Chambre des représentants, notre honorable Président pourra savoir la suite qui a été donnée au projet d'institution d'une Commission contre la peste. M. Kuborn : La peste a cessé en Perse. M. Gluge: Je n'ai pas réussi à inoculer le choléra aux animaux, mais je partage l'opinion de M. Craninx et de M. Crocq sur la transmissibilité du cholera par les matières fécales dans des circonstances déterminées. Seulement, ce qui m'effraie un peu, c'est le cercle de fer dont a parlé M. Craninx. Si les idées de notre collègue étaient admises, chaque ville, chaque village croirait pouvoir se garantir de l'invasion du choléra en s'enfermant dans un cercle semblable. Permettez-moi de vous dire ce qui s'est passé en 1831 à Berlin. J'y faisais alors mes études. Il y avait alors à la tête du service médical un chirurgien counu, M. Rust, qui était fort contagioniste. Il fit établir à la frontière, vers la Pologne, un cordon militaire, et avec la discipline prussienne, ce cordon militaire fut maintenu très-sévèrement et très-longtemps. Néanmoins, le choléra envahit la Prusse. M. Rust était médecin consultant du roi. Il fit enfermer la famille royale dans le château de Charlottenbourg, et le fit entourer d'un cordon militaire très-sérieux; un beau jour une dame d'honneur fut attaquée du choléra. Alors le vieux roi voulut que les cordons sanitaires fussent supprimés. Je mentionne ce fait pour vous démontrer que les cordons sanitaires ne servent à rien. Du reste, à cette époque, les médecins de Berlin étaient tellement convaincus de la contagion du choléra, que plusieurs d'entre eux s'étaient fait faire un masque et un habillement en toile cirée pour se garantir de la contagion, Naturellement cette précaution a été abandonnée immédiatement. Je suis donc convaincu de la transmissibilité du choléra, dans certaines conditions à l'homme (1), mais je ne crois pas que ce soient les cordons sanitaires et les autres mesures préventives de ce genre qui puissent nous garantir. Désinfecter immédiatement les matières évacuées par les malades, fournir à la population autant que possible une alimentation convenable, de l'air et de l'eau en bon état. Voilà en peu de mots les mesures que tout praticien, ayant vu des épidémies de choléra, doit recommander. M. Crocq: Je suis heureux d'avoir entendu tout à l'heure les paroles de M. Kuborn, relativement à l'organisation du service sanitaire et je crois comme lui que le moment est venu d'insister de nouveau auprès du Gouvernement. Nous lui avons transmis des résolutions et des conclusions, et le Gouvernement, selon son habitude, les a entassées dans ses cartons. Le seul moyen de les en faire sortir, c'est de revenir continuellement à la charge et je crois que l'occasion est propice. Nous pouvons dire au Gouvernement qne très-probablement le choléra viendra nous visiter l'année prochaine et lui demander ce que nous ferons en l'absence d'un service sanitaire médical, service important qui ne manque nulle part qu'en Belgique. Dans tous les autres pays, en Angleterre, en Allemagne, en Russie, vous trouvez un semblable service. Je crois donc l'occasion propice pour revenir sur cette question, et aussi pour effrayer un peu le Gouvernement, pour le tirer de la torpeur dans laquelle il se complait, et l'engager à faire quelque chose. (1) En 1849, au milieu de l'été, j'ai fait l'autopsie de tous les cholériques morts à l'hôpital Saint-Jean; j'ai pris avec moi, sans aucune précaution préalable, des matières évacuées pour en faire l'analyse ; je n'ai jamais été indisposé. En 1867 je me trouvais à Venise où régnait alors une épidémie de choléra modérée ; je ne m'y occupais que de l'examen des églises et des tableaux etje fus pris du choléra. Puisque j'ai la parole, j'ajouterai quelques mots à ce que vous a dit tout à l'heure M. Sovet et à ce que je vous ai dit moi-même dans une précédente séance sur la transmissibilité du choléra. Je vais relater un fait qui démontre une fois de plus à toute évidence la contagiosité du choléra. Ce ne sont pas ordinairement les praticiens des grandes villes qui peuvent observer de semblables faits, parce que dans le cercle où ils exercent, les rapports sont trop multipliés et trop compliqués. Mais quand on a l'occasion de faire les observations dans de pe-tites localités, alors on voit la transmissibilité se prononcer de la manière la plus évidente. Voici ce que j'ai vu : Dans la commune d'Haecht, entre Bruxelles et Louvain, le choléra n'avait pas encore paru, lorsqu'une vieille femme de cette localité vint à Bruxelles où régnait le choléra et retonrna chez elle; à peine arrivée, elle tomba malade et mourut. Après cette femme, une seconde personne, une demoiselle de la localité, fut prise à son tour du choléra. Cette demoiselle avait pour médecin un de nos confrères les plus distingués, le docteur Swéron, homme de beaucoup de talent et très-consciencieux. Il fut appelé. Il était très-myope et comme je viens de le dire, très-consciencieux; il n'aurait pas quitté un malade sans s'être complétement rendu compte de ́toutes les circonstances. Il examina les vases renfermant les déjections de la malade et les regarda de très-près. M. Hubert : Même au microscope. -M. Crocq: Deux ou trois jours, après, on m'envoya un télégramme pour me demander auprès de M. Swéron qui était atteint du choléra. M. Hubert: Le jour même. M. Crocq Le télégramme m'arriva le soir, il n'y avait plus de convoi. Le lendemain à 6 heures du matin je me rendis à Haecht et à peu de distance de la station, je rencontrai un commissionnaire chargé de me dire que ma visite était inutile, que Swéron était mort pendant la nuit. Il n'y eut que ces trois cas dans la localité. Voilà la transmission parfaitement bien déterminée, tout aussi bien que dans les cas relatés par M. Sovet. Des cas semblables, si on voulait tous les recueillir, on en rencontrerait par douzaines; on passerait un temps illimité à les raconter. Quant à la question des égouts soulevée tout à l'heure par l'honorable M. Kuborn, je crois qu'elle doit rentrer dans le système de désinfection générale dont j'ai parlé dans la dernière séance et que par conséquent la Commission qui examinera ma proposition doit aussi s'occuper de ce point. Lorsque les matières versées dans les lieux d'aisance et se rendant de là dans les égouts, seront parfaitement désinfectées, tout danger disparaitra. M. Craninx : Je veux citer un fait en opposition à celui de M. Gluge. En 1832, on a enfermé rigoureusement la cour de Russie à Peterhof avec 10,000 hommes. Aucun cas de cholérà n'y a éclaté. Je suppose donc que le cordon sanitaire établi autour de Charlottenbourg avait été rompu par la reine ou par quelqu'un d'autre. M. Sovet Nous venons de toucher une question très-importante, et à ce propos, je vous demande la permission de vous communiquer une pensée qui m'est venue souvent et que je voudrais voir tourner au profit de l'hygiène publique. M. Craninx nous disait tout à l'heure que pour développer le choléra, il faut de l'eau, de la chaleur, etc. Si l'on privait les rues de leur humidité, on enlèverait au miasme une condition importante de son développement; si l'on drainait toutes les rues, et si à l'aide d'un drain collecteur se rendant dans chaque égout, on parvenait à assainir le sol et le sous-sol, on assainirait en même temps les égouts, car sans grands frais on` trouverait ainsi en tout temps et surtout dans les temps humides, des sources d'eau, dont l'écoulement serait à peu près permanent. On fait de grandes dépenses pour aller chercher l'eau bien loin. Par le moyen que j'indique, on recueillerait sur place une quantité d'eau telle que, bien dirigée, elle pourrait désinfecter les égouts de la plupart des localités. J'aurais voulu développer cette idée simple et pratique dans un mémoire convenable, le temps m'a manqué. Je vous la communique dès aujourd'hui, afin que des hommes spéciaux s'en saisissent et en étudient la mise en pratique avec tout le soin désirable. On a, en Bavière, proposé le drainage de tout le sol des grandes villes. C'est là une entreprise gigantesque, que les batiments rendent bien difficile; mais draîner les rues et les places publiques, c'est une opération facile, c'est le moyen le plus économique et le plus sûr de désinfecter la plupart des égouts et d'assainir la voie publique. Que fait-on aujourd'hui ? pour donner une fraîcheur agréable aux promeneurs, pour empêcher la poussière, on arrose les rues et les boulevards, c'est-à-dire qu'on jette sur les matières impures qu'ils présentent à leur surface, de l'eau qui en s'évaporant, mêle à l'atmosphère une partie de ces matières impures, et on favorise ainsi la fermentation et la formation des miasmes!! Il faut avouer, messieurs, que l'hygiène, que tout le monde croit connaître, est encore bien mal comprise par la plupart des administrations communales! M. Fossion : Je crois, comme l'honorable M. Crocq, |