fites et les hyposulfites; il ne produit absolument rien, il est de nulle valeur. Vis-à-vis de tous ces doutes que je jette dans vos esprits, vous me demanderez sans doute si j'affirme la nullité de ces agents avec une certitude absolue. Eh bien, non; la certitude absolue, dans les sciences naturelles, ne peut s'obtenir que par un seul procédé : l'expérimentation. Si vous voulez en avoir le cœur net, il faut faire des expériences. Il ne faut pas, dans une localité où une bête est atteinte de la peste bovine, donner à toutes des sulfites ou d'autres agents prophylactiques. Il faut prendre une étable située dans un lieu convenable pour que l'expérience soit possible, sans danger, sur un certain nombre de bêtes choisies au hasard; il faut mettre ces bêtes saines en contact avec des bêtes malades, tout en les maintenant, en partie du moins, sous l'influence de l'agent dont vous voulez essayer la vertu prophylactique et voir ce qui arrivera. Voilà le vrai procédé, celui qui, employé sur une échelle assez large et pendant un temps suffisant, peut conduire à des constatations qui dissiperont tous les doutes. On a parlé en dernier lieu des résultats obtenus en Hollande par un de nos collègues. Je voudrais avoir le cœur net de ces effets mirobolants que l'on prétend avoir été obtenus par l'homœopathie, et les moyens d'expérimentation que je viens d'indiquer permettent d'atteindre ce but. Nous ne devons pas tenir la lumière sous le boisseau. Voilà cinq ou six ans qu'à des époques périodiques la presse politique nous entretient de ces succès. Comme autrefois à certaines époques, on voyait surgir dans les journaux le serpent de mer; aujourd'hui nous y voyons apparaître le traitement de la peste bovine par l'homœopathie. Nous ne comprendrions pas notre devoir si nous ne cherchions pas à être complètement édifiés à cet égard. Que devons-nous donc faire? Nous devons demander à notre collègue, M. Gaudy, de nous faire connaître d'une manière complète les faits qu'il a observés, les moyens qu'il a mis en usage et les résultats qu'il a obtenus, nous devons ensuite demander qu'une expérience soit faite conformément au programme que je viens de proposer. Qu'on réunisse dans une localité où cela peut se faire sans inconvénient un certain nombre de bêtes malades; que M. Gaudy les traite par la méthode qu'il a employée en Hollande; qu'une Commission nommée par l'Académie et à la tête de laquelle se trouve naturellement le savant directeur de l'École vétérinaire, M. Thiernesse, dont nous connaissons la vaste expérience, suive ce traitement et vienne ensuite nous raconter ce qu'il a produit et quelle en est la valeur. Voilà ce que je vous propose de faire. M. Graux: M. Gaudy n'acceptera pas. M. Crocq: Il doit accepter ou avouer qu'il s'est trompé. Si l'expérience n'est pas faite, nos doutes seront légitimés, et nous aurons la certitude absolue d'être dans le vrai lorsque nous affirmerons que ces faits n'existent pas. -Les conclusions du rapport sont mises aux voix et adoptées. 4. SUITE DE LA DISCUSSION des communications de MM. CROCQ, KUBORN, SEGERS, et de tous les autres travaux relatifs à l'épidémie de choléra de 1866, soumis à la Compagnie (1). M. Cambrelin, empêché d'assister à la séance, adresse à l'Académie la lettre suivante : « Messieurs et honorables collègues ! « Ainsi que l'on devait s'y attendre, l'Académic, en mettant à son ordre du jour la question du choléra asiatique, (1) Voir Bulletin, t. V, 3e série, pp. 864 et 1290. sur laquelle elle reçut beaucoup de travaux sortis de la plume. de nombreux observateurs mus par l'amour de la science; l'Académie, dis-je, devait être conduite fatalement à s'occuper de la contagiosité ou de la non-contagiosité de ce fléau indien. Déjà notre honorable collègue, M. Lequime, a courageusement rompu une lance en faveur de la seconde thèse. <«< Mais sur ce point capital elle se partagera inévitablement en deux camps qui se combattront avec toute l'ardeur que donnent de sincères convictions, sans opérer toutefois, je le prévois, ni d'un côté ni de l'autre, la moindre conversion chez leurs adversaires. Et comment en serait-il autrement dans une question où l'obscurité est grande et qui présente plusieurs faces capables d'attirer l'attention des meilleurs explorateurs. « On produira donc plusieurs systèmes sur le mode de génération et de propagation de cette affection, selon les idées que l'on se sera formées de ses causes productrices et d'extension, et si nous avons le bonheur de mettre quelques vérités en évidence, soyons persuadés que nous émettrons bien des erreurs! La science enregistrera les premières dans son livre d'or; le temps fera justice des secondes et ce sera là, encore, un progrès. Voilà ce que nous pouvons espérer; ce à quoi nous devons nous attendre. Quant à moi, tous mes vœux tendent au triomphe de la vérité, quelle qu'elle soit, et en attendant je me range du côté des non-contagionistes parce que les faits de contagion, que l'on a cités, recueillis en temps d'épidémie, me sont très suspects; que les faits contraires sont les plus nombreux incontestablement; et que les intérêts les plus chers de l'humanité et de la société doivent faire désirer qu'il n'y ait pas de danger à aller secourir ceux de nos semblables dont la vie est si manifestement compromise. « << Il y a juste quarante ans que le fléau indien s'abattit sur l'Europe pour la première fois, et qu'il la parcourut de l'Est à l'Ouest. Il fit, dans certaines localités, des ravages effroyables. Namur, où j'étais en position de bien suivre les progrès de la calamité, en cas d'invasion, comme membre de la Commission spéciale dite sanitaire, instituée par le Gouvernement, et comme médecin en chef de l'hôpital temporaire érigé en prévision de cette redoutable visite, fut la ville de Belgique où vint expirer le monstre indien, dans le cours, de l'été, car il n'y fit que quelques rares victimes isolées, dans la classe indigente, et, peu après, on cessa partout d'en parler, si ce n'est comme d'un souvenir de malheur et de deuil. << Mais cette invasion de notre cité, bien que très-mitigée, peut-être même à cause que l'on n'y compta que peu de malades, dont un très-grand nombre aurait pu nous jeter dans la confusion, nous donna l'occasion d'une observation qui, aidée de la lecture des nombreux écrits qu'une affection aussi extraordinaire fit mettre au jour, nous porta à douter de sa transmissibilité par le rapprochement ou le contact de deux sujets, l'un sain, l'autre malade. En effet, les malades de Namur n'avaient eu aucune communication avec des personnes ou des choses suspectes, la première victime, la seule que l'on reçut mourante, à l'hôpital, fut un enfant de 7 à 8 ans, fils d'un pauvre ouvrier coutelier, et l'on ne cita pas un seul exemple de propagation dans les familles où toutes les victimes, par diverses causes qu'il serait superflu d'exposer ici, restèrent en traitement et moururent. Force nous fut donc d'attendre de nouvelles circonstances que la fatalité pourrait, dans la suite, amener sous nos yeux, pour nous former une opinion définitive. 1 « Disons, en passant, que ce fut ici très en petit ce que l'on venait de voir, d'une manière terrifiante, chez nos voisins du midi, environ un mois auparavant. « La maladie régnait à Londres, déjà depuis quelque temps, que l'état sanitaire de Paris n'offrait rien d'anormal, quand tout à coup, en un seul jour, cent personnes frappées du choléra dans différents quartiers, furent reçues dans les hôpitaux et y moururent toutes, sans nulle exception, en quelques heures! Quel navire l'apporta? Dans quel port de France était-il débarqué? Quelle voie commerciale suivit-il pour marcher contagieusement de la frontière à la capitale? Nulle trace ne fut signalée; pas un seul malade sur la route! et, si mes souvenirs ne me font pas défaut, la maladie tomba d'emblée sur la grande ville!... Dès lors, comment admettre que cent personnes, toutes indigentes, disséminées dans une énorme population, et sans relations avec l'étranger, ont pu, toutes à la fois, être soumises à de dangereux contacts? De ce fait remarquable, dont on pourrait citer mille exemples, si l'on voulait se donner la peine de les rechercher, on doit conclure que la contagion ne fut pour rien dans l'invasion si brusque de la capitale de la France, et qu'on ne peut se l'expliquer, rationnellement, qu'avec le secours d'une cause générale épidémique répandue dans l'atmosphère ! quelle fut-elle? voilà la question! << Revenant maintenant à notre exposition, nous dirons que ce ne fut qu'en 1849 que l'occasion s'offrit de nouveau, en notre ville, d'étudier le choléra. Je suivis cette nouvelle épidémie avec tout le soin que m'inspirait et le zèle scientifique dont j'étais animé et la responsabilité morale que faisaient peser sur moi mes fonctions de Président de la Commission médicale de la province. Je colligeai des notes exactes et impartiales, que je contrôlai ensuite par les renseignements qu'avait recueillis la police de son côté, et, dès ce |