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qu'on s'est permises, je crois nécessaire de vous faire connaitre ce qui s'est passé avant, pendant et après notre séjour en Hollande.

Lorsque la maladie s'est déclarée dans le pays, elle y a sévi avec assez de violence sur le bétail de la commune de Lacken. M. Seutin, poussé par son zèle, s'est adressé à M. le Ministre de l'intérieur à l'effet d'obtenir l'autorisation de traiter ces animaux. Cette autorisation lui a été refusée. Le Gouvernement a agi sagement : la première indication, c'est d'étouffer tout foyer naissant, d'empêcher qu'il se propage. Il ne faut recourir à un traitement que lorsque la maladie a envahi une grande étendue de pays.

L'ambassadeur des Pays-Bas, informé par un de ses amis qui avait des rapports avec M. Seutin, que la démarche de celui-ci n'avait pas abouti, chargea cet ami de prier M. Seutin de passer à l'hôtel de l'ambassade. M. Seutin s'y étant rendu, M. le baron de Gericke lui demanda s'il était disposé à tenter ses expériences en Hollande. M. Seutin répondit affirmativement, mais à la condition, ajouta-t-il, que je puisse m'adjoindre un médecin vétérinaire de mon choix. Bien entendu.

M. Seutin me fit la proposition de l'accompagner. J'acceptai de grand cœur. C'était l'occasion pour moi d'étudier une maladie que je ne connaissais pas dans sa marche, dans ses différentes expressions.

:

Nous acceptâmes donc la mission qui nous était offerte. M. de Gericke nous dit je dois vous faire remarquer que le Gouvernement néerlandais n'entend pas vous accorder une indemnité. Je répondis nous ne demandons pas d'indemnité; nous allons en Hollande à nos frais et nous nous engageons à distribuer gratis les médicaments nécessaires au traitement, à condition seulement qu'on nous permette l'entrée de

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Trois jours après, M. l'ambassadeur nous transmit une dépêche de son Ministre de l'intérieur qui nous priait de nous rendre à La Haye dans le plus bref délai. Arrivés dans cette ville, nous y reçûmes du Ministre le meilleur accueil; il nous remercia d'avoir bien voulu nous déplacer et nous fit observer qu'il ne pouvait nous entretenir longtemps, parce qu'on était à la veille de l'ouverture des Chambres ou d'une autre réunion. «Je me suis, ajouta-t-il, entendu avec le Commissaire royal ou le Gouverneur de la Hollande méridionale; il a mes instructions, veuillez vous rendre chez lui. »

M. le Commissaire royal nous a indiqué Schiedam et quelques communes voisines comme le théâtre de nos expériences. Il nous a adressés à M. Vandyck, bourgmestre, déjà nommé Commissaire du gouvernement auprès de la commission établie dans cette ville. Ce Monsieur, très-intelligent, tenant des livres avec une grande exactitude, nous a fourni d'abord un interprête qui ne nous a jamais quittés. Celui-ci recueillait des notes qu'il remettait le soir à son patron. Le patron les inscrivait avec ordre, de manière qu'il n'a jamais négligé de constater ce qui se passait. Le matin de chaque jour, avant que nous nous missions en tournée, M. le Commissaire envoyait le garde champêtre dans les établissements où il y avait des animaux malades, pour savoir ce qui s'y était passé depuis la veille.

Nous avons marché dans cette voie pendant environ quinze jours. Le climat de la Hollande m'a toujours été funeste. Je me trouvais indisposé et je témoignai le désir de rentrer en Belgique. Mais, avant tout, j'adressai à M. le Commissaire royal la lettre dont je vais avoir l'honneur de vous donner lecture :

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A Son Excellence, le commissaire royal de la Hollande méridionale.

Excellence,

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Lorsque le 21 du mois dernier, nous avons eu l'honneur de nous rendre à votre hôtel, sur la recommandation de Son Excellence, le Ministre représentant votre gouvernement près la Cour de Bruxelles, vous avez accueilli avec bienveillance la proposition que nous avons eu l'honneur de vous soumettre, proposition tendant à tenter quelques expériences pour le traitement des bêtes bovines affectées du typhus contagieux ; vous avez bien voulu nous assigner, à cet effet, la ville de Schiedam pour le théâtre de ces expériences et particulièrement la commune de Mathemesse, où la maladie sévissait avec violence et faisait de nombreuses victimes.

La bienveillance avec laquelle M. le bourgmestre de cette localité nous a accueillis, et l'empressement dont il a fait preuve, en mettant à notre disposition le peu de moyens qu'il possédait pour faciliter la réussite de notre entreprise, mérite les plus grands éloges.

Néanmoins, nous ne nous sommes pas dissimulé les nombreux obstacles qui nous attendaient, suscités en partie par la rivalité et par l'indifférence des détenteurs de bestiaux; nous nous sommes mis aussitôt à l'œuvre avec le zèle et le désintéressement qui sont à votre connaissance, forts de la conviction de triompher de ce terrible fléau qui décime la population bovine de la Hollande, et de préserver un grand nombre d'animaux suspects par suite de leur cohabitation avec les bêtes infectées, et ce à l'aide d'un traitement prophylactique dont nous attendons les meilleurs résultats.

L'expérience de treize jours a confirmé nos prévisions; nous sommes en effet parvenus à guérir des malades dans une proportion qu'aucune médication n'a jamais pu atteindre, ni même approcher, depuis l'invasion de cette terrible maladie pendant le dernier siècle, proportion que nous espérons encore dépasser avec l'appui et la confiance des fermiers que nous sommes parvenus à captiver par nos succès.

Quant au traitement prophylactique, il a aussi répondu à notre attente et si, parmi les nombreux animaux soumis au traitement préventif, nous avons constaté quelques cas de typhus, nous avons eu la satisfaction de voir la maladie se montrer ehez ces individus avec beaucoup moins de malignité.

Pour ce qui concerne la maladie elle-même, dans nos premiers essais, les obstacles que nous avons rencontrés au début de la part des fermiers, et le retard apporté dans l'application de nos moyens curatifs, par la nécessité de faire constater, au préalable, la nature de la maladie par

un vétérinaire du Gouvernement, ont plusieurs fois compromis nos succès. Votre Excellence n'ignore pas qu'une maladie aussi insidieuse, aussi meurtrière et aussi rapide dans sa marche, qui amène une décomposition aussi prompte dans les fluides et les solides organiques doit être arrêtée lors de son évolution: lorsque l'organisme a perdu la faculté de réagir, tous les moyens qu'on lui oppose sont frappés d'impuissance, le génie morbide a triomphé. C'est ici le cas de rappeler cet axiôme : Principiis obsta, etc.

Si nous ne consultions que nos intérêts et nos instincts, possédant tous nos apaisements à l'endroit du traitement curatif et préventif, nous rentrerions incontinent dans nos foyers pour reprendre nos habitudes et notre vie douce et tranquille; mais l'occasion de nous instruire que le Gouvernement nous a fournie et le bon accueil que nous avons reçu dans ce pays, nous font un devoir de vous offrir nos services et de les continuer jusqu'à ce qu'ils aient dissipé tous les doutes; alors seulement nous aurons l'honneur de vous faire la remise de notre livre de clinique qui renferme l'histoire de tous nos malades, où vos commissaires pourraient puiser tous les documents propres à la continuation de notre

œuvre.

Dans l'espoir que Votre Excellence daignera nous faire répondre dans un bref délai, nous la prions d'agréer l'assurance de notre considération la plus distinguée.

Schiedam, 3 octobre 1865.

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M. le commissaire royal nous témoigna sa gratitude de ce que nous voulions bien prolonger notre séjour en Hollande et il nous dit je suis chargé par M. le Ministre, à dater d'aujourd'hui, de vous affranchir du contrôle de la Commission et de vous informer que le Gouvernement ne permettra pas que vous soyez venus dépenser gratuitement ici votre argent et votre temps. Lorsque vous quitterez le pays, vous voudrez bien dresser une note de vos dépenses et vous serez remboursés. Nous y sommes restés encore quinze jours, n'ayant plus à traiter que deux animaux convalescents. Nous avons adressé à M. le Ministre les pièces qui nous avaient été demandées et nous sommes rentrés en Belgique.

Deux ou trois jours après, M. l'ambassadeur nous fit

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prier de passer en son hôtel. Il nous dit que M. le Ministre de l'intérieur de Hollande avait regretté que nous fussions partis si brusquement, alors que nous rendions des services. Je lui répondis M. le Ministre, voilà la lettre que j'ai adressée à M. le Commissaire royal; voyez si notre conduite est d'accord avec la teneur de cette lettre. Oui, me dit-il. Maintenant, seriez-vous disposé à retourner en Hollande à des conditions à indiquer par vous? Oui et non, M. le Ministre; non, si je ne consulte que l'état de ma santé; oui, en reconnaissance, comme je l'ai dit, du bon accueil qui m'a été fait et de l'occasion qui m'a été donnée d'étudier la maladie.-Quelles seraient vos conditions? Les voilà... Cela n'est pas exorbitant, dit-il. Nous n'avons jamais fait de cela une question d'argent. Mais, M. le Ministre, je dois vous faire une observation : c'est que nous n'avons pas l'intention de retourner en Hollande pour traiter des animaux dans un canton. Nous y retournerons à la condition qu'on nous désigne des hommes de l'art que nous mettrons au courant de notre méthode, afin d'établir un service médical sur les divers points de la Hollande. C'est entendu. Eh bien! M. le Ministre, vous n'obtiendrez pas cela. - Comment? - Quand l'épizootie a éclaté, votre gouvernement a nommé une Commission. Cette Commission est omnipotente et le rôle du Gouvernement consiste à leur transmettre les documents qu'il reçoit. Eh bien! quand on fera notre proposition à la Commission, elle dira qu'elle n'en veut pas.

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J'oubliais de dire que l'ambassadeur nous remit ce jour-là un mandat, que lui avait transmis le Ministre de l'intérieur, s'élevant à la somme de 1000 florins, soit 500 florins pour indemniser chacun de nous de ses frais.

Quelques jours après, M. de Gericke nous fit de nouveau prier de passer en son hôtel et il me dit : les choses se sont

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