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le fesait, ne dépassait guères un cabaret un peu famé sans y faire une pause honnête. Cette promenade dansante durait huit jours et se terminait à la fête de Marly, village près de Valenciennes, où l'on représentait les mèmes céré monies pour la clôture. On doit bien penser qu'au huitième jour, les danseurs avaient un peu perdu de leur jarret, et les costumes de leur fraicheur, mais il n'en était pas moins vrai que tous fournissaient leur carrière avec un bonheur étonnant.

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Les traditions locales rapportent que dans l'origine de cet usage c'était la femme ou la fille du prévôt qui dansait ainsi avec le syndic du corps des boulangers de la ville; ensuite les filles des halliers briguèrent l'honneur d'être Maries au blé; la plus belle et la plus vertueuse avait la préférence. Quelques accidens fâcheux étant survenus à la suite de ces courses dansantes, les rens ne permirent plus à leurs filles de courir ainsi les rues et les cabarets pendant une semaine avec une douzaine de cavaliers quelque fois trop galans; on fut alors obligé de prendre la Marie au blé parmi les filles de moyenne vertu et dès lors la coûtume dégénéra: les rétributions ne rendaient plus, la soif des danseurs allait croissant, on ne fesait pas ses frais : l'usage tomba enfin tout-à-fait; Marie au blé a dansé pour la dernière fois en

1822.

A. D.

LE PORTIER DE SAINTQUENTIN. (1700). Cette

charge là en valait bien une autre
ma foi! On avait l'honneur de
porter un bel habit à larges bas-
ques, mi-partie rouge et bleu,
une culotte aussi rouge et bleue,
et un chapeau à trois cornes. Cela
se voyait de très-loin, et chaque
mouvement des bras et des jambes
produisait nne alternative de cou-
leurs fort agréable à l'œil. Ajou-
tez l'ordre mystérieux des bou-
tons de l'habit; d'abord, un isolé,
ensuite deux, et enfin trois réunis,
ce qui voulait dire: un coup de
cloche pour la fermeture de la por-
te d'ile, deux pour la porte St.-
Jean. Ensuite dans maintes cir-
constances le guichet rapportait
bon, notamment par les belles
soirées, lorsque le clair de lune,
les groupes d'étoiles, l'air doux et
frais, les bruits du jour, mou-
rant de loin en loin, lorsque tout
invitait les amans à la rêverie et
leur faisait oublier l'heure de la
fermeture des portes. Alors, riche
ou gueux, il fallait avancer cinq
beaux sous au malin portier, qui
vous jetait au visage le rayon in-
discret de sa lanterne. Encore cinq
sous, lorsqu'on s'était arrêté sous
les feuillées de Remicourt à savou-
rer le flan au fromage et la flami-
che indigène. Encore cinq sous,
lorsqu'après une partie de crosses
ou de quilles on était allez boire
du cidre ou du clairet au cabaret
de Rouvroy. Et les petites transac-
tions mystérieuses; la poignée de
sel et l'once de tabac du fraudeur!
Et enfin, pour peu que l'on fût
observateur et philosophe, le plai-
sir d'analiser chaque individu en-
trant ou sortant de saisir toutes

;

les affaires, toutes les intrigues au passage; de faire de sa loge un petit foyer de cancans, de son guichet, des fourches caudines, sous lesquelles force était de se courber, que l'on eût la mine humble ou fière, que l'on fût un modeste artisan, ou le capitaine des beaux arbalétriers de la ville! Aujourd'hui St.-Quentin n'a plus ni portes ni portiers, mais on y fait encore des cancans; demandez plutôt aux perruquiers, demandez aux coiffeurs.

F. D.

MORT D'ANNEESSENS.- Le vendredi 15 septembre 1719, les cinq doyens furent remis entre les mains du marquis de Prié, qui ordonna que l'exécution s'en fit incessamment, et prit toutes les mesures nécessaires pour prévenir un soulévement, et tenir le peuple dans la crainte et dans l'inaction. Le lundi, le procureur général, le fiscal et le secrétaire du conseil de Brabant se rendirent dans la prison où ils lurent la sentence des prisonniers, sans que ceux-ci fussent écoutés dans leur défense. Le soir on sut qu'Anneessens était condamné à être décapité, et les quatre autres doyens bannis à perpétuité; que leurs biens devaient être confisqués; que sept individus, convaincus d'avoir pris part aux pillages, devaient être pendus, et quelques uns fustiges auparavant devant la maison du chancelier, où il y avait une potence dressée pour la forme et pour servir d'amende honorable; que quatre autres pillards seraient fouettés, marqués

et bannis. Pour assurer l'exécution de toutes ces sentences, le soir du lundi, l'infanterie campée dans le Parc, vint prendre possession de toutes les places de la ville et des postes les plus convenables. Mardi 19, à la pointe du jour, la cavalerie et les dragons occupèrent les endroits qui leur avaient été assignés.

L'échafaud qui avait été dressé sur la grande place fut gardé par des grenadiers et des dragons, toutes les rues par lesquelles les condamnés devaient passer étaient bordées par deux rangées de soldats. Un peu après les heures du matin, la marche commença. La moitié du régiment de Westerloo ouvrait ce funeste convoi, les archers du prévôt et du drossart de Brabant étaientau centre; au milieu d'eux était l'infortuné Anneessens sur une charette, en robe de chambre, le dos tourné vers le cheval et un jésuite, son confesseur, visà-vis de lui. Puis suivaient les autres condamnés à pied, le procureur-général en robe, tous les huissiers à cheval et le reste du régiment de Westerloo. On les conduisit de cette manière à la chancellerie, où ils attendirent près d'une heure devant la porte, avant qu'on fit entrer Anneessens. Arrivé devant ses juges il les salua d'un air grave et écouta avec calme la lecture de sa sentence. Il nia plusieurs des principaux chefs, mais on continua sans avoir égard à ses dénégations, Comme on lui imputait entre autres d'avoir donné de l'argent aux séditieux pour les ex

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Comme il s'exprimait avec beaucoup de feu sur plusieurs articles de sa sentence: «Songez que vous êtes devant vos juges, » lui dit-on; à quoi il répliqua, en arrachant un crucifix des mains de son confesseur. Voilà l'image de mon juge; c'est lui qui me jugera et tous les juges de la terre! » Quand il eut entendu sa condamnation: « La cour approuve-t-elle cet acte d'iniquité, s'écria-t-il ? — Oui, dit le chancelier, elle vous condamne à mourir. — Que Dieu lui pardonne, répliqua-t-il, car elle ne sait pas ce qu'elle fait. » On lui demanda ensuite de signer sa sentence, suivant la coutûme en pareil cas; ce qu'il refusa absolument, de même que de demander pardon à la justice, protestant toujours de son innocence et se félicitant de mourir pour sa patrie. On le conduisit de là au lieu de l'exécution. Quand il fut sur l'échafaud, il montrà un visage serein et tint longtems ses regards fixés sur l'hôtel-de-ville. Son confesseur l'ayant exhorté à les tourner plutôt vers le ciel : « Ces degrés me rappellent, dit-il, con bien de fois je les ai montés pour la cause du peuple. Sept fois ils ont

été témoins de mon serment de fidélité à l'empepeur, et jamais, je vous le jure, je n'ai trahi cet engagement solennel. »

Après une courte prière, il harangua le peuple : « je meure pour vous, dit-il, mes chers compatriotes, je meurs pour avoir voulu soutenir vos droits et vos privilèges jurés et renouvelés solennelle

ment par tous nos souverains. Je meurs pour avoir observé religieusement le serment que j'ai prêté en acceptant la fonction pour laquelle vous m'aviez choisi.» Mais le bruit des troupes ne permit qu'à un petit nombre de spectateurs d'entendre ces paroles. Ensuite il pardonna à tous ses ennemis, à ses juges et aux faux témoins qui l'avaient fait condamner. Puis s'adressant au bourreau. « Si vous avez ordre de me faire mourir, lui ditil, déliez-inoi les mains. Je suis vieux; l'âge m'a appris à envisager la mort de sang froid. Le bourreau, touché de respect et de compassion, obéit en lui demandant pardon du sang innocent qu'il allait répandre. L'infortuné doyen se couvrit lui même d'un bonnet, et après avoir tiré de sa poche un mouchoir qu'il présenta au bourreau pour lui bander les yeux, il se mit à genoux et baissa sa tête qui fut abattue d'un seul coup.

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Toute la place retentit alors de cris de douleur et de gémissemens. Le peuple parut d'autant plus consterné, qu'on avait fait courir le bruit qu'il obtiendrait sa grace sur l'échafaud. Son corps fut enlevé

par les jeunes gens et porté à l'église de la Chapelle, sa paroisse, où on lui fit un service magnifique, ainsi que dans toutes les autres paroisses de la ville, malgré les menaces du marquis de Prié. Dès que l'inhumation fut faite, le peuple accourut en foule à l'église pour y baiser les pierres de son tombeau.

Le lendemain de l'exécution, les habitans de toutes conditions se rendirent de grand matin sous l'échafaud , pour ramasser le sable ensanglante qui fut vendu au poids de l'or et renfermé dans des reliquaires; on en porta dans tout le pays, jusqu'en Hollande, tant l'intérêt qu'avaient excité la contenance et la noble résignation d'Anneessens, était devenu puissant et général. Il fut pleuré plus amèrement par ses compatriotes, que ne le furent les comtes d'Egmond et de Horn du tems du sanguinaire duc d'Albe. Ceux-ci n'étaient à leurs yeux que des courtisans malheureux. Anneessens était né dans les rangs du peuple; il partageait ses griefs, ses sentimens, ses préjugés : le coup qui le frappa retentit au fond du cœur de tous ses égaux. Sa fin tragique, la connaissance parfaite qu'il possédait des privilèges du Brabant, son patriotisme, une certaine éloquence naturelle dont il était doué, le firent souvent comparer à Cicéron par ses admirateurs, et sa profonde piété le fit regarder comme un la multitude. Encore jourd'hui sa mémoire est en vénération chez les anciennes familles

saint par

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au

bruxelloises, dont plusieurs ont conservé des parcelles de son sang ou de ses vêtemens. Il n'y a pas trente ans que les paysans chantaient la complainte où se trouvent rapportées les circonstances de la mort de cet infortuné martyr de la liberté ; et les républicains français pour honorer sa mémoire, changèrent le nom de la rue d'Arenberg en celui d'Anneessens. P. F. VERHULST.

MORT DE VÉSALE. Le fameux médecin Vésale, né à Bruxelles en 1514 d'une famille connue dans les fastes de la médecine et dont les membres furent attachés aux personnes de Marie de Bourgogne et de Marguerite d'Autriche, fit faire à l'anatomie un pas immense par la dissection des corps qu'il mit en usage: avant lui la dissection d'une créature faite à l'image de Dieu, passait pour une impiété digne du dernier supplice; on se contentait d'anatomiser les singes, les porcs et autres animaux réputés semblables à l'homme par l'organisation; Vésale, médecin de Charles-Quint et ensuite de Philippe II eut le pouvoir de mettre les dissections en vo. gue et dès lors l'art médicinal marcha dans la voie des progrès. Qui le croirait! ce qui devait faire la gloire du docteur Bruxellois, fit son malheur et fut cause de sa mort. L'illustre docteur eut pour ennemis acharnés cette tourbe d'ignorans bigots, apôtres de l'erreur et du mensonge, qui de tout tems firent une guerre, tantôt sourde et tantôt déclarée, aux

scrutateurs ardens de la nature et de la vérité; Vésale résistait depuis longtems à leurs coups, ils l'atteignirent enfin. Un jour un gentilhomme espagnol rendit entre ses mains le dernier soupir, au moins à ce qu'il crut; il demanda et obtint la permission de faire l'ouverture de son corps; mais voilà qu'en enfonçant l'instrument tranchant dans la poitrine du malheu-reux, il s'aperçoit que son cœur palpite encore ! La famille du défunt, instruite de cet événement poursuit le médecin comme meurtrier et ses ennemis voyant le moment favorable le dénoncèrent comme sacrilège au tribunal de l'inquisition. Le crime était notoire; les juges de ce tribunal, heureux de tenir en leur main une telle victime, n'hésitèrent pas à le dévouer au dernier des supplices par une condamnation infâmante. Il fallut toute l'autorité et les supplications de Philippe II pour arracher son médecin à une mort certaine ; on commua sa peine, sous la condition qu'il expierait son crime par un voyage à la Terre Sainte.Ce n'était que reculer sa mort de peu de jours. Vésale s'achemina donc vers Jérusalem et s'em' arqua avec Malatesta, général des troupes de Vénise. Il devait à son retour venir prendre à l'université de Padoue, la chaire de son disciple Fallope, à laquelle le sénat de Venise l'avait appelé. Ballotté par des fortunes diverses durant son fatal voyage, il ne put atteindre ce port; après s'être purgé de sa faute dans la cité sainte, le docteur Vésale fut jeté par la tempête sur les côtes de l'île

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LE BARON BEYTS, qui était né en Belgique est mort tout récemment à l'âge de 70 ans. Le baron Beyts avait visité en tous les sens l'Italie et l'Allemagne ; son instruction était si variée et en même tems si étendue, que Napoléon avait coutume de l'appeler une bibliothèque vivante. Les mathématiques et les langues anciennes étaient l'étude favorite du baron Beyts. Il était doué d'une mémoire extraordinaire, car jusqu'à un âge très avancé il fut en état de réciter mot à mot toutes les tragédies de Sophocle et d'Euripide. Le baron Beyts connaissait et parlait quatre langues anciennes et six langues modernes, et sa mémoire était si fidèle et si parfaite, qu'il pouvait citer sans commettre la moindre erreur, les dates de tous les traités de paix et les lieux où ils avaient été conclus, depuis l'année 1550 jusqu'à nos jours.

Le baron Beyts jouissait de l'estime universelle, et il est sincèrement regretté, comme le patron zélé de la jeunesse studieuse. Il a laissé un grand nombre de manuscrits, mais on regrette que la plupart soient inachevés. Le baron Beyts est le membre des cinq cents qui s'élança à la tribune lorsque Bonaparte entra dans le conseil à la tête de ses satellites, et fit la proposition de le mettre hors de la loi.

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