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mieux persuader au peuple que seul il savait aimer et défendre la république. Il ne tarda pas à obtenir le rappel des exilés. C'étaient autant d'instruments dont il s'assurait; ces bannis ne pouvaient revenir qu'avides de changements et de vengeances.

Géla avait demandé des secours aux Syracusains; Denys y courut, et trouvant cette ville déchirée par les factions, il prit parti pour le peuple contre les riches, les accusa publiquement, fit décréter leur supplice et la vente de leurs biens. L'argent qui provint de cette spoliation, fut distribué à la garnison et aux troupes que Denys avait amenées.

Au moment où, de retour de cette expédition, celui-ci rentrait à Syracuse, le peuple sortait du théâtre où de grands jeux avaient été célébrés. Aussi la foule se pressa autour du général pour lui demander des nouvelles des Carthaginois. Denys répondit qu'il n'en apportait pas, et que, d'ailleurs, la république avait de plus dangereux ennemis : c'étaient ses propres magistrats qui endormaient le peuple par des fêtes, dilapidaient le trésor public, et ne payaient point les soldats. Il affirma que, par l'entremise d'un héraut, chargé en apparence de traiter du rachat des prisonniers, Imilcar l'avait en

gagé à fermer les yeux sur les intelligences que les Carthaginois pourraient avoir avec les autres chefs syracusains. Enfin il déclara qu'il revenait avec l'intention formelle de se démettre du commandement, pour ne pas tremper dans de telles trahisons.

Grande fut l'indignation du peuple et de l'armée, quand ces réponses de Denys se répandirent dans Syracuse. Une assemblée fut convoquée le lendemain. Denys y répéta tout ce qu'il avait dit la veille, avec des circonstances qui portèrent au plus haut point l'exaspération populaire. Enfin, quelques assistants s'écrièrent qu'il fallait déférer à Denys le commandement suprême et ne pas attendre que l'ennemi vînt battre en brèche les murs de la ville. Plus tard on jugerait les traîtres. D'ailleurs, il fallait se rappeler que, lorsque les Syracusains vainquirent si glorieusement les Carthaginois à Himère, ils n'avaient qu'un seul chef, Gélon. Cette motion enleva tous les suffrages, et une immense majorité proclama Denys général, avec un pouvoir absolu'.

Le peuple avait voté la tyrannie. A peine quel

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AutoxpάTwp. Diod., lib. XIII, cap. XCIV.

ques jours s'étaient écoulés que beaucoup de citoyens s'en aperçurent, mais il était trop tard. Denys, désormais marchant sans détour à son but, doubla la solde des troupes, et ordonna à tous les Syracusains, jusqu'à l'âge de quarante ans, de se rendre en armes à Léontium, avec des vivres pour trente jours. Cette ville avait alors une garnison syracusaine, et elle était pleine de bannis et d'étrangers, partisans infaillibles de toute révolution. Denys avait établi son camp dans la plaine, aux portes de Léontium, quand une nuit un affreux tumulte vint jeter l'alarme partout. On en voulait à la vie du général : c'était le cri de ses amis et de ses esclaves. Denys se retira précipitamment dans la citadelle; il passa le reste de la nuit à faire allumer des feux, et appela auprès de lui ses plus fidèles soldats. Le jour venu, il descendit sur la place publique et raconta devant la foule à quels périls il avait comme par miracle échappé. Qui eût osé ne pas ajouter foi à ses paroles? 11 obtint une garde de six cents hommes avec la faculté de les choisir lui-même. C'était une imitation de Pisistrate.

On lui avait accordé six cents hommes: Denys

en prit plus de mille, vigoureux, pauvres et braves; il les arma magnifiquement et les enivra de promesses. De plus il s'environna de troupes mercenaires auxquelles il inspira un dévouement aveugle, en se faisant pour elles populaire et familier. Après tous ces préparatifs, il reprit le chemin de Syracuse.

La révolution était accomplie, il ne restait plus qu'à la proclamer. Denys, établissant sa tente dans le quartier du port, déclara la tyrannie. Remplie de soldats étrangers, épouvantée des périls dont la menaçaient les Carthaginois, Syracuse n'avait plus ni la force, ni la pensée de résister à ce nouveau maître, dont le pouvoir dura trente-huit ans.

la

Depuis cet avénement de Denys jusqu'au moment où Syracuse fut prise par les Romains, son histoire n'est qu'un perpétuel combat de la domination d'un seul et du gouvernement républicain. Les deux causes eurent d'illustres représentants liberté fut défendue par Dion, élève de Platon; elle fut vengée par le vieux Timoléon, que Corinthe envoya. Denys l'Ancien eut le génie du pouvoir et sut mourir dans son lit. Son fils reproduisit plutôt ses vices que ses vertus, et surtout il n'hérita pas de

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sa fortune mais vingt-sept ans après le rétablissement du régime démocratique par Timoléon, le gouvernement absolu fut ressaisi par Agathocle d'une merveilleuse audace dans ses desseins, intrépide et cruel dans l'exécution. Au milieu des troubles qui suivirent sa fin tragique, Hiéron, fils d'Hiéroclès, que l'armée avait nommé général, s'empara du pouvoir souverain et l'exerça doucement. Il eut une modération naturelle qui lui permit de rendre au sénat un peu de son ancienne autorité, et de l'associer à la réforme de quelques lois de Dioclès. Il resta l'allié constant des Romains dans leurs guerres contre les Carthaginois, et crut à la fortune de Rome malgré les victoires d'Annibal. Après sa mort une imprudente défection attira sur Syracuse les armes de Marcellus, qui fit de la Sicile une province romaine.

Maintenant il faut revenir à Denys qu'on appela l'Ancien, pour le distinguer de son fils. La guerre était à la fois une justification de sa tyrannie et un moyen de l'appesantir: elle le rendait nécessaire et plus puissant. Denys avait marché au secours de Géla qu'assiégeaient les Carthaginois; mais il n'avait pas empêché ceux-ci de s'emparer de cette

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