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186 SUPPLÉM. A LA PREM. SECTION.

Condorcet de dire : Je n'ai pas cru donner un bon ouvrage, mais seulement un ouvrage propre à en faire naître de meilleurs, etc., etc., etc. 1

Ne voulant pas m'occuper plus long-temps de la partie conjecturale de nos connaissances, et croyant ne devoir rien ajouter au petit nombre de principes que j'ai établis avant cette longue digression, et qui renferment, suivant moi, tout ce qu'il y a d'important dans l'art logique, tel qu'il naît de la vraie science logique, il ne me reste plus qu'à essayer de faire une heureuse application de cet art à l'étude de notre volonté et de ses effets. C'est ce que je vais entreprendre, avec l'espérance que, mon instrument étant meilleur, je pourrai mieux réussir que des hommes plus habiles peut-être, mais moins bien armés.

I

Voyez page 183 du Discours préliminaire de l'Essai sur l'Application de l'Analyse à la probabilité des décisions rendues à la pluralité des voix, in-4o, 1785, à l'Imprimerie royale.

Ge Discours, et les élémens du même auteur, que j'ai déjà cités, sont, suivant moi, les ouvrages où l'on voit le mieux l'esprit et la marche générale du calcul des probabilités, et où l'on peut le plus aisément découvrir les causes de ses avantages et de ses inconvéniens, quoiqu'elles n'y soient pas encore complètement démêlées.

de

Nota. Je sens que quand on parle des probabilités, on est inexcusable de passer sous silence l'excellent ouvrage M. Delaplace sur ce sujet. Mais je ne l'ai connu que depuis que ceci est écrit, et je suis actuellement tout-à-fait incapable d'y rien ajouter.

Au reste, cet ouvrage, tout admirable qu'il est, ne change rien à ce que j'ai dit ci-dessus, et même, en cas de besoin, le confirmerait daus plusieurs points.

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EXTRAIT RAISONNÉ

SERVANT DE TABLE ANALYTIQUE

AU SUPPLÉMENT

A LA PREMIÈRE SECTION

DES ÉLÉMENS D'IDÉOLOGIE.

J'AI réduit précédemment toute la science logique
à deux faits.

Le premier, c'est que nos perceptions étant tout
pour nous, nous sommes parfaitement, complète-
ment et nécessairement sûrs de tout ce que nous sen-
tons actuellement.

Le second, c'est que par conséquent aucun de nos
jugemens, pris isolément, ne peut être erroné, puis-
que par cela même que nous voyons une idée dans
une autre, elle y est actuellement; mais leur faus-
seté, quand elle a lieu, est purement relative aux
jugemens antérieurs que nous laissons subsister, et
consiste en ce que cette idée, dans laquelle nous
voyons un élément nouveau, nous la croyons la même
que celle que nous avons toujours eue sous le même
signe, tandis qu'elle en est réellement différente,
puisque l'élément nouveau que nous y voyons ac-

taines causes, et les causes qui produisent toujours et nécessairement certains effets. Dans toutes aussi, la partie conjecturale consiste, en partant de la réunion d'un certain nombre de causes données, à déterminer le degré de vraisemblance des effets qui doivent s'ensuivre ; et en partant de la réunion d'un certain nombre d'effets connus, à déterminer le degré de vraisemblance des causes qui ont pu les produire. Dans ces deux parties, lorsque les idées comparées ne sont pas de nature à comporter l'application des noms de nombre et des chiffres, nous ne pouvons employer que les instrumens ordinaires du raisonnement, c'est-à-dire nos langues vulgaires, leurs formes et les mots qui les composent. Dans ces deux parties également, quand les idées comparées, par la netteté, la constance et la précision de leurs subdivisions, sont susceptibles de s'adapter aux divisions de la série des noms de nombres et des chiffres, nous pouvons employer avec un grand avantage, au lieu des instrumens ordinaires du raisonnement, les instrumens propres à la science des idées de quantité, c'est-à-dire la langue des calculs, ses formules et ses signes. C'est là ce qui constitue, pour la partie conjecturale, le calcul de la probabilité. Il faut le distinguer soigneusement de la science de la probabilité, car l'une est d'usage dans tous les cas où il s'agit de trouver une vraisemblance quelconque ; elle est proprement la partie conjecturale de toutes les autres sciences, au lieu que l'autre, le calcul, n'a lieu que dans les cas où l'on peut employer la langue des calculs; il n'est qu'un instrument dont malheureuse

ment la science de la probabilité ne peut pas toujours se servir.

La science de la probabilité consiste dans le talent et la sagacité nécessaires pour reconnaître les données, les choisir, pressentir leurs degrés d'importance, et les disposer dans l'ordre convenable, talent auquel il est assez difficile de prescrire des règles précises, parce qu'il est souvent le produit d'une multitude de jugemens inaperçus. Au contraire, le calcul de la probabilité, proprement dit, ne consiste qu'à suivre correctement les règles générales de la langue des calculs, dans les cas où elle peut y être employée.

Ce calcul est souvent extrêmement utile et extrêmement savant; mais il faut soigneusement distinguer les occasions où l'on peut s'en servir; car pour peu que les idées que l'on tente de calculer soient mêlées de celles que j'ai nommées réfractaires, et qui sont vraiment incalculables, on est conduit iné. vitablement aux mécomptes les plus excessifs. C'est, je pense, ce qui n'est arrivé que trop souvent aux hommes habiles, qui, par leurs lumières et même par leurs fautes, nous ont mis sur la voie d'en découvrir la cause.

Je me bornerai à ce petit nombre de résultats. Je sens que c'est porter bien peu de lumières directes sur un sujet qui est d'autant plus important et d'autant plus étendu, que malheureusement la certitude est plus souvent loin de nous. Mais si j'ai contribué à en faire prendre une idée nette et juste, je

ceux que nous y avons vus précédemment, en sorte que, pour qu'il n'y eût pas de contradiction, il faudrait ou en ôter ceux-là, ou n'y pas admettre celui-ci.

De ces deux faits ou prineipes, je tire ici quatorze aphorismes ou maximes, qui constituent suivant moi tout l'art logique tel qu'il naît de la vraie scienee logique.

Après le dernier de ces aphorismes, qui prescrit de s'abstenir de juger, tant qu'on n'a pas les données suffisantes, je parle de la théorie de la probabilité.

La science de la probabilité n'est point la même chose que le calcul de la probabilité; elle consiste dans la recherche des données et dans leur combinaison. Le calcul ne consiste que dans cette dernière partie; il peut être très-juste et mener à des résultats très-faux. C'est ce dont ne se sont pas assez aperçus les mathématiciens, qui l'ont pris pour la science tout entière.

La science de la probabilité n'est donc pas une science particulière. Comme recherche des données, elle fait partie de chacune des scienees dont dépendent ces données. Comme calcul des données, elle est un emploi de la science des quantités.

La science de la probabilité est proprement la partie conjecturale de chacune des branches de nos connaissances, dans quelques-unes desquelles le calcul peut être employé.

Mais il faut bien voir quelles sont celles dont les idées sont, par leur nature, susceptibles de nuances assez précises et assez déterminées pour pouvoir se rapporter aux divisions exactes des noms de

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