la lésion musculaire s'est déjà produite lors de l'évolution de ces premières coliques, car depuis cette époque les fonctions intestinales ne s'exécutent bien qu'aussi longtemps que le malade reçoit des aliments de facile digestion. Le passage du régime vert au régime sec provoque de nouvelles coliques, parce que le contenu intestinal s'étant épaissi sous l'influence de cette modification du régime, les contractions péristaltiques imparfaites qui jusque-là avaient suffi pour déplacer les matières alimentaires, sont insuffisantes pour faire progresser convenablement ce contenu épaissi. Les matières ingérées s'accumulent à l'endroit correspondant à la lésion du plan charnu et distendent les parois intestinales; cette distension nous rend compte des réapparitions des coliques et de l'agrandissement de la solution de continuité dont la tunique musculaire était le siége. La muqueuse ne se trouvant plus qu'imparfaitement soutenue dans l'endroit correspondant à l'espèce de boutonnière qui s'était produite dans le plan charnu longitudinal, a, en dissociant les deux feuillets du mésentère, fait hernie à travers cette boutonnière dont, par le fait même, elle a favorisé l'agrandissement. Les bosselures constatées sur cet intestin anormal sont dues à la résistance inégale que la muqueuse herniée a rencontrée en se distendant, car les étranglements correspondent aux gros rameaux intestinaux des vaisseaux mésentériques (branches bifurquées que fournissent ces vaisseaux en passant du mésentère sur l'intestin). La distension de plus en plus grande de la muqueuse herniée a été une condition évidemment favorable, peut-être déterminante, de la perforation intestinale qui a occasionné la péritonite mortelle. L'appréciation des faits recueillis sur ce malade ne nous permet pas seulement de déterminer le moment où, sui 510 DÉCHIRUre des fibres CIRCULAIRES DU PLAN CHARnu de l'intestin. vant toute probabilité, la déchirure s'est produite, mais elle nous fournit en outre des données pour nous faire reconnaître la cause à laquelle nous devons attribuer la solution de continuité de la tunique musculeuse. Cette cause nous la la trouvons dans la distension exagérée dont l'intestin est probablement devenu le siége à la suite de l'infiltration inflammatoire de son plan charnu; sous l'influence de cette forte distension qui faisait surtout sentir son action sur les fibres musculaires circulaires, celles-ci ont pu se rupturer d'autant plus facilement que par l'imprégnation phlegmasique, leur force de résistance se trouvait déjà diminuée. La solution de continuité s'est produite à l'endroit où cette force de résistance était la moindre, savoir à l'endroit où les deux feuillets du mésentère se séparent pour recevoir entre eux l'intestin et où, par conséquent les tuniques charnue et muqueuse ne se trouvent pas soutenues par la séreuse. DISCOURS de M, le Président de l'Académie, au banquet d'inauguration de la statue de BOERHAAVE, à Leyde. 26 JUIN 1872. Veuillez m'accorder, messieurs, toute votre bienveillance. Je vous adresse la parole dans une langue qui n'est pas la vôtre. Non pas que celle-ci me soit tout à fait étrangère, puisque je suis flamand, mais je craindrais, en m'en servant, de ne pas rendre complètement ma pensée. Je commence par remercier l'honorable orateur qui vient de s'asseoir, du toast qu'il a bien voulu porter à l'Académie royale de médecine de Belgique, et à vous tous, messieurs, je vous adresse mes plus sincères remercîments, pour l'excellent accueil que vous avez bien voulu y faire. Je rapporterai à mes collègues, à Bruxelles, les paroles si gracieuses et si bonnes que je viens d'entendre, et comme nous, croyez-le bien, ils vous en seront profondément reconnaissants. Et maintenant, permettez-moi de vous proposer à mon tour un toast, qui, j'en suis sûr, rencontrera toutes vos sympathies: A TOUTES LES GLOIRES DE L'UNIVERSITÉ DE LEYDE, DE CEtte instiTUTION BIENTÔT TROIS FOIS SÉCULAIRE, QUI A TANT CONTRIBUÉ au proGRÈS DE LA SCIENCE ET AU DÉVELOPPEMENT DE LA CIVILISATION! Vous venez, messieurs, d'ériger une statue à Hermann Boerhaave, si justement surnommé l'Hippocrate moderne, qui a jeté un si grand lustre sur votre école; vous avez bien fait; vous avez bien mérité de vos compatriotes et de la science! Mais en visitant ce matin votre salle académique, j'ai été frappé, ému, je dois le dire, à l'aspect de cette immense galerie de portraits vénérables qui rappellent tant de veilles, tant d'efforts utiles à l'esprit humain ! Je ne vous dirai pas les noms de ceux qui ont tracé les plus profonds sillons; ce serait vous retracer à vous-mêmes votre propre histoire, et vous la connaissez mieux que moi; mais laissez-moi vous rappeler que c'est faire œuvre pie que de ressusciter, de faire sortir en quelque sorte de leurs tombeaux, pour les glorifier, ceux qu'à bon droit, on peut appeler les bienfaiteurs de l'humanité. << ET PIUS EST PATRIÆ FACTA REFERRE LABOR. » Vous allez bientôt célébrer le troisième centenaire de l'installation de votre Université; c'est à un autre Gaubius qu'il appartiendra de rappeler alors à vos compatriotes ces nobles souvenirs (1). Mais puisque je suis à vous parler de votre histoire, messieurs, permettez-moi aussi de vous dire, parce que j'en ressens un légitime sentiment d'orgueil, que cette histoire est quelque peu aussi la nôtre, à nous qui habitons, comme vous, cette portion du continent européen qui est connue sous le nom des Pays-Bas. Est-ce que Philippe Marnix de Sainte-Aldegonde, l'ami, le con (1) C'est Gaubius qui a fait le panégyrique de l'Université, à l'occasion de la célébration du deuxième centenaire, en 1774. fident, le conseil de votre immortel libérateur, du grand prince Guillaume d'Orange Nassau, le créateur de votre Université, ce Marnix auquel la ville de Bruxelles s'apprête, elle aussi, à ériger une statue, n'est pas né sur le sol de notre Brabant? (1). Juste Lipse, votre éminent historien, n'est-il pas brabançon comme Marnix, et tout récemment encore les habitants de la commune où il a vu le jour, n'ont-ils pas consacré à sa mémoire un souvenir de leur naïve admiration? (2). Et Dodonée, votre incomparable botaniste, le médecin de deux empereurs, dont les traits sont gravés sur notre médaille académique, n'est-il pas un enfant de Malines? (3). Est-ce tout? Mais non: Audenaerde vous a donné Drusius (4); Bruges, Gommarus (5) et Vulcanius (6); Gand, Polyander (7) et Heinsius (8); Ruremonde, Vorstius (9); l'ancienne Flandre, Trelcaltius (40), Baudius (11) et Clusius (12); l'ancien Hainaut, Raphalengius (13) Et je ne vous cite pas ceux des vôtres en grand nombre, et de la plus haute distinction, qui sont venus puiser dans notre antique et non moins célèbre Université de Louvain, des trésors de science et d'érudition, qu'ils ont rapportés ensuite dans leur patrie affranchie du plus intolérable de tous les jougs (14). Vous voyez donc bien, messieurs, qu'ainsi que je vous le disais tout à l'heure, votre histoire est quelque peu aussi notre histoire, et vous comprendrez dès lors que vos succès comme vos triomphes ne peuvent nous laisser indifférents. Des frontières nous séparent, c'est vrai : mais comme le rappelaient ce matin, dans son magnifique discours, votre honorable président, et tout à l'heure encore l'honorable orateur qui a bien voulu porter un toast à notre Académie de médecine, qu'importe cette délimitation? Frères nous sommes par la souche, par l'origine, frères nous resterons par la communauté des intérêts politiques, par la communauté de nos gloires artistiques, scientifiques et littéraires. N'avons-nous pas d'ailleurs les mêmes tendances, les mêmes aspirations? Ne ressentons-nous pas, vous, au delà du Moerdyck, nous en (1) Il est né à Bruxelles en 1558. Mort en 1598. Il était théologien. - (4) Jean Vanden Driessche, professeur d'écriture-sainte, né en 1550. Mort en 1616. (5) Professeur de théologie. Né en 1562. (6) Desmet. professeur de littérature grecque. Né en 1558. Mort en 1615. (7) Vandenkerckhove, professeur de théologie. Né en 1568. Mort en 1646. (8) Heyne, professem d'histoire. Né en 1580 Mort en 1655. - (9) Forst, professeur de médecine. Né en 1561. -Mort en 1624. (13) Fr. Raphaleng Lannoy, professeur d'hébreu. Né en 1539. Mort en 1552. (14) Parmi lesquels Petrus Forestus et Heurnius, professeurs de médecine, et Janus Dousa (Jean Vanderdoes), le premier curateur de l'Université, qui s'est conduit si vaillamment au mémorable siége de Leyde. deça, la même horreur du despotisme, le même amour de la patrie et de la liberté? (Bruyants applaudissements.). C'est donc avec un vif sentiment de bonheur que je bois en mon nom, au nom de mes collègues de l'Académie, ici présents, an nom du corps académique tout entier, A TOUTES LES GLOIRES DE L'UNIVERSITÉ DE LEYDE! Si noblesse oblige, comme le faisait remarquer tout à l'heure, votre honorable secrétaire, jamais, je l'affirme, noblesse ne commanda plus impérieusement que celle de vos illustres devanciers. Messieurs, à leur exemple, les hommes placés à la tête de votre enseignement continueront à tenir haut et ferme le drapeau de la science; ils n'en laisseront pas ternir les couleurs; toujours ils se rappelleront et ne cesseront de rappeler à leurs disciples que la science est la reine du monde et le flambeau de la civilisation! « A toutes les gloires de l'Université de Leyde. >> (Applaudissements plusieurs fois renouvelés, suivis d'un toast porté en termes dignes et chaleureux, aux acclamations réitérées de toute l'assemblée, par M. le bourgmestre de Leyde, en l'honneur du roi Léopold II, roi des Belges.) |