3. RAPPORT de la Commission à laquelle ont été renvoyés le forceps à trois courbures et le nouveau porte-lacs, présentés à l'Académic par M. J.-A. MORALÈS ALPACA. M. HUBERT, rapporteur. Messieurs, Deux instruments nouveaux vous ont été adressés par M. le docteur J. A. Moralès Alpaca, Péruvien; l'un d'eux est un porte-lacs, l'autre un forceps. PORTE-LACS. Le porte-lacs se compose de deux anneaux métalliques réunis par une petite barre transversale et s'adaptant respectivement aux doigts médius et annulaire. Mode d'emploi. On fait avec un ruban un nœud coulant dont on entoure une partie du poignet, le pouce, l'index et l'auriculaire; puis on passe les deux chefs du lacs par dessus la barre de renvoi et on les ramène sur la face dorsale de la main. L'appareil ainsi forme, on introduit la main, réduite au plus petit volume, pour aller saisir le pied de l'enfant. Si on tire alors sur les bouts du lacs, le nœud coulant remonte sur le cône constitué par la main et va embrasser les doigts de l'opérateur et le membre du fœtus. Cela fait, le pouce se dégage et repousse le ruban au-dessus du doigt auriculaire d'abord, puis au-dessus de l'indicateur, de sorte que le membre se trouve seul compris dans le lien. Le petit instrument de M. Moralès n'est peut-être pas d'une application aussi facile que le porte-lacs de M. Hyernaux, mais il est plus simple et beaucoup moins coûteux. Le procédé a ceci de commun avec le nôtre, qu'il fait remonter le nœud coulant au moyen d'une poulie de renvoi. Il en diffère en ce que la poulie est fixe et dispense de l'intervention d'un aide. C'est là un avantage. Mais il exige qu'on abandonne un moment le pied de l'enfant; il prive deux doigts d'une partie de leur liberté et il réclame un instrument spécial, tandis que nous n'avons besoin que d'une pince à pansement (1). En somme, il est fort ingénieux, d'un prix très-modique et d'une application facile. FORCEPS A TROIS COURBURES. << Tous les praticiens connaissent, dit M. Moralès, les difficultés de l'application du forceps au détroit supérieur, lesquelles sont dues à la résistance du périnée et à l'impossibilité où l'on est de faire les tractions suivant l'axe de ce détroit. » C'est pour remédier à ces inconvénients, ajoute-t-il, qu'il a fait construire le forceps à trois courbures qu'il a l'honneur de présenter à l'Académie. Le nouveau modèle n'est autre que le forceps de J. Hatin avec la modification d'une troisième courbure en avant et très-près de l'articulation. Les cuillers ont une longueur de 15 centimètres. La troisième courbure commence brusquement à leur base pour se terminer à l'articulation. Elle est concave en arrière, longue de 8 1/2 centimètres et haute de 2 centimètres. (1) Voir Bulletin de l'Académie de médecine de Belgique, 2me série, tome VI, no 1. Voici, selon M. Moralès, les avantages de ce nouveau forceps : 1o Dans les premières tractions il ne comprime pas le périnée; 2° Lorsqu'il est descendu sur le plancher du bassin, il déprime le coccyx de sa face supérieure vers l'inférieure et non de son sommet vers sa base, comme le fait le forceps ordinaire; 3o Les cuillers peuvent aller plus haut et plus en avant que celles du forceps ordinaire de 4 centimètres au moins; ce qui permet de faire les tractions presque suivant l'axe du détroit supérieur, et ce qui rend l'instrument très-utile lorsque le ventre de la femme est en besace. Les deux premiers avantages signalés par l'auteur nous paraissent assez minces; car, si l'on déchire parfois le périnéc, si l'on peut même luxer le coccyx avec le forceps ordinaire, cela dépend tantôt de l'état des parties, tantôt, et beaucoup plus souvent, de la manière d'opérer. Ces accidents ne peuvent aucunement, selon nous, être attribués à la forme de l'instrument, qui ne laisse rien à désirer, une fois que la tête est descendue dans le petit bassin. Le troisième avantage est plus réel. Tous les accoucheurs savent que le forceps ordinaire, appliqué au détroit supérieur, agit trop en avant, et cela est vrai, surtout quand on applique la force aux crochets, comme on a souvent le tort de le faire. Or, il est évident que, dans le nouvel instrument de M. Moralès, l'augmentation de la courbure pelvienne permettant aux cuillers de se ramener plus en avant, et l'addition de la nouvelle courbure permettant aux manches de se porter plus en arrière; les tractions exercées d'une extrémité à l'autre des branches se rapprocheront davantage de la direction de l'axe du détroit abdominal. Mais, comme nous croyons l'avoir démontré ailleurs (1), ce résultat s'obtient mieux, même avec le forceps ordinaire, si, au lieu d'appliquer la force aux crochets, on l'applique aussi près que possible de la vulve (2). Lorsqu'on procède de cette manière, la troisième courbure devient superflue. Pour qu'elle fût réellement utile, il faudrait qu'elle fût assez forte pour permettre aux crochets de se reporter en arrière de la commissure postérieure de la vulve, et c'est là un desideratum que nous avons cherché à combler depuis longtemps (3). Le travail de M. Moralès Alpaca, bien qu'il ne se compose que de quelques pages, témoigne d'un esprit judicieux et chercheur. Aussi vous proposons-nous d'en ordonner l'impression dans votre Bulletin et de voter des remerciments à ce jeune auteur. Personne ne demandant la parole, ces conclusions sont mises aux voix et adoptées. (1) De l'équilibre du forceps et du levier (Mémoires de l'Académie de médecine de Belgique, tome IV, 1860). (2) Si on applique la force aux crochets, la direction de l'effort est d'autant plus défectueuse que l'instrument est plus long. C'est ce que Smellie avait déjà parfaitement compris. Aussi les manches de son forceps sont-ils trèscourts (voir tome 1, page 271 de son Traité d'accouchements). Nous avons cherché à démontrer (Mémoire cité) que le forceps ordinaire étant appliqué au détroit supérieur, si on veut l'employer comme forceps ou comme pince de traction, ce qu'il y a de mieux à faire c'est de le saisir contre la vulve et de tirer d'après une ligne partant des mors des cuillers et aboutissant au point d'application de la force. Mais la direction de l'effort est encore plus favorable si on fixe d'une main l'extrémité des manches pendant que la puissance s'exerce sur le corps de l'instrument et aussi près que possible de la vulve. Le forceps se trouve ainsi transformé en levier interpuissant et il agit en arrière et en bas, au lieu d'agir en avant. (3) Memoire cité. Nous avons remplacé le manche supplémentaire que nous proposions dans ce mémoire par deux crochets qu'on peut substituer aux crochets du forceps de J. Hatin, et qui, se dirigeant en arrière, permettent d'exercer des tractions dans la direction de l'axe du détroit supérieur. 4. RAPPORT de la Commission qui a examiné le travail de M. HENROZ, intitulé : Épidémie de métro-péritonite puerpérale qui a régné dans quelques localités peu éloignées les unes des autres du canton d’Érozée, du 14 juin au 5 juillet 1864. — M. MARINUS, rapporteur (1). Messieurs, M. le docteur Henroz, président de la Commission médicale de la province de Luxembourg et l'un des membres honoraires de l'Académie, vous a communiqué la relation d'une épidémie de métro-péritonite puerpérale qui a régné, en 1864, dans quelques localités du canton d'Erezée, dont voici l'analyse : Douze femmes, toutes très-pauvres, habitant sept localités différentes, peu éloignées les unes des autres, accouchent du 11 juin au 3 juillet. Toutes, dès le lendemain ou le surlendemain de l'accouchement, sont atteintes de métro-péritonite. Huit succombent du troisième au douzième jour de l'apparition de la maladie. Quatre échappent à la mort. Parmi ces femmes, deux seulement étaient primipares; les autres avaient déjà eu de deux à huit accouchements; une était même devenue mère pour la quatorzième fois. C'est dans un rayon de trois à six kilomètres environ que ces faits sont observés, et dans les sept localités où la maladie a sévi, aucune des femmes accouchées dans l'espace de temps compris entre le 11 juin et le 3 juillet n'y a échappé. Jamais la province de Luxembourg n'avait présenté rien de semblable; dans le cours de sa longue pratique, l'auteur a vu des cas assez nombreux de métro-péritonite puerpérale, mais ce n'est pas sous cette forme qu'ils se sont présentés. (1) Commissaires: MM. MASCART et MARINUS. |