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rellement cette tendance, elle prend une allure plus prononcée qui éveille l'attention des parents et des amis. Cette perturbation morale peut avoir six mois, un, deux et trois ans de durée, et n'offrir aucun autre symptôme concomitant.

Dans d'autres circonstances, le dérangement de l'esprit s'annonce par des propos extravagants : un employé en contact, tous les jours par sa place, avec des centaines de personnes qui étaient autant d'argus pour lui, est invité à une noce; tout à coup il tient les discours les plus étranges et présente une mobilité d'idées que rien ne peut fixer. Quelquefois, ce sont les actes qui révèlent le désordre des facultés une femme, excellente ménagère, fait des achats hors de proportion avec ses ressources; le désespoir la saisit, elle veut mettre fin à ses jours; quelque temps après, la paralysie générale était évidente. Plusieurs fois nous avons noté pour premier indice du mal, la menace de se tuer.

Le changement de caractère peut présenter des nuances très-variées. Quatre ans avant l'invasion de la paralysie, un homme qui avait jusqu'alors montré de la fermeté, devient irrésolu, incertain, pleure facilement, dirige encore bien ses affaires pendant trois ans, puis au bout de ce temps, il se fait un nouveau changement dans son humeur, il se montre irritable, emporté, colère, et la folie paralytique succède à ces deux métamorphoses.

Il n'est pas rare d'observer, au lieu de l'irritabilité colérique signalée plus haut, une placidité ou une apathie qui ont pour résultat de détourner les individus de toute occupation sérieuse. Ces faits se sont présentés à nous au nombre de six. Les parents s'étonnaient, ne cessaient de faire des observations, des reproches sur les graves conséquences de cette conduite; les malades donnaient d'un air calme de bonnes raisons, mais il leur était impossible de faire quelque chose.

Ces transformations du caractère nous conduisent à parler des faits importants sur lesquels nous avons appelé l'attention il y a treize ans, dans la Gazelle médicale. Longtemps avant l'apparition de la paralysie (nous avons noté des faits remontant à six ou sept ans), on voit se manifester, chez certains individus, des perversions des facultés morales et affectives, qui ne les empêchent pas de remplir les devoirs de la vie sociale et de s'acquitter de leurs fonctions. Les familles surprises, désolées, murmurent tout bas des actes d'indélicatesse, d'improbité, de débauche, auxquels

nul antécédent ne les avait préparées. On atténue les torts, on paye les dommages, on étouffe les plaintes, puis ce martyre long et secret se termine par l'éclosion de la maladie.

OBS. Ire. — Un employé supérieur d'une grande administration avait géré sa place avec capacité et zèle, presque jusqu'au moment de son admission chez moi, et cependant les détails qui me furent donnés par sa femme ne laissaient aucun doute sur l'altération déjà ancienne de ses facultés. Autrefois généreux, de mœurs honnêtes, il était devenu, depuis plus de six ans, d'une avarice sordide et d'un libertinage effréné. Sa femme avait renoncé à lui demander de l'argent pour son entretien, parce qu'il entrait alors dans des accès de fureur si violents, qu'il eût pu faire un malheur. Avec les progrès du mal, son avarice l'engagea dans des actes humiliants; il refusait l'argent dû, en soutenant qu'il avait payé, et il avait même fini par dérober des objets chez des personnes de sa connaissance. Jusqu'à ces derniers actes qu'on prenait encore pour des excentricités, nul n'avait soupçonné le désordre de son esprit; il fallut des sévices qui mirent en péril les jours de sa femme, pour que celle-ci se résolût à le mettre en maison de santé où il vécut encore plus de cinq ans, n'ayant présenté à son entrée que de faibles désordres du côté de la motilité, mais un affaiblissement marqué de la mémoire.

OBS. Ilo. — Quelque temps après, je fus appelé en consultation pour un ancien officier ministériel, dont les soustractions dans une vente publique avaient eu, plusieurs années auparavant, beaucoup de retentissement. Les observations que j'avais recueillies sur ce sujet me firent penser alors que cet homme était sous l'influence de la période prodromique de la paralysie générale. J'avoue que cette entrevue excitait au plus haut degré ma curiosité. J'avais la presque certitude que j'allais me trouver en présence d'un aliéné paralytique. Aucun renseignement ne m'avait été donné. Les premières paroles du malade à mon entrée dans son cabinet me révélèrent la nature de l'affection et son ancienneté ; la prononciation était, en effet. embarrassée, l'incohérence manifeste, la physionomie comme pétrifiée, la démarche lourde. Il y avait plus de huit ans que les soustractions avaient été notées pour la première fois, elles n'avaient jamais complétement cessé, et ce n'était que depuis quelques mois que l'aliénation mentale avait été reconnue. Comme ce malade avait des intervalles lucides, et qu'il n'y

avait pas crainte de le blesser, parce que, dans les cas de l'espèce, le relâchement du mécanisme intellectuel détruit la susceptibilité, ce qui fait que le malade ne s'étonne de rien, je mis la conversation sur les actes qui avaient amené son arrestation; il me répondit tranquillement : Les gens qui m'ont interrogé et mis en prison étaient des imbéciles qui ne connaissaient rien à notre profession; il est d'usage parmi nous, et cet usage s'appelle la cote G, de choisir, pendant l'inventaire, un objet généralement de peu de valeur ; en voici deux que j'ai ainsi rapportés, et il me montra une belle pipe en écume de mer et une blague à tabac, brodée en or: les divagations recommencèrent. Le genre de maladie ne pouvait laisser aucun doute; je me retirai; quelques mois après, j'appris que la paralysie générale avait eu une terminaison fatale.

Depuis l'insertion de cette note dans la Gazette médicale, ma collection de faits identiques s'est augmentée, et comme ce sujet n'est pas moins intéressant pour l'histoire de la maladie que pour la médecine légale, je vais en rapporter plusieurs exemples, tirés de cent observations que j'ai moi-même recueillies, et dont j'ai communiqué les résultats à la Société médicopsychologique.

réponse que celle-ci : « Cet argent m'appartient, je l'ai gagné par mon assiduité au travail et par les améliorations que j'ai introduites dans l'établissement. »> En vain, chercha-t-on à lui prouver la fausseté de ce raisonnement, il répétait imperturbablement que cela lui appartenait. Cette opinion n'a rien de surprenant pour les aliénistes, car ils savent que beaucoup de ces infortunés ont la conviction qu'ils sont riches à milliards ou que tout est à eux. Il importait de savoir quand les premiers indices du mal s'étaient manifestés. A force d'interroger, d'aller aux renseignements, nous apprimes que, quinze mois auparavant, il avait présenté un changement dans ses habitudes; peu à peu, on avait noté des absences de mémoire, des idées exagérées sur sa situation, de l'embarras momentané dans la parole; mais comme il remplissait les devoirs de sa place avec régularité, ces signes avaient été peu remarqués. Les soustractions remontaient à huit mois. L'enquête dut nécessairement être abandonnée à cause de la marche rapide de la paralysie générale; l'incohérence était devenue complète, il répondait à peine, se soutenait dillicilement et suecomba au marasme cérébral après deux mois de séjour.

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OBS. IV. Actes de libertinage, spéculations malheureuses datant de six mois enSymptômes intellectuels annonCommençant une paralysie générale, sans lésion de la motilité. Mandat d'arrêt. Marche rapide de la maladie. Mort trois mois après.

OBS. III. Symptômes de la paralysie générale datant de quinze mois; détournement de fonds sept mois après. cement de poursuites. Progrès de la maladie. Mort.

Un employé d'un chemin de fer me fut confié en 1847 pour être traité d'une paralysie générale, parvenue à un degré avancé. Le bégayement était marqué, il y avait inégalité des pupilles et faiblesse des extrémités inférieures, aussi la démarche était-elle vacillante. La mémoire avait diminué, il causait cependant raisonnablement, mais, si on l'interrogeait sur sa position, sa profession, on constatait une grande exagération : à l'entendre, en effet, il se portait très-bien, gagnait beaucoup d'argent et remplissait parfaitement les devoirs de sa place. A l'imitation de beaucoup de ces malades, il ne s'occupait pas du dehors, n'était pas étonné de son séjour dans la maison de santé, mangeait avec avidité et ne prenait aucune part à ce qui se passait autour de lui. En vérifiant ses comptes, on constata des abus de confiance un commencement d'instruction eut lieu. Des explications lui furent demandées en ma présence sur le détournement de ces sommes et sur leur emploi. On ne put obtenir de cet homme d'autre

Un négociant, âgé de quarante-six ans, dont la conduite avait toujours été honorable, fut conduit en 1846, dans mon établissement pour des actes de libertinage remontant à une demi-année, et devenus dans ces derniers temps tellement en dehors de ses habitudes, que sa famille, douloureusement affectée de cette conduite, pensa qu'elle ne pouvait être attribuée qu'à un dérangement de son esprit.

Depuis quelques mois, il se livrait en outre à des spéculations dont plusieurs avaient assez mal tourné. Jusqu'à l'époque où l'attention avait été éveillée sur ses actions désordonnées, rien, dans ses discours et sa manière de vivre n'avait fait soupconner un trouble de ses facultés. Il allait tous les jours à la Bourse, avait de nombreux rapports avec les personnes de sa profession, et aucune d'elles ne s'était aperçu de son état mental ou ne l'avait signalé.

Lorsqu'il me fut amené, sa figure ne traduisit aucune émotion, il ne manifesta pas d'étonnement d'être transféré dans une

maison inconnue. Je lui parlai d'abord des actes qui l'avaient fait enfermer; il me répondit avec le plus grand flegme et comme si la chose ne le concernait pas : << qu'on avait pris trop facilement l'alarme, que tout cela s'expliquerait. » Je l'interrogeai ensuite sur ses affaires, ses parents, sa situation. A ces questions qui ne paraissaient pas le surprendre, il me fit des réponses, en apparence raisonnables, mais qui semblaient plutôt évasives, et ne procuraient aucun éclaircissement. J'en citerai quelques-unes: « Mes affaires sont comme celles du commerce, bonnes et mauvaises, je n'ai pas à m'en plaindre. Ma famille sc conduit bien avec moi; ma situation est satisfaisante, je me porte très-bien. » Je voulus le serrer de plus près; il me dit alors: « Je ne sais pas, je ne m'en souviens pas. N'en pouvant tirer rien de plus, je cessai l'entretien, il me pria de le laisser sortir pour aller à la Bourse. Sur l'observation que je lui fis que sa demande ne pouvait être accordée, il me quitta pour aller dans le jardin, comme si cela lui importait fort peu.

Pendant cette conversation, il avait été évident pour moi que l'attention était affaiblie, la mémoire confuse et la conscience altérée, mais je ne notai ni embarras de la parole, ni désordre dans les mouvements, ni incohérence manifeste. Je n'en eus pas moins la pensée que cet homme était sous l'influence de la paralysie générale, et j'annonçai à ses parents que de graves malheurs étaient à redouter, non-seulement pour ses jours, mais encore pour sa fortune.

L'examen de ses livres fut un coup de foudre. Ils étaient mal tenus, présentaient des lacunes, et ne pouvaient fournir aucun renseignement. La ruine imminente était la seule chose certaine. Sa position commerciale prit bientôt une tournure plus grave les juges du tribunal de commerce prononcèrent le mot de banqueroute frauduleuse; un mandat d'arrêt fut lancé, et un huissier se présenta dans mon établis sement pour le mettre à exécution.

Je le conduisis devant le malade chez lequel, dans l'espace de trois semaines, les changements suivants s'étaient opérés : il avait perdu complétement la mémoire, ne pouvait répondre à aucune des questions qu'on lui posait; son regard était hébété, sa figure immobile; déjà un commencement d'embarras dans la parole, de faiblesse dans les jambes ne permettait plus de méconnaitre la paralysie générale dont il était atteint, et que l'excitation habituelle de la vic, son mouvement mécani

que avaient masquée. Je déclarai à l'huissier que dans l'état maladif où se trouvait le malade, je ne pouvais laisser exécuter le mandat, et j'ajoutai qu'à la rapidité avec laquelle l'affection avait marché, une terminaison fâcheuse dans un court délai était presque certaine. Je rédigeai immédiatement un certificat qui fut remis au président du tribunal de commerce. L'affaire fut ajournée jusqu'au rétablissement du malade. Trois mois après, ce négociant mourait dans le dernier degré de l'abrutissement et du marasme.

Les désordres de l'intelligence, les perversions des facultés morales et affectives peuvent exister longtemps avant l'apparition des lésions de la motilité et passer même inaperçus des mois, des années, parce que le malade parle peu et cache ses actes.

OBS. Ve.

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Changement de caractère depuis deux ans. Conduite déréglée seulement depuis quelques mois.— Actes extravagants récents. Banqueroute. Enquête. Réponses singulières. Croyance à la simulation de la folie. Visites pour constater l'état mental. · Rapport établissant le désordre des facultés mentales sans lésion de la motilité; apparition brusque de l'embarras de la langue et des idées passagères de Démence paralytique; marche rapide de l'affection. Mort trois mois après.

millions.

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M. Henri, négociant, âgé de cinquante ans, d'une bonne constitution, fut conduit en 1852 dans ma maison de santé pour un dérangement de l'esprit, qu'on disait tout nouveau. Voici dans quel état se trouvait le malade à son entrée : la physionomie annonçait la santé, mais l'œil n'avait ni fixité, ni attention. La démarche était ferme, l'attitude droite, les membres n'offraient rien d'anormal. Lorsqu'on lui faisait des questions, il était impossible d'en obtenir aucune phrase suivie ; il écoutait sans paraître comprendre; à peine voyait-il une porte ouverte qu'il courait pour sortir; la fermait-on, il ne faisait ni observation, ni plainte, et ne demandait pas à retourner chez lui.

Je pensai qu'il existait chez ce négociant une démence avec paralysie générale, mais il me fut impossible de constater les altérations qui constituent cette dernière affection. La gravité de l'état ne me permettait pas d'admettre que le désordre mental fut aussi récent que les parents le croyaient. Je les interrogeai, et en les guidant, j'appris que depuis près de deux ans, son caractère avait changé, il était devenu peu communicatif, répondait brièvement aux

questions, mais n'entrait dans aucune explication. Très-régulier dans ses habitudes et d'une conduite exemplaire, il avait commencé, il y avait plusieurs mois, à s'absenter sans qu'on sût où il allait, ce ne fut qu'en exerçant une surveillance rigoureuse qu'on apprit qu'il fréquentait les mauvais lieux; sa taciturnité était mise sur le compte de ses affaires qui étaient mauvaises. Ces changements, en effet, remontaient à l'époque où son frère avait fait faillite, ce qui avait eu pour conséquence de l'obliger lui-même à déposer son bilan; ce ne fut que lorsqu'il eut fait des extravagances, qu'on reconnut la maladie.

Les pertes considérables déterminées par ces deux ruines, l'absence de notes sur les livres, firent naitre les suppositions les plus défavorables et les démarches qui eurent lieu auprès de lui les augmentèrent encore. Lui demandait-on des renseignements, il répondait d'un ton goguenard : Qui et non, je ne veux rien, je ne fais rien maintenant et je ne veux rien faire, je verrai plus tard. Je n'ai besoin de rien, toutes les affaires sont en bon état. Le plus ordinairement il disait : J'ai fait ce qu'on fait dans le commerce; tout s'expliquera, tout se justifiera. Ces brèves réponses étaient faites sans embarras dans la langue, sans hésitation, sans bégayement, mais comme quelqu'un qui se moque des gens. Aussi pensa-t-on qu'il simulait la folie.

Cette opinion qui avait pris beaucoup de consistance me fit examiner le malade chaque jour avec beaucoup de soin. Les réponses étaient invariablement les mêmes; quand il était plus questionné que d'ordinaire, il gardait le silence. Il ne parlait pas aux autres pensionnaires, mais jouait assez souvent au piquet. Après un séjour de plusieurs mois, on s'aperçut qu'il comptait mal, qu'il avait des oublis, la démarche, les membres, la langue paraissaient dans leur état normal. Parfois, il me semblait qu'il hésitait dans l'articulation de certains mots; des mois entiers s'écoulaient ensuite sans que je pusse constater ce signe. Il se promenait tous les jours plusieurs heures d'un pas ferme, puis se rasseyait dans un coin de la salle, lisant ou paraissant lire le même livre dont il tournait rarement les feuillets. Quand on l'interrogeait sur ses lectures, il disait: Je sais ce que je lis, et n'ajoutait pas un mot de plus. A deux reprises différentes, il avait eu des évacuations involontaires.

Comme l'idée de simulation persistait, je fus chargé de faire un rapport: me fondant sur l'affaiblissement de la mémoire, les erreurs de calcul au piquet, l'abandon qu'il avait fait d'un jeu qui paraissait l'amuser, le défaut d'attention, l'indifférence avec laquelle il recevait sa famille, son air placide, son singulier sourire, sa promenade dans le même coin de la salle, son éternelle lecture, les deux évacuations involontaires qu'il avait cues, la diminution de la motilité et de la sensibilité cutanée, je déclarai qu'il était atteint de démence, que la paralysie générale que j'avais soupçonnée à son entrée et à l'existence de laquelle je croyais toujours, ne m'avait pas encore présenté des signes caractéristiques, mais qu'il m'était impossible de croire à la simulation. Le statu quo se maintint ainsi dix-huit mois; mon opinion était arrêtée, mais comme les médecins qui venaient souvent l'examiner, de la part de l'autorité, ne constatèrent ni embarras de parole, ni tremblement dans les membres, ni incertitude dans la démarche : qu'il semblait même rire des questions qu'on lui faisait, et bornait ses réponses aux paroles que nous avons fait connaître, tournant le dos à ses interlocuteurs, quand la conversation se prolongeait, l'opinion de la simulation, quoique ébranlée, subsistait toujours. Quelques personnes admettaient qu'il y avait eu dérangement dans les facultés, tout en croyant qu'il avait la conscience de ce qu'il faisait.

Le 28 mars 1855, je faisais ma visite, il vint à moi d'un pas précipité, un peu incertain, pour me dire qu'il se portait bien. Je fus frappé de l'embarras très-prononcé de sa parole, il bégayait à chaque mot. Son regard était hébété, il me salua à diverses reprises, comme l'eût fait un paillasse, il me tira ensuite à l'écart pour me demander à voix basse que je lui prêtasse 3 à 4 millions; puis, il retourna dans son coin pour reprendre sa lecture d'un livre qu'il ne quittait pas, et dont le plus ordinairement les pages étaient renversées. Pendant cinq jours, le bégayement fut trèssensible, il parla encore une fois des 3 à 4

millions, et retomba ensuite dans sa taciturnité et son immobilité ordinaires. A partir de ce moment, la maladie fit des progrès rapides, M. Henri devint plus faible sur ses jambes, gáta, maigrit, et trois mois après il succombait au marasme.

(La suite au prochain numéro.)

III. BIBLIOGRAPHIE.

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Avant d'accepter les faits d'autrui, sachez-vous demander quels

sont ses droits à votre confiance. Forget, Principes de thérapeutique, page 360.)

Pour le praticien désintéressé personnellement aux discussions de doctrine; mais qui aime, cependant, par gout ou par humanité, à connaitre, suivant ses loisirs et son intelligence, le mouvement de la science, c'est une chose curieuse et même affligeante que de voir la lenteur des progrès de l'art de guérir!

A quoi donc tient cet état de choses; puisqu'il y a de nombreuses sociétés, dont le désir est le perfectionnement des sciences médicales et puisque, chaque jour, paraissent des publications, qui ont aussi ce but?

Le problème étant de la compétence du médecin bibliographe, nous allons, non pas le résoudre, car telle n'est point notre prétention; mais simplement fournir quelques matériaux à ceux qui, plus capables que nous, en donneront la solution.

(

Tout d'abord rappelons ces paroles, empruntées au chapitre IV du livre II du Traité de l'expérience de Zimmermann : « Il ne faut pas tant chercher ce que les au>> tres ont pensé que ce qu'ils ont pensé de >> vrai ; » puis citons les suivantes de Daniel Leclerc Il y a dans toute l'Europe des » Sociétés pour les progrès de la médecine; » dont les vues sont belles et grandes; >> mais qui, on ne sait par quelle fatalité, » sont mal remplies, parce que les écrits » de ces sociétés sont plutôt une collection » de ce qu'on a déjà dit sur une chose, » que ce qu'on aurait dû dire. »

Les numéros du Bulletin de l'Académie de médecine de Paris, qui rapportent les discussions de cette illustre compagnie, sur la fièvre puerpérale, sur les propriétés de l'iode et sur les doctrines médicales, pour ne point remonter plus haut, confirment

(1) J'engage l'auteur de cette observation à méditer le chapitre du Medicus officiosus de C. Reinhart, et le livre III du Traité de l'expérience de Zimmermann.

entièrement la sentence de l'auteur de l'Histoire de la médecine.

Quel praticien ignore que nous sommes à une époque où les opinions les plus déraisonnables trouvent, et facilement encore, des sectateurs! Les médecins chirigouans soufflent autour du lit de leurs malades pour en chasser les maladies; tout le peuple est persuadé que la médecine consiste dans ce vent, et les docteurs chirigouans recevraient fort mal quiconque voudrait leur rendre cette méthode plus difficile. Ils en savent assez quand ils savent souffler. Telle est cependant l'histoire des homœopathes!

Trop souvent, hélas! ce n'est pas tant la valeur du fait qu'on recherche, que le fait lui-même pourvu qu'il puisse servir. Voici une preuve de ce que j'avance. J'ai lu une observation, dans laquelle, l'auteur, pour le besoin de sa cause, et quelle cause encore!! a passé sous silence les antécédents du sujet qui mourut sous mes yeux, pendant une attaque d'épilepsie. Ainsi, ce praticien a omis de parler 1o de deux blennorrhagies; 2o d'une balano-posthite ulcéreuse; 3o de plusieurs chancres primitifs; 4o d'un chancre induré, causant un bubon dont l'ouverture est devenue chancreuse; 5o d'une méningo-encéphalite aiguë (traitée par deux docteurs), à la suite de laquelle est resté un affaiblissement d'un côté du corps; 6o enfin, de deux violentes attaques d'épilepsie (vues par deux médecins); le tout, résultat de nombreux excès causés dès le jeune âge (1).

Ne doit-on pas compter au nombre des causes qui nuisent au progrès du divin art les dissidences et même les contradictions qui règnent entre les grands observateurs!

On connait celles qui eurent lieu sur l'émétique et dont on voit un échantillon dans les spirituelles lettres du Rabelais médical, Guy Patin.

On sait aussi que Sydenham voulait des histoires générales; que Freind et Hoffmann n'admettaient, au contraire, que des histoires partielles; comme si les unes et les autres ne se complétaient pas !

Est-ce que le dualisme de Thémison, de Brown et de Broussais n'est pas, aujourd'hui, traité de préjugé scientifique (2) et

(2) Nos vieilles dualités et nos dichotomies ont fait leur temps et ne sont plus que des préjugés scientifiques (Ribes, Traite d'hygiene therapeu tique, page 19.)

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