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est plus de même lorsque les eaux sont écoulées et que l'utérus moulé sur le fœtus ne présente pas une forme ovoïde. Alors les parties saillantes de l'enfant distendent ou compriment certains points de l'organe, qui, moins rétractés, restent plus minces, plus faibles, incapables, par conséquent, de résister à l'action beaucoup plus énergique des parties voisines, surtout si ces points déjà plus faibles ont éprouvé, en raison de la compression qu'ils ont subie, une altération qui diminue encore leur résistance vitale.

Eh bien! cette étiologie ne doit point être invoquée dans notre observation. En effet, l'on a vu que, lorsque la rupture s'est opérée, l'écoulement des eaux n'avait point encore eu lieu. C'est là un des phénomènes qui rendent si intéressante l'histoire de notre malade; car il n'y a d'avérés, à ma connaissance du moins, que trois faits, un de Leclerc et un de Dionis rapportés par M. Duparcque (voir le tome II des Maladies de matrice, Paris, 1836), et le troisième publié par James Hamilton (Practical Observ., etc.), qui démontrent qu'une rupture de l'utérus peut s'opérer pendant le travail de l'accouchement, alors que, les membranes non rompues, les eaux amniotiques ne sont point écoulées. Lors même, dit M. Duparcque, que toutes les causes reconnues capables de produire la déchirure de la matrice, pendant l'accouchement, existent, elles ne déterminent, en général, cet accident que lorsque les eaux sont perdues.

A notre avis, sauf meilleur, voici quelle est l'explication possible du grave accident de Mme T.

Avant tout, rappelons ce fait important: c'est que pendant les six derniers mois de sa grossesse, cette femme a continuellement accusé une si vive sensibilité de la matrice, produite probablement par une inflammation, que le plus léger mouvement d'un membre soit abdominal, soit thoracique, l'aggravait. L'on sait aussi que, depuis Thulstrey, on a admis que l'inflammation de la matrice est une cause puissante de la rupture de cet organe, pendant le travail de l'accouchement.

Cela posé, l'explication de la rupture de la matrice de la femme T. ne me paraît point impossible.

La cause première, saisissable de cette double crevasse est cette sensibilité excessive, résultat d'une irritabilité inflammatoire de l'utérus, laquelle a provoqué les deux atroces douleurs, spécialement la dernière, qui se sont succédées l'une à l'autre seulement à une minute de distance. D'où il suit que la matrice a été surprise, par des contractions extrêmement énergiques, avant que le col ait eu le temps de se ramollir et de se dilater normalement.

Ainsi, d'une part, douleurs d'expulsion, subites, violentes, comme convulsives, causées par l'irritabilité inflammatoire de la matrice et facilitées probablement par l'action des muscles abdominaux, le redressement en arrière du tronc et la position verticale, et sans qu'il y ait eu un travail préparatoire suffisant sur l'orifice naturel de la matrice; de l'autre, résistance du col à s'ouvrir, comprimé fortement qu'il se trouve par la tête de l'enfant et surpris à l'improviste par les énergiques contractions de l'utérus.

En pareil cas, on le comprend, la rupture de la matrice ou la déchirure de son col est possible. Ces deux accidents peuvent même avoir lieu en même temps, comme le prouve notre observation.

Écoutons ce que dit, à ce sujet, M. P. Dubois (l. c., p. 322): Les douleurs qui se développent tout à coup, prématurément, avec une énergie extrême, avant que l'orifice utérin soit suffisamment préparé et assoupli, et qui le surprennent en quelque sorte, peuvent être funestes surtout si elles sont secondées par de violents efforts. T. Haden (en 1800), Scott (en 1821) et M. Seutin (à la page 79 du tome XXX du Journal publié par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles) ont rapporté des faits qui viennent à l'appui de cette théorie.

Si l'on en croit Guillemeau, Mauriceau, La Motte, Salmathus, etc., aucun point de l'utérus n'est à l'abri de la rupture. Malgré l'assertion de Astruc, Levret, l'endroit recouvert par le placenta, quoique toujours un peu plus épais, n'est pas plus exempt qu'un autre de cet accident. Tel est aussi l'avis de M. Duparcque.

Lorsque l'organe est sain, dit M. Mattei (l. c., p. 15), le siége des ruptures spontanées paraît être par ordre de fréquence, le fond, les faces antérieure et postérieure, enfin les parties latérales. On a vu que, chez notre malade, la rupture, au lieu d'être simple, a été double (ce qui est excessivement rare) et s'est montrée sur les parties latérales, événement presque exceptionnel. Écoutons ce que dit M. Cazeaux, à ce sujet : « Pendant le travail, lorsque l'accident a été produit par une compression extérieure, les parois éclatent et se déchirent, en général, vers les parties latérales (Traité théorique et pratique des accou» chements, Paris, 1850, p. 800). » Aucune compression n'a été exercée sur le ventre de la femme T., pendant le travail.

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Dans notre observation, la direction des ruptures a été verticale. La rupture, dit M. Mattei (l. c., p. 14), suit ordinairement la direction des fibres musculaires de la matrice et est le plus souveut verticale; mais le mode d'action de la cause prédisposante ou déterminante peut parfaitement faire varier cette direction.

Chez notre malade, la double rupture a dû commencer par le col et s'élever jusqu'au bas-fond de l'organe.

Il y a deux raisons qui démontrent cette marche :

1° Pendant le travail, dit M. Cazeaux, c'est vers le col ou la partie inférieure du corps, en général, plus aminci et moins soutenu, qu'on rencontre le plus souvent ces sortes de solutions de continuité. Tel est aussi l'avis de Robertson.

2o Si le corps se fût rompu le premier, l'enfant, au lieu de franchir la voie naturelle, qu'il a suivie, se serait engagé, au moins en partie, dans une crevasse et serait tombé, en totalité ou partiellement, dans la cavité abdominale.

C'est évidemment à cette marche des deux ruptures et à la position de l'accouchée qu'il faut attribuer que l'hémorrhagie s'est faite surtout au dehors, contrairement à ce qui a lieu ordinairement. Quoi qu'il en soit, je ne puis dire

si du sang, s'insinuant entre le péritoine et la matrice, n'est arrivé jusqu'à la duplicature des ligaments larges et de là dans le tissu cellulaire du bassin. La péritonite aiguë, que j'ai eu à combattre, pourrait, jusqu'à un certain point faire présumer que la séreuse abdominale a été déchirée et qu'un épanchement sanguin a eu lieu dans sa cavité, surtout dans la fosse iliaque droite, où j'ai craint quelque temps la formation d'un abcès. Guillemeau, dans ses OEuvres de chirurgie (Paris, 1612), rapporte l'observation d'une nouvelle accouchée, dont l'autopsie fit voir la matrice, rompue, éclatée et fendue du côté gauche (pour me servir des expressions de cet accoucheur), avec rupture des artères et des veines d'où était sortie beaucoup de sang répandu dans le bas-ventre.

C'est bien évidemment à la marche, telle que nous l'avons décrite, de la double rupture et à la position verticale de la patiente, dont les diamètres osseux étaient larges et les parties charnues peu résistantes, qu'il faut attribuer l'expulsion du fœtus.

La rupture utérine, dit un accoucheur distingué, n'est grave que par les conséquences fâcheuses dont elle est suivie (Cazeaux, l. c., p. 802).

Bien que nous sachions que les plaies à l'abri du contact de l'air guérissent promptement, cependant, cette proposition nous semble trop absolue. Nous pensons qu'en pareille circonstance le pronostic doit être basé, non pas sur une crevasse, considérée en général, mais aussi sur son siége et son étendue.

Quoique Mme T. soit parfaitement rétablie, nous ne pouvons croire qu'une double plaie, de l'étendue de celle qu'elle a offerte, n'ait point de gravité par elle-même.

Il résulte de ce que nous venons de dire sur le pronostic des ruptures de l'utérus pendant la parturition, que nous sommes en droit de répéter, avec M. Pigné (Gazette médicale de Paris, année 1835, p. 569), avec MM. Velpeau et Pajol (Gazette des hôpitaux, p. 31, année 1844), les déchirures de matrice sont au dernier point dangereuses lorsqu'elles se font pendant le travail de l'accouchement, et, avec un auteur plus récent: le pronostic des ruptures de la matrice est souvent mortel, presque toujours grave, rarement léger. Cette opinion se trouve confirmée par une statistique donnée par Ritter, à la page 605 de la Gazette médicale de Paris, année 1844. Sur 69 cas de ruptures de l'utérus, dit cet observateur, 17 femmes seulement ont été guéries; encore est il bon de faire observer qu'aucune de ces 17 accouchées n'a présenté une double et complète déchirure de l'étendue de celle de la femme T.

La mort, disent MM. Duparcque et P. Dubois, n'est que trop souvent la conséquence des ruptures de la matrice, elle résulte à la fois du trouble considérable produit dans le système nerveux par la lésion même et de l'hémorrhagie... Quand les malades ne succombent pas à ces accidents, d'autres dangers les menacent. En premier lieu il faut placer ici l'inflammation.

Examinons une question, dont la solution nous semble importante.
Aurait-on pu prévenir le terrible accident de Mme T.?

Malgré les symptômes, à l'aide desquels, suivant Crantz (De rupto in par

tibus doloribus a fœtu utero, Vienne, 1756) et Levret, on doit prévoir la rupture de l'utérus, nous admettons, avec Baudelocque, que cet accident peut se montrer, sans avoir été précédé d'aucun d'eux, comme, d'ailleurs, il est facile de s'en convaincre, en lisant les observations de déchirure de la matrice, publiées par différents auteurs.

Cependant, si l'on réfléchit à ces irritabilité et sensibilité excessives de la matrice de la dame T., pendant les six derniers mois de sa grossesse, lesquelles, si l'on en croit de nombreux accoucheurs, sont les causes premières des ruptures de l'utérus, l'on est porté à penser que si la dame T. eût consulté un docteur, celui-ci, sinon dans le but de prévenir l'accident qui est arrivé, parce qu'il n'y aurait probablement pas pensé, au moins pour soulager la patiente, aurait combattu, et presque certainement, avec succès, ce phénomène maladif, et, de la sorte, aurait peut-être empêché la formation de la rupture.

Il reste un dernier point, sur lequel nous voulons appeler l'attention : c'est la cure radicale et solide de ces énormes plaies, sans l'oblitération de la cavité utérine et, spécialement, de celle du col, dont les parois et les lèvres avaient été si maltraitées par la sage-femme.

L'on comprend ma grande surprise, lorsque j'ai connu la cinquième grossesse. L'on comprend aussi quelles durent être mes appréhensions. N'avais-je pas lieu de redouter, pendant le travail de la parturition, une nouvelle rupture, causée soit par la faiblesse de la cicatrice, soit, et en même temps, par l'oblitération et les callosités du col! Ne devais-je pas craindre que si cet accident se représentait, un nouveau miracle ou une guérison, heureuse comme la précédente, pourrait bien ne pas avoir lieu! Eh bien! on l'a vu, malgré mes justes et terribles appréhensions, la nouvelle grossesse n'a rien offert de particulier et s'est terminée par un accouchement facile et très-heureux.

Cette observation démontre combien sont grandes les ressources de la nature et qu'il ne faut pas toujours désespérer des cas les plus graves. Invenit natura sibi ipsi vias non excogitatione..... et cum nihil dedicerit facit quæ expediunt (Hippocrate, lib. VI, Epidem., sect. V, No 52). Cependant il ne faut point trop se fier à cette sentence, parce qu'elle entraîne l'immobilité de la science et que son application aveugle serait funeste dans bien des circonstances.

COMPTE-RENDU du service de CLINIQUE CHIRURGICALE DE M. le docteur Seutin, chirurgien en chef de l'hôpital Saint-Pierre, par M. le docteur TIRIFAHY, agrégé de la Faculté de médecine de Bruxelles.

La clinique chirurgicale de M. Seutin se divise en deux parties. L'une comprend les sujets qui sont traités dans les salles, l'autre ceux qui viennent réclamer des soins chirurgicaux à la consultation gratuite. Nous avons écarté de notre travail ces derniers au nombre d'environ quinze cents, parce que le plus souvent nous n'aurions pu en donner une histoire ni assez complète, ni assez

exacte. En effet, bien peu d'individus viennent se représenter après leur guérison, et en outre il n'est pas tenu d'observation détaillée de leurs maladies. Ceux au contraire qui sont admis à l'hôpital, y sont généralement soignés jusqu'à la fin de leurs affections, et nous avons toujours noté rigoureusement les symptômes qu'ils ont présentés. C'est donc de ces derniers que nous allons nous occuper exclusivement.

Depuis le 1er janvier jusqu'au 1er août 1860, cent quarante malades ont été traités dans les salles de M. Seutin. Voici comment se répartissent les diverses affections dont ils furent atteints :

Abcès et phlegmons.-Dix-huit malades ont été reçus à l'hôpital pour abcès ou phlegmons. Voici leur histoire en résumé :

1° W. C..., marbrier, âgé de dix-neuf ans, entre à l'hôpital le 24 mai. Il est atteint d'abcès du creux axillaire. A son entrée dans les salles, il n'offre plus de symptômes généraux. La fluctuation est sensible dans la plus grande partie de la région. Afin de donner un écoulement facile au pus et d'empêcher les fusées du côté de la poitrine, complication funeste qui n'est que trop fréquente, on pratiqua une large incision parallèle à l'axe du corps et se prolongeant même dans les parties saines des téguments de la poitrine. On introduisit une mèche pour empêcher la réunion immédiate des lèvres de la plaie et pour servir de conducteur au pus. On appliqua un coussin en avant du grand pectoral et un en arrière du grand dorsal. Une bande roulée les maintint immobiles en même temps que la compression qu'elle produisit, expulsa le pus à mesure qu'il s'élabora et rapprocha les parois de l'abcès. W... sortit guéri le 31 mai.

2o D. A..., sellier, âgé de vingt et un ans, entre à l'hôpital le 20 mars, atteint de phlegmon des bourses, caractérisé par de la rougeur, de la chaleur, du gonflement et de la fluctuation, phénomènes locaux qui sont accompagnés des symptômes febriles ordinaires à ce genre d'affection au début. Ce phlegmon fut combattu avec succès par l'incision, les onctions mercurielles, les pansements compressifs et la position élevée de l'organe. D... sort gueri le 30 mars.

5 V. J..., lampiste, âgé de dix-huit ans, est atteint d'abcès froid extra-ganglionnaire au cou. Une ponction faite avec la lancette laisse sortir environ 60 grammes de pus séreux. On injecte à plusieurs reprises de l'eau tiède dans l'abcès. On en froisse ensuite les parois pour y produire une hémorrhagie. Les caillots sont enlevés par des lavages répétés. Ces moyens joints à la compression. amenèrent sa cicatrisation par première intention.

4o C. M..., âgée de quinze ans, porte sur le sommet de la tête un abcès froid de la grosseur d'un œuf. Il est ouvert à l'endroit le plus élevé où la peau est amincie. La compression et un pansement simple sont appliqués plusieurs jours sans succès. Les injections irritantes ne réussissent pas davantage à produire la cicatrisation. Le pourtour de l'ouverture s'est gonflé et le pus élaboré chaque jour en assez grande abondance ne sort que difficilement. Dès lors une incision est faite sur toute l'étendue de l'abcès et une mèche couchée sur le fond maintient les lèvres écartées. Dès lors aussi apparaissent des bourgeons charnus

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