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jorité de la chambre et du pays, l'appui le plus cordial et le plus ferme, et l'expérience des longues années du règne de Sa Majesté, permet d'affirmer que telle a toujours été sa conduite malgré les diverses phases qu'a parcourues le mouvement politique du pays. Aussi la Belgique a-t-elle constamment offert le spectacle d'un gouvernement représentatif franchement et loyalement pratiqué par toutes les branches des pouvoirs publics, ce qui n'a pas toujours eu lieu dans d'autres États où l'on a vu souvent des intrigues de cour miner les bases mêmes du gouvernement, ou bien en entraver les rouages au point de produire quelquefois les plus graves désordres.

Le calme qui succéda heureusement à cette agitation des premiers mois de l'année permit à la Belgique de faire de nouveaux et rapides progrès dans la voie des améliorations matérielles, des perfectionnements des sciences et de l'industrie, comme aussi de s'arrêter à contempler les œuvres nombreuses de ceux de ses enfants qui suivent la carrière si brillante des beaux-arts. Une exposition nationale fut ouverte à Bruxelles, le 24 septembre 1834, et le mérite des ouvrages qui y furent envoyés prouva que l'école flamande était dignement continuée par les artistes belges, que les préoccupations de la politique n'avaient point fait oublier les belles traditions de nos grands maîtres, que la Belgique, sous le règne de Léopold, n'a pas cessé d'être la Belgique des Rubens et des Van Dyck.

Protecteur des arts, du commerce, de l'industrie, le roi accueillit avec un noble empressement le grand projet qui devait assurer à la Belgique l'honneur d'être la première sur le continent à appliquer l'une des plus belles découvertes du génie humain, les chemins de fer! Le roi, son gouvernement, les chambres, la nation comprirent tout ce qu'il y avait d'avenir pour la civilisation, tout ce qu'il y avait de fécond pour

le développement des sources de la prospérité du pays dans cette vaste entreprise. La Belgique inaugurait ainsi dignement sa neutralité. Théâtre autrefois des grandes luttes des peuples du continent, elle allait leur offrir aujourd'hui sur son sol un rendez-vous plus pacifique et plus utile aux intérêts de l'humanité.

C'est le 1er mai 1834 que la loi sur la construction du chemin de fer fut promulguée : heureuse date qui fut pour la Belgique le point de départ d'une activité nouvelle imprimée à toutes ses forces productrices et qui marquera parmi les plus beaux jours de la nation belge et du règne de Léopold I..

A côté des grandes mesures d'améliorations matérielles, il faut placer celles d'un autre ordre qui toutes avaient pour but de doter la Belgique d'une organisation politique et sociale digne de servir d'exemple aux autres États de l'Europe. Nous nous contenterons de citer les lois provinciale et communale qui garantissent les intérêts particuliers des provinces et des communes contre les inconvénients de la centralisation sans cependant menacer de rompre le faisceau de l'union nationale; la création des universités, de l'école militaire, du musée des arts et de l'industrie, du conservatoire royal de musique, du conseil des mines, de l'école vétérinaire; l'institution de l'ordre Léopold destiné à récompenser tous les mérites. On est heureux, en passant en revue ces années consacrées à consolider l'ordre de choses fondé par la révolution de septembre, de n'avoir à signaler aucune mesure tendant à restreindre les libertés publiques, à revenir sur les principes qui avaient servi de base à l'œuvre auguste de la constitution.

Cependant les difficultés diplomatiques n'avaient point encore reçu une solution définitive. La Hollande, après avoir fait quelques concessions plus apparentes que réelles,

persistait dans son hostilité sourde contre la Belgique : elle refusait de signer le traité définitif qui devait accomplir la séparation politique entre les deux pays. Ce ne fut qu'en 1838 que le roi Guillaume, obligé de céder devant l'opposition des états généraux, se montra disposé à signer le traité. Mais cette détermination n'était qu'un leurre, et les prétentions qui l'accompagnaient semblaient éloigner plus que jamais la solution tant désirée. La Belgique se prépara de nouveau à la guerre.

Certes pour qui se rappelle l'enthousiasme qui animait alors notre jeune armée, la discipline, l'ordre qui régnaient dans ses rangs, l'ardeur patriotique qui faisait battre tous les cœurs, le résultat d'une lutte à main armée avec la Hollande ne pouvait être douteux; mais une fois encore les sentiments belliqueux durent céder devant les plus pressantes considérations. Le roi, après avoir fait de vains efforts pour racheter les citoyens belges dont l'ultimatum de la conférence ordonnait la séparation, le roi pour qui cette séparation était la plus cruelle des nécessités, dut s'y résigner enfin pour la Belgique. Les chambres et le pays se résignèrent aussi à ce douloureux sacrifice, et, le 9 janvier 1839, les ratifications du traité définitif furent échangées entre les plénipotentiaires belges et hollandais. Dès ce jour la paix était consolidée, des relations diplomatiques entre la Belgique et la Hollande s'établissaient sur le pied le plus convenable, et quelques années plus tard un traité de commerce et de navigation venait donner une grande et salutaire impulsion aux rapports commerciaux des deux peuples naguère prêts à s'entre-détruire.

La sagesse, la prudence, la modération que le roi des Belges avait montrées dans les circonstances difficiles au milieu desquelles il s'était trouvé depuis son avénement au tròne de Belgique, lui avaient valu l'estime des autres LA BELGIQUE HÉRALDIQUE.

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souverains de l'Europe. A une seule exception près, qui disparut par la suite, tous s'étaient empressés d'accréditer des ambassadeurs ou des ministres plénipotentiaires à la cour de Bruxelles, et plus d'une fois dans ces dernières années le roi, soit comme médiateur, soit comme conseil, soit comme arbitre, parvint à aplanir des différends qui, sans son intervention efficace, auraient pu amener de graves complications.

Nous avons dit déjà avec quelle scrupuleuse fidélité le roi n'a cessé de pratiquer dans tous ses actes les principes du gouvernement constitutionnel. Dans toutes les grandes circonstances où il a dû prendre conseil des voeux et des besoins du pays, il l'a fait avec une abnégation entière de ses sentiments personnels. Ainsi toutes les fois qu'un changement de ministère est devenu nécessaire, on a vu le roi appeler à entrer dans les conseils de la couronne les hommes que désignait la voix publique légalement et constitutionnellement exprimée, et toujours dans un sens de fusion et de conciliation.

Parmi les actes heureux accomplis par le gouvernement du roi Léopold, nous ne devons pas omettre de mentionner l'abolition des octrois, le rachat des péages sur l'Escaut, événement européen qui rendra au commerce d'Anvers toute son antique prospérité, les traités de commerce conclus avec la France, les Pays-Bas, le Zollverein, les États-Unis, l'Angleterre, l'Italie, etc., et de nombreuses conventions ayant toutes pour but d'étendre et d'améliorer les relations de la Belgique avec les autres nations du monde.

Sous le sceptre de ce souverain aimé et respecté de son peuple, à l'abri de ses libres institutions, la Belgique vivait heureuse et paisible et s'appliquait à donner à son état politique et social tous les développements que semblent exiger les progrès constants de l'humanité, lorsqu'éclata la révolu

tion du 24 février. Contrairement à l'attente de ses voisins qui connaissaient bien mal ses dispositions, le peuple belge ne montra nulle envie d'imiter ce grand mouvement qui aboutit au renversement d'une monarchie et à l'établissement d'une république. Nul symptôme dans ce sens ne se produisit sur aucun point du pays. L'ébranlement passa en quelque sorte par-dessus nos têtes pour aller se communiquer à l'Allemagne. La conduite du roi Léopold fut en cette circonstance solennelle celle d'un prince plein de cœur et vraiment digne de la nation dont il était le chef. L'histoire dira que seul des souverains de l'Europe il se montra prêt à abdiquer sa souveraineté en faveur du peuple, et à rendre la couronne à la nation qui la lui avait donnée, et cela avec la même spontanéité qu'elle lui avait été offerte, si sa présence sur le trône pouvait être un obstacle au bonheur de la Belgique.

L'histoire dira aussi à l'éternel honneur du peuple belge qu'il ne répondit à cette offre sublime de désintéressement et de générosité qu'en redoublant d'affection pour son roi, qu'en l'entourant en quelque sorte des plus vifs témoignages de sympathie pour lui faire oublier ce qu'avait de poignant pour ses sentiments personnels la catastrophe qui avait jeté dans l'exil la famille royale de France.

Ces sentiments du peuple pour le roi, les années qui se sont écoulées depuis ne les ont point affaiblis. Le pays est trop profondément attaché à ses institutions pour oublier jamais que c'est à Léopold Ier qu'il doit en grande partie de les avoir conservées intactes; il est trop jaloux de son indépendance pour ne pas se rappeler toujours que cette indépendance a trouvé une puissante et noble sauvegarde dans la personne de son souverain. Aussi le peuple belge, reconnaissant, s'est-il toujours montré unanime, dans toute circonstance heureuse ou malheureuse pour la famille royale,

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