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Aucuns jeunes héros venus de hauts parages ;
Mais vous trouveriez feulement

Certains gros financiers, qui, frauduleusement,
Chercheroient cent moyens pour vous mettre à leurs

gages.

Soyez donc dans ce tems, jeunes & beaux objets,
Sur vos gardes plus que jamais.

Quand ces vers furent finis, Blondel, après avoir donné aux ingénieuses fictions du roi son maître les louanges qu'il crut leur devoir, fe retira d'auprès de ce prince, & alla encore tout de nouveau rêver aux moyens de le faire fauver de fa prifon. En attendant ce moment qu'il fouhaitoit avec tant d'ardeur, il eût bien defiré pouvoir écrire des nouvelles du roi à la reine fa mère, & à quelques feigneurs anglois dont il étoit ami particulier, & qui étoient pleins de fidélité & de zèle pour leur roi, dont ils ignoroient cependant le fort. Mais Blondel n'ofoit confier à qui que ce fût des lettres l'Angleterre, de crainte d'être trahi. Il ofoit encore moins les confier aux voies ordinaires, fachant que telle étoit la tirannie de l'empereur, qu'il faifoit fans ceffe ouvrir toutes les lettres qu'on remettoit aux courriers publics. Blondel étoit donc dans une incertitude cruelle, ne voulant pas commettre au hafard un fecret auffi important pour le fervice de fon maître,

pour

qu'étoit

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qu'étoit celui de fon féjour dans la prison de ce prince. D'un autre côté, il auroit été ravi d'écrire en Angleterre pour en avoir des confeils & des fecours. Enfin, voyant qu'il ne le pourroit faire fans un danger trop apparent, il fe détermina à garder le filence, & fe faifoit des idées bien flatteufes lorfque dans de certains momens il espéroit que peut-être par fa feule adreffe il pourroit réuffir à ôter le roi de capti vité; car il n'envifageoit pas un médiocre plaifir à tirer fans rançon des mains de l'empereur un prifonnier qu'il avoit fait arrêter avec tant d'injuftice & de perfidie.

A force de chercher dans fon efprit des moyens pour exécuter ce projet, il crut enfin en avoir trouvé un bien fûr. Le concierge, qui étoit persuadé de fa fidélité, lui confioit souvent, fans aucun fcrupule, non-feulement les clefs de la chambre du roi Richard, mais encore les autres clefs des galeries, & même de la groffe porte de là tour. Mais néanmoins, malgré la confiance que cet homme avoit en Blondel, il étoit obligé de lui remettre tous les foirs le paquet de clefs entre les mains, & le concierge, par habitude, les mettoit fous fon chevet. Mais Blondel ne laiffa pas de profiter de la difpofition qu'il avoit de ces clefs pendant la journée. Il fit dans de la cire les empreintes de toutes Tome XII.

I

celles qu'il crut néceffaires à fon deffein, puis il trouva des prétextes pour obtenir du concierge la permiffion d'aller faire un petit voyage à Vienne; car il ne vouloit confier à aucuns des ferruriers de Lints le foin de faire les clefs dont il avoit befoin.

Cette ville étoit fi peu grande & fi peu éloignée de la tour, qu'il voyoit bien qu'il y feroit dans un trop grand danger d'être reconnu, & d'y voir fon deffein découvert. Il ne balança donc point à prendre la réfolution de ne fe confier qu'à un ouvrier de Vienne. Le concierge, qui l'aimoit, & qui fe repofoit fur lui de diverses fortes de foins, le vit avec regret fe difpofer à faire le voyage de cette grande ville, & le pria beaucoup qu'il fût court. Blondel le lui promit, & annonça cependant au roi fon prochain départ & fes projets.

Ce prince lui en témoigna fa reconnoiffance par mille careffes obligeantes, & ouvrit de nouveau fon cœur à l'efpérance. Les idées flatteufes qu'elle lui donnoit, le mettant dans une agréable fituation d'efprit, Blondel, qui ne devoit partir que le lendemain affez tard, le pria de vouloir bien encore lui conter quelqu'une de ces fables qu'il avoit compofées dans la tour. Le roi, qui étoit pénétré de tous les procédés de Blondei, & qui ne cherchoit qu'à faire

plaifir à un homme qui lui étoit fi dévoué; céda avec bonté à fes defirs, & lui récita le conte que je vais rapporter. Si l'on vouloit bien avoir la bonté de fe fouvenir de l'avertiffement que j'ai donné avant le conte de Ricdin-Ricdon, on m'épargneroit le soin d'avertir de nouveau que je ne conferverai point les termes du roi Richard en racontant les fables de fa compofition; mais je déclare ici une fois pour toutes, que dans tous les contes & toutes les hiftoriettes de ce roi, que je mettrai au jour, je fuivrai la route que j'ai fuivie dans Ricdin-ricdon. Si, comme à beaucoup d'autres voyageurs du pays de Fiction, mon fort eft de m'égarer dans ce pays, plus difficile à traverser qu'on ne penfe, il vaut autant que je m'égare dans la route que j'ai choifie, que dans une autre.

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LA ROBE

DE SINCÉRITÉ,

CONTE.

UN

N philofophe de l'île de Crète, nommé Mifandre, naturellement homme de bien, mais bizarre dans fes manières, & extraordinaire dans fes fentimens, s'étoit néanmoins marié à une femme qui avoit de la beauté & de la vertu; mais cette femme étoit d'un caractère si sauvage & fi mélancolique, que ce fond d'humeur chagrine fe joignant au malheur qu'elle avoit d'être unie à un époux qui avoit très-peu de fortune & beaucoup de caprices, elle étoit devenue fi exceffivement aigre & trifte, & enfin d'un fi mauvais commerce, qu'on l'avoit furnommée Chafferis, & ce nom lui étoit demeuré. Du mariage de ces deux époux grondeurs, il n'étoit refté qu'une fille unique, & c'étoit un grand bonheur pour eux, car l'indigence de Mifandre avoit augmenté fans ceffe avec fes années. Il étoit d'une famille noble, mais fon père ne lui avoit pas laiffé,

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