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Dans ces documents vénérables, on ne trouve pas seulement établie d'une manière positive la grandeur sociale des sires de Giey, on puise la preuve certaine que ces représentants d'une race antique ont, par l'addition constante du nom de leur seigneurie à leurs prénoms, formulé un nom patronymique qui devait se perpétuer à travers les siècles. La famille de Giey a cela de commun avec les plus illustres maisons.

Celui qui écrirait l'histoire des sires de Giey sur Aujon, avec des matériaux incomplets ou avec une connaissance su· perficielle de la localité qu'ils ont eue pour berceau, les confondrait aisément avec les Sires de Gyé sur Seine, autre localité voisine, d'autant plus qu'anciennement on orthographiait de même les deux noms, c'est à dire GYÉ OU GIÉ. Les dictionnaires géographiques ne sont eux mêmes pas d'accord sur l'orthographe : la plupart donnent Giez sur Aujon, tandis que le sceau de la mairie nous apprend qu'il faut écrire Giey sur Aujon, absolument comme les représentants de la famille de Giey, par instinct de fidélité à leur traditions sept fois séculaires, écrivent encore aujourd'hui.

La seigneurie de Giey sortit de bonne heure des mains de ceux auxquels elle avait donné son nom; elle passa aux sires de Châteauvillain, on ne sait pour quelle cause. Quoi qu'il en soit, les descendants de ces seigneurs se plaisaient encore d'ajouter sur Aujon à leur nom propre, un siècle et demi après avoir cessé de posséder leur domaine. On en faisait de même dans les actes publics. Ainsi, dans un acte relatif à une donation faite à l'abbaye d'Auberive par Jean de Giey, surnommé Le Petit, demeurant à Chaumont et possédant encore en 1364 des propriétés à Giey, on le mentionne Johannes parvi DE GIEYO SUPER AUJONEM. En 1304, à propos d'une autre donation, on cite Dominus Euvrardus DE GIEYO SUPER AUJONEM (Archives de Chaumont). Il en résulte que de

Giey de Langres, Chaumont ou des environs, est issu des anciens sires de Giey sur Aujon, parmi lesquels on remarque dans une charte de 1140, Hugo Dominus de Gieyo, dont la femme s'appelait Héloïse, Eloïs, et le fils Odon, mentionné Odo Dominus de Gié, lequel avait épousé Reine, Regina. La fondation d'Auberive cite Hugues, Odon et Pons de Gié (1135).

Un grand nombre de membres de cette famille portent cette qualification de Miles, chevalier, que les princes et les souverains ambitionnaient comme un des plus beaux titres qu'il fût possible de porter. Dès 1158, on rencontre un Odon de Giey, Miles, témoin dans une donation que fait Odon de Mairé. Voici la charte :

« Ego Godefridus dei gratia lingonensis episcopus, testificor et pontificali auctoritate confirmo quod dominus odo de mairé concessit molmentensi domui dei quicquid iuris habebat in toto finagio areolarum.—tali scilicet tenore. ut singulis annis infra martium. xx. solidos a molmentensibus accipiat. Laudavit hoc uxor odonis Geltrudis. et bernadus filius eius. et filie. agnes que vocatur danneth. et elisabeth que et iosiana. Interfuerunt his omnibus. Constantius capellanus de arco. Wiardus capellanus de castro-villano. Petrus de planceio. Albertus de belfort. Laudavit etiam regina soror odonis. que clamabat sibi hereditarium predictum locum. et filia ipsius regine que vocatur danneth. Affuerunt huic laudationi. dominus odo de gié. thebaudus de sancto lupo. huo de pincurt. milites. Laudavit nichilominus Wido filius regine. coram pontio priore monasterioli. Alberto de belfort. thebaudo de sancto lupo. Wiardo forestario de arco. Actum est hoc anno dominice incarnationis Mo. Co. 1o. viiio.

En 1199, Gautier de Giey, dit de Belle Maison, et son fils

Pons, déjà chevalier, Gualterus de Bello manso et Pontius filius ejus jam MILES, font une donation à l'abbaye de Longuay: en 1201, Thiébaud et Jean de Giey, Milites, sont témoins dans une charte qui ratifie certaines conventions de Vibert de Courcelles, et dans laquelle Thiébaud de Giey, Miles, cède à l'abbaye d'Auberive tous les droits qu'il peut avoir à Pelongerot et à Maroles en 1220, Renaud de Giey, Miles, fait une autre donation à la même abbaye; le registre capitulaire de Langres, déposé aux archives de Chaumont, relate une charte de Gautier de Giey, frère du même Renaud de Giey, Miles en 1225, Thiébaud de Giey, surnommé La Pie, Miles, donne à Auberive des cens, des fauchées de prés et des terres à Saint Loup, et dans une charte de 1226, on le retrouve encore qualifié de même, ainsi qu'en 1235. La charte de 1232 qui mentionne Odon de Giey, son fils, sur le point de partir pour la Terre Sainte, le cite sous les mêmes dénominations de Thiébaud, Miles, surnommé La Pie. Voici le texte de cette charte :

« Ego Villermus Archidiaconus Lingonensis. et Ego Nicholaus Archipresbiter Eiusdem ville. Notum facimus universis presentibus et futuris. quod Odo de Gye filius Theobaudi militis cognomento La Pie. in presentia nostra recognovit se dedisse in elemosinam perpetuo possidendam Prata sua de Sancto Lupo. Fratribus Albe Ripe. Super alias autem res quas pignori obligavit remanent viginti quinque libre. Hec autem elemosina Stabilis erit. Sinon redierit dictus Odo de partibus transmarinis. Actum anno Gracie M° CC° xxxo secumdo. »

Gustave van Hoorebeke a établi dans une monographie toute la valeur de cette charte pour la famille de Giey: elle donne la preuve irréfragable de ce qu'elle possède un Croisé,

dans la personne d'Odon de Giey, et que son écusson a le droit de figurer à Versailles.

Plus tard, en 1255 et 1264, Gui de Giey, chevalier, dit Le Breton, Guido de Gyeio Miles, li Bretons, vend une rente à l'abbaye de Longuay, conjointement avec sa femme Elisabeth. En 1258 et 1269, le sire Horric de Giey, chevalier, dit de Belle Maison, et sa femme Dame Marie, fille du sire Guillaume de Gurgy le Château, chevalier, « Dominus Horricus de Gieio, Miles dictus de Bieau Mes, et ejus uxor Domina Marieta, filia Domini Villerme de Gurgeio Castro Militis (charte 1258) », firent à l'abbaye d'Auberive plusieurs donations, entre autres d'une maison et de deux prés situés au territoire de Saint Loup déjà cité. Fils de Horric, Jean de Giey, prêtre, échange en 1266 avec son père « Messire Hourys de Biaumeis chevaliers... tout ce quil ha a Gyei et au finaige en toutes choses, en prez, en terres, en rantes et en tous autres profiz. » Cet échange fut fait en présence de Jean, Sire de Châteauvillain et de Luzy, dont le sceau en cire brunie pend encore en partie à cette charte en texte français, confirmative d'une autre charte en latin de la même date.

Les propriétés indiquées par les chartes que nous signalons forment toutes des démembrements de l'ancien domaine des sires de Giey sur Aujon; elles accusent une source homogène dont il est aisé de poursuivre le cours jusqu'à la fin du XIVe siècle, époque à laquelle de Giey possédait encore des terres et des seigneuries à Giey, à Courcelles, à Esnoms, à Bussy le Grand, à Jorquenay, à Neuilly l’Évêque, à Saint Broingt les Fossés, etc.

En résumé: il est avéré que la famille de Giey a pour berceau la commune de Giey sur Aujon; qu'elle se montre puissante dès son origine; qu'elle a eu ses chevaliers, Milites, et son croisé, qu'elle a abandonné son domaine seigneurial dans le xiie siècle, les Châteauvillain y levant déjà la taille

en 1254, qu'après avoir exercé à Langres les plus hautes fonctions, qu'après s'être un instant fixée à Chaumont, elle s'est retirée de nouveau dans des terres environnantes, pour parvenir par des pérégrinations successives en Belgique, où, pendant deux cents ans, elle a servi avec honneur ses nouveaux princes et où elle compte ses derniers représentants.

L'exposé qui précède résulte absolument de documents irrécusables; l'exactitude la plus scrupuleuse et la réalité la plus évidente sont les deux caractères distinctifs de cette œuvre de persévérante recherche. En admettant des hypothèses, très vraisemblables et sans doute véritables, on devrait prendre le moyen âge pour point de départ. Mais l'hypothèse est superflue pour démontrer la noblesse, l'antiquité, la splendeur et la gloire de Giey. Gustave van Hoorebeke, l'historien fidèle des grandes familles de Gand, se réserve de consigner, dans un travail subséquent, que nous ferons connaître à notre tour, le résultat de toutes ses études généalogiques dans les archives publiques ou particulières conservées par des parents et des alliés, des successeurs aux biens et par la famille en Belgique. Dans l'analyse succincte et vraiment remarquable que nous reproduisons, il commence par un membre né à Langres vers la fin du xive siècle. A partir de cette époque, les notions sont certaines, positives, irrécusables.

I. JEAN DE GIEY, écuyer, bailli de Langres, reçu écuyer de Charles VII le 15 mai 1429, mort avant le 24 septembre 1466, et continué dans cette charge sous Louis XI, un des principaux nobles du bailliage de Chaumont, conduisit à Langres, en 1450, en qualité de capitaine et comme lieutenant de messire de Baudricourt, les nobles des bailliages de Chaumont et de Sens. Déjà marié au 28 janvier 1428, il épousa Guillemette Peuillot, fille de Belin, écuyer, et Alix de Fon

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