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princeffe que je viens de voir, je lui préfenterois mes vœux, & volerois contre fes ennemis fans vouloir accepter votre anneau : j'aime la gloire; & celle que donne le triomphe des armes, me paroît la plus touchante de toutes. Je la chercherai avec empreffement auffi-tôt qu'il me fera poffible, mais je ne veux jamais devoir la victoire qu'à mon courage & à la force de mon bras, & je me garderai bien d'accepter le fecours d'un pouvoir furnaturel. Vous êtes bien délicat, Seigneur, repartit Labouréelamboy, je connois beaucoup de princes & de généraux d'armée qui ont cherché avec bien. des foins ce que vous refusez; mais fi vous dédaignez les fecours de mon art, du moins ne méprifez pas les confeils de mon expérience: ily a fi long-tems que je vis, que je femble avoir acquis quelque droit d'en donner aux perfonnes de votre âge. Souffrez donc que je vous dise que le vain fcrupule du ferment que vous avez fait à une autre beauté, ne doit pas vous empêcher d'offrir votre cœur à l'héritière du royaume de Fiction: cette princeffe a un puiffant parti dans ses états, vous n'avez qu'à vous mettre à la tête de ce parti, & il eft fûr que fans le fecours de la bague que vous refufez, vous ne laifferez pas de triompher du tyran. Après fa chûte, vous épouferez la princeffe, & par ce mariage

vous acquérerez une couronne que vous joindrez un jour à celle qui vous regarde; d'ailleurs, vous ferez une action de générofité en faveur d'une princeffe aimable, qui a pour vous l'ardeur la plus vive & la plus tendre. Le prince répondoit toujours que fon cœur & fa foi n'étant plus à lui, il n'en pouvoit plus difpofer; mais il fut bien furpris quand il vit rentrer la princeffe toute couverte de larmes, qui vint avec précipitation se jeter à fes genoux, en lui difant: ah! feigneur! fi mes foibles attraits ne vous peuvent toucher, soyez fenfible à mes malheurs & à ma tendreffe, je mourrai fi vous continuez de méprifer les ardens témoignages que je vous en donne.

Le prince étoit dans une confufion & dans un embarras extrêmes; il avoit été à genoux auffi-tôt que la princeffe; mais quand il l'eut relevée, & qu'il fe fut relevé auffi, il gardoit un inquiet filence en la regardant ; il lui voyoit un vifage brillant d'attraits, fur lequel néanmoins la douleur étoit peinte; il s'accufoit de barbarie en fecret, de ne répondre que par des froideurs aux voeux d'une perfonne fi charmante. D'un autre côté, le tendre amour & les facrés fermens qui l'engageoient à Rofanie, fe préfentoient vivement à fon imagination, & ne lui pouvoient permettre la moindre étincelle

de feu pour un autre objet. Il prit donc le parti que lui infpiroient fon inclination & fa bonne foi; & il crut qu'en même tems il pourroit fatisfaire la générofité & la politeffe. Une beauté, dit-il, telle qu'est la vôtre, madame, mérite un amour fans partage & un cœur tout entier; le mien n'eft plus en ma puiffance; les nœuds les plus forts & la foi de mes fermens l'ont attaché pour jamais à un objet digne de toute ma tendreffe. Mais, madame, fi je ne puis vous donner mon cœur ; je vous confacrerai le plus profond refpe&t, & je destinerai pour vous tous les efforts de mon bras. Allons madame, partons ; je ferai ravi d'aller feconder le zèle de vos fidelles fujets, & je verserai mon fang avec joie pour terraffer l'ufurpateur de votre couronne. Je t'en quitte, ingrat, s'écria la princeffe avec emportement: je n'ai que faire de tes fervices fi tu me refufes ton coeur; ce n'eft qu'à ce cœur feul que j'afpire; hélas ! mon amour, ma colère..... Comme elle prononçoit ces mots, on vit paroître fubitement dans la chambre un jeune enfant d'une beauté éblouiffante : il portoit dans fa main une espèce de fceptre d'or, dont il frappa la princeffe & le magicien, qui à l'instant se mirent à fuir avec des hurlemens terribles. Il frappa auffi les murailles de la chambre, & au moment même tout

le palais difparut, & le prince fe trouva dans le milieu de la forêt, entouré d'arbres, & n'ayant que ce charmant enfant auprès de lui. Prince, lui dit-il, je viens de diffiper la fatale illufion qui offufquoit tes fens, pour te récompenfer de la généreuse fidélité que tu viens de faire voir à garder tes fermens. Si le ciel punit sévèrement les parjures, il n'eft pas moins exact à récompenfer la bonne foi. Celle que tu viens de té. moigner envers Rofanie, t'a fait mériter des grâces céleftes. Saches que cet objet qui vient de paroître à tes yeux une belle princesse, est un démon revêtu d'un corps fantastique par les conjurations d'une perfide magicienne qui te veut perdre. Cet efprit de ténèbres, déguifé en princeffe, a mal pris fes mefures en fe difant héritière du royaume de Fiction. Le roi Planjoli n'avoit aucune parente qui ne foit à préfent dans la vieilleffe ; mais il a laiffé un enfant qu'on te fera connoître quelque jour. Pour cette figure qui t'a paru ici un vieillard, c'est un démon, ainfi que la prétendue princeffe. Si ton cœur, féduit la beauté de l'une, & par les flatteufes promeffes de l'autre, avoit violé les fermens que tu as fait à l'objet de ta tendreffe, ces cruels démons fe feroient auffi-tôt emparés de toi, & tu ferois resté assujetti à leur pouvoir jufqu'à la fin des fiècles. Mais,

par

puifque tu as généreusement triomphé de toutes leurs attaques, pour le prix de ta victoire & pour couronner ta bonne foi, le ciel veut t'affranchir pour jamais de leurs pièges. Tiens, amant fincère, continua l'aimable enfant, en préfentant une bague au prince, voilà un anneau qui eft abfolument le contraste de celui que te vouloit donner tout-à-l'heure l'efprit féducteur : c'étoit l'anneau de menfonge, & celui que tu vois eft l'anneau de vérité : porte-le toujours, il empêchera que les dangereufes illufions de l'enfer n'aient jamais aucun pouvoir fur toi, & tu verras les magiciens & les démons faire leurs noires opérations, fans qu'ils s'apperçoivent jamais que tu les vois. Après ces mots, avec une action toute gracieufe, le charmant enfant mit l'anneau au doigt du prince, & puis difparut. Ce prince avoit toujours été dans une fi grande furprife, qu'il n'avoit pu trouver l'ufage de la voix, & il n'avoit témoigné fes fentimens à cet enfant qui lui avoit paru divin, que par des fignes de refpe&t & de reconnoiffance. Enfin, fon départ le laiffant un peu plus à lui-même, il rendit grâces au ciel avec beaucoup d'ardeur, d'avoir évité les affreux périls qui l'avoient menacé cette journée. Enfuite il fe mit à marcher, & fonna du cor pour retrouver les gens, qu'il retrouva en effet.

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