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DE L'ÉDUCATION.

SUITE DU LIVRE QUATRIEME.

«<

It Ly a trente ans que dans une » ville d'Italie, un jeune homme expatrié » se voyoit réduit à la derniere misere. » Il étoit né calviniste; mais par les » suites d'une étourderie, se trouvant » fugitif, en pays étranger, sans res» source, il changea de religion pour » avoir du pain. Il y avoit dans cette » ville un hospice pour les prosélytes, » il y fut admis. En l'instruisant sur la >> controverse, on lui donna des doutes » qu'il n'avoit pas, et on lui apprit le » mal qu'il ignoroit: il entendit des >> dogmes nouveaux, il vit des mœurs » encore plus nouvelles; il les vit, et » faillit en être la victime. Il voulut » fuir, on l'enferma; il se plaignit, on Emile. Tome III. A

le punit de ses plaintes ; à la merci » de ses tyrans, il se vit traiter en cri» minel pour n'avoir pas voulu céder. » au crime. Que ceux qui savent com» bien la premiere épreuve de la vio»lence et de l'injustice irrite un jeune >> cœur sans expérience, se figurent » l'état du sien. Des larmes de rage » couloient de ses yeux; l'indignation » l'étouffoit. Il imploroit le ciel et les > hommes il se confioit à tout le » monde, et n'étoit écouté de personne. >> Il ne voyoit que de vils domestiques » soumis à l'infame qui l'outrageoit, ou » des complices du même crime, qui >se railloient de sa résistancé et l'exci

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toient à les imiter. Il étoit perdu sans » un honnête ecclésiastique qui vint à » l'hospice pour quelque affaire, et qu'il » trouva le moyen de consulter en se>cret. L'ecclésiastique étoit pauvre, et » avoit besoin de tout le monde; mais » l'opprimé avoit encore plus besoin de » lui, et il n'hésita pas à favoriser son » évasion, au risque de se faire un dan> gereux ennemi.

» Echappé au vice pour rentrer dans

> l'indigence, le jeune homme luttoit » sans succès contre sa destinée; un » moment il se crut au-dessus d'elle. A la >> premiere lueur de fortune, ses maux » et son protecteur furent oubliés. Il » fut bientôt puni de cette ingratitude, >> toutes ses espérances s'évanouirent : » sa jeunesse avoit beau le favoriser, >> ses idées romanesques gâtoient tout. » N'ayant ni assez de talents, ni assez » d'adresse pour se faire un chemin fa»cile; ne sachant être ni modéré, ni » méchant, il prétendit à tant de choses » qu'il ne sut parvenir à rien. Retombé » dans sa premiere détresse, sans pain, » sans asyle, prêt à mourir de faim > il se ressouvint de son bienfaiteur.

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» Il y retourne, il le trouve, il en » est bien reçu; sa vue rappelle à l'ec» clésiastique une bonne action qu'il >> avoit faite; un tel souvenir réjouit » toujours l'ame. Cet homme étoit na» turellement humain, compatissant, il » sentoit les peines d'autrui par les sien»nes, et le bien-être n'avoit point en» durci son cœur; enfin les leçons de la sagesse et une vertu éclairée avoient

» affermi son bon naturel. Il accueille le » jeune homme, lui cherche un gîte,

Py recommande; il partage avec lui >> son nécessaire, à peine suffisant pour » deux. Il fait plus, il l'instruit, le con» sole, il lui apprend l'art difficile de > supporter patiemment l'adversité. Gens » à préjugés, est-ce d'un prêtre, est» ce en Italie que vous eussiez espéré > tout cela ?

» Cet honnête ecclésiastique étoit un >> pauvre vicaire savoyard, qu'une aven>ture de jeunesse avoit mis mal avec » son évêque, et qui avoit passé les >> monts pour chercher les ressources » qui lui manquoient dans son pays. Il » n'étoit ni sans esprit, ni sans lettres; > et avec une figure intéressante, il > avoit trouvé des protecteurs qui le >> placerent chez un ministre pour élever > son fils. Il préféroit la pauvreté à la » dépendance, et il ignoroit comment il » faut se conduire chez les grands. Il ne » resta pas long-temps chez celui-ci ; en » le quittant, il ne perdit point son es>> time; et comme il vivoit sagement > et se faisoit aimer de tout le monde

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