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4o Des mouvements cadencés et comme saccadés pendant la marche, qui parfois a été chancelante et mal assurée;

50 Une station quelquefois difficile et caractérisée par l'écartement des membres pour élargir la base de sustentation;

6o Enfin, une période de somnolence plus ou moins prolongée, qui presque toujours a précédé, sinon le rétablissement complet, au moins une amélioration marquée dans l'état de l'animal mis en expé

rience.

De tous ces symptômes, le tremblement général est celui qui s'est montré avec le plus de constance et qui a persisté le plus longtemps.

Le grain simplement écrasé dans un mortier est, des divers produits administrés, celui qui a agi avec le plus d'intensité; mais cela est dû, sans aucun doute, à la dose énorme que l'on a fait prendre au chien, sujet de la seconde expérience.

Après le grain, l'huile grasse extraite par l'alcool et l'éther est la substance qui a fait naître les phénomènes les plus saillants; mais ces phénomènes se sont dissipés dès la fin du jour où l'administration de cette huile avait eu licu.

Le produit de la distillation par l'eau a déterminé, au contraire, des symptômes qui se sont manifestés avec moins d'intensité, mais qui ont persisté pendant plus longtemps.

«Du reste, dit M. Filhol, il a été facile » de reconnaitre dans toutes ces expé› riences que l'ivraie exerce une action › évidente sur le système nerveux. Aussi avons-nous pensé qu'il pourrait être » utile de tenter l'usage de ce grain, ou des » préparations qui en dérivent, dans le > traitement de quelques maladies nerveuses, et notamment dans celui de la ▸ chorée ou danse de Saint-Guy. Dans le but d'éclairer nos doutes à ce sujet, nous › avons fait part à M. Lafosse des résultats » que nous avons obtenus par l'adminis»tration de l'ivraie, et nous l'avons prié » de nous mettre à même d'essayer l'ad>ministration de cette substance à des > chiens atteints de la danse de Saint-Guy. » M. Lafosse a bien voulu nous promettre › de saisir la première occasion qui se pré»senterait à lui pour faciliter nos études, » et nous comptons sur son obligeance » pour faire sur le Lolium temulentum » quelques essais dans un but thérapeu»tique. »

(Journ. de méd. et de chirurg. de Toulouse et la Médecine contemp., No 14.)

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R... (P.-L.), soldat de 2e classe au 1er régiment de zouaves, âgé de trente ans, maçon de son état, très-matériellement constitué, peu intelligent et encore abruti par l'habitude de l'ivrogneric, a été apporté à l'hôpital militaire du Dey, à Alger, le mardi 2 janvier 1860, vers sept heures et demie du soir.

Deux heures auparavant, plusieurs Zouaves du même régiment, attirés par la rumeur publique, l'avaient relevé ivremort, et baigné de sang, contre un talus du chemin de fer, à Hussein-Dey, village distant de 8 kilomètres environ d'Alger. Chargés de le conduire à l'hôpital, ils ne peuvent donner de renseignements sur l'attentat dont R... a été la victime; ils ont entendu dire, sur les lieux, qu'un gros chien a dévoré les parties génitales de leur camarade. Interrogés sur son attitude, quand ils l'ont pris pour le déposer sur un omnibus, ils ajoutent que son pantalon, souillé de sang et de fèces, se trouvait fermé par un bouton au-dessus de la blessure, de façon à la masquer au premier aperçu.

Couché dans un lit, le blessé, toujours sous l'influence d'une ivresse alcoolique profonde, étranger à tout ce qui l'entoure, ne manifeste son existence que par des grincements de dents, des contractions

musculaires tellement violentes et désor

données, qu'il est impossible de lui pratiquer une saignée, impérieusement indiquée pourtant par une respiration stertoreuse, la vultuosité du visage, le prolapsus de la langue et une abondante expuition de spumes.

Examen sommaire des lésions.

Le pénis est complétement sectionné à un centimètre et demi de sa racine; la partie médiane du scrotum, ainsi que les deux glandes spermatiques, ont été totalement retranchées.

Les plaies se font surtout remarquer par leur régularité; les deux lèvres de la division scrotale semblent linéairement affrontées; il n'y a pas d'hémorrhagic.

Prescription. Potion ammoniacale et

éthérée. Compresses d'eau froide en permanence sur les blessures. Sinapismes aux jambes.

Le 3 janvier, à ma visite du matin, l'anesthésie alcoolique a cessé. R....., qui a parfaite connaissance de son état, répond avec lucidité, mais non sans embarras, à mes questions. Il nie avoir souvenance des incidents de la veille, et accuse un grand étonnement de s'être réveillé à l'hôpital. Ses plaies lui font mal: aux regrets qu'il exprime sur sa position présente, il entremêle des plaisanterics forcées et d'une sincérité douteuse.

Examen détaillé des partics mutilées. 1o La section du pénis, d'un diamètre transversal de 0,05 sur 0m,25 à peu près d'étendue antéro-postérieure, offre un plan exactement parallèle à la face antérieure du corps; nette et dépourvue de toutes dentelures, sa régularité rappelle, en bas et au niveau des corps caverneux, les plaies produites par les instruments bien affilés. Seulement, en haut et à droite, comme si la peau avait fui devant le tranchant d'une lame appliquée de bas en haut, il existe une petite languette cutanée à la circonférence du moignon. Un appendice analogue, mais beaucoup plus petit toutefois, apparaît, vraisemblablement par la même raison, sur la section des parois spongieuses et extensibles de l'urethre. Ce petit opercule ferme la lumière du canal, et il faut le soulever pour pouvoir découvrir l'orifice et y pénétrer.

2o La division du scrotum, perpendiculaire à la plaie pénienne, est, on peut le dire, absolument linéaire: un intervalle de 0,003 au plus, rempli de sang coagulé déjà en voie d'agglutination, sépare à peine les deux lèvres sectionnées, qui sont le siége d'un engorgement œdémateux prononcé. Vu d'un peu loin, ce scrotum, ainsi vidé et aplati latéralement par suite de l'absence des testicules, partagé en deux moitiés par une dépression médiane verticale, ressemble assez bien à la vulve d'une femme pendant la période menstruelle.

3o Nulle trace des cordons testiculaires, sans doute remontés dans les canaux inguinaux sous l'influence de la contraction des crémasters.

4o Toujours pas d'hémorrhagie; un mince caillot coiffe le moignon de la verge.

5o Aucune vergeture, ecchymose, écorchure, égratignure, empreinte de dents ou de griffes, trace de contusion ou de violence quelconque autour des plaies, sur le basventre ni sur le haut des cuisses.

Prescription. Lotions froides continues: régime sévère, boissons acidulées ;

repos. J'introduis, avec précaution, dans la vessie, une sonde flexible, destinée à y être maintenue à demeure, car le blessé n'a pas uriné dans la nuit, bien qu'il ait rendu plusieurs selles involontaires.

On comprend à quel point ces constatations contredisaient, dans notre esprit, la version émise la veille et accréditée déjà, sur parole, d'une mutilation par la morsure d'un chien vorace. Nos doutes acquirent une telle intensité que nous résolùmes de convier plusieurs de nos confrères MM. Rietschel, Minvieille, Loyer, Tabouret, de Pictra-Santa, à examiner le cas, et à nous communiquer leurs impressions. Tous, sans exception, manifestèrent la plus grande incrédulité pour l'hypothèse qui attribuait, à un chien, des lésions dont les caractères physiques et les circonstances concomitantes faisaient si bien présumer un odieux attentat. Interprète de cette opinion, formulée aussi de prime abord par MM. les médecins aides-majors Janin et Patin, de garde à l'hôpital, les 2 et 3 janvier, M. le médecin en chef n'hésita pas à informer l'autorité militaire. Une enquête fut aussitôt prescrite.

Mais, dans l'intervalle, des procès-verbaux de police, deux rapports émanés des maire et adjoint de Kouba et Hussein-Dey, tous deux docteurs en médecine; un troisième certificat, rédigé par le médecin du 1er régiment de zouaves, avaient été adressés au parquet.

I. Le procès-verbal de l'agent de police du quartier d'Hussein-Dey raconte, comme d'ailleurs R..., et tous les témoins entendus les ont uniformément rapportés, les préliminaires du drame dont la péripétie a été si terrible. «Dans la matinée du 2 jan» vier, les sieurs R... et M.., soldats de la » 2e compagnie, 1er bataillon du 1er régi»ment de zouaves, sont entrés dans un ca» baret d'Hussein-Dey, où ils ont passé toute » la journée à boire (1/4 d'eau-de-vie et 4 >> litres de vin entre eux deux, plus 1/2 » litre d'eau-de-vie avalé par R... seul). » A la sortie de l'établissement, vers qua>> tre heures, R... est bientôt tombé mort»ivre, sous les pieds d'un mulet: il a fallu » que le boucher F... aidât M... et deux Dautres zouaves, les sieurs F... et B..., à >> transférer leur camarade, en lieu plus » sûr, contre le talus du chemin de fer, à » 32 mètres de la maison du garde cham» pêtre, et à 27 mètres de celle de la dame » B....

» La femme F..., qui n'a vu aucun in»dividu approcher R..., déclara qu'un » gros chien arabe, noir et blanc, s'est ar» rété longtemps sur son corps comme s'il

›y mangeait quelque chose. Intriguée, elle › envoya son frère K... chasser l'animal » à coups de pierres. Le chien éloigné, K... s'avança et, ayant remarqué que les par› ties génitales du zouave avaient été mangées par le chien (sic), il en instruisit > aussitôt son beau-frère et sa sœur, qui, › à leur tour, appelèrent des zouaves pour » faire transporter le mutilé à l'hôpital. › Un instant après, le garde abattait, d'un > coup de fusil, la bête revenue à la › charge... >

II. Le rapport du médecin des zouaves, qui s'est rendu à l'hôpital, à la première nouvelle de l'événement, eonclut ainsi : D'après l'examen de la blessure, je n'hé» site pas à affirmer que la plaie est le ré▸sultat d'une section faite par un instru»ment bien tranchant, R... étant endormi ; la verge et les testicules ont été saisis et ‣ soulevés d'une main, puis coupés, de » l'autre, d'un seul trait. Plusieurs personnes du voisinage ont vu un chien rô› der près du blessé... »

III. Le 5 janvier, le docteur Bureau, maire de Kouba, croit devoir instruire M. le procureur impérial du crime du 2 janvier. Le récit épisodique qu'il en a fait concorde parfaitemeut avec celui du commissaire de police. A mesure, dit-il, en terminant, que le bruit de ce terrible » attentat se répand, la conviction de la » culpabilité du chien va en s'affaiblissant. > On doute que ses dents aient pu faire une › section aussi complète et aussi nette. On > accuse un couteau d'être l'instrument de cette affreuse mutilation. Pour détruire › ces soupçons et éclairer l'opinion publique, j'ai cru prudent de faire pratiquer > l'autopsie du chien, et rechercher, dans › son estomac, la preuve du délit (sic)...... » (Suit un extrait du rapport de M. le docteur Payn.) « Le doute n'est donc plus permis; la preuve matérielle existe; l'opinion publique est édifiée... »

IV. Le 4 janvier, le docteur Payn, médecin colonial à Hussein-Dey, a donc procédé, devant une assistance nombreuse, à l'autopsie du chien déterré. « L'estomac,

extrait et divisé, contenait une masse » assez considérable d'herbes, de chien› dent, non digérée; quelques débris de chair crue et, au milieu de ces amas » d'herbes, de chair et de sable, une partic » de la verge du malheureux R.... Le gland » et sa couronne, 0m,03 du pénis et le prépuce, formaient ainsi un seul lambeau, » dont la section a paru très-irrégulière. » Ce rapport, on le voit, ne constitue, en définitive, que la découverte des organes génitaux du zouave dans l'estomac du

chien. Il se tait, quant aux circonstances qui ont précédé l'ingestion.

Le 8 janvier, un réquisitoire de M. Vivien, juge d'instruction, me commet, avec MM. les aides-majors Janin et Patin, pour « examiner R..., constater la nature et la » gravité de ses blessures, déterminer si » elles ont pu être faites par un chien, et » si elles sont le résultat d'un accident ou » d'un crime. »

Reproduction littérale des constatations inscrites dans l'observation clinique qui ouvre ce travail, notre rapport, entre autres conclusions, formulait celle-ci : « L'i» dée que pareille blessure ait été déter>> minée par un chien ne saurait soutenir l'examen. La netteté de la section, inconciliable avec l'hypothèse de la morsure » d'un animal, indique positivement l'in>> tervention d'un instrument tranchant, » dirigé par une main non dépourvue >> d'une certaine habileté...

» L'objection, qui pourrait être opposée » à cette explication, de l'absence d'hémor» rhagic, tombe d'elle-même, si l'on ré>> fléchit que des tractions ont pu être » opérées préalablement sur les parties » lésées, et que, en outre, R..., se trou» vant dans l'état le plus absolu d'ivresse, >> la compression de l'encéphale, sans par»ler de l'action du froid extérieur, devait » nécessairement entraver chez lui la cir>culation capillaire.

>> Aucune cause accidentelle imaginable >> ne semble avoir pu produire une lésion » d'aspect et de résultats identiques avec » ceux que nous avons décrits. »

Pour compléter, autant qu'il était en moi, les données que la justice attendait de mes investigations, je me fis représenter le pantalon porté par R..., le jour de la blessure, et qui, au dire de témoins, était resté boutonné. Or, ce pantalon, façon turque, c'est-à dire à plis amples et froncés autour de la taille, n'a qu'une brayette trèscourte, à fente close beaucoup au-dessus du pubis. Cette disposition permet peu de découvrir le pénis pour la miction: aussi un orifice spécial a-t-il été ménagé plus bas pour y suppléer. Or, cette courte brayette, ayant été trouvée fermée, dans sa moitié inférieure, par un bouton, ce qui « mas» quait la blessure au premier aperçu » (d'après la déposition des zouaves qui ont » relevé et transporté R... à l'hôpital), » on se demande naturellement comment le chien a pu plonger la gueule sous cet obstacle, et détacher aussi nettement d'un seul coup de dents et la verge de R... et son scrotum, y compris les testicules.

Nous ne devions pas, paraîtrait-il, rester

longtemps seuls incrédules touchant l'hypothèse de la mutilation par le chien. « J'ai » dû rechercher, écrit M. le docteur Bu>> reau, dans un second rapport daté du » 7 janvier, si l'état des pièces pouvait » laisser penser qu'elles eussent été cou» pécs avant d'avoir été avalées par l'ani» mal. En réfléchissant et me rappelant ▷ que la verge avait été retrouvée entière » et pour ainsi dire intacte, il me paraît » difficile que les dents d'un chien aient » pu l'enlever d'un seul coup, pour l'en> gloutir de même. On peut donc, en con» sidérant, d'une part, que la blessure >semble faite par un instrument tranchant; d'autre part, que le pénis est » demeuré inentamé, en inférer qu'il a pu » être détaché par une main armée d'un >> instrument tranchant, puis avalé par un » chien affamé... » Suit une objection déduite de l'absence d'hémorrhagie, objection virtuellement annihilée par les circonstances, déjà rappelées, de la compression cérébrale alcoolique et de la réfrigération extérieure la scène s'était passée le 2 janvier, au soir.

En face de ces contradictions de l'expertise, la justice crut devoir résoudre la difficulté par une enquête, et le 19 janvier sortit une ordonnance de non-lieu: «At» tendu qu'il résulte de l'information, que » le fait dont R... a été la victime, doit » être imputé à un chien qui a dévoré les » parties génitales dudit R..., plongé, en ce moment, dans un état complet d'i

vresse... »

Plein de respect pour le verdict issu des consciencieuses et patientes perquisitions du parquet, à Dieu ne plaise que nous songions le moins du monde à blâmer la marche suivie par l'instruction, à nous inscrire contre les résultats négatifs de cette information, dans laquelle, il faut bien l'avouer pourtant, l'élément le plus important, LE PRÉVENU, manquait, au grand détriment de l'intérêt des poursuites, de la discussion des allégations erronées et contradictoires de l'enquête.

Mais, en laissant de côté une question judiciaire quant à présent vidée, il ressort toujours de l'exposition des faits et des observations qui précèdent, une grave question de médecine légale, question irrésolue, obscurcie peut-être à l'insu de l'expertise médicale, dans les procédés qui ont desservi ses premières recherches et n'ont pas peu contribué, il est permis de le supposer, à entraîner dans un sens exagéré les convictions et les témoignages recueillis au parquet.

Après les paroles de déférence énoncées

tout à l'heure à l'endroit de la magistrature algérienne, pas n'est besoin, sans doute, que nous protestions de la haute estime dans laquelle nous tenons le savoir et le caractère des honorables confrères dont le dossier a enregistré les dissidences et les hésitations. Aussi serait-il superflu d'établir davantage que, dégagé de toute arrièrepensée d'amour-propre, l'intérêt scientifique seul nous a ramené sur le terrain ardu d'un problème aussi complexe.

Mais il se peut encore qu'un jour, un aveu, une imprudence du coupable ignoré, une confidence tardive de la victime, homme borné et bestial, dont nous avons souligné les réticences, le hasard, cette grande providence, ce doigt de Dieu de la vindicte publique, soulèvent un coin du voile, sous lequel s'est dérobé jusqu'ici le secret d'un drame affreux.

Il convenait, dans cette prévision, de consigner avec soin tous les éléments d'une enquête que l'avenir peut seconder, et d'en résumer, dans les propositions ci-après, les particularités les plus significatives. Ainsi :

1o Les opinions du docteur Desnoyer, médecin des zouaves, celles de MM. les médecins du Dey, citécs plus haut, notre rapport médico-légal, arrêté de concert avec MM. les docteurs Janin et Patin, qui ont reçu le blessé et l'ont pansé les premiers à l'hôpital, le jour même de l'événement, déclarent unanimement, et dans les termes les plus formels, que les caractères des lésions sont ceux des plaies par instrument tranchant. Le troisième rapport, produit par le médecin d'Hussein-Dey, relate l'autopsie du chien: il est muet sur la question de la nature des plaies et de la cause déterminante. Cet expert, en effet, n'avait pas sous les yeux les vrais éléments légitimes d'appréciation les mutilations observées sur la victime. Dilacérés par les dents du chien qui les avait avalés, les lambeaux de verge et le scrotum, extraits de l'autopsie, ne pouvaient rien lui apprendre.

2o Le docteur Bureau, de Kouba, qui s'est figuré, d'après un premier rapport, avoir trouvé, en prescrivant l'ouverture du chien, un moyen définitif, « de constater » le corps du délit et de fixer l'opinion pu»blique, dans le sens de la morsure de » l'animal,» s'est bientôt ravisé : les conclusions de sa deuxième lettre au procureur impérial se rapprochent beaucoup des nôtres et de celles de MM. les docteurs Desnoyer, Janin et Patin.

5o La configuration du pantalon de R... et la particularité notoire du boutonne

ment inférieur de la brayette, obturée ainsi presque jusqu'au niveau de l'ombilic, impliquent l'impossibilité pour le chien d'avoir pu pénétrer jusqu'au pubis et au scrotum, et enlever d'un seul coup de dents le pénis et les testicules avec leurs enveloppes.

4o Si la section des parties mutilées et la déglutition eussent été opérées d'après l'hypothèse du chien, comment l'autopsic aurait-elle décelé, dans l'estomac de la bête, une quantité assez notable de sable? Ce sable n'indique-t-il pas, au contraire, cette probabilité que les parties, préalablement séparées à l'aide d'un couteau, par vengeance ou par mauvaise plaisanterie de zouaves,» selon l'expression de M. le maire de Kouba, avaient été jetées sur le sable ambiant, où le chien les a ramassées, pour venir les dévorer sur le corps ensanglanté du soldat?

5o Douze témoins rapportent, à la vérité, les uns, avoir clairement vu le chien manger les parties sexuelles après R... luimême; d'autres prétendent n'avoir pas cessé d'observer le zouave pendant tout le temps de son dépôt sur le talus du chemin de fer: ils n'ont vu personne s'approcher de lui, durant ce laps de temps, qui, remarquons-le, n'a pas été de moins d'une heure. Sans parler de l'invraisemblance de cette surveillance si patiemment et si scrupuleusement soutenue, que de doutes ne soulève-t-elle pas? Comment n'a-t-elle pu du moins empêcher le chien de satisfaire jusqu'au bout sa voracité? Bien mieux, vici la déposition de la femme B...: elle aussi, depuis le début de la scène, n'a pas quitté sa fenêtre et perdu de vue R... et les trois zouaves qui l'ont transporté sur le talus. Je les ai parfaitement entendus » dire à l'un d'eux de rester près de lui, et, s'il ne pouvait le ramener, d'aller les » prévenir : qu'ils reviendraient le cher

cher. Ce zouave resta environ dix minutes

› auprès de son camarade et essaya à diver» ses reprises de le soulever; mais, voyant qu'il ne parvenait pas à le remettre sur » jambes, il l'abandonna et se retira... »

Pour faciliter l'intelligence de notre description, et afin de fixer d'une manière définitive les caractères signalétiques des plaies, nous avons fait dessiner les parties mutilées. Une planche, due à l'habile crayon de M. Ed. Bruch, licencié ès-sciences et conservateur du Musée de l'école d'Alger, les représente sous des traits frappants de ressemblance.

La longue discussion médico-légale qu'on vient de lire, a forcément interrompu l'histoire chirurgicale à peine entamée de la blessure de R.... On prendra encore, pensons-nous toutefois, quelque intérêt aux détails suivants sur l'heureuse issue de la mutilation et certaines particularités qui s'y rattachent.

A part le gonflement du moignon pénien et l'oedème inflammatoire de son fourreau cutané, le malade était assez bien, le 4 janvier. Le soir, un peu de fièvre : pouls plein, visage injecté, turgescent. R..., agité, inquiet, se plaint d'érections fréquentes et douloureuses. Les parties sont, en effet, très-engorgées, tendues. L'urine coule entre la sonde et l'urèthre, autant que par la sonde elle-même; sa présence incessante sur les plaies en a défavorablement changé l'aspect. Le 5 et le 6, de petits lambeaux gangréncux se détachent de la surface grisâtre, pultacée du moignon. La sonde, considérée comme irritante, est enlevée; plus de pansements, afin d'éviter toute constriction. Embrocations fréquemment répétées sur les plaies, avec du cérat camphré en couche épaisse, pour les garantir, autant que possible, du contact de l'urine.

Sous l'influence de ces moyens, secondés par le régime, les fomentations émollientes et antiseptiques, par les antispasmodiques à l'intérieur, la cicatrisation reprit peu à peu ses allures normales. Le 20 janvier, les deux lèvres de la section scrotale étaient parfaitement réunies. A l'orifice urethral, la petite languette spongieuse, dont il a été parlé plus haut, reste tuméfiée, forme bouchon, et nuit à l'émission de l'urine. Nous sommes obligé de la réprimer par la cautérisation. R... obtient sa sortie.

Une fois hors de l'hôpital, il ne songe plus qu'à exploiter son infirmité, pour obtenir de l'argent, en excitant la compassion publique, et se livrer, de plus belle, à l'abus des liqueurs fortes. Par ordre de l'autorité militaire, on le renvoie dans nos salles, en attendant que sa réforme soit prononcée, et il nous revient le 29 février.

La guérison s'est maintenue ; néanmoins, par les progrès de la rétraction cicatricielle, la miction devient parfois difficile, impossible même, surtout après de trop copieuses libations. Quelques légers cathétérismes rétablissent aisément le cours des urines.

(Annales d'hygiène publique et de médecine légale, janvier 1861.)

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