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convives, au rapport de Dicéarque, de Plutarque et d'Artémon, chantoient ensemble et d'une seule voix les louanges de la Divinité. Ainsi ces chansons étoient de véritables péans ou cantiques sacrés. Les dieux n'étoient point pour eux des troublefêtes, et ils ne dédaignoient pas de les admettre dans leurs plaisirs.

Dans la suite, les convives chantoient successivement, chacun à son tour, tenant une branche de myrte, qui passoit de la main de celui qui venoit de chanter à celui qui chantoit après lui. Enfin, quand la musique se perfectionna dans la Grèce, et qu'on employa la lyre dans les festins, il n'y eut plus, disent les auteurs déja cités, que les habiles gens qui fussent en état de chanter à table, du moins en s'accompagnant de la lyre. Les autres, contraints de s'en tenir à la branche de myrte, donnèrent lieu à un proverbe grec, par lequel on disoit qu'un homme chantoit au myrte, quand on vouloit le taxer d'ignorance.

Ces chansons accompagnées de la lyre, et dont Terpandre fut l'inventeur, s'appellent scolies, mot qui signifie oblique ou tortueux, pour marquer, selon Plutarque, la difficulté de la chanson, ou, comme le veut Artémon, la situation irrégulière de ceux qui chantoient; car comme il falloit être habile pour chanter ainsi, chacun ne chantoit pas à son rang, mais seulement ceux qui savoient

la musique, lesquels se trouvoient dispersés çà et et là, et placés obliquement l'un par rapport à

l'autre.

Les sujets des scolies se tiroient non seulement de l'amour et du vin, ou du plaisir en général comme aujourd'hui, mais encore de l'histoire, de la guerre, et même de la morale. Telle est la chanson d'Aristote sur la mort d'Hermias son ami et son allié, laquelle fit accuser son auteur d'impiété.

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« O vertu! qui malgré les difficultés que vous présentez aux foibles mortels, êtes l'objet char<< mant de leurs recherches! vertu pure et aimable! ce fut toujours aux Grecs un destin digne << d'envie de mourir pour vous, et de souffrir avec << constance les maux les plus affreux. Telles sont « les semences d'immortalité que vous répandez « dans tous les cœurs. Les fruits en sont plus pré« cieux que l'or, que l'amitié des parents, que le << sommeil le plus tranquille. Pour vous le divin « Hercule et les fils de Léda supportèrent mille << travaux, et le succès de leurs exploits annonça << votre puissance. C'est par amour pour vous qu'Achille et Ajax descendirent dans l'empire de Pluton, et c'est en vue de votre céleste beauté « que le prince d'Atarne s'est aussi privé de la «<lumière du soleil. Prince à jamais célébre par "ses actions, les filles de mémoire chanteront sa gloire toutes les fois qu'elles chanteront le culte

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<< de Jupiter hospitalier, et le prix d'une amitié

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Toutes leurs chansons morales n'étoient pas si graves que celle-là. En voici une d'un goût différent, tirée d'Athénée:

K

« Le premier de tous les biens est la santé; le second, la beauté; le troisième, les richesses amassées sans fraude; et le quatrième, la jeu«< nesse qu'on passe avec ses amis. »

Quant aux scolies qui roulent sur l'amour et le vin, on en peut juger par les soixante-dix odes d'Anacréon qui nous restent: mais, dans ces sortes de chansons mêmes, on voyoit encore briller cet amour de la patrie et de la liberté dont tous les Grecs étoient transportés.

« Du vin et de la santé, dit une de ces chansons, "pour ma Clitagora et pour moi, avec le secours « des Thessaliens. » C'est qu'outre que Clitagora étoit Thessalienne, les Athéniens avoient autrefois reçu du secours des Thessaliens contre la tyrannie des Pisistratides.

Ils avoient aussi des chansons pour les diverses professions: telles étoient les chansons des bergers, dont une espèce, appelée bucoliasme, étoit le véritable chant de ceux qui conduisoient le bétail; et l'autre, qui est proprement la pastorale, en étoit l'agréable imitation: la chanson des moissonneurs, appelée le lytierse, du nom d'un fils de

Midas, qui s'occupoit par goût à faire la moisson: la chanson des meuniers, appelée hymée ou épiaulie; comme celle-ci tirée de Plutarque, Moulez, meule, moulez, car Pittacus, qui règne dans l'auguste Mitylène, aime à moudre; parceque Pittacus étoit grand mangeur: la chanson des tisserands, qui s'appeloit éline: la chanson yule des ouvriers en laine: celle des nourrices, qui s'appeloit catabaucalèse ou nunnie: la chanson des amants, appelée nomion: celle des femmes, appelée calyce; harpalice, celle des filles. Ces deux dernières, attendu le sexe, étoient aussi des chansons d'amour.

Pour des occasions particulières, ils avoient la chanson des noces, qui s'appeloit hyménée, épithalame: la chanson de Datis, pour des occasions joyeuses : les lamentations, l'ialem, et le linos, pour des occasions funèbres et tristes. Ce linos se chantoit aussi chez les Égyptiens, et s'appeloit par eux maneros, du nom d'un de leurs princes, au deuil duquel il avoit été chanté. Par un passage d'Euripide, cité par Athénée, on voit que le linos pouvoit aussi marquer la joie.

Enfin il y avoit encore des hymnes ou chansons en l'honneur des dieux et des héros; telles étoient les iules de Cérès et Prosespine, la philelie d'Apollon, les upinges de Diane, etc.

Ce genre passa des Grecs aux Latins, et plusieurs odes d'Horace sont des chansons galantes

ou bachiques. Mais cette nation, plus guerrière que sensuelle, fit, durant très long-temps, un médiocre usage de la musique et des chansons, et n'a jamais approché, sur ce point, des graces de la volupté grecque. Il paroît que le chant resta toujours rude et grossier chez les Romains: ce qu'ils chantoient aux noces étoit plutôt des clameurs que des chansons, et il n'est guère à présumer que les chansons satiriques des soldats aux triomphes de leurs généraux eussent une mélodie fort agréable.

Les modernes ont aussi leurs chansons de différentes espèces, selon le génie et le goût de chaque nation. Mais les François l'emportent sur toute l'Europe dans l'art de les composer, sinon pour le tour et la mélodie des airs, du moins pour le sel, la grace et la finesse des paroles; quoique, pour l'ordinaire, l'esprit et la satire s'y montrent bien mieux encore que le sentiment et la volupté. Ils se sont plu à cet amusement, et y ont excellé dans tous les temps, témoin les anciens troubadours. Cet heureux peuple est toujours gai, tournant tout en plaisanterie : les femmes y sont fort galantes, les hommes fort dissipés; et le pays produit d'excellent vin: le moyen de n'y pas chanter sans cesse? Nous avons encore d'anciennes chansons de Thibault, comte de Champagne, l'homme le plus galant de son siècle, mises en musique par

DICT. DE MUSIQUE. T. I.

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