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Arrivons aux tribulations du P. Richard, qui en firent un habitant du Nord. Ce dominicain qui joûtait avec Voltaire et consors, ne manquait pas, comme on l'a vu, d'une certaine hardiesse; en 1779, il fit paraître à Deux-ponts un Recueil de pièces intéressantes sur les deux questions célèbres, savoir: si un juif converti, au christianisme, peut épouser une fille chrétienne, lorsque son épouse juive refuse de le suivre ; et si un juif endurci, devenu baron, peut rommer aux canoni. cats d'une collégiale, in-8°. Cette publication, écrite avec peu de mesure, et dans laquelle le virulent auteur censurait amérement un arrêt du parlement, attira sur lui des menaces de poursuites qui l'engagèrent à se réfugier à Lille dans la maison de son ordre. Il y resta assez paisible pendant quelques années et profita de son repos pour publier les Histoires du couvent des dominicains de Lille en Flandre, et de celui des dames dominicaines de la méme ville, dite de sainte Marie de l'abbiette. Liège (1782), petit in-8°, livre assez curieux à consulter, pour l'histoire ecclésiastique du pays. La Révolution française éclata, et l'on doit bien penser comment le P. Richard en accueillit les conséquences. Il se prononça fortement contre le serment exigé des prêtres, et fit paraître à Lille, sur ce sujet, diverses brochures anonymes. Elles sont aujourd'hui de la plus grande rareté et ne se trouvent que dans le cabinet de quelques curieux, les imprimeurs les ayant presque toutes brûlées à cette époque, dans la

:

crainte d'être compromis. Le P, Richard fut obligé d'émigrer à Mons; et là encore il fit gémir la presse pour exhaler ses plaintes contre la révolution française divers opuscules parurent; dans la foule, on doit distinguer ceux intitulés : 1o Des droits de la maison d'Autriche sur la Belgique (Mons, Monjot) 1794, in-8°. Et 2o Parallèle des Juifs, qui ont crucifié Jésus-Christ, leur messie, et des Français qui ont guillotiné Louis XVI, leur Roi. Mons, Monjot, 1794, in-8°. Ils attirèrent l'attention des français lors de leur rentrée à Mons dans les premiers jours du mois d'août, 1794. Le grand âge du pére Richard l'avait empèché de se retirer à l'approche des vainqueurs ; il fut découvert dans son couvent, trainé en prison. Une commission révolutionnaire, prise parmi les habitans du pays, fut appelée à juger du mérite des deux pièces ci-dessus; le jugement ne se fit pas attendre: Charles-Louis Richaad, noble, prêtre et folliculaire, fut condamné à la peine capitale. Il fut militairement fusillé à Mons le 14 août 1794. C'est ainsi qu'à cette époque on entendait la liberté de la presse. A. D.

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et

INHUMATION D'EDWIN, PRINCE ANGLAIS. L'abbaye de St.- Bertin ne datait pas encore d'un siècle dans le grand livre de l'histoire, et déjà sa réputation était européenne. A l'étranger, c'était parmi les Anglais surtout, qu'elle jouissait de la plus haute considération, et cette distinction flatteuse n'est pas encore affaiblie chez nos judicieux voisins. Dans

des premiers tems qui suivirent sa fondation, les noms d'Alcuin, de Fridogis, d'Alfred, de Canut, de St.-Dunstan, signalent d'une manière assez remarquable les rapports glorieux de ce monastère, avec les enfans d'Albion pour qu'il nous suffise de les rappeler aux amateurs instruits de notre histoire. Ces rapports prirent même un accroissement avantageux dans les siècles suivans, et les règnes de Guillaume-le-Conquérant et de Henri II pourraient nous en retracer des souvenirs intéressans. Parcourant ensuite nos annales, les Tudor, les Stuart viendraient prêter leurs célébrités à l'ornement de notre narration; mais nous n'avons point l'intention d'extraire actuellement les nombreux détails qui concernent ces insulaires, des légendes de St.-Bertin, des récits Audom.arois et des traditions de

leur fameux college. Nous voulons seulement exposer aujourd'hui que, indépendamment de l'estime littéraire et du renom vertueux qui s'étaient insensiblement formés dans P'Angleterre à l'égard des disciples de Bertin, d'importantes relations sur des intérêts matériels s'étaient successivement établis entre les Anglais et les moines habiles qui possédaient alors une partie des côtes de l'Océan. Aussi passaient ils fréquemment des contrats de vente ou d'échange avec plusieurs princes des îles Britanniques, qui leur faisaient de riches donations et dont ils avaient prudemment soin au reste de se ménager l'utile protection. Leur communauté avait déjà servi de séjour à quel

ques rois de cette contrée, et l'un d'eux, grâce à la charité qui animait constamment ces ouvriers évangéliques, devait y rencontrer une sépulture digne de son rang,

« L'an 932, Adolphe, comte de Boulogne, ayant entendu qu'Edwin, son oncle, fils d'Edouard, roi d'Angleterre, avait été péri en mer, et jetě, aux côtes, le fit chercher, et l'ayant trouvé, le fit porter et enterrer honorablement dans l'église du monastère de St.Bertin, ce qui fut un grand contentement audit roi Anglais qui depuis porta grand amour et affection à Adolphe, et à l'abbaye de St.-Bertin.»

Cette citation émane de la chro

nique de Jean Hendricq, le plus ancien des manuscrits autographes de St.-Omer.

Le grand Cartulaire fait mention de l'inhumation d'Edwin sous la rubrique de 933. Selon cette autorité, le naufrage qui l'apporta sur nos bords, aurait eu lieu près de Gravelines,

corps

d'Ed

Il est certain que le Win fut trouvé à cette époque sur le rivage de la Flandre, dans la Morinie; et que le comte de Boulogne, averti de cette triste nouvelle, se rendit lui-même sur la plage, et ramena avec soin les res tes de son parent dans son monastère où il lui fit rendre de magnifiques honneurs funèbres, par Etienne, évêque de Thérouanne.

Les annalistes de cette contrée ont fixé la mort de ce descendant des premiers rois Anglo-Saxons au 28 février 932 ou 933,

La destinée du jeune Edwin est extrêmement attendrissante et peut fournir aux Dramaturges les situations les plus pathétiques. La Bibliothèque des romans n'offre point dans ses nouvelles historiques, de sujet plus propice à de grandes pensées, à d'énergiques tableaux. Edouard l'Ancien avait laissé des enfans de plusieurs femmes. Adelstan fut élevé sur le trône du consentement du clergé et de la noblesse, au préjudice d'Edwin, l'ainé des successeurs légitimes. Les mécontens ne tardèrent pas à ourdir une conspiration et à s'étayer du nom de l'héritier déchu. Adelstan, après avoir triomphe de ses ennemis extérieurs, tourmenté par les inquiétudes que lui causaient les partisans et les droits du véritable maître de l'Angleterre, prêta trop complaisamment l'oreille aux lâches calomnies d'un vil courtisan : « Quand l'homme a commis une faute qu'il suppose irréparable, l'orgueil lui fait chercher un abri dans cette faute même. » Adelstan, convaincu de sa propre illégitimité, ordonna la perte d'Edwin. Vainement, selon les ballades de Malmsbury, le candide proscrit affirma son innocence par serment et s'en remit à l'attachement fraternel. L'usurpateur commuant avec hypocrisie la sentence de mort en bannissement, abandonna sa victime à la merci des vagues, dans un bateau ouvert et fracassé. Les chroniques saxounes, dit Lingard, attestent qu'Edwin périt à la mer. Cet événement se passa pendant l'administration d'Adolphe, comte de

Boulogne et abbé de St.- Bertin » dont la mère était fille de l'illustre Alfred et sœur d'Edouard. Arnould-le-Grand était alors comte de Flandre.

On prétend qu'Adelstan se repentit tardivement de sa cruauté ; on ne guérit pas des remords : la multiplicité de ses pieuses donations ne put ramener le calme dans son âme troublée. Ayant eu connaissance de la piété qu'Adolphe avait exercée envers son frère, il combla de bienfaits l'abbaye qui avait recueilli si généreusement sa dépouille mortelle.

L'accusateur de l'infortuné Edwin ne profita pas long-tems du succès de son infâme machination. Une plaisanterie déplacée dans la cour de son Souverain et qui lui rappelait d'ailleurs trop sensiblement le forfait dont sans cesse il gémissait, mit fin à sa coupable vie. « Dieu patient et vengeur suspend quelquefois son bras mais ne détourne jamais les yeux. »**

Divers auteurs anglais traitent de fabuleuse la tragique aventure d'Edwin; cependant nos chroniques et nos manuscrits corroborent l'opinion des autres écrivains de cette nation qui attribuent au crime d'Adelstan la fin prématurée de son frère. Il paraitrait certain, d'après nos documens locaux, que la mort d'Edwin fut violente, qu'il reçut avec éclat la sépulture à St.-Bertin, et que par reconnaissance le monarque anglais augmenta considérablement dans son royaume les possessions des religieux de ce monastère.

H. P.

LE PEINTRE PONTHUS. Ponthus, peintre, né à Cambrai, vivait dans cette ville vers la fin du XVIe siècle; il peignait différens genres, mais surtout le portrait ; la renommée publiait au loin qu'il saisissait la ressemblance avec un talent remarquable. Il rendit plusieurs fois sur la toile la sournoise figure du maréchal de Balagny, qui alors gouvernait la ville de Cambrai, et les traits plus agréables de Renée d'Amboise, son épouse. Ces différens travaux pensèrent lui devenir funestes: Ponthus avait une fille charmante, Balagny la vit, et comme sa tyrannie ne respectait rien, il résolut d'en être posses→ seur de gré ou de force. Un soir, vers l'année 1590, le gouverneur de Cambrai, suivi d'un ou de deux estaffiers, se présente chez Ponthus absent, sous prétexte d'examiner les tableaux de l'artiste, mais avec l'intention de ne pas borner son attention à des peintures inanimées ; il attaqua violemment la jeune fille

isolée et il l'eut infailliblement déshonorée, sans l'arrivée inattendue du père qui mit fin aux infâmes tentatives de Balagny, et sauva l'honneur de sa fille au risque de se voir accablé de la haîne implacable de ce tyran. Ce fut cette scène et plusieurs autres répétées toutes les nuits dans les rues de Cambrai, qui donnèrent naissance à cette épigramme conservée dans les chroniques manuscrites de l'historien Doudelet, clerc de l'église Notre-Dame de la Chaussée, de

Valenciennes :

Balagny, Duc de la briganderie, Comte vilain de toute putere,

Prince et Seigneur des larrons et voleurs,
Marquis des fous et des blasphémateurs,
Baron connu de toute bâtardise,
Parjure à Dieu, au Roi et à l'Eglise ;
Grand gouverneur des espautrés cornus
Comme à sa femme en sont les faits cognus.
Bref, protecteur il est d'hypocrisie,
Et zélateur d'infecte hérésie ;
Conservateur de toute iniquité,
Persécuteur des hommes d'équité,
Grand amiral des écumeurs de filles
Et destructeur des pauvres et pupilles.

Ponthus se vengea de Balagny à sa manière et avec les armes que lui fournissait son talent. Le 16 mars 1597, on fit à Cambrai de grandes réjouissances à l'occasion de la prise d'Amiens sur les français. Comme Balagny vivait encore et avait continué à suivre le parti de Henri IV, on résolut de le brûler en effigie sur le marché, au son des cloches et au bruit de la mousqueterie. La haîne fit germer dans le cerveau de Ponthus l'idée de la caricature populaire alors encore inconnue : Il fit l'image de Balagny d'une ressemblance frappante, lui donna deux visages pour faire allusion aux diOn habilla ce mannequin à la franvers partis qu'il avait embrassés. çaise, avec un chapeau rabattu sur le front; on lui mit une écharpe blanche au cou, et deux chats, em→ blême de sa traîtrise, furent attachés entre ses jambes. L'ex-tyran de Cambrai ainsi affublé fut planté sur un bucher et brulé à petit feu, à la grande satisfaction de toute la population cambrésienne, qui était elle eut vu figurer en personne ceaussi joyeuse que si presque lui qui lui avait fait tant de mal.

Outre sa jolie fille qui courut un si pressant danger dans l'hiver

de 1590, le peintre Ponthus laissa un fils nommé Jacques, né aussi à Cambrai, qui se rendit à Rotterdam, au commencement du XVIIe siècle, pour se perfectionner dans l'art de la peinture qu'on cultivait

alors avec tant de succès en Flandre et en Hollande. Dans un mouvement de colère, il eut le malheur de tuer son maître ; fuyant la justice et vivant dans le désordre, il parvint à Tournai où il se rendit coupable d'un second meurtre": cette fois ce fut un ecclésiastique, confesseur des respectables religieuses de l'hôpital de Marvis, qui tomba sous ses coups. Arrêté et incarcéré à Douai, en mai 1619, l'attente du dernier supplice qui l'attendait ne fit qu'augmenter la violence de son caractère : sa prison retentit de ses cris et de ses fureurs; il tenta d'assommer ses gardiens et voulut étrangler les prêtres qui

cherchaient à le réconcilier avec le ciel. Enfin il s'endormit, et à son réveil on ne le trouva plus le même: il était doux et repentant; on le vit marcher au supplice avec résignation et en regrettant hautement les désordres de sa vie passée. Ce changement subit donna occasion de crier au miracle! on le mit sur le compte de dame Jeanne de Cambry, dont la réputation de sainteté était alors dans toute sa force à Douai et qui s'était heureusement avisée d'employer ses prières et son intercession en faveur de ce grand criminel. (Voyez Abrégé de la vie de dame Jenne de Cambry, premiérement religieuse en l'abbaye des Pretz, à Tournay, etc. Anvers, 1659, in-4o et 2e édition, Tournay,

veuve Adrien Quinque, 1663, in-8°, page 320). A. D.

LAURENT DE VOS. Lau

rent de Vos, d'origine flamande, et dont le nom signifie le Renard, était un ecclésiastique attaché à l'église métropolitaine de Cambrai, en qualité de maître des enfans de chœur, ou de la Sallette; les chroniques du tems lui accordent une haute réputation comme musicien, maître de chant et compositeur. Il est l'auteur de chansons et de motels qui furent imprimés vers le milieu du XVIe siècle et que La Croix du Maine cite dans sa curieuse Bibliothèque. M. Fétis, qui a eu l'ingé

nieuse idée de faire revivre dans des des compositeurs du XVIe siècle, concerts historiques les productions nous fera peut-être entendre quelque jour une portion des œuvres de son compatriote Laurent de Vos.

Ce célèbre maître de chapelle mourut malheureusement : le baron d'Inchy s'étant emparé de Cambrai et gouvernant cette cité despotiquement, il y eut une émigration considérable parmi le clergé de la ville; l'archevêque Louis de Berlaymont se retira à Mons avec plusieurs prélats et bourgeois notables de Cambrai. A la suite de cette retraite, D'Inchy ne rêvait plus que complots; il crut que Laurent de Vos, attaché par état et par goût à l'archevêque, avait trempé dans quelque conspiration tramée contre lui, il le fit arrêter et juger comme traitre par une espèce de tribunal révolutionnaire, composé de ses adhérens, dont une

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