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parceque les semi-tons y sont majeurs; et il est enharmonique, parceque deux semi-tons majeurs de suite forment un ton trop fort d'un intervalle enharmonique. Pour former cette espèce de chant, il faut faire une basse qui descende de quarte et monte de tierce majeure alternativement. Une partie du trio des Parques de l'opéra d'Hippolyte est dans ce genre; mais il n'a jamais pu être exécuté à l'opéra de Paris, quoique M. Rameau assure qu'il l'avoit été ailleurs par des musiciens de bonne volonté, et que l'effet en fut surprenant.

Le chant de la seconde espèce est chromatique, parcequ'il procéde par semi-tons mineurs; il est enharmonique, parceque les doux semi-tons mineurs consécutifs forment un ton trop foible d'un intervalle enharmonique. Pour former cette espèce de chant, il faut faire une basse-fondamentale qui descende de tierce mineure et monte de tierce majeure alternativement. M. Rameau nous apprend qu'il avoit fait dans ce genre de musique un tremblement de terre dans l'opéra des Indes galantes; mais qu'il fut si mal servi qu'il fut obligé de le changer en une musique commune. (Voyez les Éléments de Musique de M. d'Alembert, pages 91, 92, 93, et 166.)

Malgré les exemples cités et l'autorité de M. Rameau, je crois devoir avertir les jeunes artistes

que l'enharmonique-diatonique et l'enharmoniquechromatique me paroissent tous deux à rejeter comme genres ; et je ne puis croire qu'une musique modulée de cette manière, même avec la plus parfaite exécution, puisse jamais rien valoir. Mes raisons sont que les passages brusques d'une idée à une autre idée extrêmement éloignée y sont si fréquents, qu'il n'est pas possible à l'esprit de suivre ces transitions avec autant de rapidité que la musique les présente ; que l'oreille n'a pas le temps d'apercevoir le rapport très secret et très composé des modulations, ni de sous-entendre les intervalles supposés ; qu'on ne trouve plus dans de pareilles successions ombre de ton ni de mode; qu'il est également impossible de retenir celui d'où l'on sort, ni de prévoir celui où l'on va ; et qu'au milieu de tout cela l'on ne sait plus du tout où F'on est. L'enharmonique n'est qu'un passage inattendu dont l'étonnante impression se fait fortement et dure long-temps; passage que par conséquent on ne doit pas trop brusquement ni trop souvent répéter, de peur que l'idée de la modulation ne se trouble et ne se perde entièrement; car sitôt qu'on n'entend que des accords isolés qui n'ont plus de rapport sensible et de fondement commun, l'harmonie n'a plus aussi d'union ni de suite apparente, et l'effet qui en résulte n'est qu'un vain bruit sans liaison et sans agrément. Ši

DICT. DE MUSIQUE. T. I.

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M. Rameau, moins occupé de calculs inutiles, eût mieux étudié la métaphysique de son art, il est à croire que le feu naturel de cc savant artiste eût produit des prodiges, dont le germe étoit dans son génie, mais que ses préjugés ont toujours étouffé.

Je ne crois pas même que les simples transitions enharmoniques puissent jamais bien réussir ni dans les chœurs ni dans les airs, parceque chacun de ces morceaux forme un tout où doit régner l'unité, et dont les parties doivent avoir entre elles une liaison plus sensible que ce genre ne peut la mar

quer.

Quel est donc le vrai lieu de l'enharmonique? c'est, selon moi, le récitatif obligé. C'est dans une scène sublime et pathétique où la voix doit multiplier et varier les inflexions musicales à l'imitation de l'accent grammatical, oratoire, et souvent inappréciable; c'est, dis-je, dans une telle scène que les transitions enharmoniques sont bien placées, quand on sait les ménager pour les grandes expressions, et les affermir, pour ainsi dire par des traits de symphonie qui suspendent la parole et renforcent l'expression. Les Italiens, qui font un usage admirable de ce genre, ne l'emploient que de cette manière. On peut voir dans le premier récitatif de l'Orphée de Pergolèse un exemple frappant et simple des effets que ce grand musicien sut tirer

de l'enharmonique, et comment, loin de faire une modulation dure, ces transitions devenues naturelles et faciles à entonner, donnent une douceur énergique à toute la déclamation.

J'ai déja dit que notre genre enharmonique est entièrement différent de celui des anciens ; j'ajouterai que, quoique nous n'ayons point comme eux d'intervalles enharmoniques à entonner, cela n'empêche pas que l'enharmonique moderne ne soit d'une exécution plus difficile que le leur. Chez les Grecs les intervalles enharmoniques, purement mélodieux, ne demandoient ni dans le chanteur ni dans l'écoutant aucun changement d'idées, mais seulement une grande délicatesse d'organe; au lieu qu'à cette même délicatesse il faut joindre encore, dans notre musique, une connaissance exacte et un sentiment exquis des métamorphoses harmoniques les plus brusques et les moins naturelles: car si l'on n'entend pas la phrase, on ne sauroit donner aux mots le ton qui leur convient, ni chanter juste dans un système harmonieux, si l'on ne sent l'harmonie.

ENSEMBLE, adv. souvent pris substantivement. Je ne m'arrêterai pas à l'explication de ce mot pris pour le rapport convenable de toutes les parties d'un ouvrage entre elles et avec le tout, parceque c'est un sens qu'on lui donne rarement en musique. Ce n'est guère qu'à l'exécution que ce terme s'ap

plique, lorsque les concertants sont si parfaitement d'accord, soit pour l'intonation, soit pour la mesure, qu'ils semblent être tous animés d'un même esprit, et que l'exécution rend fidèlement à l'oreille tout ce que l'oeil voit sur la partition.

L'ensemble ne dépend pas seulement de l'habileté avec laquelle chacun lit sa partie, mais de l'intelligence avec laquelle il en sent le caractère particulier et la liaison avec le tout, soit pour phraser avec exactitude, soit pour suivre la précision des mouvements, soit pour saisir le moment et les nuances des fort et des doux, soit enfin pour ajouter aux ornements marqués ceux qui sont si nécessairement supposés par l'auteur, qu'il n'est permis à personne de les omettre. Les musiciens ont beau être habiles, il n'y a d'ensemble qu'autant qu'ils ont l'intelligence de la musique qu'ils exécutent, et qu'ils s'entendent entre eux: car il seroit impossible de mettre un parfait ensemble dans un concert de sourds, ni dans une musique dont le style seroit parfaitement étranger à ceux qui l'exécutent. Ce sont sur-tout les maîtres de musique, conducteurs et chefs d'orchestre, qui doivent guider, ou retenir, ou presser les musiciens pour mettre par-tout l'ensemble; et c'est ce que fait toujours un bon premier violon par une certaine charge d'exécution qui en imprime fortement le caractère dans toutes les oreilles. La voix

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