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connu le caractère de Napoléon pour ne pas savoir qu'il devait avoir des intelligences dans l'armée; l'empereur des Français allait-il se jeter sur le royaume d'Italie, bouleverser les récentes conquêtes de l'Autriche, ou bien envahir la France, et recommencer cette lutte générale qui avait agité l'Europe pendant vingt ans?

L'Italie surtout inquiétait M. de Metternich; de graves évènemens avaient éclaté. Dès le commencement de 1813, après que le roi Joachim Murat eut abandonné le commandement de l'armée française dans la déplorable retraite de Moscou, ce prince s'était vu entouré, caressé par l'Angleterre; on lui rappela l'exemple de Bernadotte, la possibilité pour lui de devenir roi de toute l'Italie. Lorsque Napoléon brutalisait son beau-frère, dans ses lettres à la reine Caroline, le cabinet anglais flattait, par les plus douces espérances, l'imagination de Murat, pauvre tête politique. Des subsides étaient promis, la solde d'une armée, tout enfin ce qui pouvait flatter la vanité du militaire le plus théatral de l'époque impériale. Il y avait d'ailleurs, pour ces nobles parvenus de la gloire, un invincible prestige dans les bonnes manières des vieilles royautés à leur égard. A la fin de 1813, Murat était déjà dans la coalition; il entra en ligne avec une armée napolitaine, occupa les états romains, insinuant partout ses desseins sur l'Italie, faisant un appel aux patriotes. Un traité secret, garanti par l'Autriche, lui assurait Naples. Quand Murat sut qu'un congrès se tenait à Vienne, il y députa le duc de Serra Capriola pour s'y faire représenter, invoquant ses traités de garantie et d'assurance de la part de l'Angleterre et de l'Autriche. L'envoyé ne fut point admis, car déjà se formait une intrigue toute anglaise et bourbonienne, pour rétablir la vieille dynastie de Sicile sur le trône de Naples. Cette intrigue était conduite par le prince de Talleyrand, qui trouvait ici un moyen de plaire à Louis XVIII, le roi de France lui ayant recommandé surtout les intérêts de sa race au congrès de Vienne; en outre, M. de Talleyrand, prince de Bénévent, espérait trouver auprès de la branche des Bourbons de Sicile un riche dédommagement à sa principauté qui lui paraissait fort compromise. L'Autriche, retenue par ses engagemens avec Murat, ne secondait que faiblement la négociation bourbonienne; mais à la fin, la tendance vers le rétablissement de l'ancien ordre de choses fut tellement vive, qu'on chercha des crimes dans les rapports secrets de Murat et de son ancien empereur relégué à l'île d'Elbe, et l'on conclut qu'il y avait là infraction aux conventions stipulées par l'Angleterre et l'Autriche. Au moment où

Napoléon se portait sur le golfe Juan, Murat', inquiet sur les résolutions du cabinet de Vienne, faisait de grands préparatifs militaires, et semblait appeler les hostilités. Les armées autrichiennes se rassem→ blaient en masse dans le royaume lombardó-vénitien, attendant l'arme au bras les évènemens qui se préparaient.

Ils étaient immenses, ces évènemens! Napoléon avait bien jugé la situation des puissances les unes vis-à-vis des autres. On assure même qu'il fut instruit par un de ses agens secrets, employé aux Affaires Etrangères, du traité confidentiel et de garantie entre M. de Metternich, lord Castelreagh et M. de Talleyrand contre la Russie. Il revenait en quelque sorte pour le mettre à exécution; il prenait l'Europe divisée, et cherchait à profiter de cet état de choses pour assurer sa couronne. Mais la grandeur de ce nom inspirait tant de terreur, il jetait tant d'étonnement et d'effroi au milieu des vieilles souverainetés européennes, que l'on se réunit en toute hate pour prendre des mesu→ res communes. M. de Talleyrand, le duc de Dalberg, s'agitèrent avec une indicible activité; ils sollicitèrent un rapprochement général contre celui qu'ils appelaient l'ennemi commun, le perturbateur de l'Eu rope. L'esprit mystique d'Alexandre se prêtait à des idées d'alliance chrétienne et de croisade européenne, et M. de Metternich, d'après le rôle qu'il avait adopté lors la rupture de 1813, ne pouvait pas se départir des stipulations militaires conclues à Chaumont. Ce traité fut renouvelé, et pour me servir de l'expression officielle des chancelleries, Napoléon fut mis au ban de l'Europe.

Sur sa route si rapidement parcourue du golfe Juan à Paris, Napo→ léon avait répandu la nouvelle qu'il était d'accord avec l'Autriche et l'Angleterre pour retourner en France. Il n'en était rien; Napoléon était seulement bien informé de la situation diplomatique; il savait que ces deux puissances se séparaient plus que jamais dé la Russie. Une de ses premières démarches fut donc de chercher à se mettre en rapport avec M. de Metternich. En même temps, qu'il écrivait directement à Marie-Louise, il envoyait, par l'intermédiaire de quelques agens secrets, des lettres confidentielles d'amis intimes du ministre, et même d'une princesse du sang impérial qui avait eu de tendres rapports avec M. de Metternich. Puis il communiqua à Alexandre copie du traité de la triple alliance contre la Russie. Ces démarches firent peu d'effet; lés agens furent arrêtés sur la frontière. L'Autriche était trop avancée dans la coalition; déjà même ses armées s'étaient mises en mouvement du côté de l'Italie contre Murat et les Napolitains; le général Bianchi

obtenait des succès éclatans, moins contre le roi de Naples, que contre ses troupes hésitantes et débandées. La dernière des dynasties napoléoniennes avait cessé de régner.

A Vienne, et sous les yeux même de M. de Metternich, on tentait alors l'enlèvement de cet enfant-roi dont le berceau avait été placé dans la vieille capitale du monde. Napoléon avait promis le roi de Rome au champ de mai; il ne put accomplir son engagement; la police de M. de Metternich déjoua ses projets, et le ministre même, avec cette politesse qui le caractérise, reconduisit la fille de son empereur et le roi de Rome au palais, de Schoenbrun, sous une escorte des plus fidèles serviteurs de la maison d'Autriche; en même temps il entretenait quelques rapports intimes avec Fouché, qui avait envoyé des agens secrets à Vienne afin de pressentir M. de Metternich sur une régence et le roi de Rome.

Je n'ai point à parler de la campagne de 1815 et de Waterloo. L'Autriche parut à peine en ligne sur les bords du Rhin, où elle eut à combattre Rapp et Lecourbe; ses armées se répandirent dans le midi de la France; elles occupèrent la Provence, le Languedoc jusqu'à l'Auvergne; leurs têtes de colonnes étaient à Lyon et à Dijon. Dans le fatal traité de Paris, l'Autriche et la Prusse se concertèrent pour représenter les intérêts allemands. Jamais ces intérêts ne s'étaient montrés plus hostiles à la nation française. Les efforts gigantesques que l'Europe avait faits contre Napoléon avaient profondément irrité les populations germaniques; et alors la Prusse, l'Autriche et les états des rives du Rhin demandaient l'Alsace et u e portion de la Lorraine. J'ai eu en ma possession une carte, dressée en 1815, où l'Alsace était placée sous le titre de Germania dans la configuration de l'Allemagne; l'Angleterre voulait que la première ligne de forteresses du côté de la Belgique nous fût aussi enlevée, et que nous eussions comme unique rempart de nos frontières la ligne de Laon, de Mézières et d'Arras. C'était une terrible réaction contre la France, une triste punition infligée à cet esprit de gloire et de conquêtes qui nous avait saisis pendant trente années. Nous avons dit ailleurs (1) à quelle intervention on dut de voir modifier ces prétentions altières des nations germaniques.

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Les intérêts allemands, en effet, paraissaient surtout préoccuper les deux cours de Berlin et de Vienne, qui se disputaient la prépondérance. On a vu que M. de Metternich avait détourné François II de reprendre

(1) Voyez la Revue des deux Mondes du 1er mars 1835, DIPLOMATES EUROPÉENS, POZZO DI BORGO.

la vieille couronne des empereurs d'Allemagne. Cependant quelle organisation intérieure et extérieure allait-on établir pour formuler une constitution générale de la Germanie? Comment restituer à l'empereur François l'influence allemande que Napoléon lui avait enlevée? L'Allemagne s'était levée en poussant ce double cri: Unité et liberté! L'unité, comment l'établir avec des souverainetés si diverses, si variées en forces et en hommes, couservant encore le principe féodal au milieu de l'Europe civilisée? La liberté, c'était un mot vague; comment l'appliquer à tant de systèmes de gouvernement différens, à tant de localités si distinctes dans leurs intérêts? Le système de la confédération du Rhin avait été établi dans la pensée unique d'agrandir toutes les petites souverainetés allemandes, et de les faire entrer dans un système hostile à l'Autriche et à la Prusse. Alors, au contraire, c'étaient l'Autriche et la Prusse, grandes puissances prépondérantes, qui devaient absorber toute l'influence, et régner, par un protectorat plus ou moins direct, sur l'ensemble de la confédération, la Prusse au nord, et l'Autriche au midi. Il fallait, lorsque la patrie allemande serait menacée, que toutes les populations pussent être appelées sous les armes et servir communément avec la Prusse et l'Autriche. L'unité allemande était donc ici établie comme barrière contre la Russie et la France, et s'opposant également aux invasions de l'une et de l'autre. M. de Metternich avait renoncé au vieux manteau de pourpre pour son empereur; il lui fit assurer l'autorité plus réelle de la présidence de la diète; on donna à la Prusse et à l'Autriche un nombre de voix en rapport avec leur importance. Ces deux puissances restèrent maîtresses des délibérations de la diète et des mouvemens militaires. Sans doute il y eut bien quelques injustices commises, quelques bizarreries dans la répartition des états et des contingens; on vit des souverainetés agrandies parce qu'elles étaient protégées par l'empereur Alexandre, et quelquefois même par M. de Metternich. Mais quelles sont les opérations humaines où l'égalité la plus parfaite préside? Et si l'on demande maintenant quel doit être le résultat de cette confédération, nous répondrons qu'il est à craindre pour l'Autriche que la Prusse ne prenne successivement et de plus en plus une importance allemande. La Prusse est trop singulièrement construite pour qu'elle ne cherche pas à s'étendre et à s'agglomérer. Elle le fera, ou matériellement par la conquête, ou moralement; et c'est avec grande raison que M. de Metternich porte toute sa sollicitude vers le midi de l'Europe: c'est là que l'Autriche doit trouver une indemnité pour la perte de son influence dans l'Allemagne centrale.

Les évènemens de 1814 et de 1815 avaient considérablement agrandi

les possessions autrichiennes en Italie. C'était pour elle un véritable pays de conquête; elle devait naturellement établir dans le royaume lombardo-vénitien une surveillance armée, une constitution de police, capable de préserver les provinces réunies à l'empire autrichien. Toute l'habileté de M. de Metternich consista à adoucir successivement cette police, à mesure que le vainqueur fut plus complètement accepté. La conquête dut se maintenir, comme celles de Napoléon, par l'occupation militaire la moins pesante possible. Les Italiens, peuple chaud et enthousiaste, avaient chassé les Français dans les jours de malheur; les Autrichiens devaient éviter une pareille catastrophe, et se tenir sur leur garde.

Cette double répression, base du système de M. de Metternich en Allemagne et en Italie, entraîna un mouvement de réaction, car la liberté, cette grande puissance de l'ame, ne se laisse point ainsi opprimer sans tenter quelque coup de désespoir. Les mystérieuses sociétés ne s'étaient point dissoutes en Allemagne; elles s'organisaient dans les universités, parmi les étudians; l'influence de la poésie, des écrits politiques, tout favorisait ce généreux mouvement des esprits qui appelait au secours de l'unité allemande les efforts et le courage de tout ce qui portait un cœur patriote. Cette unité allemande, si vivement saluée par la jeune génération, n'était, à vrai dire, qu'une sorte de république fédérative, où tous les états libres eux-mêmes entreraient par la pratique de la vertu, et tendraient au bonheur du genre humain. Les vieilles souverainetés allemandes durent réprimer ces associations, qui éclatèrent par l'assassinat de Kotzebuë.

M. de Metternich venait de parcourir l'Italie, lorsque les écoles se dessinèrent par ce sanglant attentat. Il était comblé des faveurs de son souverain, il portait le titre de prince, de riches dotations avaient triplé sa fortune, des décorations de presque tous les ordres brillaient sur sa poitrine. L'état de fermentation de l'Allemagne n'avait point échappé à sa pénétration, et c'est à son instigation que s'ouvrit ce congrès de Carlsbad, où furent prises des mesures soupçonneuses et violentes contre l'organisation des écoles en Allemagne. Le régime des universités, la répression des écrits, la police politique, rien ne fut négligé; c'était une bataille régulière des gouvernemeus contre le mouvement qui agitait les têtes ardentes.

Notons bien ce quantième de 1820. Au midi la révolution d'Espagne et les cortès, la proclamation d'un régime plus libéral que celui de l'Angleterre même; à Naples, et par un retentissement presque magique, la constitution également proclamée. De Naples le cri de liberté se fait

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