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après cela, l'harmonie sera-t-elle fort difficile à distinguer de la mélodie, à moins qu'on n'ajoute à cette dernière les idées du rhythme et de mesure, sans lesquelles, en effet, nulle mélodie ne peut avoir un caractère déterminé; au lieu que l'harmonie a le sien par elle-même indépendamment de toute autre quantité. (Voyez MÉLODIE.)

On voit par un passage de Nicomaque et par d'autres, qu'ils donnoient aussi quelquefois le nom d'harmonie à la consonnance de l'octave, et aux concerts de voix et d'instruments qui s'exécutoient à l'octave, et qu'ils appeloient plus communément antiphonies.

Harmonie, selon les modernes, est une succession d'accords selon les lois de la modulation. Longtemps cette harmonie n'eut d'autres principes que des règles presque arbitraires ou fondées uniquement sur l'approbation d'une oreille exercée, qui jugeoit de la bonne ou mauvaise succession des consonnances, et dont on mettoit ensuite les décisions en calcul. Mais le P. Mersenne et M. Sauveur

ayant trouvé que tout son, bien que simple en apparence, étoit toujours accompagné d'autres sons moins sensibles qui formoient avec lui l'accord parfait majeur, M. Rameau est parti de cette expérience, et en a fait la base de son système harmonique, dont il a rempli beaucoup de livres, et

DICT. DE MUSIQUE. T. I.

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qu'enfin M. d'Alembert a pris la peine d'expliquer au public.

M. Tartini, partant d'une autre expérience plus neuve, plus délicate, et non moins certaine, est parvenu à des conclusions assez semblables par un chemin tout opposé. M. Rameau fait engendrer les dessus par la basse; M. Tartini fait engendrer la basse par les dessus: celui-ci tire l'harmonie de la mélodie, et le premier fait tout le contraire. Pour décider de laquelle des deux écoles doivent sortir les meilleurs ouvrages, il ne faut que savoir lequel doit être fait pour l'autre, du chant ou de l'accompagnement. On trouvera au mot SYSTÈME un court exposé de celui de M. Tartini. Je continue à parler ici dans celui de M. Rameau, que j'ai suivi dans tout cet ouvrage, comme le seul admis dans le pays où j'écris.

Je dois pourtant déclarer que ce système, quelque ingénieux qu'il soit, n'est rien moins que fondé sur la nature, comme il le répète sans cesse; qu'il n'est établi que sur des analogies et des convenances qu'un homme inventif peut renverser demain par d'autres plus naturelles ; qu'enfin, des expériences dont il le déduit, l'une est reconnue fausse, et l'autre ne fournit point les conséquences qu'il en tire. En effet, quand cet auteur a voulu décorer du titre de démonstration les raisonnements sur lesquels il établit sa théo

rie, tout le monde s'est moqué de lui; l'académie a hautement désapprouvé cette qualification obreptice; et M. Estéve, de la société royale de Montpellier, lui a fait voir qu'à commencer par cette proposition, que, dans la loi de la nature, les octaves des sons les représentent et peuvent se prendre pour eux, il n'y avoit rien du tout qui fût démontré, ni même solidement établi dans sa prétendue démonstration. Je reviens à son système.

Le principe physique de la résonnance nous offre les accords isolés et solitaires ; il n'en établit pas la succession. Une succession régulière est pourtant nécessaire. Un dictionnaire de mots choisis n'est pas une harangue, ni un recueil de bons accords une pièce de musique: il faut un sens, il faut de la liaison dans la musique ainsi que dans le langage; il faut que quelque chose de ce qui précède se transmette à ce qui suit, pour que le tout fasse un ensemble et puisse être appelé véritablement un.

Or la sensation composée qui résulte d'un accord parfait se résout dans la sensation absolue de chacun des sons qui le composent, et dans la sensation comparée de chacun des intervalles que ces mêmes sons forment entre eux : il n'y a rien au-delà de sensible dans cet accord; d'où il suit que ce n'est que par le rapport des sons et par

l'analogie des intervalles qu'on peut établir la liaison dont il s'agit, et c'est là le vrai et l'unique principe d'où découlent toutes les lois de l'harmonie et de la modulation. Si donc toute l'harmonie n'étoit formée que par une succession d'accords parfaits majeurs, il suffiroit d'y procéder par intervalles semblables à ceux qui composent un tel accord: car alors, quelque son de l'accord précédent se prolongeant nécessairement dans le suivant, tous les accords se trouveroient suffisamment liés, et l'harmonie seroit une, au moins en ce sens.

Mais, outre que de telles successions excluroient toute mélodie en excluant le genre diatonique qui en fait la base, elles n'iroient point au vrai but de l'art, puisque la musique, étant un discours, doit avoir comme lui ses périodes, ses phrases, ses suspensions, ses repos, sa ponctuation de toute espèce, et que l'uniformité des marches harmoniques n'offriroit rien de tout cela. Les marches diatoniques exigeoient que les accords majeurs et mineurs fussent entremêlés, et l'on a senti la nécessité des dissonances pour marquer les phrases et les repos. Or, la succession liée des accords parfaits majeurs ne donne ni l'accord parfait mineur, ni la dissonance, ni aucune espèce de phrase, et la ponctuation s'y trouve tout-à-fait en défaut.

M. Rameau, voulant absolument, dans son système, tirer de la nature toute notre harmonie, a

eu recours pour cet effet à une autre expérience de son invention, de laquelle j'ai parlé ci-devant, - et qui est renversée de la première: il a prétendu qu'un son quelconque fournissoit dans ses multiples un accord parfait mineur au grave, dont il étoit la dominante ou quinte, comme il en fournit un majeur dans ses aliquotes, dont il est la tonique ou fondamentale. Il a avancé, comme un fait assuré, qu'une corde sonore faisoit vibrer dans leur totalité, sans pourtant les faire résonner, deux autres cordes plus graves, l'une à sa douzième majeure, et l'autre à sa dix-septième; et de ce fait, joint au précédent, il a déduit fort ingénieusement, non seulement l'introduction du mode mineur et de la dissonance dans l'harmonie, mais les règles de la phrase harmonique et de toute la modulation, telles qu'on les trouve aux mots AcCORD, ACCOMPAGNEMENT, BASSE-FONDAMENTALE, CADENCE, DISSONANCE, MODULATION.

Mais premièrement l'expérience est fausse. Il est reconnu que les cordes accordées au-dessous du son fondamental ne frémissent point en entier à ce son fondamental, mais qu'elles se divisent pour en rendre seulement l'unisson, lequel conséquemment n'a point d'harmoniques en dessous : il est reconnu de plus que la propriété qu'ont les cordes de se diviser n'est point particulière à celles qui sont accordées à la douzième et à la dix-sep

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