Le 18, il y a eu des hémorrhagies nasales légères, répétées, et qui se renouvelèrent les jours suivants. Il y avait en même temps une légère tendance à de la diarrhée ; des douleurs lancinantes dans le ventre. Les douleurs augmentaient par la pression et les changements de position de l'enfant; le ventre était ballonné. Le 21, sans cause appréciable et après quelques redoublements des maux de ventre, l'enfant présenta la première hémorrhagie intestinale. Elle expulsa une première fois un demi-litre à peu près de sang liquide mêlé à des caillots; et la même quantité à peu près une heure après. L'enfant perdit ainsi rapidement ce qui lui restait de force. Je parvins néanmoins à arrêter momentanément ces pertes de sang. Cependant le lendemain elles se renouvelèrent à plusieurs reprises, et l'enfant tout épuisé succomba dans la journée. Résumé. L'affection marche régulièrement dans ses premières périodes, l'enfant s'expose au froid; anasarque, hémorrhagies nasales; signes évidents d'entérite; hémorrhagies intestinales. - Mort. 2o Cas. - La nommée Cat. Bung... est le sujet de cette observation; elle est âgée de neuf ans et elle est malade, depuis quinze jours, d'une scarlatine qui, au dire des parents, a été peu intense et qui a parcouru sa période d'éruption et de desquammation d'une manière régulière. Cependant, pendant cette période de desquammation, l'enfant s'est exposée au froid. Aussitôt elle a été en butte à quelques redoublements de fièvre le soir; l'appétit s'est perdu; la face est devenue vultueuse. Aujourd'hui, 31 décembre 1858, l'enfant présente un œdème général; face bouffie, les extrémités inférieures et supérieures sont infiltrées; ventre augmenté de volume; respiration embarrassée; douleurs vagues et lancinantes dans le ventre revenant par intervalles, persistant les jours suivants. Le 2 janvier 1859, l'enfant a assez bien passé la nuit. Vers le matin survient un accès de fièvre plus intense que les jours précédents; les douleurs au ventre sont également beaucoup plus vives et font pousser des cris; le ventre est plus sensible à la pression; le pouls est d'une fréquence extrême; la peau très-chaude; l'enfant est dans une agitation continuelle. Il survient en même temps des vomissements abondants de sang; les vomissements se renouvellent à plusieurs reprises dans la journée et l'enfant succombe le soir. Résumé. Scarlatine ordinaire. Exposition au froid. Anasarque. Phlogose des voies digestives. Vomissements de sang. Mort. 3e CAS. Le sujet de cette observation est la sœur de la malade précédente. La fièvre scarlatine s'est présentée dans le principe et dans sa marche avec des circonstances à peu près identiques. C'est encore à la suite d'un refroidissement que des redoublements de fièvre se représentèrent à certains moments de la journée ; l'appétit se supprima; les urines devinrent beaucoup moins copieuses, et l'enfant devint promptement hydropique. Le jour où je la visitai (31 décembre 1858), il y avait anasarque très-prononcée; fièvre assez intense; ventre ballonné, avec douleurs lancinantes spontanées et provoquées par la pression; selles peu abondantes; respiration très-accélérée; toux fatigante et crachats sanguins. Cependant ni la percussion ne me fit découvrir de la matité ni l'auscultation ne m'annonça l'existence de râles dans aucune partie des poumons. Ces symptômes s'amendèrent légèrement les jours suivants. Le 3 janvier, ils reprirent du côté du ventre avec plus d'intensité. Les selles devinrent plus abondantes et plus liquides; bientôt elles furent sanguinolentes. Ces pertes sanguines se répétèrent pendant le jour et la nuit suivante et l'enfant succomba le lendemain. Résumé. Scarlatine à marche ordinaire. Exposition au froid. Anasarque. Toux et crachats sanguins. Symptômes d'entérite. Selles sanguines. — Mort. 4o CAS. La fille B..., âgée de cinq ans, malade du dixième au douzième jour; la maladie n'a rien présenté de marquant dans ses premières périodes. Le 25 janvier 1859, quand je vis l'enfant pour la première fois, il y avait une infiltration séreuse générale de moyenne intensité; l'appétit était encore à peu près con servė; les urines moins copieuses qu'auparavant présentaient aux réactifs une faible quantité d'albumine. Il y avait redoublement de fièvre la nuit. Le 27, l'anasarque avait notablement diminué. Cependant, par intervalles, l'enfant se plaignait de maux de ventre et celui-ci était assez fortement ballonné. Les selles cependant conservaient à peu près leurs caractères normaux. Le 29, l'infiltration avait encore diminué; les maux de ventre ont persisté. Les selles sont plus abondantes et, me dit-on, noirâtres; mais on ne les a pas conservées. L'enfant est plus prostrée, le pouls plus fréquent et plus faible. L'adynamie a gagné du terrain; la fièvre est plus forte. L'intelligence cependant est conservée. Les jours suivants, l'état resta à peu près le même; les selles noirâtres répétées et évidemment sanguines au 2 février, quand on me les a présentées, ont réduit l'enfant au dernier degré de faiblesse; aussi succomba-t-il ce jour-là même. Résumé. Marche à peu près la même que dans les cas précédents. 5e CAS. Antécédents. Louise. N..., âgée de trente-quatre à trente-cinq ans. - Il y a deux ou trois mois, à la suite de quelques contrariétés de famille, elle fut en proie à un saisissement vif, ce qui, après le moindre effort, occasionna de l'essoufflement, des battements de cœur, des fatigues dans les bras et jambes. Il y a dix-huit ou vingt jours, notre malade fut atteinte d'un mal de gorge assez intense; la déglutition se faisait très-difficilement et non sans douleurs. Dans les premiers jours, elle accusa des accès de fièvre, peu intenses cependant. Il n'y a pas eu d'éruption à la peau, au moins ne s'en est-on pas aperçu. Malgré cela, elle a présenté une desquammation furfuracée au cou, aux mains et au bas-ventre. La malade n'a presque pas discontinué à vaquer à ses affaires. Depuis ce temps, elle a perdu son appétit ; elle a conservé de la lassitude dans le dos, dans les bras et dans les jambes ; de la pesanteur de tête et des douleurs fugaces dans le ventre. Le 31 mars 1859, dans la matinée, les douleurs de ventre devinrent plus intenses; elle en accusait en même temps dans la partie inférieure du dos et dans les lombes. Elle eut alors une première fois des selles sanguines très-abondantes, on en évalua la quantité à un demi-pot de nuit. Les selles se renouvelèrent en quantité à peu près égale, trois fois dans la même journée. La malade s'affaiblissant promptement et tombant de syncope en syncope, on est venu me quérir dans la soirée et cela pour la première fois. La famille cependant occupait une position sociale très-aisée. La malade était très-faible; pâleur extrême à la face; paupières injectées; pouls petit et faible, à peine perceptible; lassitudes dans les bras et dans les jambes ; les douleurs vagues dans le dos et le ventre persistent; la langue est fortement saburrale; appétit nul; ventre ballonné. Les urines assez abondantes sont légèrement albumineuses; elles contiennent également de la matière biliaire. La potion prescrite renfermait principalement de l'extrait de ratanhia et de l'extrait gommeux d'opium. Mes autres observations furent celles qu'on fait d'ordinaire dans les cas analogues. Le lendemain, 1er avril, les hémorrhagies n'ont pas reparu; la prostration est moins profonde; le facies est moins abattu; il y a de l'œdème aux yeux et aux pieds. La malade est plus tranquille, elle a eu quelques heures de repos pendant la nuit et dans le jour. Le pouls est moins faible; les douleurs dans le dos et dans le ventre n'ont pas reparu; en un mot la malade se sent mieux. Le reste de cette observation, quoique encore intéressante sous plusieurs rapports, ne présente plus rien à noter quant à notre sujet. Résumé. Symptômes du côté du cœur précédant une scarlatine peu intense. La malade vaquait à ses affaires, il survint des symptômes d'irritation du côté des reins (albuminurie) et du côté des intestins. Pertes abondantes de 6o CAS. huit ans. Rétablissement. - Le 20 avril 1859, on me consulta pour la fille L..., âgée de dix Antécédents. Il y a environ trois mois, la fille L... fut atteinte d'une fièvre scarlatine assez intense; éruption générale, mal de gorge très-intense rendant la déglutition presque impossible; engorgement des ganglions cervicaux, mastoïdiens et parotidiens; ces engorgements persistent encore en grande partie aujourd'hui. Fièvre intense pendant le temps que dura l'éruption; enfin tous les symptômes d'une scarlatine d'intensité moyenne. L'éruption fut suivie d'une très-forte desquammation. La fille L..., se croyant à peu près guérie, vaqua à ses occupations ordinaires. Cependant on ne sut me renseigner complétement sur le temps qu'avaient duré ces deux périodes. Depuis l'époque où cette fille avait repris son travail, elle fut en proie à des lassitudes dans le dos, les bras et les jambes; à des pesanteurs de tète; à de l'anorexie avec symptômes d'embarras gastrointestinal. De plus, douleurs lancinantes dans tout le ventre, surtout à la région hypogastrique et dans le dos. Selles très-irrégulières, urines peu abondantes; aménorrhée depuis l'époque de sa maladie. Depuis trois semaines, les selles sont devenues sanguinolentes et s'élèvent de quatre à sept par jour. État actuel. Le faciès est anémique; paupières bouffies; extrémités œdématiées. Les ganglions du cou, de la nuque et les parotides sont engorgés. L'appétit est nul; douleurs dans le ventre et dans le dos; les selles sanguines, de quatre à sept par jour, sont précédées de coliques très-intenses. Le ventre est ballonné et douloureux à la pression. Les urines sont peu abondantes. La poitrine présente les signes d'une bronchite simple mais assez étendue. Lassitude générale. Transpiration assez abondante, surtout les nuits. Je prescriv is la décoction de quinquina, unie aux hémostatiques les plus usités. Le 23 avril, les selles sont encore sanguinolentes, mais réduites de trois à quatre dans les vingt-quatre heures. Le reste à peu près dans le même état. Le 27, les selles sanguines sont supprimées, mais les symptômes du côté de la poitrine ont augmenté. La toux est plus fréquente et plus fatigante; crachats sanguinolents. A la percussion et à l'auscultation on observe les symptômes de bronchite générale. Pouls à 150 à la minute. Les jours suivants, les symptômes du côté du ventre s'amendèrent notablement; mais les symptômes à la poitrine restent à peu près dans le même état; le sang cependant se supprime aussi par cette voie, quoique les autres symptômes continuent encore quelque temps à offrir de l'inquiétude. Le reste de la maladie ne présente plus d'intérêt quant à notre sujet. Je possède deux autres cas d'hémorrhagies intestinales graves, survenues pendant le cours de l'épidémie et à la suite de la fièvre scarlatineuse. Je n'en ai pas tenu compte parce que leur liaison avec cette dernière maladie est moins évidente. 7o CAS. Le premier de ces cas a pour sujet une jeune fille de treize ans auprès de laquelle je fus mandé le 3 février 1859. On ne sait me renseigner que très-incomplétement sur le principe de la maladie, c'est-à-dire sur les périodes d'éruption et de desquammation. On m'apprend seulement que depuis dix à douze jours, la malade est en proie à de violents maux de ventre et du dos; qu'elle a journellement, et cela dès le principe, trois ou quatre selles sanguines. Celles-ci, depuis deux jours, sont devenues beaucoup plus fréquentes et s'élèvent de douze à quinze dans les vingt-quatre heures. Quand je vins dans cette famille, où manquait même le plus strict nécessaire, la malade ne sait plus sortir du lit ni se bouger. Elle est anémique au dernier degré ; les paupières, les jambes et les mains sont infiltrées. Le ventre ballonné est douloureux à la pression; il y a des douleurs lancinantes, spontanées, revenant par intervalles et surtout intenses au moment de la défécation. Il y a de plus douleur tensive dans le ventre, dans les lombcs. Le pouls est petit et filiforme. Au moyen d'un régime légèrement restaurant et d'une potion calmante et hémostatique, je relève la malade de sa position critique et tout annonçait une convalescence prochaine. Un écart de régime amena une rechute et la malade succomba en quelques heures. 8e CAS. Le deuxième de ces cas a pour sujet un individu d'une cinquantaine d'années, qui cut la fièvre scarlatineuse sans éruption ni desquammation sensibles. Le malade ne discontinua presque pas ses occupations habituelles. Aussi s'est-il prononcé chez lui une anasarque des plus évidentes. Les selles sont peu abondantes mais plus liquides. Les urines ont notablement diminué et contiennent énormément d'albumine. Ni les sudorifiques ni les diurétiques n'eurent aucune influence sur la maladie. Je m'adressai aux purgatifs drastiques; c'est pendant leur administration que se produi saient les hémorrhagies intestinales analogues à celles qui font plus spécialement l'objet de nos observations. Évidemment ces deux derniers cas ne sont pas de nature à faire admettre les hémorrhagies intestinales parmi les complications de la scarlatine; aussi n'y attaché-je pas d'intérêt. Je ne parlerai pas non plus des hémorrhagies auriculaires ou nasales qui cependant se sont présentées très-souvent dans le cours de l'épidémie. Elles ne présentent rien de particulier; tout le monde en a observé dans la scarlatine comme dans les autres fièvres essentielles. Quelques observations générales : 1° Chez tous les malades qui ont présenté la complication d'hémorrhagies des premières voies, les premières périodes de la scarlatine se sont passées d'une manière bénigne. 2° Tous en étaient à la période de desquammation, donc au moment où il y avait travail actif du côté de la peau. 3° Tous se sont exposés au froid d'une manière plus ou moins sensible. 4o Chez tous, il y avait donc une espèce de répercussion vers les reins et vers les intestins. 5o Pour les reins. Diminution ou légère augmentation des urines. Cellesci étaient albumineuses. 6o Pour les intestins.- Symptômes évidents de phlogose. 7° Chez tous, il y avait un degré plus ou moins avancé d'anasarque. 8° La mort en a été le résultat constant chez les enfants. La suite en a été inoins funeste chez les autres. Une question de la plus haute importance se présente naturellement ici; c'est celle de la production de ces hémorrhagies gastriques et intestinales graves. Se présentent-elles dans les mêmes conditions que se présentent les hémorrhagies dans la fièvre typhoïde? Nous en sommes réduits à faire des conjectures ou des suppositions établies sur les symptômes concomitants, qui en aucun cas ne sauraient trancher la question d'anatomie pathologique d'une manière certaine, vu que, à la campagne, nous ne pouvons pratiquer des autopsies qui seules, dans les cas analogues, permettent un diagnostic complet. Nous pouvons réduire à trois chefs les suppositions à faire. Ou bien elles se sont produites: 1° Par altération profonde du sang; 2° Par complication d'entérite ou de gastro-entérite plus ou moins chronique, ulcérative ou simple. Ces deux états pouvaient avoir coexisté. 3° Par concomitance de dyssenterie. 1° Altération du sang. - L'analyse chimique du sang chez le scarlatineux n'est pas rigoureusement établie et cela peut-être moins encore que dans les autres fièvres continues. On y reconnaît cependant le plus souvent une diminution de tous les principes solides et nourriciers. On y voit une altération profonde, spéciale, mais indéterminée. D'après les uns, cette altération suffit pour permettre au sang de transsuder à travers les tissus qui le contiennent et donner lieu ainsi aux hémorrhagies des muqueuses nasales, auriculaires dans les fièvres typhoïde, scarlatineuse, etc., pour produire les hémorrhagies interstitielles du purpura, les transsudations sanguines du cerveau et d'autres organes. D'après d'autres, cette altération du sang ne suffit pas; il faut encore des ruptures de vaisseaux ou de capillaires. La rupture de ces petits vaisseaux, an reste, se comprend facilement, par leur structure simple, une seule tunique les constituant, et par leur mauvaise nutrition par un sang profondément altéré. Faut-il admettre cette rupture de capillaires? L'exsudation pure et simple ne nous explique-t-elle pas suffisamment les phénomènes morbides dont nous avons été témoin? l'espèce de métastase que nous avons vue se produire dans le 6e cas et où, après avoir vaincu l'hémorrhagie intestinale, la perte de sang a presque aussitôt apparu du côté des voies respiratoires? Il est évident que, pour ceux qui admettent la rupture de vaisseaux, celle-ci a pu se produire comme dans tout organe, les mêmes conditions y existant, c'est-à-dire mauvaise nutrition générale, donc des capillaires, pauvreté du sang et raptus sanguin. Il est reconnu que la défibrination du sang est souvent cause d'hémorrhagie. Magendie l'a démontré expérimentalement et c'est ce qu'on a encore observé en 1805 chez les ouvriers des mines d'Anzin. On le voit encore dans quelques autres maladies, telles que le purpura, le scorbut, la fièvre jaune, le typhus, les fièvres pestilentielles. Andral a encore prouvé que la défibrination du sang devient souvent la cause ou la lésion concomitante de beaucoup d'écoulements sanguins. Je suis encore disposé à admettre la participation de cette lésion sanguine dans la production des hémorrhagies scarlatineuses relatées plus haut. Mais jusqu'à quel point cette lésion y a-t-elle contribué? Je l'ignore. Remarquons qu'il y a des épidémies où cette lésion n'a pas été observée. De plus, ici les symptômes qui ont accompagné les pertes de sang dénotaient évidemment quelque travail phlegmasique. Ainsi les douleurs du ventre spontanées ou provoquées par la pression, par les changements de position; le ballonnement du ventre; les diarrhées précédant de quelque temps les pertes de sang sont des signes évidents de phlegmasie. Or, il est connu que dans toute phlegmasie le chiffre de la fibrine augmente proportionnellement dans le sang. Cette augmentation de fibrine, par suite de l'inflammation intestinale ne contrebalancet-elle pas ce que le génie épidémique a pu enlever de fibrine au sang? et par suite, cette cause d'hémorrhagie ne perd-elle pas beaucoup de sa valeur comme ayant participé à produire la complication dont nous nous occupons ? Quoi qu'il en soit, je puis me rendre compte, par cette altération du sang, que tout le monde est tenté d'admettre, des hémorrhagies nasales et auriculaires que j'ai fréquemment observées dans le cours de l'épidémie; jusqu'à un certain point, de l'ataxie et dans d'autres cas de l'adynamie profondes où tom. baient en peu de temps certains malades; de plus, elle m'explique la formation |