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augmenta considérablement et c'est pour la première fois, pendant ces maladies, qu'elle consulta un médecin.

En décembre suivant, elle vint avec sa famille, habiter Namur et le 15 de ce mois je fus appelé à lui donner mes soins.

Ayant constaté un kyste de l'ovaire droit, je prévins les parents de la gravité de l'affection. M. le docteur Lefebvre, de Louvain, me fut adjoint et nous décidâmes de pratiquer une ponction exploratrice pour constater la nature du liquide, tout en ayant à notre disposition une solution iodée, si nous jugions que ce moyen de guérison pouvait être tenté.

A cause de l'apparition de l'époque menstruelle, cette ponction fut retardée jusqu'au 7 janvier 1871 et elle nous fournit 8 litres d'un liquide visqueux, très-épais, de couleur brunâtre.

A la vue de ce liquide, qui nous indiquait que nous n'avions à espérer aucune chance de guérison par l'injection iodée, nous décidâmes de ne pas la tenter, d'autant plus que le ventre débarrassé, nous pùmes constater qu'il y avait encore dans l'épigastre droit un autre kyste assez volumineux et vers la région épigastrique plusieurs autres petits kystes.

Il n'y avait plus alors de guérison à espérer que par l'ovariotomie. Nous en fimes part à la famille en les engageant à prendre une prompte décision.

La malade s'étant rétablie rapidement à la suite de la ponction, nos conseils ne furent pas suivis. Un mois plus tard le liquide s'était reproduit.

M. le docteur Lefebvre fut de nouveau rappelé et sur les instances de la famille, nous pratiquâmes le 21 mars, une seconde ponction qui fut suivie d'une injection iodée.

Nous extrayâmes encore le même liquide et en même quantité, mais cette fois la guérison ne fut plus si rapide.

Notre malade présenta les symptômes d'une gastro-entérite et ce ne fut qu'après neuf semaines de traitement que nous obtinmes la guérison.

A la suite de cette maladie, le ventre avait repris tout son développement.

M. le docteur De Roubaix vint s'asocier à nous et partagea complètement notre avis, mais la famille ne pouvait se décider à l'ovariotomie; le 19 juin une troisième ponction devena it urgente.

Elle fut suivie d'une assez prompte guérison.

Mais la malade dépérissait, les joues se creusaient, les membres étaient d'une maigreur effrayante et depuis la seconde ponction les règles n'avaient plus reparu.

En présence de l'imminence d'un danger prochain, les parents comprirent enfin que nos prédictions pourraient bien se réaliser et après avoir obtenu le consentement de la malade, ils décidèrent d'aller à Cassel consulter le docteur Stilling qui leur avait été conseillé.

Ce voyage ne se fit pas sans de nouveaux déboires. Arrivée à Liège, la malade fut prise de vomissements qui mirent ses jours en danger. Appelé le 3 août et ne pouvant attribuer qu'à la dilatation du ventre, les accidents qui se produisaient, je fus de nouveau obligé de pratiquer une ponction (la quatrième) avec l'aide de mon honorable ami le docteur Raikem. Cette fois j'extrayai 12 litres de liquide.

Remise de cette opération, elle partit pour Cassel et le 3 septembre elle revint à Namur bien décidée à subir l'ovariotomie que le docteur Stilling consentait à pratiquer dès qu'elle aurait repris quelques forces. Déjà à cette époque, le ventre était redevenu énorme. Il n'y avait donc pas à espérer de voir sa santé se raffermir. Des vomissements, des maux de reins se représentaient, l'appétit faiblissait. Je compris qu'il

n'y avait pas de temps à perdre et je fixai l'opération pour le 12 septembre.

D'après ce qui précède, on voit dans quel état de marasme se trouvait notre malade au moment de l'opération. On ne pouvait conserver que bien peu d'espoir de la sauver, mais la mort était imminente. On tenta l'ovariotomie et voici comment il y fut procédé avec l'aide de MM. les docteurs Lefebvre et Dethier, qui remplaça M. De Roubaix empêché.

Après avoir procédé à la toilette composée d'un caleçon et d'une marinière en flanelle, la malade ful placée sur la table d'opération qui consistait en une table ordinaire sur laquelle se trouvait un matelas plié en deux et surmonté d'un traversin et d'un oreiller. Elle fut assise, le corps légèrement incliné en arrière, les pieds reposant sur une chaise.

Le docteur Stilling prit alors une feuille de taffetas gommé d'un mètre carré, pratiqua au centre une ouverture ovalaire et après avoir enduit les bords de cette ouverture d'emplâtre agglutinatif, il la fixa sur le ventre de manière à laisser libre. la région de l'opération (1). Cela fait, on procéda à l'administration du chloroforme. L'anesthésie fut poussée jusqu'à un sommeil complet qui se traduisit par des ronflements (2).

A l'aide du scalpel, une incision de 8 centimètres fut faite le long de la ligne blanche, à deux travers de doigt de l'ombilic. Le kyste mis à nu, le docteur Stilling constata que des adhérences, avec la paroi abdominale, existaient dans tout le pourtour de l'incision. Il vida d'abord le kyste à l'aide du trocart de Spencer Wells et le saisissant alors avec des éri

(1) Cette feuille de taffetas a pour but d'empêcher l'opérée d'être mouillée. De cette manière, l'opération terminée, elle peut être placée immédiatement au lit sans lui faire subir les apprêts d'une toilette nouvelle.

(2) Ce point est important. L'opérée doit rester immobile tout le temps de l'opération afin de ne pas provoquer par des cris cu des mouvements, la

sortie des intestins.

gnes, il parvint, avec les doigts, à détruire toutes les adhérences. Introduisant alors une main dans l'intérieur du kyste, il en saisit la partie supérieure, avec les petits kystes, attira la masse au dehors,en détacha l'épiploon qui y adhérait. Celui-ci fut remis en place pendant qu'un aide tenait le kyste.

Il n'a pas été nécessaire de vider avec le trocart les petits kystes. Ils sont sortis par la plaie avec leur contenu.

Le pédicule du kyste était large au point de pouvoir y introduire le bras et replié sur lui-même, il mesurait 7 à 8 centimètres.

En présence d'un pédicule d'une aussi grande dimension, le docteur Stilling employa pour l'étreindre des ligatures animales (1), réservant le clamp lorsque le pédicule est long et mince (2). Il plaça sept ligatures se réunissant l'une à l'autre.

Le pédicule fut alors excisé à un travers de doigt des ligatures et remis à la place qu'il devait occuper dans le bassin (3).

(1) Ces ligatures animales consistent en cordes de violon italiennes macérées dans sept parties d'huile de lin cuite sur une partie d'acide carbonique.

(2) Je regrette d'être ici en désaccord avec le docteur Stilling. Si les ligatures animales conviennent pour un pédicule volumineux, elles doivent également convenir et même à plus forte raison pour un pédicule peu volumi

neux.

La guérison du cas qui nous occupe prouve en faveur de ces ligatures animales, et dès lors je voudrais voir dorénavant proscrire le clamp et en voici la raison :

Les opérateurs qui se sont servis du clamp constatent qu'il laisse à l'endroit où le pédicule est fixé un enfoncement d'au moins un centimètre provenant de sa rétraction. Que devient cet enfoncement lorsque l'opérée a repris son embonpoint? Il doit nécessairement être plus apparent. D'un autre côté, si la personne devenait enceinte, n'y aurait-il pas à craindre des accidents? Les chirurgiens qui ont pratiqué l'ovariotomie depuis plusieurs années, pourraient éclaircir ces divers points, si toutefois ils ont pu suivre leurs opérées.

(3) D'après des expériences faites sur des animaux, le docteur Stilling a constaté que quelques heures suffisaient pour que la partie du pédicule audessus de la ligature contractât des adhérences avec la base du pédicule et les tissus voisins.

Il a constaté également que les ligatures animales étaient absorbées en trois à quatre jours.

L

Il est facile de s'assurer de ce fait : En réunissant une plaie externe avec

Après avoir, à l'aide d'une éponge fine et propre, enlevé le peu de sang que contenait le cul-de-sac urétro-vaginal et s'être assuré qu'il n'existait aucune hémorrhagie, il procéda à la suture des parois abdominales.

Pour cette opération, il se servit d'aiguilles armées de fil de chanvre et contrairement à quelques opérateurs, il comprit le péritoine dans la ligature. Trois sutures furent appliquées de cette manière et dans leur intervalle il en plaça trois autres superficielles (1).

L'opération était terminée. Elle avait nécessité 40 minutes. La malade fut aussitôt placée dans un lit préparé à l'avance, bien chauffé. Le ventre fut recouvert d'une épaisse couche de ouate maintenue par une serviette fortement serrée.

On recommanda le plus grand silence autour de la malade et sa femme de chambre fut seule laissée près d'elle.

On lui donna un peu de vin de Chéri avec de l'eau gazeuse.

Elle ne tarda pas à éprouver dans la région hypogastrique gauche des douleurs violentes qui cédèrent à l'administration de deux cuillerées à café de sirop de morphine.

Le 13, c'est-à-dire le lendemain de l'opération, elle se plaignit d'une grande faiblesse. La nuit n'a pas été mauvaise, mais le sommeil a été souvent interrompu. Le pouls est à 120. Plus de douleur dans le ventre, quelques nausées, la langue assez belle, la malade est sondée.

Dans la matinée apparaît un vomissement chloroformique qui ne s'est pas renouvelé.

ces ligatures, on trouve au bout de quelques jours que l'anse est rompue et que la partie de la ligature qui était à l'intérieur est absorbée.

(1) En expérimentant sur des animaux, le docteur Stilling, s'est assuré que quelques jours suffisaient pour que le péritoine recouvre les fils de chanvre. C'est donc à tort que des opérateurs craignent de comprendre le péritoine dans la ligature.

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