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révolution d'un corps dont une des extrémités est restée immobile, vous raisonnerez ainsi : ce corps qui est toujours de même longueur et qui se meut ainsi, s'applique d'abord sur un rayon, puis sur un second, sur un troisième, et ainsi successivement sur tous. La même longueur, en partant du même point, atteint donc la circonférence partout, c'est-à-dire, que tous les rayons sont égaux. Il est donc connu par la génération de cette figure qu'elle est telle que son centre est à une égale distance de tous les points de sa circonférence.

De même, par la connaissance d'une figure nous parviendrons, en raisonnant, à lui trouver une manière d'être produite, non pas peut-être celle dont elle l'a été, mais certainement celle dont elle a pu l'être; car connaissant la propriété du cercle dont nous venons de parler, il est facile de voir que si un corps se meut comme nous l'avons dit, il engendrera un cercle.

6o La fin ou le but de la Philosophie est de tourner à notre avantage les effets prévus, ou lorsque nous avons connu que des effets se produisent par l'action des corps les uns sur les autres, de produire artificiellement des effets semblables pour les usages de la vie humaine, autant que les forces de l'homme et la nature des choses le permettent.

Car la satisfaction d'avoir surmonté les difficultés de questions très épineuses, ou découvert des vérités très cachées, et de s'en applaudir intérieurement sans en rien dire à personne, ne me paraît pas une récompense suffisante pour un

travail aussi grand que celui qu'exige l'étude de la Philosophie; et je ne pense pas non plus que ce soit une chose bien désirable que d'apprendre aux autres qu'on est bien savant, s'il n'en doit rien résulter de plus. La science n'est bonne que pour augmenter la puissance. Faisons comme les géomètres, les théorèmes pour les problèmes, c'est-à-dire, pour savoir construire. En définitif, toute spéculation doit avoir pour but une action ou une production quelconque.

7o Quant à l'utilité de la Philosophie, et surtout de la Physique et de la Géométrie, il suffit, pour prouver combien elle est grande, de faire l'énumération des principales commodités dont jouit maintenant le genre humain, et de comparer l'existence des hommes qui les possèdent, avec celle de ceux qui en sont privés. Les choses les plus précieuses pour le genre humain sont les arts de mesurer les corps et leurs mouvemens, de remuer les fardeaux les plus pesans, de bâtir, de naviguer, de fabriquer toutes sortes d'instrumens, de calculer les mouvemens célestes, les aspects des astres, les parties du temps, de décrire et représenter la surface du globe. Il est impossible de dire tous les avantages que les hommes retirent de ces inventions. Presque toutes les nations européennes en jouissent, ainsi que la plupart de celles de l'Asie et quelques-unes de l'Afrique. Mais celles d'Amérique, et toutes les peuplades qui habitent près des deux pôles, en sont absolument privées. Pourquoi cette différence? Les unes ont-elles plus d'esprit que les autres ? Tous les hommes n'ont-ils pas des âmes

du même genre, et ces âmes n'ont-elles pas les mêmes facultés? Que manque-t-il donc aux unes de ce que possèdent les autres, si ce n'est la Philosophie? La Philosophie est donc la cause de tous ces biens. A l'égard de la Philosophie morale et civile, son utilité doit être appréciée moins par les avantages qu'elle nous procure, que par les calamités dont elle nous préserve. Tous les malheurs qu'il est au pouvoir de la sagesse humaine d'éviter naissent de la guerre, et surtout de la guerre civile: de là, les massacres, la dépopulation et la disette de toutes choses. La cause de tous ces maux n'est pas que les hommes les désirent, car ils ne désirent jamais que le bien, du moins le bien apparent. Ce n'est pas non plus qu'ils ignorent que ce sont là des maux, car qu'est-ce qui ne sait pas que le carnage et la dévastation sont des choses funestes? La cause de la guerre civile est donc que l'on ignore les causes qui produisent la guerre ou la paix, et que ceux-là sont en très petit nombre qui connaissent bien leurs devoirs, c'est-à-dire qui ont appris les véritables règles de conduite par lesquelles la paix est entretenue et conservée. Or, la connaissance de ces règles, c'est la Philosophie morale. Pourquoi donc les hommes ne la saventils pas, si ce n'est parce que persoune jusqu'à présent ne la leur à enseignée en suivant une méthode claire et rigoureuse? Quoi ! les anciens docteurs grecs, égyptiens, romains et autres, ont bien pu persuader à la multitude une infinité de dogmes sur la nature de leurs dieux, de la vérité desquels ils n'étaient pas du tout sûrs,

de tous les êtres qui ne sont ni des corps, ni des affections des corps, parce que, dans ces êtres, il n'y a lieu ni à composition, ni à division, ni à plus ou moins; et par conséquent ils ne fournissent matière à aucun raisonnement.

La Philosophie ne comprend pas non plus l'histoire tant naturelle que politique, quoiqu'elles soient très utiles, même nécessaires à la Philosophie. Mais ces connaissances consistent dans l'expérience ou l'autorité, et non dans le raisonnement.

Elle ne comprend pas davantage toute science qui naît d'une inspiration divine ou d'une révélation; car celle-là n'a pas été acquise par la raison, mais donnée gratuitement par la faveur divine et par un acte instantané. C'est une espèce de sens surnaturel.

Enfin, la philosophie rejette non seulement toute doctrine fausse, mais même toute doctrine qui n'est pas établie d'une manière inébranlable: car les choses qui sont connues par un raisonnement rigoureux, ne peuvent être ni fausses ni douteuses. C'est pourquoi l'Astrologie, telle qu'on la professe aujourd'hui, et les autres recherches qui sont plutôt des divinations que des sciences, ne font point partie de la Philosophie. Enfin, ne fait point partie de la Philosophie la doctrine du culte de Dieu, qui n'est point connue, par la raison naturelle, mais par l'autorité de l'Eglise et qui appartient à la foi et non à la science.

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go La Philosophie a deux branches principales; car lorsqu'on étudie la génération et les propriétés des êtres, deux grandes classes de choses

que

l'on

très distinctes entre elles, se présentent d'abord : l'une des êtres formés par la nature même, et range sous le nom de nature; l'autre des choses arrangées par la volonté humaine, et réglées par les conventions et les transactions des hommes, qu'on nomme société. De là naissent d'abord deux parties de la Philosophie; la Philosophie naturelle, et la Philosophie civile. Ensuite, comme pour connaître les propriétés de la société, il est nécessaire de connaître auparavant les pensées, les affections et les mœurs des hommes, la Philosophie civile se partage encore en deux parties; l'une qui traite des pensées et des mœurs, et que l'on appelle éthique ou morale; et l'autre qui s'occupe des devoirs des citoyens, et que l'on nomme politique ou simplement civile. C'est pourquoi, lorsque nous aurons commencé par voir les choses générales qui appartiennent à la nature même de la Philosophie, nous parlerons premièrement des corps naturels, secondement de l'esprit et des mœurs de l'homme, troisièmement des devoirs des citoyens.

100 Enfin, comme il y a peut-être des hommes à qui ma définition de la Philosophie ne plaira pas, et qui diront qu'en prenant la liberté de faire des définitions arbitraires, on peut conclure tout ce qu'on veut de quelque chose que ce soit; quoiqu'il ne me fût pas difficile de leur montrer que cette définition est d'accord avec le bon sens de tous les hommes, j'aime mieux n'avoir point de disputes avec eux à ce sujet, et je leur déclare ici que je donnerai dans cet Ouvrage les Elémens de la Science, qui consiste à découvrir les effets

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