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que cette vieille femme venait de tomber du haut des escaliers de sa maison et qu'elle n'a jamais eu d'apoplexie antérieurement. Nous lui pratiquons une copieuse saignée; nous administrons une goutte d'huile de croton et faisons placer des cataplasmes sinapisés aux jambes. Mais nos efforts pour sauver la malade sont inutiles; elle succombe quatre heures après son entrée, sans avoir repris connaissance.

A l'autopsie, on retrouve un épanchement sanguin très étendu entre la peau et le crâne à gauche; ouvrant le crâne, on voit par transparence un épanchement considérable, sous la dure-mère, à droite. La convexité de l'hémisphère cérébral droit et la base sont comme tapissées d'une couche épaisse de sang coagulé. Dans le lobe antérieur du même hémisphère existe un noyau apoplectique récent du volume d'une bille. Tout le cerveau, du reste, est congestionné. Les sinus sont gorgés de sang noir, liquide. Les os du crâne ne sont fracturés nulle part. Les poumons sont sains; des brides celluleuses unissent les plèvres costale et pariétale des deux côtés. Le cœur a son volume normal; les oreillettes renferment des caillots; les ventricules sont vides. Arborisation légère de la portion ascendante de la crosse de l'aorte. La muqueuse vésicale est couverte de sang; nous n'avons pu découvrir la source de cette hémorrhagie.

Notons que nous avons enfin trouvé, sur ce cadavre, une fracture extra-capsulaire, complète et comminutive du col du fémur.

Nous possédons une seconde observation d'un individu qui a succombé après avoir présenté tous les symptômes d'un épanchement dans l'hémisphère cérébral droit; malheureusement, son cadavre ayant été réclamé, il n'a pas été permis d'en faire l'autopsie. Cinq jours s'étaient écoulés entre la première atteinte du mal et la mort.

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Hémorrhagie des méninges. J. V. M..., cordonnier, âgé de soixantequatre ans, tempérament lymphatique nerveux, entre à l'hôpital le 24 février 1861. Il rapporte qu'un mois auparavant, il a fait une chute d'une hauteur de deux à trois mètres; il est tombé sur le dos. Depuis ce temps, il est tourmenté par une céphalalgie, variable en intensité. Pas de surdité ni de bourdonnements d'oreilles. Le malade dit qu'il y a des « bruits» dans sa tête. Sensibilité conservée; intelligence légèrement obscurcie; indécision, lenteur dans les réponses qui sont justes cependant. Pupilles légèrement contractées. Tiraillement en haut de la commissure labiale gauche. Démarche chancelante. Langue bonne; appétit conservé. Miction et défécation involontaires. Pouls plein, très-dur, à 72 pulsations. Il y a de la bronchite chronique.

Traitement saignée de 200 grammes; le sang, coagulé, fournit un caillot, petit, rétracté, en forme de champignon et recouvert d'une couenne épaisse. Cette couenne est très-consistante, résistante lorsqu'on veut la déchirer, offre à la vue un aspect gélatiniforme et laisse apercevoir par transparence la couche colorée du caillot, marbrée de taches noirâtres, pigmentaires. Les mêmes caractères s'observent dans le sang tiré postérieurement.

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Malgré la première émission sanguine, le pouls de 72 pulsations arrive à 84; il est dur et développé. Seconde petite saignée; le pouls retombe à 72; mais le soir, il donne 24 au quart; troisième saignée.

Le lendemain matin, 26, coma profond, strabisme. - Vésicatoires aux mollets; sangsues aux tempes. Le soir, le pouls est de 50 à 35 au quart, large, fort, plus dur qu'il n'a jamais été. La pupille droite est extrêmement dilatée; tandis que la pupille gauche est très-contractée.

Mort le lendemain à trois heures du matin.

Nécroscopie. Le cerveau est intact. Les circonvolutions sont légèrement déprimées. Sous la dure-mère existe un épanchement dont les éléments liquides se sont en grande partie résorbés, et des membranes se sont constituées qui adhèrent à la dure-mère. Il s'agit ici d'un épanchement situé dans la cavité même de l'arachnoïde, ce dont on peut se convaincre par l'examen microscopique des membranes de nouvelle formation. On n'y découvre, en effet, aucune trace d'épithélium, mais seulement de la fibrine et des globules de graisse; on n'y constate pas la présence de vaisseaux sanguins. La couche membraneuse transparente la plus interne ressemble assez à une séreuse pour qu'on s'y fût trompé, si l'on n'avait procédé à l'étude microscopique de sa structure; celle couche de fausses membranes, très-intimement adhérente par places à la duremère, tapisse en quelque sorte toute la convexité des hémisphères cérébraux. La fosse moyenne et latérale droite du crâne renferme une petite quantité de sang épanché encore à l'état liquide. Le crâne, du reste, ne présente point de traces de fracture.

Dépôts de substance athéromateuse dans les artères cérébrales postérieures. Les ventricules latéraux paraissent très-légèrement dilatés et renferment une petite quantité de sérosité.

Au centre de la moelle épinière, vers la partie supérieure de la portion dorsale, existe un épanchement sanguin. En ouvrant le rachis, on avait trouvé, à l'endroit correspondant, en dehors de la dure-mère rachidienne, un épanchement de sang assez abondant, lequel baignait la moelle, enveloppée de ses membranes.

Delirium tremens. Nous en avons possédé un cas intéressant, en ce sens qu'il a été guéri par le moyen des émissions sanguines; et non par l'opium, qui exerçait au contraire une influence fâcheuse sur la marche de la maladie. Nous allons le rapporter en détail :

Le 3 mars, tard dans la soirée, J. de B..., âgé de trente-quatre ans, tempérament sanguin, entre à l'hôpital. La principale occupation de cet homme est d'apprêter la bière chez les brasseurs; on nous renseigne qu'il fait de ce liquide une assez grande consommation. Il y a trois jours, après des libations plus abondantes qu'à l'ordinaire, il est rentré chez lui dans un état d'exaltation très-prononcé, débitant des choses incohérentes et en proie à un délire gai; ainsi jovial le lendemain et le surlendemain, J. de B... est devenu moins bon le jour suivant; ses aberrations ont pris un caractère de violence tel que l'on

a cru devoir appeler un médecin; celui-ci a envoyé le malade à l'hôpital après lui avoir toutefois pratiqué une copieuse saignée.

Le 4 au matin, M. Pigeolet examine le nouvel entrant et lui trouve les symptômes suivants : face congestionnée; yeux brillants; battement des ailes du nez; langue tremblante; agitation de la voix; mouvements convulsifs des extrémités; soubresauts de tendons; respiration fréquente; hépatotrophie; rien au cœur; enfin, délire particulier aux buveurs. - Prescription: 2 grammes 50 centigrammes de laudanum liquide de Sydenham dans une potion à prendre dans les vingt-quatre heures.

Le lendemain, il n'y a pas encore d'amélioration notable; on augmente la dose de laudanum de 50 centigrammes.

Le 6, il n'y a pas de modification dans l'état du malade; le délire, au lieu de diminuer, paraît plus intense que les jours précédents; le malade se plaint d'une vive céphalalgie, de troubles de la vue et de l'ouïe; son pouls, donnant 100 pulsations à la minute, est plein et dur. M. Pigeolet, jugeant que nous étions menacé d'une complication de méningite, supprime le laudanum, prescrit une saignée de 250 grammes à renouveler ou non le soir, suivant les résultats qu'on en aura obtenus.

La saignée du matin fournit un caillot très-petit, rétracté en forme de champignon et couvert d'une épaisse couenne.

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Le soir, le pouls encore plein et dur, est tombé à 84. Le délire est moins violent. Nous pratiquons la seconde saignée, et aussitôt après nous voyons le pouls à 72. Le résultat de cette dernière émission sanguine est analogue à celui de la première.

Le lendemain, 7, le délire a complétement disparu; le malade a eu une assez bonne nuit, et nous le trouvons tout à fait calme et capable de donner sur son état les explications les plus satisfaisantes.

On commence à le nourrir le 8, et le 14 il sort de l'hôpital, complétement guéri.

Épilepsie. On nous a envoyé, comme atteinte d'épilepsie, une jeune fille, de 14 ans; au dire de la malade, que nous recevons le 7 janvier 1861, son affection n'a débuté que depuis quinze jours. Auparavant, elle n'a jamais eu les symptômes d'aucune affection nerveuse. A l'époque de son entrée à l'hôpital, elle a chaque jour de trois à six accès qui présentent des caractères tout particuliers. La malade est avertie par une vive céphalalgie qu'un accès approche, et presque toujours elle a le temps d'aller se mettre au lit. Nous voyons d'abord les membres supérieurs étendus, rigides, conservant quelque temps la position qu'on leur donne, puis retombant lourdement. Les jambes et les cuisses sont étendues; et les muscles extenseurs agissent avec tant d'énergie qu'en déployant toute notre force nous ne pouvons déterminer la flexion des membres inférieurs. Cet état dure quelques secondes, est accompagné de perte de sensibilité et de connaissance; et il est suivi immédiatement d'un moment de calme qui ferait croire que la jeune fille va revenir à elle. A ce moment la respiration

est difficile, fréquente, entrecoupée, suspirieuse; le cœur bat avec violence; le pouls donne 30 au quart. Le ventre est ballonné; les dents sont serrées; les yeux fermés, et en entr'ouvrant les paupières on voit les pupilles très-dilatées. Tout à coup, au calme apparent succède une grande agitation, d'abord des mouvements de va et vient du bassin; puis la malade fait des bonds sur son lit; agite les bras et les jambes, rejette la tête en arrière à droite et à gauche avec une grande violence, et pousse des gémissements et des cris. Puis tout cesse; elle retombe brisée par ses efforts, ouvre les yeux, s'assied sur son lit, regarde autour d'elle avec stupeur, reprend lentement connaissance, et enfin, il ne lui reste qu'une forte céphalalgie de son accès pendant toute la durée duquel il n'y a eu ni sang ni écume à la bouche. Il est évident qu'on n'avait pas affaire là à une épilepsie bien caractérisée. Nous avons passé en revue toutes les névroses; nous en avons comparé les symptômes avec ceux observés dans le présent cas, et nous croyons qu'on peut le considérer comme une catalepsie hystérique. Notre jeune malade nous renseigne qu'elle a une sœur, plus àgée qu'elle, qui a été sujette à la même affection, et qui est guérie depuis trois mois. Elle a vu un jour un de ses accès. Il n'y a, du reste, pas de symptómes d'affection vermineuse; la menstruation n'est pas encore établie. Enfin, il est un point moral qui doit être noté, c'est que, pour son âge, la petite Catherine C... a des sentiments religieux très-développés, et un goût marqué pour les pratiques extérieures du culte.

Du 7 au 15 janvier, le valérianate d'atropine lui a été administré en commençant par une dose de 0,001 milligramme pour arriver jusqu'à 0,005, mais il est resté sans effet. Le 17, l'assa fœtida a été prescrit en lavements à la dose de 8 grammes pour vingt-quatre heures. Les symptômes ne s'amendaient guère cependant. M. Pigeolet supprima le valérianate d'atropine le 23 janvier, pour donner le sulfate de quinine, à la dose de 0,50 centigrammes pour vingt-quatre heures, à prendre en trois fois; on devait continuer les lavements d'assa fœtida. Sous l'influence de ces deux médicaments, nous vimes les accès diminuer d'intensité d'abord, puis devenir moins fréquents. Au lieu de six par jour, il n'y en eut bientôt plus que deux; ensuite ils se supprimèrent complétement, et lorsque Catherine C... sortit de l'hôpital, on pouvait la considérer comme parfaitement guérie.

Arthrite. -Voilà encore une de ces maladies contre lesquelles on a préconisé une multitude d'agents thérapeutiques, qui ont eu chacun leur temps de succès. On a surtout insisté sur la médication contro-stimulante, dont M. Pigeolet a vu des effets réellement étonnants, dans le midi de la France (Marseille), et en Italie, en 1840. Cependant, des différences profondes survenues entre la constitution médicale de ce temps, et celle que nous observons aujourd'hui, et sans doute les conditions de climat et de température, qui sont autres en Belgique que dans les pays méridionaux, font que, depuis quelques années, l'émétique administré à doses razoriennes ne paraît pas avoir une bien grande influence sur la marche et la durée du rhumatisme articulaire; du moins est

ce là un fait observé dans les hôpitaux de Bruxelles. On n'était pas plus heureux avec tout autre médicament contro-stimulant qu'avec l'émétique. Ayant reconnu cela, M. le docteur Pigeolet en revint à la médication antiphlogistique, un peu trop décriée selon lui, et n'eut qu'à se féliciter de ce retour aux anciennes pratiques. Que reproche-t-on en effet aux émissions sanguines? D'affaiblir le malade outre mesure et de prolonger la durée de la convalescence. D'abord elles n'affaiblissent le malade outre mesure que lorsqu'on les emploie sans discernement, ce qui arrive aussi bien avec les contro-stimulants proprement dits; et il est évident que ce ne sera jamais l'application raisonnée de la phlebotomie, mais seulement son abus qui exercera une influence nuisible sur la convalescence. On peut donc faire bon marché de ces accusations, surtout si l'on considère les nombreux avantages de la saignée, et les bénéfices qu'on en retire dans la constitution médicale actuelle. Ainsi, elle exerce à la fois une action sédative et hyposthenisante sur les systèmes nerveux et circulatoire; elle déprime les forces vitales; elle prévient l'endocardite, qui vient si souvent compliquer l'arthrite, et qui, une fois établie, réclame impérieusement les émissions sanguines. Il est entendu que ces considérations s'appliquent à l'arthrite aiguë, ou bien à l'arthrite chronique, dont les accès se manifestent avec des phénomènes de réaction marqués. Comme traitement de cette affection, M. Pigeolet emploie donc les saignées; il en fait une à trois le premier jour, suivant l'état du pouls, l'intensité de l'appareil febrile, et l'aspect du sang extrait la première fois; les saignées ne sont que de 8 à 10 onces, parce qu'il ne faut pas soumettre à de trop brusques secousses une économie dont la sensibilité est déjà exagérée. On les répète le second jour et même le jour suivant si c'est nécessaire. Il est rare que la diminution de la douleur, de la rougeur et du gonflement des parties malades ne survienne pas après la septième ou huitième saignée. Dès lors, on peut abandonner l'affection à elle-même ou favoriser sa résolution par quelques purgatifs énergiques, le tartre stibié, à doses controstimulantes ou le vin de semences de colchique.

Cette méthode réussit surtout lorsque le rhumatisme parait pour la première fois, qu'il est exempt de complications, et qu'il n'a pas cette tendance à se généraliser, ce caractère fugace et migrateur qui vient aussitôt diminuer les chances. d'une prompte guérison.

Hématocèle rétro-utérine. - M. V..., servante, âgée de trente ans, entre le 17 janvier 1861. Elle a eu un enfant il y a deux ans ; l'accouchement a été suivi d'une hémorrhagie abondante, qui n'a cependant pas empêché la jeune mère de se relever au bout de neuf jours, et de reprendre ses occupations. Il y a trois mois qu'elle est atteinte d'une affection, dont les symptômes, un peu vagues, paraissent déterminés par un trouble local. Ainsi, elle se plaint de maux de reins et de ventre, de douleurs et de pesanteur dans la région hypogastrique, s'irradiant le long du trajet des canaux inguinaux, et jusque dans les cuisses; il s'y joint de la céphalalgie et des éblouissements.

Les poumons et le cœur sont sains. Le pouls donne 21 pulsations au quart.

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