long de la route, dès le matin du jour indiqué.

Ayant bien fait repaître ses six chiens, Caribouffe fut ponctuel au rendez-vous; et, au signal donné, il partit en même tems que l'écuyer du prince de Ligne, qui conduisait un phaeton attelé de six superbes chevaux de Frise.

Bien le boucher fût très-reque plet, et pesât plus de cent livres, il devança les coursiers fougueux ; il arriva àTournai quinze minutes avant son concurrent, et gagna ainsi deux mille quatre cents livres

en moins d'une heure.

(Le Bon Sens.)

CERVOISE DE CAMBRAI. Bière de Cambrai. Le grand d'Aussy (Hist. de la vie privée des français, tom. 2, p. 341-357) a fait une dissertation très- curieuse sur l'origine, les noms, l'usage et la fabrication de la bière. Il en résulte que cette boisson nous vient des égyptiens; qu'elle avait été communiquée aux Gaulois par la colonie Phocéenne de Marseille; qui l'appelaient Zythus, comme les égyptiens selon Diodore de Sicile, et cerevisia, selon Pline. Quoiqu'il en soit du nom, l'usage de la bière a existé de tout tems en France, parce que les vignobles ne produisaient pas assez pour la consommation du peuple. Aussi commençait-on généralement les repas avec de la bière, et on les finissait avec du vin, même à Paris, comme cela se pratique encore en Flandre et dans plusieurs de nos

départemens du Nord. Les moines avaient leurs brasseries, qu'ils abandonnèrent facilement dès que la culture de la vigne devint plus étendue ; et l'usage de la bière commença à s'affaiblir.En 1264, Etienne Boilève (c'est le même nom que Boileau ; ève signifiait eau) donna des statuts aux brasseurs, mais le peu de consommation qu'on faisait de la bière les rendit à peu près inutiles. Dans ces statuts il est fait mention d'une bière distincte de la cervoise; elle y est nommée godale, mot qui parait être formé des deux mots anglais good ale, bonne ale, bière douce, fort estimée en Angleterre, puisqu'elle a donné lieu à ce proverbe: Good ale is meat, drink, and cloth; de la bonne ale, c'est viande, boisson, vêtement Il ne nous est resté de notre ancienne godale que les mots godaille et godailler, pour exprimer la débauche fréquente de gens qui se réunissent uniquement pour boire.

Sous Charles VI et Charles VII, la fabrication de la bière reprit une grande activité, sans doute à cause de la présence des anglais, qui restèrent pendant plus de quinze ans maîtres de Paris. On a remarqué que dans tous les tems de guerre et de calamités publiques, le commerce des vins diminuait beaucoup et que la fabrication de la bière augmentait d'autant.En 1689 les brasseurs avaient consommé quatre-vingt mille setiers d'orge, sans compter le blé employé pour la bière blanche. Même observation fut faite pendant la durée de la guerre de sept ans ; et il est fort à craindre que la fabrication de la

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bière ne prenne plus d'accroissement que jamais dans le cours de l'année 1831.

CRAPELET.

PRIVILEGES VALENCIENNOIS. — Tous les habitans de Valenciennes étaient libres et ne pouvaient être jugés que par leur prévôt et les échevins qu'ils nommaient Nul serfici, disait Froissart; effectivement, tout serf ou esclave, après un an et un jour de résidence dans la ville, devenait libre, jouissait des mêmes priviléges que les bourgeois et était affranchi du droit de morte main.

Le droit d'asyle ou de refuge accordé à Valenciennes, par l'empereur Valentinien, s'appliquait aux homicides et débiteurs, qu'on ne pouvait plus poursuivre aussitôt qu'ils étaient entrés dans la ville.

Cette franchise ne se donnait qu'aux étrangers, dit d'Oultreman, qui, ayant blessé quelqu'un ou commis un homicide, devaient demander la jouissance de ce privilége étant hors de la banlieue, ils ne pouvaient entrer dans la ville avant de l'avoir obtenu du magistrat, excepté dans le cas où le requérant était poursuivi par ses adversaires; et contraint de se sauver dans la ville, alors il pouvait entrer dans l'église Saint-Pierre, en criant à haute voix: Franchise, franchise.

Les charges et offices n'étaient donnés qu'à des bourgeois ; ils pou

vaient être armés en tout liett. D'Oultreman rapporte à ce sujet un fait positif: en 1432, Thomas de Vertaing, prévôt de Maubeuge, ayant ordonné à un nommé Thomas Foriez de mettre l'épée bas, d'après l'édit du prince qui défendait le port d'armes partout leHaynaut, Thomas Foriez répondit : que ny pour Seigneur, ni pour Dame il ne l'osterait pas, étant bourgeois de Valentiennes. Le prévôt l'ayant arrêté, comme contrevenant aux lois du pays, il fut obligé de le relâcher aussitôt par ordre du prin

ce.

Les bourgeois de Valenciennes ne pouvaient être arrêtés en aucun lieu pour dettes, ni leurs biens sequestrés sous le moindre prétexte. Un autre droit bien plus arbitraire était l'abatis des maisons ou adjours.

Lorsqu'un habitant des environs de la ville avait outragé`, battu ou injurié un bourgeois, hors de la banlieue, celui-ci en portait plainte au magistrat, requérant justice, selon les lois et franchises de la ville, on s'assurait de sa bourgeoisie, il prêtait serment sur l'injure ou l'outrage reçu, et les agresseurs étaient ajournés solennellement à comparaître dans sept jours; le fait avoué les agresseurs étaient condamnés à quelque amende et à avoir leurs maisons abattues; on en défendait l'aliénation jusqu'à ce que la loi fut accomplie; et l'on publiait le jour où l'on irait abattre la maison du coupable.

Au jour marqué, six échevins nommés pour cette exécution, accompagnaient les bourgeois; on sortait de la ville comme en guerre, avec tentes et artillerie (car chaque métier avait sa tente); suivaient des chariots chargés de crocs et autres instrumens pour tirer les bâtimens en bas, et des charrettes chargées de provisions de bouche.

En 1456, le 25 avril, on abattit deux maisons, l'une à Bruay et l'autre à Fresnes; trois compagnies avec leurs bannières, sortirent de la ville à cinq heures du matin, au son des cloches du béfroi, ayant leur tête le prévôt et les six échevins désignés, les archers, les arbalétriers, les bombardiers, les métiers suivaient, en tout 6000 hommes armés et équipés comme pour entrer en campagne, avec trompettes et clairons. Arrivés de vant la maison qui devait être abattue, on fit sortir ceux qui l'habitaient, le prévôt donna le premier coup, ensuite les francs d'office, destinés et gagés pour ces expéditions, abattirent la maison en peu d'instans.

En 1270, à Escaupont; en 1315, à Rouvignies; en 1372, à Denain et à Hertaing; en 1385, à Aulnoy; en 1423, à Veichain, où l'on abattit la maison du maïeur et d'un échevin, ce ne fut qu'après l'abattis de la maison du châtelain de Raismes en 1450, malgré l'intercession du souverain, que cette exaction fut suspendue, puis abo

lie par lettres patentes du duc de Bourgogue, du 50 mai 1458.

(Indépendant du Nord.)

MAROTTE ET LITGÈRE. J'allais visiter les restes de l'ancienne chapelle des Templiers, aujourd'hui la grange de la ferme du Temple, à Frameries, près de Mons. Un peu après avoir quitté la chaussée de Montenpeine, dans la plaine doucement ascendante, au bout de laquelle se trouvait le but de mon excursion archéologique; mon guide mè fit remarquer avec une sorte de mystère un petit espace de terrain triangulaire (sur la droite du chemin), dont l'aridité contrastait fortement avec la culture soignée des terres qui l'environnaient. Cette espèce de cairn ė– cossais était couvert de chardons et de ronces. Je demandais à mon cicérone la cause de cette particularité. C'est ici, me dit-il, qu'on a brûlé Marotte et Litgère (légère). - Qu'est-ce que Marotte et Litgère? Voici à peu près la légende qu'il me raconta, toujours se rangeant de l'autre côté du chemin et tournant la tête à chaque instant comme s'il croyait voir apparaître le diable:

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«Il y a de ça longtems, bien lontems, puisque c'était encore du tems des moines (il voulait dire des chevaliers du Temple), il y avait au hameau deux jeunes orphelines, belles comme on n'en avait jamais vu et sages comme on n'en voit plus. Pareil gibier ne pouvait rester

» Les deux pères, maigres comme des chats et la cervelle toute détraquée, car l'amour les avait rendu presque fous, furent questionnés par l'abbé.

longtems au gîte dans le voisinage l'abbé, qu'on fasse venir les pèd'aussi bons braconniers que des res. moines; aussi les pauvres petites avaient-elles à peine quinze à seize ans que deux des plus huppés du couvent se mirent à les rechercher d'amour; ce qui passait alors pour grand honneur parmi les paysans. Mais les deux sœurs, soient qu'elles eussent d'autres amans ou qu'elles n'aimassent pas les moines, se moquaient des vénérables pères. Quand père Jean disait à Marotte: Je vous aime; Marotte lui riait au nez. Quand père Pancrace voulait embrasser Litgère, zeste, elle s'envolait comme uue hirondelle parmi les champs. Il eût été beau voir le moine, avec son gros ventre, courir après.

» Présens, menaces, tout fut employé, rien ne fit.On riait des menaces, on refusait les présens.Comme les deux orphelines n'avaient plus de parens pour les contraindre, ce qu'ils n'eussent pas manqué de faire en pareille occasion, les deux pères, au bout de leur latin, ne savaient plus à quel saint se vouer. Pareille résistance à laquelle ils n'étaient pas habitués, ne faisait les rendre plus amoureux. que Père Jean devenait jaune comme cire; le ventre de pére Pancrace était fondu de moitié. Marotte riait de la blême figure de père Jean; Litgère courait mille fois plus vite depuis que Pancrace était devenu plus alerte.

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» Quand, par leurs réponses et surtout par quelques renseignemens particuliers que la maîtresse de basse-cour, avec laquelle il était en grande confidence, lui avait donnés, l'abbé sut que deux jeunes filles étaient la cause de ce grand chaugement, qu'on les mette en prison, s'écria-t-il, et qu' elles soient jugées comme sorcières en plein chapître.

>> La fin de l'histoire, Monsieur, c'est que ces pauvres innocentes furent brûlées vives à la place que vous avez vue. A présent, pendant les longues nuit d'hiver (il fit le signe de la croix) on dit que leurs âmes reviennent en cet endroit et qu'il s'y voit des choses!!... Malheur à celui qui passerait alors par ici, car, si par hazard il en revenait, il en resterait fou toute sa vie comme les deux moines, ainsi qu'il est arrivé au frère de ma mère, avant la révolution. Et voyez pourtant, Monsieur, pour une bagatelle semblable que les moines leur voulaient, les deux folles, se faire brûler vives et devenir revenants! Ce n'était-il pas bien sot de leur part! »

Cette réflexion du bon paysan me fit sourire malgré moi, au milieu

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nation utile et peut-être à son iné~ branlable solidité d'avoir survécu de cinq siècles à ses anciens posses

seurs.

de l'horreur que sa triste histoire m'avait inspirée. Je pensai à Walter-Scott, à la belle Rebecca, au farouche Briant de Bois-Guilbert, et je me dis: « L'auteur d'Ivanhoë >> serait-il, par hazard, venu à Fra» meries, par la route de MontenR. C. >> peine? >>> (Contes et traditions populaires des propriétaire, bonne tète positive

environs de Mons).

LA DIME DU DIABLE. L'esprit encore tout rempli de templiers et de filles brûlées, j'arrive eufin à cette antique chapelle où plus d'un Pancrace marmottait autrefois vèpres et matines en rêvant à jeunes bachelettes ou à flacons de vin vieux. Ce bâtiment, qui m'a paru d'une haute antiquité, forme un parallelogramme environ deux fois plus long que large. Il est, ou plutôt il était éclairé par trois fenêtres de chaque côté, bautes et étroites comme des barbacanes ; trois fenêtres de même forme groupées au fond, celle du milieu plus haute et plus large un peu que ses collatérales; au-dessus dans le triangle du pignon, une ienêtre ronde, de cinq à six pieds de diamètre ; du reste, aucune inscription, aucune sculpture, aucun de ces jolis ornemens du style gothique fleuri, dont la mode capricieuse a fait pour nous une vieille nouveauté ; des murs nus et grossiers, solides et compact s, comme taillés dans le roc, voilà l'ancienne chapelle du Temple, aujourd'hui métamorphosée en grange, et qui n'a dû qu'à cette desti

-Une pareille grange doit avoir une histoire à elle.Je parierais qu'il y revient des esprits, dis-je au

et mathématique qui déjà ne s'étonnait pas peu de me voir si attentif à examiner les vieilles murailles

de sa grange. Il me regarda avec cesyeux qui ont l'air de dire vous vous moquez de moi. Comme j'insistais très-sérieusement pour avoir une histoire «En vérité, dit-il, je n'aurais jamais cru qu'excepté les vieilles femmes et les enfans, on put encore s'amuser à de pareilles fadaises; mais puisque vous paraissez le vouloir tout de bon, soit :

>>> Vous saurez donc qu'il n'y a pas quarante ans, c'était une croyance généralement répandue et dont peu d'esprits forts de village, osaient douter (en secret, s'entend, pour ne pas passer pour hérétiques) que le grain déposé dans cette grange peu pour le fermier d'avoir donné la septième gerbe au seigneur, la dixième au curé, it fallait encore au diable la vingtsixième. Vous voyez que des trois décimateurs, c'était le diable le moins exigeant; et d'ailleurs il était beaucoup plus facile à tromper que ses deux confrères. Voici pour cela le moyen tout simple que l'on employait: l'ouvrier qui comptait les gerbes dans la grange mau

devait la dime au diable. C'était

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