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corpulence. Un recul brusque de toute la série de waggons, refoulés par la locomotive, détermina un choc tellement violent que le waggon isolé contre l'un des tampons duquel Hubert H.... se trouvait alors adossé, fut projeté à 45 mètres de là: le blessé s'affaissa sur le sol.

Le coup avait porté presque tout entier sur l'abdomen et en partie sur la région épigastrique. Hubert H... mangeait encore la dernière bouchée de son dejeuner (café au lait avec tartines beurrées), lorsque l'accident eût lieu. Un effort de vomissement expulsa tout le contenu de l'estomac.

Un médecin appelé immédiatement constata des symptômes de commotion interne tellement graves, qu'il se borna à des recommandations banales et pronostiqua une mort prochaine.

Il n'en fut rien.

Appelé l'après diner du même jour à donner mes soins au blessé, je constatai que les signes d'une réaction franche commençaient à s'établir. La première émission des urines avait été fort difficile et avait amené l'issue d'à peu près 250 grammes de sang pur.

Le lendemain, 4 décembre au matin, la prostration considérable encore la veille, avait presque entièrement cessé; le pouls avait repris de l'ampleur et battait à 90; le facies était moins déprimé. Le blessé accusait des douleurs fort vives. dans le ventre. A la pression on rencontrait une sensibilité exquise, surtout dans la partie supérieure de l'hypocondre gauche, à la région épigastrique et sus-ombilicale, ainsi que dans un point assez restreint de la région hypocondriaque droite vers la partie moyenne.

L'urine reste toujours chargée de sang, mais la quantité tend néanmoins à diminuer et la miction est devenue facile.

Le soir de ce même jour, il se déclare une entérorhagie con

stituée par un sang noirâtre, extrêmement fétide et dont on peut évaluer la quantité à cinq ou six cents grammes.

5 décembre. Dans la nuit, il y a eu une nouvelle entérorhagie de mêmes caractères, mais moins abondante de moitié que la première.

Symptômes de péritonite localisée à la partie supérieure de l'hypocondre gauche.

L'estomac, depuis le début des accidents, a montré une intolérance absolue : la quantité la plus minime de boisson est rejetée par régurgitation, ou de véritables vomissements si la quantité ingérée excède une demi cuillerée à soupe.

Pouls toujours à 90 ou 92, serré, un peu vibrant.

Pas de frissons ni de symptômes de réaction générale.

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Le 6, apparaît une ecchymose de la largeur d'une paume de main.

Dès ce moment jusqu'au 22 décembre, les phénomènes restent à peu près les mêmes, et nos demandes obtiennent toujours les mêmes réponses. - Toujours des coliques, tantôt vives, tantôt sourdes, se répétant fréquemment dans la journée et d'une durée variable, un quart d'heure, une demi-heure, une' heure même avec de fort courts intervalles de rémission.

Cinq à six selles en moyenne dans les 24 heures, liquides, brunâtres, horriblement fétides et provoquant à l'orifice anal une sensation intense de brûlure. Elles renferment toujours un peu de sang.

Vomissements ou régurgitations suivant fatalement les essais d'ingestion de boissons: eau de riz, eau d'orge, bouillon de veau, jaune d'œuf délayé dans de l'eau.

Langue toujours humide et à peine recouverte d'un léger. enduit muqueux.

La douleur à la pression dans les régions que nous avons indiquées, s'est amoindrie de jour en jour, mais elle est cepen

dant vivement réveillée lorsque, cette pression est un peu forte.

Les symptômes de péritonite ont cédé en quatre ou cinq jours à un traitement approprié.

Sommeil fréquemment interrompu par les douleurs abdominales.

Le 22, après des coliques assez rapprochées, le blessé se sent expulser par l'anus un corps étranger: il y porte la main et par des tractions ménagées amène au dehors un produit membraneux tordu sur lui-même, rappelant les membranes amniotiques que roule l'accoucheur lorsqu'il procède à la délivrance. Ce produit que Hubert H.... prend pour un helminthe de forte dimension, est d'une seule pièce et mesure une aune et demie de long, soit un mètre cinq centimètres. -Appelé immédiatement après la production de ce phénomène, je crus reconnaître un immense lambeau de muqueuse intestinale, mais ne voulant pas devant ce fait aussi extraordinaire, négliger aucun détail propre à intéresser la science, je m'empressai de soumettre la pièce pathologique à l'examen de mon savant maître, le professeur Van Kempen, de Louvain.

Voici ce qu'il me transmet par lettre en date du 25 décembre dernier :

« J'ai reçu hier, 24 courant, la pièce que vous me priez d'examiner :

« Ce n'est que la muqueuse seule de l'intestin grèle avec quelques traces de la tunique sous-muqueuse ou conjonctivovasculaire. Cette muqueuse est pourvue de valvules conniventes ou de Kerkringius; une minime partie seulement, appartenant à l'iléon, en est dépourvue; à ce dernier point, la muqueuse est un peu noirâtre, imprégnée de pigment provenant du sang décomposé.

La muqueuse présente sa structure normale, hormis. qu'elle offre plus de graisse qu'à l'état physiologique : les filaments que l'on rencontre sur ses bords sont des restes de la membrane conjonctivo-vasculaire. Il est probable que par le coup de tampon, la muqueuse a été rompue dans toute sa longueur, sauf sur deux points, que le liquide y renfermé a pénétré dans la tunique conjonctivo-vasculaire, que celle-ci est devenue le siége d'un travail inflammatoire suppuratif qui a éliminé la muqueuse, laquelle enfin a été expulsée par des mouvements péristaltiques progressifs.

« Il est à craindre qu'il ne s'ensuive de la sthénose ou rétrécissement de l'intestin et que la mort n'en soit la conséquence fatale.

« Je ne connais aucun fait pareil. Rokitanski, Förster, Lebert, Cruveilhier, c'est-à-dire les anatomo-pathologistes les plus autorisés ne décrivent rien d'analogue. »

Le lendemain 23, l'estomac accepte sans les rejeter, les boissons alimentaires que je crois devoir accorder à l'appétit franchement accusé du malade.

Les selles ont dimininué de quantité et de nombre et reprennent de la consistance.

Les jours qui suivent, le malade n'accuse plus que deux selles par jour et à peine diarrhéiques.

Le 26, rejet par les selles, de quelques lambeaux de muqueuse, de quelques centimètres de long.

Enfin le 27, dernier jour où je vis le malade, les voies digestives ne dénoncent plus aucun phénomène particulier, sauf une légère douleur que l'on détermine par une forte pression.

Le matin, il y a eu une selle de petit volume, de consistance et de couleur tout à fait normales.

4. SUITE DE LA DISCUSSION des communications

Mм. CROCQ, KUBORN, SEGERS, et de tous les autres travaux relatifs à l'épidémie de choléra de 1966, soumis à la Compagnie (1).

- M. Sovet : Messieurs, tant d'honorables collègues ont si savamment réfuté les hypothèses mises en avant, que je m'abstiendrais de prendre part à cette discussion, si mon nom n'avait pas été prononcé, si un fait cité par moi n'avait pas été très-mal apprécié par l'honorable M. Lequime, et si je n'avais une étude intéressante à vous communiquer.

Dequis longtemps j'ai affirmé la transmissibilité du choléra; et je répète aujourd'hui que je partage tout à fait l'opinion de M. Crocq. Voici un fait dont vainement M. Lequime voudrait contester la portée.

Dans une commune où le choléra n'avait jamais régné, et où il n'existait aucune trace de l'influence cholérique, à Bièvre, localité située sur le terrain gedinien où le choléra n'a pas encore paru, du moins dans la partie qui appartient à la province de Namur, une famille fuyant les ravages que l'épidémie exerçait dans la ville de Fumay, vint en passant s'abriter pendant une nuit. Un de ses membres, petit garçon de 11 ans, avait été pris chemin faisant des symptômes caractéristiques du choléra; Mme Colin de Bièvre, accueillit cette famille et soigna l'enfant; la nuit même elle contracta le choléra, ainsi que sa fille aînée. Le petit garçon allant mieux le matin, fut enveloppé, mis en voiture et transporté plus loin. Je fus appelé, avec un confrère, pour donner de soins à la famille Colin. Lorsque nous arrivâmes, la mère était

(1) Voir Bulletin, 3e série, t. V, pp. 864 et 1290, t. VI, pp. 25, 102, 257, 355, 455, 548, 618 et 757.

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