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de ses temps, soit à-la-fois dans le tout, soit séparément dans chaque partie. Les quantités de la langue sont presque perdues sous celles des notes; et la musique, au lieu de parler avec la parole, emprunte en quelque sorte de la mesure un langage à part. La force de l'expression consiste, en cette partie, à réunir ces deux langages le plus qu'il est possible, et à faire que, si la mesure et le rhythme ne parlent pas de la même manière, ils disent au moins les mêmes choses.

La gaieté, qui donne de la vivacité à tous nos mouvements, en doit donner de même à la mesure; la tristesse resserre le cœur, ralentit les mouvements, et la même langueur se fait sentir dans les chants qu'elle inspire; mais quand la douleur est vive ou qu'il se passe dans l'ame de grands combats, la parole est inégale; elle marche alternativement avec la lenteur du spondée et avec la rapidité du pyrrhique, et souvent s'arrête tout court comme dans le récitatif obligé : c'est pour cela que les musiques les plus expressives, ou du moins les plus passionnées, sont communément celles où les temps, quoique égaux entre eux, sont le plus inégalement divisés ; au lieu que l'image du sommeil, du repos, de la paix de l'ame, se peint volontiers avec des notes égales, qui ne marchent ni vite, ni lentement.

Une observation que le compositeur ne doit

pas négliger, c'est que, plus l'harmonie est recherchée, moins le mouvement doit être vif, afin que l'esprit ait le temps de saisir la marche des dissonances et le rapide enchaînement des modulations; il n'y a que le dernier emportement des passions qui permette d'allier la rapidité de la mesure et la dureté des accords. Alors, quand la tête est perdue, et qu'à force d'agitation l'acteur semble ne savoir plus ce qu'il dit, ce désordre énergique et terrible peut se porter ainsi jusqu'à l'ame du spectateur, et le mettre de même hors de lui. Mais si vous n'êtes bouillant et sublime, vous ne serez que baroque et froid. Jetez vos auditeurs dans le délire, ou gardez-vous d'y tomber: car celui qui perd la raison n'est jamais qu'un insensé aux yeux de ceux qui la conservent, et les fous n'intéressent plus.

Quoique la plus grande force de l'expression se tire de la combinaison des sons, la qualité de leur timbre n'est pas indifférente pour le même effet. Il y a des voix fortes et sonores qui en imposent par leur étoffe ; d'autres légères et flexibles, bonnes pour les choses d'exécution; d'autres sensibles et délicates, qui vont au cœur par des chants doux et pathétiques. En général les dessus et toutes les voix aiguës sont plus propres pour exprimer la tendresse et la douceur, les basses et concordants pour l'emportement et la colère: mais les Italiens

ont banni les basses de leurs tragédies, comme une partie dont le chant est trop rude pour le genre héroïque, et leur ont substitué les tailles ou tenor, dont le chant a le même caractère avec un effet plus agréable. Ils emploient ces mêmes basses plus convenablement dans le comique pour les rôles à manteaux, et généralement pour tous les caractères de charge.

Les instruments ont aussi des expressions très différentes selon que le son en est fort ou foible, que le timbre en est aigre ou doux, que le diapason en est grave ou aigu, et qu'on en peut tirer des sons en plus grande ou moindre quantité. Là flûte est tendre, le hautbois gai, la trompette guerrière, le cor sonore, majestueux, propre aux grandes expressions. Mais il n'y a point d'instrument dont on tire une expression plus variée et plus universelle que du violon. Cet instrument admirable fait le fond de tous les orchestres, et suffit au grand compositeur pour en tirer tous les effets que les mauvais musiciens cherchent inutilement dans l'alliage d'une multitude d'instruments divers. Le compositeur doit connoître le manche du violon pour doigter ses airs, pour disposer ses arpèges, pour savoir l'effet des cordes à vide, et pour employer et choisir ses tons selon les divers caractères qu'ils ont sur cet instrument. Vainement le compositeur saura-t-il animer son

ouvrage, si la chaleur qui doit y régner ne passe à ceux qui l'exécutent. Le chanteur qui ne voit que des notes dans sa partie n'est point en état de saisir l'expression du compositeur, ni d'en donner une à ce qu'il chante, s'il n'en a bien saisi le sens. Il faut entendre ce qu'on lit pour le faire entendre aux autres, et il ne suffit pas d'être sensible en général, si l'on ne l'est en particulier à l'énergie de la langue qu'on parle. Commencez donc par bien connoître le caractère du chant que vous avez à rendre, son rapport au sens des paroles, la distinction de ses phrases, l'accent qu'il a par lui-même, celui qu'il suppose dans la voix de l'exécutant, l'énergie que le compositeur a donnée au poëte, et celle que vous pouvez donner à votre tour au compositeur; alors livrez vos organes à toute la chaleur que ces considérations vous auront inspirée ; faites ce que vous feriez si vous étiez à-la-fois le poëte, le compositeur, l'acteur, et le chanteur, et vous aurez toute l'expression qu'il vous est possible de donner à l'ouvrage que vous avez à rendre. De cette manière il arrivera naturellement que vous mettrez de la délicatesse et des ornements dans les chants qui ne sont qu'élégants et gracieux, du piquant et du feu dans ceux qui sont animés et gais, des gémissements et des plaintes dans ceux qui sont tendres et pathétiques, et toute l'agitation du forte-piano dans l'erapor

tement des passions violentes. Par-tout où l'on réunira fortement l'accent musical à l'accent oratoire, par-tout où la mesure se fera vivement sentir et servira de guide aux accents du chant, par-tout où l'accompagnement et la voix sauront tellement accorder et unir leurs effets qu'il n'en résulte qu'une mélodie, et que l'auditeur trompé attribue à la voix les passages dont l'orchestre l'embellit; enfin par-tout où les ornements, sobrement ménagés, porteront témoignage de la facilité du chanteur, sans couvrir et défigurer le chant, l'expression sera douce, agréable, et forte; l'oreille sera charmée, et le cœur ému; le physique et le moral concourront à-la-fois au plaisir des écoutants, et il régnera un tel accord entre la parole et le chant, que le tout semblera n'être qu'une langue délicieuse qui sait tout dire et plaît toujours.

EXTENSION, s. f., est, selon Aristoxène, une des quatre parties de la mélopée, qui consiste à soutenir long-temps certains sons, et au-delà même de leur quantité grammaticale. Nous appelons aujourd'hui tenues les sons ainsi soutenus. (Voyez TENUE.)

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