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ple, et lui dénonça les forfaits d'Archagathus, qui avait aussi, dans l'ivresse d'un festin, assassiné le jeune prince auquel était réservé la royauté. Il demanda le châtiment du parricide, et confirma devant l'assemblée, comme dernier acte de son pouvoir, le rétablissement de la démocratie. Une tradition prétend qu'Agathocle aurait été mis sur le bûcher avant d'avoir rendu le dernier soupir, et qu'il aurait ainsi expié ses crimes au milieu des flammes. A une destinée d'une grandeur sinistre l'imagination populaire a mis une fin terrible et dramatique.

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Polybe et Diodore nous ont appris comment deux écrivains contemporains d'Agathocle lui ont prodigué avec une égale injustice l'outrage et la louange. Exilé de la Sicile par Agathocle, Timée attendit la mort du vieux roi pour se venger sur sa mémoire. Il exagéra ses vices, lui prêta de nouveaux crimes, nia son courage et ses grandes qualités. Callias, au contraire, comblé des bienfaits d'Agathocle, qui l'avait enrichi avec des domaines

Polyb. Histor. reliquiæ, lib. XII, cap. xv.
Diod. Fragmenta, lib. XXI.

confisqués sur des proscrits, vanta ses vertus, sa piété envers les dieux et son humanité.

Sans nous arrêter à ces mensonges de la haine et de la reconnaissance, l'homme qui a gouverné vingt-huit ans Syracuse a laissé un grand nom. Sorti du peuple, et n'oubliant pas, sous la pourpre, l'obscurité de son extraction, le fils du potier avait le génie du pouvoir et de la guerre. Il conçut l'audacieuse et féconde idée de soumettre l'Afrique à l'ascendant de l'Europe en abattant Carthage, et il domina en la servant une démocratie turbulente, qui, à l'aspect de son maître, n'en était pas moins orgueilleuse qu'épouvantée. Il aimait le plaisir, mais ne s'y amollit pas. Après un revers il était plus redoutable qu'après une victoire la mauvaise fortune éveillait en lui de nouvelles ressources d'énergie, de ruse et de cruauté.

On demanda un jour à un des plus illustres citoyens de Rome, au premier Scipion, quels étaient à son avis les hommes d'État les plus remarquables par la pénétration du jugement et par l'habileté dans l'audace'. Scipion nomma sans hésiter les

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Polyb. Hist. reliquiæ, lib. XV, cap. xxxv. Σov voi todμnροτάτους.

deux Siciliens Denys et Agathocle, ne cachant pas son admiration pour le talent politique de ces fameux usurpateurs.

Cette opinion d'un des plus grands hommes du patriciat romain est accablante pour Syracuse. Denys et Agathocle ne sont mis si haut qu'en raison même de la difficulté presque insurmontable de gouverner une semblable cité. Dans les fougueux Siciliens, l'ardeur du sang africain s'était mêlée à la mobilité grecque. Voisine et souvent tributaire de l'Afrique, la Sicile avait avec elle des affinités qui ne lui permettaient pas de s'accommoder du gouvernement démocratique dont à peine le génie hellénique était capable.

Syracuse, moins encore qu'Athènes, connut le régime et les mœurs de la liberté. Ses passions triomphèrent toujours du génie de ses institutions. En vain la Grèce lui fut maintes fois secourable; elle lui envoya Gylippe pour la défendre, Timoléon pour la régénérer. Syracuse retombait toujours dans ses emportements; puis pour se sauver de ses propres fureurs, elle se précipitait dans la servitude. Elle ne respira jamais que sous le joug.

L'éclat des arts compensa cet avortement de la

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liberté. La statuaire et l'architecture eurent en Sicile des magnificences dont le voyageur moderne trouve quelques vestiges dans les ruines trop rares d'Agrigente et de Sélinonte. Un amphithéâtre, aux trois quarts détruit, voilà tout ce qui reste de l'opulente Syracuse.

Un jour, la Grèce émerveillée reçut d'un Sicilien des leçons d'éloquence. La ville de Léontium, vivement attaquée par les Syracusains, envoya Gorgias à Athènes pour en implorer un prompt secours. Gorgias harangua les Athéniens avec tant de succès, que non-seulement il obtint ce qu'il demandait pour sa patrie, mais qu'il fut lui-même comblé de prévenances et d'honneurs. Les Athéniens, avides d'une parole qui transportait dans la prose les images et les hardiesses de la poésie, ne voulurent plus laisser partir un orateur auquel ils devaient des émotions nouvelles. Gorgias se fixa dans Athènes; il y ouvrit une école qui devint fameuse dans toute la Grèce, et où il eut pour disciples Critias et Thucydide. Il fit de la rhétorique un art ayant sa méthode, ses préceptes, et il fut aussi le premier improvisateur. Les Athéniens ne se lassaient pas d'admirer son heureuse

facilité. Les jours où il parlait s'appelaient des fêtes, et ses discours des flambeaux'. Gorgias fut le maître reconnu de l'éloquence jusqu'à Platon, qui ne dédaigna pas de le traiter en rival qu'il voulait abattre.

La splendeur dont brillèrent à Syracuse la science et la poésie, a fait l'envie de la Grèce. Géomètre original et profond, Archimède fut inventeur dans la mécanique et démontra aux plus ignorants la puissance et l'utilité des machines. Il se servit de la science pour défendre sa patrie, qu'une surprise livra aux Romains. Quand il fut frappé par le glaive d'un soldat, il méditait sur un théorème. Vers le même temps vieillissait un poëte dont la jeunesse avait vu les derniers jours d'Agathocle, et qui composa une partie de ses vers en Égypte, mais en pensant toujours à sa patrie dont il a éloquemment déploré les mal

1 4 Λαμπάδας.

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Archimedes is erat, unicus spectator cœli siderumque; mirabilior tamen inventor ac machinator bellicorum tormentorum operumque, quibus ea, quæ hostes ingenti mole agerent, ipse perlevi momento ludificaretur. » T. Livii lib. XXIV, cap. XXXIV.

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