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rieure et flottante, ayant sa surface antérieure unie et celle postérieuré un peu inégale. En suivant ce corps, par sa face postérieure, jusqu'à sa partie supérieure, je le trouve adhérent par un pont de deux centimètres, à un autre corps, tout à fait symétrique, mais siégeant au-dessous de lui et présentant, en avant, sa surface inégale, et, en arrière, celle unie. Son extrémité inférieure, comme la précédente, est beaucoup moins large que la supérieure et présente, à son bord libre, de nombreuses déchirures et des lambeaux, flottants, de chair.

A l'aide de symptômes si caractéristiques et de ceux commémoratifs et rationnels, je ne puis qu'annoncer une double rupture verticale, de l'utérus, partageant cet organe, presque complétement, en deux parties égales ou moins une portion de deux centimètres environ; rupture qui s'est opérée subitement et spontanément, pendant un effort actif de la matrice ou pendant la seconde ou dernière douleur, si violente de l'accouchement.

Les deux corps dentelés, qui sont libres et flottants dans la partie supérieure du vagin, à cinq centimètres environ de l'orifice vulvaire et que la matrone, dans son erreur, a tiraillés et dilacérés avec ses doigts, ses ongles et la pince de Levret, croyant avoir affaire à des portions de placenta, restées adhérentes; ces deux corps, dis-je, sont constitués par les extrémités inférieures du corps et du col utérin, divisés en deux parties: l'une antérieure, l'autre posté rieure.

Ainsi, cette matrice, divisée transversalement, de bas en haut et presque complétement, représente assez bien les deux valves d'un coquillage, allongé, adhérentes l'une à l'autre, à leurs extrémités supérieures, par un petit pont.

Ayant expliqué et fait reconnaître à la matrone l'état des choses et lui avoir démontré l'inutilité et le danger de ses manœuvres, résultat de sa grave erreur, je fais appeler le plus proche de mes collègues. Après un examen attentif des parties, M. le docteur Thomassin est de mon avis sur tous les points de mon diagnostic.

Le lendemain matin (le neuvième jour après l'accouchement), je trouve la patiente atteinte d'une métro-péritonite aiguë, que je combats par des frictions mercurielles belladonisées et de légers cataplasmes émollients, sur le ventre; par le calomélas, à l'intérieur; par de petits lavements et des injections. Un moment je crains la formation d'un abcès dans la fosse iliaque droite.

Au bout de quinze jours, la malade, hors de danger, eu égard aux accidents abdominaux, est atteinte d'une phlegmasia alba dolens de tout le membre abdominal droit; laquelle, attaquée par des onctions mercurielles et des fomentations émollientes, principalement sur le trajet des principaux vaisseaux lymphatiques; par des boissons diurétiques et sudorifiques; et, plus tard, par une douce et graduelle compression, aidée de frictions de pommade iodurée et de fumigations aromatiques, finit par guérir complétement.

Est-il besoin d'ajouter que, pour réparer la constitution de cette femme, détériorée par la misère, un mauvais logement, des douleurs atroces, des hémorrhagies, des opérations inutiles, deux vastes plaies, une métro-péritonite

aiguë et une phlegmasia alba dolens, j'ai conseillé un régime substantiel, du vin généreux, une préparation ferrugineuse et une tisane amère.

L'enfant a été confié à une nourrice de village.

Deux mois après l'accouchement, la menstruation reparaît et suit un cours régulier pendant une année. A partir de cette époque, elle devient normale et persiste telle jusqu'à l'arrivée d'une nouvelle grossesse.

Celle-ci est aussi heureuse que possible, seulement pendant le dernier mois, pour combattre de grands maux de reins et de petites coliques, Mme T., suivant mon conseil, prend quelques grands bains, des lavements et garde le repos dans une position horizontale.

Le 3 mars 1860, après douze heures d'un travail, seulement douloureux. pendant la dernière heure, l'accouchement se termine facilement et heureu

sement.

La nouvelle sage-femme, instruite par moi de ce qui est arrivé lors du précédent accouchement, a eu grand soin de me faire savoir la marche de cette dernière parturition.

Le 11 mars, à la suite de la mort subite de son enfant, Mme T. accuse de la douleur dans le bas-ventre, la suppression des lochies et une grande fièvre.

Je conseille une application de six sangsues aux aines et de deux sinapismes aux jambes, des lavements émollients et une tisane de bourrache miellée, prise tiède.

Sous l'influence de ce traitement, le lendemain les purgations reparaissent et, avec elles, se montrent la cessation des autres accidents et le retour à la santé.

La matrice examinée attentivement, avec le doigt, n'indique rien d'extraordinaire pour celle d'une femme qui a mis au monde cinq enfants; seulement, à droite et à gauche du col, un peu calleux, on reconnaît une cicatrice un peu plus marquée que celle que l'on rencontre habituellement.

Réflexions. -La rupture de l'utérus pendant l'accouchement, dont les premières observations, si l'on en croit Sue, Portal et Mondière (Revue médicale française et étrangère, numéro de juillet 1836), sont dues à Benivieni, de Florence, n'est point commune, puisque Ch. Frizel, sur 2,484 accouchements, n'a rencontré que quatre ruptures, puisque Murat (voir la page 228 du tome XLIX du Dictionnaire des sciences médicales) dit que, sur 20,557 accouchements, faits à la Maternité de Paris, on n'y a observé qu'une seule fois cet accident; puisque M'Keever, sur 8,600 accouchements à l'hôpital de Dublin, a trouvé seulement vingt cas de ruptures de la matrice.

L'observation, que je viens de rapporter, me paraissant intéressante sous plusiurs points de vue et même si extraordinaire que je ne crains point d'affirmer qu'il est extrêmement difficile d'en rencontrer de semblables; et les recherches, que j'ai faites soit dans de nombreux auteurs de tocologie et des maladies de l'utérus, soit dans des journaux de médecine, m'ayant démontré qu'on n'a pas encore tout dit sur les ruptures de la matrice, je vais m'arrêter sur cette obser vation.

Tout d'abord, parlons du diagnostic, sur lequel nous ne sommes pas d'accord avec M. Depaul.

Il ne peut être douteux pour moi, au moins, d'après les symptômes nombreux et caractéristiques, que j'ai rencontrés.

Pendant le travail de l'enfantement, c'est-à-dire pendant la seconde douleur (l'on se rappelle qu'il n'y en a eu que deux, à une minute de distance), laquelle a été longue, extrême, atroce, telle que cette mère, à sa quatrième parturition, n'en avait point éprouvé une comparable, Mme T. ressent, dans son ventre, une sensation et un bruit particuliers (c'est Friedler qui, le premier, a signalé ce bruit), qui lui donnent l'idée d'une déchirure qui, partant du canal utéro-vaginal, s'élève avec une grande promptitude vers les reins, à droite et à gauche en même temps. Aussitôt l'enfant poussé par une force extraordinaire, n'étant plus retenu par la matrice, franchit, d'un bond, les détroits du bassin et les parties sexuelles, facilement dilatables, attendu les trois accouchements antérieurs et l'appauvrissement de la constitution, et tombe, la tête en bas, sur le plancher, en brisant le cordon ombilical. Cette brusque expulsion de l'enfant est suivie d'une hémorrhagie abondante, accompagnée d'anéantissement.

A l'ensemble de ces symptômes, qui ne reconnaîtrait, sinon une rupture effroyable, comme celle que nous venons de rapporter, au moins une déchirure du col et une rupture du corps de la matrice?

L'exploration attentive des parties pouvait seule fournir des signes certains, aussi l'ai-je faite, non pas avec un doigt, mais avec la main tout entière, introduite dans le vagin, et, cela, dans les circonstances extraordinaires que j'ai indiquées. On a vu tous les symptômes que j'ai rencontrés et qui alors seulement furent aussi admis par la matrone, stupéfaite de sa grande bévue et par un ancien collègue, qui examina la patiente, sans être prévenu des accidents qu'il devait

trouver.

M. Depaul, malgré tous les symptômes commémoratifs et rationnels que j'ai rapportés, et malgré les signes physiques que j'ai rencontrés et qu'un mien confrère, non prévenu, a reconnus; M. Depaul, dis-je, n'admet qu'une double déchirure du col. Quoique reconnaissant le profond savoir et la vaste expérience de cet accoucheur, je persiste dans mon opinion.

A quelles causes faut-il attribuer cette double rupture de l'utérus et la double déchirure du col?

Si la longueur du travail, toutes choses égales d'ailleurs, comme le dit M. Mattei (Thèse de concours, Paris, 1860, p. 39), s'appuyant, pour soutenir son opinion, principalement sur une statistique donnée par Simpson (Obstetric. Work) et sur une autre fournie par Synclair (Pratical med. Vitry, p. 429, London, 1858); si, dis-je, la longueur du travail de l'enfantement, toutes choses égales d'ailleurs, est une des causes puissantes de la rupture de la matrice; certes, dans le cas présent, cette cause ne peut être invoquée. En effet, nous avons vu que, après une demi-heure, au plus, de légers maux de reins et coliques, la dame T. n'a eu que deux douleurs, qui se succédèrent à une minute

de distance. Mais aussi quelle ne fut pas leur intensité, surtout celle de la dernière!

Par suite de cette brièveté de travail, l'utérus, surpris, n'a pas eu le temps de s'affaiblir et de diminuer d'épaisseur, soit dans toute l'étendue de ses parois, soit sur ses côtés.

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L'on sait que Baudelocque prétendait qu'à la suite d'un travail fort long, ⚫ où des obstacles s'opposent à l'accouchement, le tissu de l'utérus s'affaiblit en quelque lieu et notoirement aux endroits qui répondent aux parties anguleuses de l'enfant, et tôt ou tard, ces endroits se déchirent. Cette explication qui peut convenir dans certains cas, ainsi que le prouve l'observation de MM. Gendrin et Spadini, rapportée à la page 73 de la Gazette médicale de Paris, année 1859; cette explication, dis-je, ne s'applique pas au cas actuel. Deneux, dans son mémoire Sur les propriétés de la matrice (voir le cahier d'avril de l'an 1818 du Recueil périodique de la Société de médecine de Paris), a dit que l'extensibilité de l'utérus est toujours en raison inverse de l'irritabilité de l'organe. Tout le monde sait aussi que cette extensibilité est, en général, plus grande chez les femmes blondes, d'un tempérament lymphatique et surtout quand il y a inertie.

Cette étiologie des ruptures de la matrice n'est point applicable au cas présent. En effet, l'extensibilité, si elle a eu lieu, a dû être très-faible, puisqu'il y a eu de très-énergiques douleurs, causées par l'excessive irritabilité de l'organe. Chez la femme T., qui en était à son quatrième accouchement, les trois autres ayant été faciles et heureux, il n'y avait point, s'opposant à la sortie de l'enfant, d'obstacle invincible, comme je l'ai vu maintes fois et, en particulier, sur deux femmes qui ont subi l'opération césarienne abdominale et dont j'ai publié les observations, dans le Journal de la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles, année 1848. Il n'y avait point non plus d'obstacle capable d'être peu à peu surmonté sous l'influence des contractions utérines seules ou réunies aux efforts de la mère. Celle-ci ne présentait point une étroitesse des parties charnues, soit accidentelle ou naturelle, soit fictive eu égard au volume de l'enfant, c'est-à-dire relative ou absolue.

Le col de la matrice ne présentait pas d'altération chronique; mais était-il oblitéré, comme dans l'observation, que M. Depaul rapporte dans un excellent mémoire, publié en juin dernier, dans le Moniteur des sciences; comme dans une autre, qui est rapportée à la page 217 du tome II de la deuxième édition du Traité des accouchements de M. Velpeau; dans une publiée par J. Hatin, dans son Traité des accouchements, 2e édition, p. 202; dans une, insérée par M. Galopin à la page 714 de la Gazette médicale de Paris, année 1858 (1).

Il n'y avait point non plus de dégénérescence cancéreuse, comme je l'ai observé sur une limonadière de Lunéville, ni tuberculeuse de l'utérus. Henri Cooper a

(1) M. Sauvé a publié, en 1855, dans la Revue thérapeutique du Midi, une étude trèsbien faite sur ce point de dystocie.

rapporté, en 1859, dans British medical Journal, l'autopsie d'une femme, morte en couches, qui fit voir une rupture du bas-fond de l'utérus, reconnaissant pour cause prédisposante une dégénérescence tuberculeuse de cette partie de l'organe. Les trois accouchements antérieurs de la dame T., et le cinquième si facile et heureux, la prompte et solide guérison des déchirures, arrivée pendant la quatrième parturition, démontrent clairement cette absence de dégé

nérescence.

Il n'y avait point non plus de gangrène, comme Weiss en a publié un exemple, en 1838, à la page 625 de la Gazette médicale de Paris.

Faut-il attribuer cette double rupture à une disposition particulière de l'organe? Mais ce n'est point résoudre le problème que d'admettre pareil raisonnement, à moins que cette disposition ne consiste en un ramollissement.

D'après la marche de l'accident, on ne peut penser à une position vicieuse de la matrice.

L'on ne saurait accuser des manœuvres ou des applications d'instruments, comme Mauriceau, Peu, Portal, La Motte, Bartholing, Barting, MM. Duparcque, Velpeau, Pereira et Lasserre en rapportent des exemples et comme on en voit un remarquable à la page 299 de la Gazette des hôpitaux de Paris, année 1845, puisqu'il n'y en a pas eu de faites dans cet accouchement et les trois précédents. Mme T., pendant le cours de sa grossesse, n'a point reçu de coups, ni pas fait de chute, ni de gros ouvrages, ni de violents efforts.

Dans notre observation, la simple distension de l'utérus, par le développement de son contenu, n'a point produit la rupture. D'ailleurs, cette étiologie, admise par Naaldenberg, est niée par M. Duparcque.

Je ne puis aussi admettre l'opinion, purement théorique, de quelques accoucheurs, qui prétendent : les uns (Skendein, Hildanus, Deleurye, Levret, Piet, Sédillot (page 417 du tome III du Recueil périodique de la Société de médecine de Paris), que des mouvements brusques de l'enfant peuvent amener la rupture; les autres, Baudelocque, par exemple, que certaines positions du fœtus sont cause de cet accident. Je n'admets point aussi l'opinion de certains auteurs (M'Keever et Clarke), suivant laquelle le sexe de l'enfant a une grande influence sur la production de cet accident.

Aucune de ces causes de la rupture de l'utérus pendant l'accouchement, que nous venons d'énumérer, ne pouvant s'appliquer au cas présent, nous devons donc chercher ailleurs pour nous rendre compte de l'accident de notre malade.

Dans le fait que nous venons de rapporter, la matrice a été entièrement active, ou l'utérus a été, lui-même, la cause active de sa rupture: c'est pendant une douleur de longue durée et angoissante que la rupture s'est opérée.

Si l'on conçoit difficilement, dit M. P. Dubois (Répert. des sciences médic., t. XXX, p. 321), la rupture de l'utérus par le fait seul de la contraction utérine avant l'ouverture des membranes, alors que le développement régulier de l'organe et la résistance égale de ses parois laissent peu de prise à une portion de la couche musculaire sur telle ou telle autre portion de cette même couche, il n'en

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