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cet égard, que ce traitement ne m'inspire aucune confiance, et que je crois difficilement qu'on puisse lui attribuer la guérison de 73 p. c. des animaux typhisés qui y auraient été soumis. C'est que les expériences dont il est question n'ont pas été publiées dans tous leurs détails, et que, par conséquent, je n'ai pas la certitude que le diagnostic de la maladie a toujours été parfaitement établi chez les animaux qui ont servi à ces expériences. Je ne veux pas néanmoins, messieurs, suspecter le moins du monde mon honorable collègue, M. Gaudy. Je suis convaincu qu'il a constamment été de bonne foi dans cette circonstance comme toujours; je me borne à penser qu'il a pu être induit en erreur. A cet égard je n'affirme rien; mais ce que je sais, comme tout le monde, c'est que, malgré les immenses succès que MM. Gaudy et Seutin disent avoir obtenus, en Hollande, du traitement homeopatique de la peste bovine, le gouvernement de ce pays, pas plus que les particuliers, ne semble s'en être aperçu, puisqu'il a laissé nos honorables compatriotes revenir eu Belgique sans les indemniser de leurs frais, qui ont dû être considérables, ni même leur accorder la moindre récompense honorifique, et qu'après leur départ de la Hollande il n'y a plus été question du traitement homœopatique du typhus contagieux.

Au reste, fût-on parvenu par ce moyen ou tout autre à guérir 73 p. c. des animaux atteints de cette maladie, il y aurait encore à voir si, au point de vue économique, le plus essentiel en l'occurrence, il conviendrait de le mettre en pratique. Toute réflexion faite, on serait peut-être amené à répondre par la négative à cette question, dont je ne crois pas devoir aborder en ce moment l'examen.

— M. Pétry: Je suis parfaitement de l'avis de M. Vleminckx sur l'utilité qu'il y aurait à tenter les moyens recommandés par M. Polli pour prévenir la peste bovine. Bien des

animaux qui ont été abattus auraient pu être conservés. On abat ici, comme partout, non-seulement les animaux pestiférés, mais même les suspects, n'eussent-ils cohabité qu'un jour avec les malades. A Hasselt, on a abattu une étable entière d'animaux sains à cause du voisinage de cette étable avec d'autres contaminées.

M. Bellefroid : Cela n'est pas exact.

M. Pétry : J'ai les rapports, et ils constatent qu'on a abattu un grand nombre d'animaux sains, parce qu'ils se trouvaient dans des étables voisines d'autres étables contaminées.

Dans tous les cas, je crois, comme M. Vleminckx, qu'il serait de la plus grande utilité d'essayer les sulfites et les hyposulfites alcalins.

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M. Vleminckx : Je n'ai pas recommandé d'essayer les substances dont il est question dans la communication; je m'en serais bien gardé; mais j'ai désiré savoir de M. Thiernesse s'il ne serait pas utile de demander en Italie non des affirmations nouvelles, mais des faits à l'aide desquels on pourrait apprécier si les sulfites et les hyposulfites ont bien la vertu de preservation qui est énoncée dans les travaux de M. Polli.

M. Crocq : Quand il s'agit de prophylaxie, je suis prêt à admettre tout ce qu'on veut. Et pourquoi cela? Parce qu'il n'est rien d'aussi difficile que d'apprécier s'il y a ou non prophylaxie; parce qu'en d'autres termes, si vous employez un moyen quelconque comme préservatif d'une maladie quelconque, vous réussirez toujours. C'est ce qui a fait le succès de tant de remèdes prophylactiques que l'homœopathie, le charlatanisme et la spéculation ont mis en avant contre le choléra, contre la scarlatine, contre le typhus et autres affections. Il faut déjà une épidémie très-intense pour qu'un individu sur cent en soit frappé. Je ne sais pas si la fameuse épidémie de choléra de 1866 a frappé dans Bruxelles plus d'un individu sur

cent. Supposez donc que tous les habitants aient été soumis à un moyen préservatif quelconque, et la statistique vous dira que ce moyen a réussi quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent; seulement, les quatre-vingt-dix-neuf habitants préservés l'auraient été tout aussi bien, s'ils n'avaient rien fait.

Voilà pourquoi les questions de prophylaxie sont si difficiles à juger, pourquoi l'expérience est dans ces cas si difficile à instituer.

M. Craninx : Experimentum fallax.

M. Crocq : Précisément; c'est bien le cas d'appliquer cet axiome.

Comment faut-il faire pour ne pas se tromper? Il faut bien voir comment les faits se sont produits et tout ce qui s'est passé. Or, il y a quelque chose qui me paraît suspect dans les travaux de M. Polli; c'est qu'il veut bien des sulfites et des hyposulfites comme prophylactiques, mais que quand il s'agit de les employer comme curatifs il n'en veut plus; il les abandonne pour recourir à l'abatage. Cependant, le vrai moyen de juger de leur valeur, ce serait de nous démontrer leur action curative. Eh bien! M. Polli n'a pas osé l'affirmer.

M. Thiernesse : Si, il dit avoir guéri.

M. Crocq : Oui, il a dit cela, mais notre rapporteur paraît avoir une médiocre confiance dans son affirmation. J'arrive maintenant à la question des sulfites et des hyposulfites en elle-même.

Quel est le point de départ de la mise en œuvre des sulfites et des hyposulfites dans le traitement des maladies? Purement et simplement une hypothèse, une vue de l'esprit; M. Polli, chimiste et physiologiste distingué, s'est figuré qu'un certain nombre de maladies n'étaient pas autre chose que des fermentations. Comment entend-il ces fermentations? Qu'est-ce que c'est? Quel rapport y a-t-il entre les phénomènes de la

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variole et du choléra et les fermentations alcoolique ou butyrique que nous produisons dans nos laboratoires? Nous n'en savons rien et M. Polli ne le sait pas plus que nous. Cependant, il ne s'est pas arrêté là, il s'est dit voilà un moyen qui arrête la fermentation, par conséquent il doit arrêter aussi le développement des maladies que je suppose produites par des fermentations, et sur cette vue de l'esprit, basée sur une hypothèse s'appuyant sur une autre hypothèse, on arrive à vouloir qu'un fait soit. Eh bien! le fait n'est pas, et je vais vous en donner la preuve expérimentale, la seule bonne, la seule certaine.

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D'abord les sulfites et les hyposulfites ont été recommandés par M. Polli, dans une foule de maladies différentes fièvre intermittente, variole, scarlatine, pyoémie, peste bovine, maladies qui n'ont pas le moindre rapport les unes avec les autres. Voilà déjà un motif de défiance.

Quand on vous recommande ainsi un moyen quelconque, alors même que, par la tendance de votre esprit, vous n'y avez pas grande confiance, vous pouvez l'expérimenter et pour ma part, je ne me suis pas fait faute d'expérimenter les sulfites et les hyposulfites. Je les ai essayés dans la variole; je les ai essayés dans la scarlatine; je les ai employés dans la fièvre typhoïde; je les ai prescrits dans la phthisie pulmonaire, et je vous déclare que les résultats que j'ai obtenus dans ces diverses maladies ont été radicalement nuls. Le seul effet que les hyposulfites aient produit, savez-vous quel il est? Lorsque j'ai donné des doses un peu fortes, ils ont produit un effet purgatif. Ainsi les personnes atteintes de variole auxquelles j'ai administré les sulfites à haute dose, comme le recommande M. Polli, sont arrivées à la diarrhée qui est venue compliquer défavorablement leur maladie. Voilà le seul effet positif que j'aie observé à la suite de l'usage des sulfites et des hyposulfites.

Quant à une action quelconque sur la marche de la maladie, je ne l'ai pas constatée; et si je faisais la statistique des cas dans lesquels j'ai employé ces agents, je trouverais une mortalité supérieure à celle des cas dans lesquels je ne les ai pas employés.

Je ne dis pas que les sulfites et les hyposulfites aient fait du tort aux malades auxquels je les ai administrés; car il est probable que ces cas se seraient terminés de la même manière si je ne les avais pas employés; mais je constate qu'ils n'ont fait. aucun bien.

Voilà à quoi se réduit l'assertion émise avec tant de confiance par M. Polli relativement aux maladies de l'homme que je viens d'indiquer. Devons-nous avoir plus de confiance dans ces agents dans les maladies des bêtes à cornes, lorsque nous voyons tant de réticences dans les communications de M. Polli, lorsque nous y rencontrons des faits niés par les personnes mêmes qui les ont vus? Eh bien! non; et je crois que l'idée théorique qui passe, aux yeux de beaucoup de personnes, avant l'idée pratique, joue un grand rôle dans les assertions de notre savant confrère.

Messieurs, à propos de ces agents que la théorie suggère et qui n'ont aucun résultat, il en est un autre qui a été préconisé et mis en usage dans les maladies pour lesquelles on a indiqué les sulfites et pour des raisons identiques. Cet agent est l'acide phénique. Vous vous rappelez sans doute qu'il y a deux ans, M. Fleury est venu nous en recommander l'emploi dans. le traitement de la variole, disant qu'il l'avait vu réussir. Eh bien! j'ai aussi expérimenté l'acide phénique, et l'effet en a été complètement nul; c'est en vain que je l'ai employé dans la variole, la scarlatine, les fièvres purulentes; l'acide phénique a exactement, pour les expérimentateurs impartiaux et dégagés de toute idée préconçue, la même valeur que les sul

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