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(et je le suis ou peu s'en faut et de plus, malheureusement, boîteux (1)), on a jeté dans le casque que j'ai tendu à la bienveillance, sous la forme d'un volume, l'obole qu'on a cru devoir donner à mes vieux services de libraire-éditeur; ce qui me porte à le croire, c'est que l'obole a toujours été enveloppée de paroles amies et d'encouragements; déguisement charmant, plein de délicatesse et de bon goût, dont je dois remercier avant tout.

Bref, mon livre s'est vendu, et il en advient ce qui devait naturellement en résulter, un autre Livre.

Dois-je compter pour celui-ci sur une bienveillance égale à celle qui a accueilli son précédent?

Je réponds très-naïvement que je l'espère; d'abord en raison de tant de paroles amies, de preuves de sympathie particulière, qui me sont comme une garantie de réussite nouvelle. Je l'espère, ensuite, parce que j'écris, non pas uniquement

(1) Walter Scott, ainsi que Lord Byron étaient boîteux; ce dernier s'irritait de l'être; le poète Millevoye y mettait une certaine fatuité qui en décélait la cause mystérieuse. Luce de Lancival, à défaut de ses béquilles, était porté triomphalement par ses élèves. Quant à moi, tout claudicant aussi, je pourrais moins me désespérer en présence de tels glorieux exemples, si malheureusement à cela ne s'y joignait depuis quelque temps une vue de taupe, qui ne me permet guère que d'écrire le nez appuyé sur l'index.

Il est vrai que le fameux cardinal de Retz, et Boufflers n'y voyaient pas mieux, m'objectera une âme compatissante, passe encore, mais je ne suis qu'un libraire vétéran.

pour donner cours à mes pensées, pour raviver mes souvenirs, ni pour le futile orgueil de laisser un nom littéraire, mais bien plutôt dans le dessein d'offrir un livre, spécial, sérieux et utile.

En composant mon premier essai sur la Librairie, de 1789 à 1860, j'écrivais comme un homme qui n'est pas bien sûr que la matière qu'il traite puisse intéresser un assez grand nombre de lecteurs; j'allais, réduisant tout, élaguant, rejetant, non pas tout, mais une grande quantité de choses qui me semblaient utiles, ou au moins curieuses, mais que je n'osais publier; j'évitais de toucher à une foule de livres par la crainte de leur emprunter trop, et je l'avoue même, je n'osais consulter les érudits, ceux dont la vie n'est toute entière qu'une lougue recherche, dans la peur de montrer combien je savais peu.

Aujourd'hui j'ai opéré tout différemment.

Je n'ai pas craint de compulser avec ardeur, dans les meilleures sources; j'y ai puisé sans cesse ce qu'il était convenable de remettre en lumière, afin de satisfaire soit à la simple curiosité des lecteurs, soit au besoin que chacun éprouve de trouver sous la main, en s'épargnant les efforts et les recherches, une foule de renseignements et d'indications qui plaisent à rencontrer, et qu'on cherche si souvent en vain. En cela, j'ai suivi les conseils de Claude Saugrain, qui dit, p. 8 de l'avertisse

ment de son Code de la Librairie et de l'Imprimerie, Paris, 1744, 1 vol. in-12:

:

"Nous avons obligation à nos anciens, il est vrai, de ce qu'il nous ont laissé rien de plus convenable que d'avoir amassé beaucoup de pièces concernant l'Imprimerie et la Librairie, mais de quel avantage peuvent-elles être, si elles ne sont dans un état où l'on ne puisse en avoir connaissance et les trouver au besoin? "

Et quant aux dispositions réglementaires dont je me suis occupé particulièrement, et d'une manière assez neuve, je puis encore dire comme cet auteur-libraire :

Il n'y avait que la composition de tous ces réglements sur chaque article de celui du 28 février 1723, qui put procurer cette solide utilité. Tant de pièces rassemblées sur cette matière, forment un trésor à la vérité, mais un trésor caché, ignoré, enfoui, dont personne ne peut jouir. »

M'enhardissant de plus en plus, j'ai interrogé les hommes spéciaux sur les points que mes recherches dans les livres n'avaient pas suffisamment éclairés; j'ai trouvé toujours bien plus et bien mieux que je ne cherchais.

On m'encourageait en même temps qu'on m'enseignait, je dois le dire, avec un sentiment bien vif de gratitude : il m'a été ouvert à toutes les portes quand j'ai frappé, généreuse hospitalité dans les investigations, où j'ai rencontré la lumière, quand elle me faisait défaut.

Pour justifier la méthode que j'ai adoptée, sur les emprunts aux vieux livres, les recherches d'un côté, les demandes de renseignements de l'autre,

pour montrer, enfin, que je n'ai fait en tout ceci qu'œuvre licite et avant moi pratiquée, je ne puis résister au désir qui me pousse de citer un passage de la préface que Chevillier, auteur de Origine de l'Imprimerie de Paris, 1 vol. in-4o, publié en 1694, a placé en tête de son ouvrage :

"Quelqu'un, dit-il, trouvera peut-être qu'il y a trop de passages cités dans ce livre. Je n'ai jamais pu faire autrement. Ils servent ordinairement de preuves aux faits qu'on y avance.

J'ai considéré, que le lecteur d'un livre nouveau en devient le juge. Les juges ne doivent rien croire, que ce qu'ils voient prouvé dans les procédures : et ils forment leurs idées plus fortes ou plus foibles, à proportion de la force des preuves.

et qui

Dans un siècle d'érudition, comme celui où nous sommes, a l'abondance des livres, pesonne ne doit être cru sur sa simple parole. Il faut avoir en main la preuve de ce que l'on avance.

Les seules citations des auteurs mises en marge, sont quelque chose, mais à mon avis, ce n'est pas assez.

Elles laissent au lecteur la peine d'aller chercher le passage (ce qui souvent n'est pas aisé), et toujours la crainte qu'on ait pas bien pris le sens de l'auteur.

Les passages, mis devant les yeux, lèvent toutes difficultés.

Celui qui les lit, en tire lui-même les conséquences et y exerce sa critique, comme il a droit de le faire. J'avoue, qu'en cela, comme en toute autre chose, il faut agir avec jugement et avec modération. Je les ai rapportés presque toujours en leur langue.

Par ce moyen, on aura aucun soupçon que j'ai imposé par une traduction altérée ou trop affectée. »

Ce

que ce savant et judicieux auteur dit touchant le but de son ouvrage, et de la droiture de cœur avec laquelle il l'a composé, me convient tellement encore que je ne fais aucune difficulté de l'adopter, et que je prie même très-instamment mes lecteurs

de le regarder comme l'expression véritable de mes sentiments en pareille occurence.

« J'ai pris, ajoute encore Chevillier, un grand soin de rendre cet ouvrage exact, et de n'y rien avancer qui ne fut conforme à la vérité.

Quelque soin que j'ai pris de ne rien écrire avec précipitation et sans y avoir bien pensé, je n'ose pas néanmoins me flatter que je ne me sois pas trompé en quelque chose; quand on écrit, on doit toujours le faire en vue de la vérité, et l'on ne doit point avoir d'autre but que de la développer et de la faire connaître. Je n'en ai pas eu d'autres en composant ce livre. » P. 4 et 5. Préface.

Rien ne répond mieux que ces lignes de cet auteur, à l'esprit dont je me suis inspiré en composant cet ouvrage, heureux d'avoir rencontré, à plus d'un siècle de date, un interprête aussi naïf, pour dire ce que je pense aujourd'hui.

Raconter l'Histoire du livre, cette expression matérielle et vivante de la pensée humaine, suivre les progrès de ce mode de transmission, ses développements successifs jusqu'à l'époque de la découverte de l'Imprimerie, cette seconde délivrance de l'Homme, suivant une heureuse et célèbre définition, c'est retracer aussi les annales de la Librairie, comme celles de sa compagne obligée et dorénavant inséparable, l'œuvre immortelle de Gutemberg.

Professions libérales, nobles et essentiellement liées au mouvement même des sociétés, la Librairie et l'Imprimerie eurent à Paris, dès l'an 1669, leur Livre d'Honneur, c'est-à-dire la mention flatteuse de ses premiers maîtres, leurs succès et

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