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4o le temps écoulé depuis le début; 5o le danger de l'emploi des anesthésiques ; Go l'insuccès du cas précédent.

5e OBS. Vers le même temps, le hasard me fournit l'occasion d'observer un cas analogue chez un garçon de quinze ans atteint d'une fièvre typhoïde, dont le début datait du 20 du mois d'octobre 1860: fièvre intense, céphalalgie, saignement de nez, diarrhée, selles sanguinolentes, délire, etc. A la fin du troisième septénaire, maigreur et faiblesse extrêmes, adynamie profonde. A ma visite du 15 du mois de novembre suivant, on m'apprend que le malade ne cesse de crier et qu'il accuse, comme siége de la douleur, la hanche et la cuisse droites. Ces souffrances se sont déclarées après qu'on l'eut porté d'un lit sur un autre; prévenu par mes malheurs antérieurs, j'ai hâte d'examiner raccourcissement d'environ un pouce, flexion de la cuisse sur le bassin, membre dans l'adduction, tête fémorale dans la fosse iliaque externe. Sur-le-champ, je me mets en besogne; les tractions amènent facilement la tête du fémur jusque visà-vis de la cavité cotyloïde, et la réduction se fait sans difficulté; un appareil ouaté amovo-inamovible est appliqué et laissé en place jusqu'à la guérison complète de notre malade.

Frappé de la succession d'accidents à la fois si graves et si rares, nous nous sommes demandé quelle pouvait en être la cause? Mais avant de procéder à des recherches étiologiques, examinons à quelle espèce de luxation nous avons eu affaire.

Les auteurs de pathologie chirurgicale partagent, d'une manière générale, les luxations en trois catégories: 1° en luxations congénitales, si elles se montrent à la naissance et constituent un vice de conformation; 2o en luxations spontanées, si elles sont le résultat de tumeurs blanches; 5° en luxations traumatiques, si elles sont produites par des violences extérieures.

La bonne conformation de nos sujets avant leur maladie nous autorise à mettre hors de cause les luxations de la première catégorie.

Pour ce qui concerne les luxations spontanées, sans prétendre qu'elles ne peuvent survenir dans le cours des maladies graves, nous pensons que cela arrive rarement et bien que nous fussions d'avis que telle était la nature des lésions de nos deux premières observations, le cas de notre troisième observation ayant modifié nos idées, nous nous sommes posé cette question : Les luxations que nous venons de voir appartiennent-elles bien réellement à la classe des luxations spontanées?

Sans doute, les luxations soumises à ces courtes réflexions, offrent des analogies avec les luxations spontanées, en ce sens qu'il y a douleur de la hanche et de la cuisse, et déplacement du fémur sans cause extérieure positive et bien connue; mais, à moins de se contenter d'un examen superficiel, il existe des différences telles qu'il est impossible de les confondre. Qu'est-ce, en effet, que la luxation spontanée, sinon la tumeur blanche arrivée à sa dernière période? Or, je ne sache pas avoir lu nulle part l'histoire d'une tumeur blanche aussi rapidement fatale. ‹ A moins qu'elle ne soit arrêtée à son début, dit M. Néla

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ton, la fémoro-coxalgie a généralement une longue durée, elle met ordinairement deux ou trois années, quelquefois même davantage, à parcourir toutes ses périodes. Elle affecte cependant quelquefois une marche aiguë, les malades présentent tous les signes d'une arthrite coxo-fémorale très-intense, accompagnée de fièvre, et dans l'espace de deux mois, quelquefois moins, le fémur est complétement luxée, des abcès se forment, s'ouvrent et entraînent bientôt la mort. Après cela ne nous est-il pas permis de dire que, quelle que soit la marche de la coxalgie, la douleur précède toujours d'un temps plus ou moins long la luxation? Et s'il en est ainsi lorsqu'elle est simple, c'est-à-dire lorsqu'il ne coexiste aucune autre maladie, ces conditions changent-elles si elle se montre chez une personne qui est sous l'empire d'un état général grave tel que la fièvre typhoïde? Est-il possible qu'elle atteigne sa dernière période sans faire éprouver au malade aucune espèce de douleur? Pour nous, nous ne concevons pas l'absence de ce symptôme, à moins que l'on ne suppose que les fonctions du système cérébro-spinal fussent affaiblies au point que toute sensibilité eût disparu; mais outre que le sujet qui se trouverait si gravement atteint, serait voué à une mort prochaine presque certaine, l'état de nos malades, avant et après l'accident, prouve évidemment qu'une telle supposition serait tout à fait gratuite. Or, chez nos sujets, la douleur et la luxation se sont montrées en même temps.

L'impossibilité de replacer la tête du fémur dans la cavité cotyloïde, ainsi que l'apparition des abcès péri-articulaires chez le garçon de notre première observation, n'infirment pas, nous semble-t-il, notre manière de voir, puisque la luxation existant déjà depuis quelque temps lors de nos tentatives de réduction, un commencement de travail d'oblitération de la cavité pouvait mettre obstacle à la réception de la tête et que la luxation d'abord, et nos efforts pour réduire ensuite, étaient capables de provoquer dans les tissus de l'articulation des irritations et des inflammations qui, favorisées par des prédispositions indivividuelles, pouvaient donner naissance à tout le cortège de symptômes de la coxalgie la plus redoutable; d'ailleurs la petite fille de notre deuxième observation n'a éprouvé rien de semblable, pour le motif qu'elle était dans de meilleures conditions de constitution et de tempérament, et que nous n'avons fait subir aucune espèce de violence au travail réparateur qui existait déjà autour de l'article. Il n'est donc guère rationnel d'admettre la luxation spontanée. Puisque ce n'est ni la luxation congénitale, ni la luxation spontanée, le plus simple des raisonnements nous conduit à l'admission de la luxation traumatique. A la rigueur nous pourrions nous contenter de ce diagnostic par exclusion, mais pour l'établir d'une manière directe et péremptoire il suffirait de trouver une cause traumatique. Rien n'eût été plus facile que de résoudre ce point intéressant, si les sujets avaient conservé l'intégrité de leur intelligence, car ils n'auraient pas manqué de stigmatiser l'auteur de leur infortune; mais puisque nous sommes privé de cette grande ressource, voyons si l'analyse de nos histoires peut nous mettre sur les traces. Quand nous lisons dans les auteurs l'ar

ticle Étiologie, nous n'y trouvons signalées que des causes peu communes telles que des chutes d'une hauteur considérable, des chutes de corps lourds et pesants sur le blessé, des éboulements, etc. Cette manière d'envisager les causes est évidemment trop absolue, car la force qui tend à produire la luxation devra étre d'autant moindre que l'obstacle à vaincre sera plus petit.

• Dans le problème le plus simple des luxations, dit Vidal de Cassis, en parlant des luxations du fémur, on trouve 1° une puissance qui agit dans le sens d'un des principaux mouvements, et l'exagère; 2° une résistance dans le sens opposé, c'est-à-dire vers un des points du rebord cotyloïdien. » Bien que l'éminent chirurgien n'insiste guère sur la deuxième partie de sa thèse, nous admettons cependant cette proposition et nous nous permettrons de nous y arrêter un instant. Si d'un côté l'anatomie nous montre une articulation des plus solides, et que de l'autre nous ne voyons, comme causes de luxation, que des violences extérieures extraordinaires, combien n'est-il pas facile que le praticien inexpérimenté et non prévenu ne songe pas à la luxation? Ars tota est in observationibus. Pour que la luxation puisse se produire, la puissance et la résistance seront en raison l'une de l'autre. Si celle-ci est forte, celle-là devra l'être; si la résistance est faible, il suffira que la puissance le soit. Supposons d'une part un homme de constitution athlétique, aux muscles vigoureux, développés par l'exercice, aux articulations entourées de ligaments forts et solides et d'autre part une personne au corps frêle, à la fibre molle et flasque, aux muscles grêles, aux jointures maintenues par des ligaments lâches et faibles, faudra-t-il, dans les deux cas, des forces égales? Évidemment non. Si nous parcourons nos observations que voyons-nous? Des sujets de neuf à dix-sept ans faibles et épuisés au suprême degré par une maladie des plus graves: maigreur squélétique, émaciation des muscles, adynamie profonde, extinction presque complète de toute action vitale, relâchement, ramollissement, imminence de décompo sition non-seulement des tissus qui constituent l'articulation, mais de l'organisme tout entier. Après cela qu'y a-t-il de si étonnant qu'une puissance, quoique faible, mais agissant sur un long bras de levier, comme l'est le fémur, vainque une résistance presque nulle et produise par conséquent la luxation? Les parents soupçonnent le changement de lit des malades, cela peut-il occasionner l'accident? Pour notre compte, nous ne sommes pas éloigné d'être de cet avis. Voici comment nous le comprenons lorsque le malade est jeune, une seule personne se charge ordinairement de le porter, car il s'agit de le placer sur un autre lit ou dans un fauteuil. A cet effet, elle place l'un de ses bras vers le milieu du dos et l'autre dans le creux des jarrets, de sorte que, dans cette position, les cuisses sont dans la flexion sur le bassin, condition favorable; si alors l'un membre, comme cela peut arriver, était plus élevé que l'autre et qu'il fût porté un peu brusquement dans l'adduction, comme cela n'est que trop pos sible, la luxation ilio-ischiatique ne pourrait-elle pas être produite?

Quoique les renseignements obtenus et le cas de notre troisième observation, surpris pour ainsi dire en flagrant délit de formation, nous donnent de grandes

présomptions en faveur de ce mécanisme, nous agirions cependant à l'encontre des lois de la logique, en concluant de la possibilité à la réalité. Aussi nous garderons-nous de prétendre que c'est là la cause unique; bien au contraire nous pensons qu'il en existe d'autres et nous demandons si l'action de placer le malade sur le vase, un mouvement dans le lit, etc., ne pourraient avoir le même effet? In dubiis libertas.

Après les détails dans lesquels nous sommes entré, il serait superflu, fastidieux peut-être, d'indiquer les moyens propres à prévenir l'accident, nous nous bornerons à conseiller aux praticiens d'instruire ceux qui sont chargés de soigner les malades, des précautions à prendre et des suites fâcheuses que peut entraîner leur négligence.

Le traitement curatif consiste à réduire la luxation et, vu l'incertitude des causes et la facilité avec laquelle l'accident est produit, à maintenir la réduction à l'aide de l'appareil ouaté amovo-inamovible. Avons-nous besoin de dire qu'il est de la plus haute importance que la réduction soit faite le plus près du début? Nous avouons volontiers que notre grand tort et la cause de nos insuccès se trouvent dans la violation du sage précepte du poëte latin: Principiis obsta.

Voilà des faits, les avons-nous interprétés d'après leur sens véritable? Avonsnous saisi la nature des lésions qu'ils renferment? A ces questions nous répondrons par ce passage de Sydenham: «On objectera peut-être que d'autres médecins aussi versés que moi dans la pratique ne pensent pas de même sur cette matière. Je réponds que, sans m'embarrasser des sentiments d'autres, je cherche uniquement à établir la vérité de mes observations, et, pour cela, je ne demande point au lecteur sa bienveillance, mais seulement sa patience, car il reconnaîtra bientôt si j'ai agi sincèrement et, en homme d'honneur.

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Je ne prétends pas donner un travail parfait, mais animer ceux qui ont plus de génie que moi et qui entreprendront un pareil sujet, à faire quelque chose de mieux. »

NOTICE SUR UN coup d'arme a feu, a plombs, AYANT FAIT LITTÉRALEMENT BALLE; BON USAGE DU SÉTON POUR L'ÉLIMINATION DES CORPS ÉTRANGERS; par M. le docteur V. DELHAYE, membre correspondant à Montignies-sur-Roc.

Si l'esprit se complaît tant à s'occuper des lésions chirurgicales, c'est que, sans grands efforts d'intelligence, on remonte facilement à l'inconnu. On sait qu'en chirurgie, il suffit des deux opérations mentales, l'autoptiquc et la cryptoristique, pour saisir les indications du traitement dont le résultat, ordinairement avantageux, nous dédommage de ces noirs soucis que nous fait éprouver journellement la médecine interne. En effet, celle-ci exige que nous nous placions à ce degré élevé, qu'Ampère appelle troponomique, pour y étudier la génération des phénomènes morbides et leur enchaînement jusqu'à leur terminaison, etc. Malgré l'attention soutenue de l'observateur, il ne s'égare que

trop souvent dans un dédale d'hypothèses, qui le détourne des vrais moyens de guérir. En veut-on un exemple pris parmi tant d'autres, le choléra exotique, qui ne diffère de l'indigène que par plus de gravité; eh bien, depuis son apparition dans nos contrées, nos plus grands maîtres ne s'occupent que de son hétérogénéité morbifique, de sa physiologie pathologique qui, il est vrai, ont fait progresser ce côté de la science, mais nullement celui de la pratique; car, où en est-elle sa thérapeutique ? là où l'ont laissée nos devanciers. C'est encore, comme au temps de Sydenham, à l'emploi, sagement combiné, des émissions sanguines et des opiacés, que nous devons le plus de succès. Tout en avouant notre impuissance à aborder ces hautes questions de philosophie médicale, il nous semble qu'on se rapprocherait beaucoup plus de la nature intime de nos affections et de leur cure, si, en les décrivant, on faisait, pour ainsi dire, plûtôt raisonner nos sens que de se livrer à tout le feu de l'imagination, à cet essor de l'âme qui sied si bien à l'artiste, au poëte, et comme le dit Baglivi : fideliter et ad vivum, prout ab ipsa rei causa procedebant antiqui. Mais remettonsnous à notre niveau, reprenons notre sujet pour en faire ressortir quelques enseignements cryptologiques, que nous croyons dignes de l'attention du médecin légiste et du praticien de campagne, où de tels sinistres sont communs, surtout dans la saison de la chasse.

N. B..., jeune homme de notre commune, berger de profession, âgé de trente. cinq ans, avait acheté, en octobre dernier, un fusil de chasse qu'il voulait éprouver. Étant allé dans sa prairie et apercevant du gibier de l'autre côté de la haie, il veut la traverser, en cachant à l'instar du braconnier, son arme en arrière. La batterie tendue s'embarrasse dans quelques branches, le coup part à bout touchant, et toute la charge pénètre dans le dos, à droite, vers l'angle inférieur de l'omoplate. Voyant ses vêtements tout en feu, il oublie sa blessure pour éteindre l'incendie dont il était menacé, et comme il craignait la réprimande d'un père avare et sévère, il regagne tacitement son lit pour se coucher. S'étant alors dévêtu, pour cacher son aventure, il raconte à ses proches qu'il était tombé dans sa bergerie sur une herse en fer. Cependant sa plaie donnait assez de sang pour requérir des secours. On court au meilleur marché, soi-disant, aut pharmacien, dont les conseils restent vains. L'hémorrhagie va croissant et avec elle l'inquiétude. On me mande, ægro invito. Je me hâte de m'y rendre. Le courageux pasteur tente aussi de me mystifier, en me demandant avec instance d'arrêter son sang; que pour sa blessure, ce n'était rien. Tout beau, mon garçon, répliquai-je! le curieux Thomas veut tout voir, tout palper, etc.; déjà je procédais à la déligation du torse. J'aperçois, avec étonnement, une escharre ronde, grisâtre, de la forme d'une balle de fusil, à bords déchirés, renversés en dedans, qui ne me laisse aucun doute sur la nature de l'accident; sur quoi j'interpelle notre sujet, qui, n'osant plus mentir en présence du danger, m'avoue, sous un secret inviolable, l'historique que nous venons de relater. Mais la déesse Écho, cachée assurément dans un coin de la chambre, s'empressa d'ébruiter ce triste événement, et, moins heureux que ce facétieux mari, dont

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