Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub
[ocr errors]

Le petit oifeau fe tut quelque tems; puis il recommença à parler, & dit : à parler, & dit : « Ce que vous

voyez luire n'est pas du feu ; c'est un ver à qui la nature a donné cet éclat qui vous trompe. Si la foibleffe de ton inquiète cervelle, répliqua le finge, t'empêche de fermer les yeux, ferme du moins ton bec importun. La fimplicité du petit oiseau fut fi grande, qu'au lieu de s'en aller, il ajouta encore: « Ce que je vous dis du ver eft certain; je dois bien le connoître, puifque j'en fais affez fouvent ma pâture ». Il efpéroit qu'à la fin il feroit entendre raifon aux finges. Mais celui qui lui avoit déjà parlé ne pouvant plus retenir fa colère, fauta fur le petit babillard, & le dépeça. Loulou rioit de bon cœur en achevant fa fable. Vous m'avez bien redreffé, lui dis-je; je vous promets que fi je deviens jamais petit oiseau, je ne parlerai que pour vous louer.

Suite de l'hiftoire d'Almoraddin.

AYANT quitté Calicut, nous navigeâmes fört heureusement jufqu'à la hauteur de Ceilan; mais alors nous ne pûmes fuivre notre route parce que les vents foufflèrent fi impétueufement & fi opiniâtrément du côté de l'orient & du nord, que notre résistance étant vaine, il fallut s'abandonner à leur fureur. Nous fumes emportés d'abord dans une mer où nous découvrîmes plufieurs îles, fans pouvoir nous arrêter à aucune. L'océan changea enfuite de face; & pendant trente jours, nous ne vîmes que le ciel & l'eau. Au bout de ce tems-là, nous apperçumes une haute montagne qui paroiffoit fortir de la mer, & nous demandâmes au pilote s'il la connoiffoit. Je la connois affez, répondit-il, pour vous confeiller de l'éviter, & pour vous affurer qu'on n'en approche pas fans un extrême danger. C'est l'île du div Feridoun, le génie le plus capricieux & le plus fanguinaire dont on ait jamais oui parler. Contez-nous, lui dis-je, ce que vous favez de ce génie.

1

Aventure du père du Pilote.

LE pilote laiffa échapper un grand soupir.

Mon père, continua-t-il, qui étoit pilote comme moi, ayant un jour jeté l'ancre dans une anfe de l'île où le vent nous pouffe, y defcendit avec une partie de l'équipage, pour y faire du bois & de l'eau. Feridoun les ayant vus, fit un rugiffement femblable au rugiffement de vingt lions; & s'étant montré à eux, il leur dit : « Vous ne devez attendre que la mort, fi tous les hommes de votre navire ne viennent içi fe préfenter à moi. Que l'un de vous prenne l'efquif, & qu'il aille les chercher. Un matelot se détacha, tandis que mon père & les autres, tranfis de crainte, reftèrent prifonniers. Ceux du navire héfitèrent fur ce qu'ils devoient faire; mais comme ils n'avoient point de pilote, & que les hommes qui accompagnoient mon père étoient les feuls qui euffent pu lui fuçcéder, ils réfolurent à la fin de defcendre. Lorfqu'ils furent en préfence du génie, il leur dit: Y a-t-il quelqu'un de vous qui veuille m'interroger? Perfonne n'ofa répondre. Regardez le ciel, continua-t-il, hauffez les bras. Il leva luimême les mains au ciel, comme feroit un iman

dans fa mofquée, & on l'imita. Après quelques momens de filence, les voyageurs & lui demeurant dans leur fituation, il prononça avec grande dévotion, à ce qu'il fembloit, ces belles paroles; Louange foit à Dieu, créateur du » ciel & de la terre, des ténèbres & de la » lumière. Ceux qui ne croyent pas en leur » feigneur font égarés. C'est lui qui m'a créé » de la flamme du feu, & qui vous a créés du » limon de la terre ». En finiffant cet acte de religion, il étend fa main fur mon père ; & lui ferrant la gorge, il l'étrangle. Il empoigne de même, fans aucun choix, dix hommes de la compagnie, & les fait expirer en les froiffant entre fes doigts. Puis il dit aux autres: Louez Dieu, & emportez tout ce que mon île peut vous fournir. Après cela, il fe retira au fommet de la montagne, d'où on l'entendit pleurer, & faire de grands hurlemens,

Nous demandâmes au pilote fi l'île étoit habitée, fi tous ceux qui y mettoient le pied recevoient le même traitement, Ceux qui échap pèrent quand mon père fut tué, répondit-il, ont rapporté qu'ils y avoient vu de loin quelques fantons, Je ne puis nier que, dans mes voyages, je n'aie rencontré des perfonnes qui fe louoient de Feridoun, & qui difoient que non-feulement il leur avoit accordé du bois,

de l'eau, du gibier & des fruits, mais auffi qu'il avoit fatisfait à leurs interrogations, & leur avoit révélé divers fecrets.

Le vént étoit fort diminué ; la mer ne menaçoit plus. Nous nous regardâmes Almoraddin & moi avec la même pensée, & un égal désir de confulter Feridoun. Nous fîmes jeter la fonde. Ayant reconnu qu'on pouvoit ancrer, nous exhortâmes le pilote & l'équipage à ne rien craindre; & nous étant mis dans la chaloupe avec deux rameurs, nous allâmes defcendre derrière un petit écueil. L'île étoit toute couvefte d'arbres. Après avoir cheminé quelque tems fans rencontrer ame vivante, finon quelques gazelles, & un fort grand nombre de fouris qui ne fuyoient point à notre approche, nous vîmés une cabane au milieu d'un petit jardin entouré de bambous. Au bruit que nous fîmes, l'habitant fe montra. C'étoit un Santón, qui vint à nous d'un air ouvert, & qui nous invita à . entret, en difant: Loué foit Dieu. Soyez les bien venus dans l'île du meilleur des génies. Mon père, lui répondis-je, vous connoissez Feridoun. Nous avouons que nous ne fommes pas fans crainte ; ne nous refufez pas votre secours. Nous lui racontâmes ce que nous avions appris du pilote; mais, ajoutâmes-nous, il n'eft pas vraisemblable que Feridoun, qui connoît Dieu,

« VorigeDoorgaan »