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viendraient des prix académiques ordinaires, se fonde surtout • sur ce fait que ce serait l'Académie qui les décernerait. Mais ce ne serait pas tout à fait l'Académie qui décernerait le prix quinquennal; la chose se ferait avec plus de prestige; ce serait le Gouvernement qui décernerait le prix à l'ouvrage couronné, mais au lieu de la décision d'un jury de sept membres choisis sur une liste double composée par l'Académie, vous auriez la décision d'un jury composé par l'Académie tout entière, après une discussion publique, ce qui donnerait aux concurrents une garantie qu'ils n'ont pas aujourd'hui et leur assurerait une chose non moins précieuse; c'est d'avoir toujours des juges compétents.

Dans l'état actuel des choses, il faut bien le dire, il n'en est pas toujours ainsi, la plupart des jurés, appelés à juger un ouvrage, ne sont pas compétents. Il peut n'y avoir parmi eux qu'un seul membre compétent, et les autres doivent accepter sur parole ce qu'il dit lorsqu'au contraire, l'Académie tout entière se constituera en jury, chaque concurrent sera certain de trouver plusieurs juges compétents et capables de l'apprécier par eux-mêmes. Le prestige des prix ainsi décernés n'en sera à coup sûr pas diminué.

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(M. Gouzée remplace M. Vleminckx au fauteuil.)

M. Vleminckx : Il ne faut pas se le dissimuler, ce qui nous a fait faire cette proposition, c'est l'impossibilité de constituer, dans l'état actuel des choses, un jury véritablement compétent. Nous avons fait à trois reprises tous nos efforts pour présenter au Gouvernement une série de membres représentant, dans la mesure du possible, les différentes branches qui pouvaient être appelées à concourir pour le prix quinquennal, et nous sommes à peine parvenus à faire entrer chaque fois dans le jury, un seul membre pour chaque branche. Où sont aujourd'hui les garanties d'impartialité? S'il s'agit

de juger un ouvrage de chirurgie, il n'y a souvent qu'un seul chirurgien dans le jury. S'il s'agit d'un ouvrage sur les accouchements, c'est à peine si nous avons un accoucheur. Et vous voudriez que, dans ces conditions, un pareil jury ne soit pas exposé à être influencé par des considérations étrangères à la science?

Je vais vous dire toute ma pensée relativement aux prix quinquennaux. Ces prix sont aujourd'hui l'objet de mauvaises compétitions; c'est la lutte entre les diverses universités; c'est la lutte entre les catholiques et les libéraux. Il faut bien le dire, parce que c'est la vérité; et suivant que l'un ou l'autre parti siége en majorité dans le jury, on peut presque dire à qui appartiendra le prix; voilà ce que nous avons constaté. Pour mon compte, j'ai fait une seule fois partie de ce jury, mais j'ai bien juré mes grands dieux qu'on ne m'y reprendrait plus.

M. Crocq: Et moi aussi.

M. Vleminckx : C'est à ce point que j'ai cru devoir donner ma démission, avant même que le prix ne fut décerné.

Et est-ce nous seuls qui nous plaignions de la situation actuelle? Mais non. Adressez-vous à l'Académie des sciences et des belles lettres, et vous y entendrez les mêmes plaintes. J'ai entendu dire qu'un des concurrents de cette Académie, homme extrêmement capable et reconnu comme tel, avait échoué deux fois, parce que le jury était composé en majorité d'adversaires du parti politique auquel il appartient. Cela est vrai ou cela ne l'est pas; je ne me prononce pas. Toujours est-il qu'à l'heure qu'il est, le jury est soupçonné et que cela ne devrait pas être. Lorsque l'Académie décernera elle-même les prix après une discussion en séance publique, à laquelle tout le monde pourra prendre part, et après que tous les membres auront pu prendre connaissance des ouvrages concur

rents, je vous garantis que la décision ne sera pas atteinte de suspicion.

Voilà pourquoi je suis un adversaire déterminé des prix quinquennaux tels qu'ils sont établis aujourd'hui.

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Faut-il les supprimer? Non; il ne faut pas ravir à la science ses récompenses. Mais je crois qu'on peut les instituer autrement qu'il ne le sont, qu'on peut modifier les conditions dans lesquelles ils sont accordés aujourd'hui, de telle sorte que les ouvrages du concours soient jugés par un jury compétent et impartial. Je soutiens, en outre, que lorsqu'il y aura plusieurs prix quinquennaux en médecine, il y aura plus de chance que toutes les branches de la science seront récompensées. Voici maintenant ce qui arrive. Nous avons vu récemment concourir pour le prix des ouvrages du plus grand mérite un beau travail de M. Deroubaix, un autre non moins beau de M. Hubert. Eh bien, je suis convaincu que le jury était d'avis que les deux ouvrages étaient dignes du prix quinquennal, et que, s'ils avaient pu concourir successivement l'un dans l'année pendant laquelle aurait dû être distribué un prix de chirurgie, et l'autre dans celle dans laquelle on aurait décerné un prix d'obstétricie, l'un et l'autre auraient été couronnés au même titre. Et l'honorable M. Bellefroid le comprend lui-même, puis. qu'il propose d'établir deux ou trois prix qui seraient distribués la même année. Mais si le Gouvernement accorde dans ce cas 15,000 francs en un an, il peut tout aussi bien accorder 5,000 francs par an, ce ne serait pas trop. D'ailleurs, le prix sera-t-il distribué chaque année? Evidemment non, et dans ce cas les fonds retourneront au trésor. S'il était accordé chaque année, je dirais tant mieux pour la science. Qu'est-ce donc que quelques milliers de francs pour encouragement? Est-ce que la science est déjà tant encouragée en Belgique ? Trouvons-nous dans le budget tant de récompenses pour les

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hommes qui se livrent à des études abstraites? Aussi n'est-ce qu'exceptionnellement qu'on les voit mis au jour. Quelques milliers de francs ne ruineront pas le pays, et je ne sais vraiment comment on pourrait les refuser en présence des considérations que l'honorable M. Crocq a si parfaitement exposées dans son rapport.

-M. Gluge: Je crois qu'il faut supprimer les prix quinquennaux ou adopter les conclusions du rapport. Ce qui me confirme dans cette idée, c'est ce qui se passe à l'Académie des sciences. Ainsi pour les lettres, pour les sciences, pour les beaux-arts, il y a des prix différents. Pour les sciences, il y a deux divisions: les sciences physiques et les sciences naturelles; et nous voudrions multiplier ces divisions, tant il est souvent difficile d'apprécier, entre des ouvrages de nature tout à fait différente, quel est celui auquel il faut accorder le prix.

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Selon moi, la suppression du prix quinquennal serait une chose déplorable. Les auteurs qui font de grands ouvrages arrivent difficilement à les faire publier. Ainsi, moi-même, si je n'avais pas trouvé un éditeur en Allemagne, je n'aurais pas pu publier mon ouvrage en Belgique, parce que je n'aurais trouvé personne disposé à faire les frais de 15 à 20,000 francs pour cette publication. Il faut donc encourager les hommes qui publient de grands ouvrages et qui doivent souvent les accompagner de planches coûteuses.

Si vous n'adoptez pas la proposition qui vous est faite, le but du prix quinquennal sera manqué, parce que les déplorables rivalités que M. le Président vient de signaler s'exerceront toujours.

Je crois que l'Académie fera bien d'adopter les propositions de la Commission.

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une chose : c'est qu'il est fort peu probable que cette proposition puisse aboutir. En demandant qu'on institue cinq prix quinquennaux pour les sciences médicales, vous demandez d'instituer autant et plus de prix pour ces seules sciences que pour toutes les autres branches de l'activité scientifique et littéraire. Il existe deux prix pour les sciences et deux prix pour les lettres. Vous proposez d'en instituer cinq pour les sciences médicales. Je crains fort qu'en fait cette propostion n'aboutisse pas, et à vous dire vrai, je la trouve exagérée. Il faut consulter le passé, voir ce que l'expérience vous dit. Estce que réellement vous avez chaque année tant de publications médicales dignes de recevoir le prix?

M. Warlomont: Vous en aurez.

M. Bellefroid : Les œuvres importantes ne se font pas en vue d'une récompense promise.

D'autre part, je ne puis pas admettre que le jugement soit abandonné exclusivement à l'Académie. Par cela même que tout le corps médical est appelé à concourir, il faut nécessairement que ce corps, dans ses divers éléments, soit réprésenté dans le jury. Si l'Académie s'arroge le droit exclusif de décerner ces prix, vous n'empêcherez pas qu'ils ne soient amoindris dans l'opinion, qu'ils ne deviennent de simples récompenses académiques. Je crois qu'on doit maintenir un jury plus ou moins indépendant de l'Académie, et je dirai plus impartial.

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M. Thiernesse : C'est l'Académie qui désigne au Ministre les membres qui doivent entrer dans le jury.

M. Bellefroid : Oui, mais c'est le Ministre qui nomme, et il peut nommer en dehors de ces présentations.

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M., Vleminckx: Non, aux termes de l'arrêté, c'est l'Académie qui désigne les personnes parmi lesquelles doit être choisi le jury. Or, jusqu'à présent l'Académie, quoique éten

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