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Des remerciments sont votés aux auteurs des publications

envoyées à la Compagnie.

III.

LECTURES, RAPPORTS ET DISCUSSIONS.

1. NOTE ADDITIONNELLE de M. BURGGRAEVE, membre titulaire, à sa communication sur les résultats statistiques de la chirurgie au plomb.

Messieurs,

J'ai demandé la parole pour une rectification à un passage de la note relative aux pansements au plomb insérée dans le Bulletin de la séance du 25 janvier dernier (1). Il s'agit de l'épaisseur à donner aux lames dont on se sert, et qui est non d'un ou d'un demi-centimètre, mais d'un ou d'un demimillimètre. Voici, du reste, un échantillon du plomb dont on se sert généralement à Gand.

Je crois encore devoir revenir sur la facilité avec laquelle ces lames s'appliquent et la parfaite inamovibilité qu'elles permettent d'établir. Certes, on ne pouvait espérer la solution de ce problème difficile avec tout autre moyen. Des pansements pneumatiques, il n'en est plus question; il en sera de même avec tout ce qui n'est pas simple. Les pansements au plomb et l'appareil ouaté compléteront donc le dernier mot de la chirurgie conservatrice, et l'Académie aura à se féliciter d'avoir donné le baptême de la publicité à ces deux innovations importantes.

Depuis le dernier trimestre qui vient de s'écouler, de nombreux cas d'application se sont présentés à Gand, ce champ de bataille de l'industrie; et on a eu de nouvelles (1) Voir Bulletin, t. II, 3a série, p. 77.

occasions de se convaincre combien la conservation du membre l'emporte sur son sacrifice. J'ai pu établir des comparaisons qui sont loin d'être en faveur des opérations sanglantes. J'en citerai quelques-unes. Une femme présentait à l'extrémité du doigt indicateur gauche une espèce de gangrène humide allant en s'étendant. Le microscope y fit découvrir des éléments d'un cancer mélanique. Je cite cette circonstance parce que les cancers dans ce point sont assez rares. Bref, je pratiquai l'amputation du doigt dans l'articulation métacarpo-phalangienne, par conséquent le plus loin possible du siège du mal. L'opération est trop simple pour qu'il faille y insister. Les résultats semblaient devoir ètre fort simples eux-mêmes; il n'en fut pas ainsi, puisque une inflammation phlegmoneuse très-violente se déclara et s'étendit à tout l'avant-bras. Il m'a fallu instituer un traitement fort énergique avec la vératrine et le sulfate de quinine, afin de conjurer des accidents généraux, et aujourd'hui encore je n'oserais dire que la malade est sauvée. Voilà donc une amputation de doigt qui aura pu coûter cher.

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Un individu présente une mutilation par arrachement à la main droite. Le sommet du doigt médius est écrasé, et l'indicateur complétement broyé. Je jugeai convenable d'amputer ce dernier on ne m'accusera donc pas de ne plus opérer quand même et je plombai l'autre. Ce dernier ne présenta aucune complication. Les parties sphacélées se détachérent et la cicatrisation se fit régulièrement. Le moignon du doigt amputé s'enflamma, au contraire, et il survint un phlegmon profond de toute la main et de l'avant-bras. Il fallut de profondes incisions pour évacuer les foyers et l'administration des alcaloïdes pour couper les accès de la fièvre pyohėmique.

Aujourd'hui l'état du blessé est aussi satisfaisant que possible, mais le traitement durera beaucoup plus longtemps que si le doigt avait été simplement plombé.

Dans le troisième cas, il s'agit d'une opération de complaisance de l'amputation d'un doigt ankylosé et étant une gêne pour l'individu. Ici encore, malgré toutes les précautions, une inflammation phlegmoneuse survint. Je ne prétends nullement qu'il doive toujours en être ainsi, car ce serait à condamner le couteau à tout jamais; mais nous arrivons à cette conclusion, qu'une opération n'est pas un remède, mais une nécessité plus ou moins dangereuse dont le malade et le chirurgien doivent courir les chances. Comme en toute loterie, il y a des gagnants et des perdants.

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Voyons maintenant les résultats des pansements au plomb. On a déjà pu voir que dans le cas no 2, le doigt plombé n'a présenté aucun accident. Il en a été de même de trois autres cas extrêmement graves qui sont encore en traitement en ce moment. Dans l'un, il s'agit de l'arrachement de presque toute la fesse. Les fessiers étaient en lambeaux, les nerfs et vaisseaux dilacérés. Comme dans la plupart des plaies par arrachement, il n'y eut pas d'hémorrhagie. La petite ouvrière une enfant! était påle, chlorotique et dans cet état de prostration physique et morale qu'amènent les accidents graves. La plaie nettoyée, les lambeaux ramassés, le plomb fut appliqué. Par mesure de précaution on administra une potion composée de 2 1/2 centigrammes d'aconitine et de vératrine, dans un mucilage de gomme arabique. Aucun accident ne survint. Je ferai remarquer, en passant, que l'emploi des alcaloïdes est de règle dans notre service. Cette médication névro-sthénique car c'en est une nous est commandée par l'état de débilité où se trouvent

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généralement nos blessés. L'inflammation est ainsi conjurée, tandis que la diète et les pertes de sang auraient pour effet de l'amener. C'est un point sur lequel nous appelons l'attention de nos collègues en chirurgie : c'est de mettre leur confiance autant dans les moyens internes que dans les moyens externes d'être autant et plus médecin que chirurgien.

Dans un deuxième cas, il s'agit de l'arrachement de toute la moitié interne de la main droite car c'est généralement cette dernière qui est prise. Qu'y avait-il à faire ? Régulariser cette plaie par une opération? Mais par quelle? Une amputation partielle? Mais où prendre le lambeau, et dans la supposition que ce dernier existât, ne fallait-il pas tout craindre de la gangrène par stupeur? L'amputation de l'avant-bras? C'eût élé sommaire mais c'était-il sûr? Pour prix du sacrifice de son membre, l'opérée n'eût-elle pas recueilli la mort? Question formidable qui se présente avec chaque amputation. To be or not to be.

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Le plus prudent était de ne point opérer et le résultat le démontra, puisque aucun accident ne s'est présenté. La blessée conservera le pouce et une espèce de palmette qui lui sera infiniment plus utile que le membre artificiel le plus artistement fabriqué.

Dans le troisième cas, il s'agit encore d'une mutilation de la main droite. Ici c'est le côté dorsal qui a été attaqué, les dents de l'engrenage ont pénétré dans l'articulation radiocarpienne et opéré une énucléation complète du carpe, du métacarpe et des phalanges, à l'exception du pouce. Le plomb fut appliqué immédiatement et on eut soin de faire des irrigations et des applications d'eau fraiche. La susceptibilité nerveuse du blessé était extrême et donna des craintes pour le

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Par mesure de précaution, on administra la vératrine et l'aconitine. Tout se passa bien pendant les huit premiers jours, mais au bout de ce temps, un état prostratif survint, avec toutes les apparences d'un état typhoïde.

Je le combattis avec la serpentaire de Virginie et l'acétate d'ammoniaque. Aujourd'hui l'état du blessé est aussi satisfaisant que possible.

Voilà donc des faits qui permettent de se prononcer entre les deux méthodes.

Mais, dira-t-on, on n'opérera donc plus ? Je répondrai que dans certaines occasions on n'opère pas assez et assez tôt. Ainsi j'ai en ce moment dans mon service une femme atteinte d'une hernie étranglée, irréductible depuis huit jours. J'ai opéré, comme on dit, in extremis. Voyez la conséquence : c'est que malgré la gangrène partielle de l'intestin, qui m'a forcé d'établir un anus artificiel, l'opérée guérira, selon toutes les apparences. Opérer en temps est donc tout aussi important que ne pas opérer quand on peut faire autrement.

Je reviens aux pansements au plomb pour dire de nouveau combien ils seraient utiles sur le champ de bataille. Au besoin, le plomb servirait de munition et aurait le privilége de faire la blessure et de la guérir ce que ne font pas les Chassepot. Plaisanterie à part-il y a des plaisanteries sérieupar exemple, celle que pour avoir la paix, il faille vouloir la guerre — les pansements au plomb réalisent en chirurgie un véritable desideratum: un pansement simple, extemporané et inamovible, pour nous servir d'un barbarisme reçu.

ses

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comme il y a des raisons plaisantes

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