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tion par la diète et l'émétique. On applique un nouvel appareil avec attelles latérales et postérieures en zinc garnies de coussins d'étoupe. On y fait trois ouvertures en face des ouvertures des téguments. Après quelques jours le blessé se retrouva dans de bonnes conditions. L'abcès formé en dernier lieu et celui de la malléole interne ne tardèrent pas à se cicatriser. La malléole tibiale se consolida sans difformité; mais à l'extrémité inférieure du péroné il restait toujours un trajet fistuleux. Voulant s'assurer si la cause de cette fistule ne résidait pas dans la présence de quelque séquestre, M. Seutin introduisit, le 27 août, un stylet jusque dans l'articulation tibio-astragalienne. Cet instrument arriva directement sur une pièce osseuse mobile qui fut aussitôt extraite par le davier droit. C'était la portion d'astragale dont il a été question et qui comprenait le quart externe de la surface articulaire supérieure de cet os, toute la portion articulaire qui correspond au péroné et la surface articulaire calcanéenne antérieure. Après cette extraction la fistule tarit et se cicatrisa. Le malade était sur le point de sortir en conservant une semi-ankylose du pied, lorsqu'il fit une chute dans les premiers jours d'octobre. Cet accident ramena un peu d'inflammation, mais n'empêchera pas la guérison d'ètre complète.

Bien que le sujet ait été soumis à des accidents inflammatoires répétés; bien qu'il ait été exposé à des dangers plus redoutables encore du fait de la communication de l'article avec l'air extérieur; bien qu'il ait dû subir un traitement de longue durée, nous pensons toutefois que peu de chirurgiens blâmeront l'idée de conservation qui a toujours dominé dans le traitement de ce malade. Serait-ce donc acheter trop cher la conservation d'un pied lorsqu'une portion de membre aussi importante et aussi utile n'aura coûté que quelques ouvertures d'abcès et un séjour de quelques mois à l'hôpital? La réponse à cette question n'est pas douteuse, surtout si l'on réfléchit que la désarticulation du pied ou l'amputation sus-malléolaire sont loin d'être des opérations innocentes et guérissant en quelques jours et que, au point de vue de la marche, un pied de chair et d'os, tel que celui du pompier M..., peut toujours soutenir un parallèle avantageux avec la prosaïque jambe de bois ou l'ingénieux appareil articulé de M. Martin.

On dira peut-être que c'est par hasard qu'on a pu sauver un blessé dont une articulation de l'étendue de celle du pied a longtemps offert accès à l'air extérieur; mais les plaies pénétrantes articulaires ne sont plus aussi funestes depuis qu'on a mis en usage pour les traiter l'immobilité et la compression unies aux injections détersives: M. Velpeau a démontré que l'action de l'air sur les articulations ouvertes ne devient nuisible que parce que cet agent corrompt les liquides qu'elles contiennent, liquides qui, ainsi altérés, acquièrent un pouvoir irritant extrême et causent par leur séjour prolongé les accidents dont on avait autrefois méconnu la cause, en l'attribuant à l'action de l'air sur la synoviale. Or, la compression qui chasse les liquides à mesure qu'ils se sécrè tent, les injections détersives qui en expulsent jusqu'aux dernières gouttes, ont réussi à prévenir les accidents qui se développaient si souvent autrefois à la

suite des plaies pénétrantes des articulations. Ce n'est, du reste, pas le seul cas d'ouverture de l'article du pied que nous savons avoir été guéri par cette méthode combinée avec les soins multipliés dont la chirurgie moderne sait entourer un malade, mais ce n'est pas ici le lieu de parler de ces curieuses observations.

66o C... B..., fondeur, âgé de soixante-six ans, entre à l'hôpital le 15 mai. Il y a trois jours qu'il est tombé directement sur le sol du haut d'un premier étage. Il est résulté de cette chute une fracture des deux malléoles droites, caractérisée par les symptômes suivants : Douleur vive tout autour de l'articulation tibio-tarsienne; gonflement énorme de cette région et du dos du pied; mobilité anormale et exagérée du pied en dedans et en dehors, en avant et en arrière: on peut porter cet organe dans tous les sens en lui faisant subir un mouvement de glissement sur la jambe; mobilité anormale des malléoles; crépitation à leur point d'union avec les diaphyses tibiale et péronière; lorsque le pied n'est pas soutenu, il tombe par son propre poids, le talon se rapproche du mollet et le tendon d'Achille se met dans le relâchement; il se forme au-dessus des malléoles un angle ouvert en arrière; les symptómes opposés apparaissent lorsqu'on soulève le pied sans soutenir la jambe. On réduit la fracture et l'on maintient le membre dans sa position normale au moyen d'un bandage amidonné. Le sujet sort le 19 juillet en conservant les mouvements normaux de l'articulation tibio-astragalienne.

67° V... J.-B., domestique, âgé de trente-deux ans, entre à l'hôpital le 13 juin. Une pesante barre de fer lui est tombée obliquement sur la jambe et lui a causé une fracture compliquée présentant les symptômes suivants : sensation de craquement perçue par le blessé à la partie moyenne de la jambe au moment de l'accident; douleur consécutive permanente, augmentant par le moindre mouvement; marche impossible; gonflement peu prononcé; déplacement du fragment inférieur du tibia en avant; mobilité anormale en masse de la portion inférieure de la jambe que l'on peut faire aller en tous sens; crépitation; plaie oblique de haut en bas et de dehors en dedans partant de la crête du tibia et mesurant environ huit centimètres; hémorrhagie en nappe prove. nant sans doute de la section de la saphène interne. On réduit la fracture, on fait par occlusion le pansement de la plaie et l'on applique un bandage amidonné. La jambe est mise dans une position déclive, le pied élevé. Le lendemain le bandage est imprégné de sang, mais comme l'appareil tend à se sécher, que l'individu ne souffre pas et se trouve dans de bonnes conditions, on n'ouvre pas le bandage pour ne pas reproduire l'hémorrhagie. Il est ouvert après trois jours. La suppuration commence à apparaître. La plaie est lavée à l'eau. tiède. On pratique une fenêtre à son niveau pour pouvoir la surveiller et renouveler le pansement en temps convenable. Une bande roulée rend l'immobilité au membre. Rien de particulier ne survient jusqu'au 13 juillet, époque à laquelle le malade, presque guéri, demande à sortir de l'hôpital pour se faire soigner à domicile. Nous avons appris par la suite que la guérison était complète et sans claudication.

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68° V... N..., ouvrier de fabrique, àgé de quarante-trois ans, entre à l'hôpital le 11 juillet. Il a eu la jambe prise entre deux cylindres en mouvement. Le pied et le tiers inférieur de la jambe ont été separés du reste du membre. Par un effort violent il put empêcher sa jambe de s'engager entre les agents qui la broyaient. Une hémorrhagie abondante se produisit aussitôt et quand le chirurgien appelé sur le théâtre de l'accident parvint à l'arrêter, l'individu était en syncope. Transporté sur-le-champ à l'hôpital, il était glacé à son arrivée. Les chairs broyées pendaient en lambeaux. Le tibia et le péroné étaient fracturés comminutivement dans leur tiers moyen. La peau du tiers moyen de la jambe était exempte de lésion apparente. Elle avait conservé sa sensibilité. Elle adhérait à l'aponévrose jambière dans toute son étendue, ce qui fut démontré pendant qu'on pratiqua l'amputation. Par sa face profonde l'aponévrose était détachée des muscles jusqu'à mi-jambe. Au tiers supérieur la peau, l'aponévrose, les muscles et les os ont conservé leurs adhérences normales. Le malade est placé dans son lit. Il boit cent cinquante grammes de vin chaud. Dès qu'il est ranimé, on le met sous l'influence du chloroforme et l'amputation est faite au lieu d'élection par la méthode circulaire. Cette opération, on le comprend, ne se fit pas sans une nouvelle perte de sang. On réunit la peau au moyen de quelques points de suture, on appliqua le pansement ordinaire contentif et l'on administra du bouillon à l'opéré et une potion calmante où il entrait dix centigrammes d'extrait d'opium. Malgré ce médicament le malade ne dormit pas. Le matin il était agité. Le moignon était très-douloureux. Désireux d'apprendre si aucune pièce du pansement ne causait cette douleur exagérée, le chirurgien en chef fit ouvrir l'appareil. Le moignon était un peu gonflé et très-sensible. On ôte les points de suture. On entoure le membre d'une forte couche d'ouate et d'un bandage amidonné contentif. On donne au patient de forts bouillons et cinq centigrammes d'extrait d'opium. Vers quatre heures de relevée, il survient un délire aigu violent. Le malade veut sortir de son lit. Il se livre à l'onanisme avec fureur. On le contient au moyen de la camisole; on fixe la jambe dans l'immobilité la plus complète. On prescrit cinq centigrammes d'extrait d'opium d'heure en heure. L'opéré en prend quarante centigrammes avant de dormir. A partir de minuit jusqu'à huit heures du matin le sommeil est calme et profond. Le malade reste toute la journée du 13 sous l'influence du narcotique. On l'éveille à trois reprises pour lui faire prendre chaque fois un bouillon, un œuf et cent vingt grammes de vin. Vers le soir les douleurs se réveillèrent dans le membre amputé. Le pansement fut enlevé. La gangrène avait envahi la peau du moignon. Celui-ci était noir et fétide. Tout le corps était froid, pâle et couvert d'une sueur visqueuse. Le pouls était misérable. On entoure la cuisse d'ouate. On place des cruchons d'eau chaude dans le lit. L'opéré prend de temps en temps quelques cuillerées de vin chaud. La nuit se passe dans l'agitation et l'insomnie. Le 14, à six heures du matin, la gangrène a envahi le membre tout entier, la fesse, la paroi abdominale du côté lésé jusqu'à la région du flanc, bien qu'aucune violence n'ait porté de ce côté. La mort arrive à huit heures et demie.

Cette terminaison malheureuse et la gangrène qui l'a précédée doivent être attribuées, pensons-nous, à la perte trop abondante de sang que subit le blessé. S'il en est ainsi, n'aurait-il pas eu plus de chance de survivre si à l'hémorrhagie qui suivit immédiatement l'accident, on n'avait pas ajouté celle qui accompagne nécessairement l'amputation, en d'autres termes, si l'on avait abandonné les choses à la nature après avoir fait un pansement unissant? On dira peut-être qu'on avait, dès lors, une plaie irrégulière, des esquilles, des dangers à redouter, un moignon difforme, etc. Mais il n'est pas prouvé que la suppuration n'aurait pas régularisé cette plaie; que les esquilles ne se seraient pas soudées entre elles ou transformées en séquestres faciles à extraire; que les dangers de l'expectation n'auraient pas été moins cruels que l'amputation. Quant à la difformité du moignon, on aurait peut-être pu l'éviter. La peau et les muscles dépassaient les os. Et d'ailleurs que peut faire la forme d'un moignon situé à mi-jambe, puisque le sujet est destiné à marcher sur un pilon fixé au genou? Si la vie des blessés ne devait s'acheter qu'au prix d'un moignon difforme, qui ne préférerait un tel résultat aux éventualités que laisse après lui un moignon élégamment taillé ? (La suite au prochain No.)

II. REVUE ANALYTIQUE ET CRITIQUE.

Médecine et Chirurgie.

REMARQUES CLINiques sur l'urémIE, par M. le professeur JAKSCH.- Les observations de M. Jaksch sur l'urémie consécutive à la maladie de Bright ne renferment pas de données nouvelles, mais on trouve dans son travail des aperçus intéressants sur les accidents qui résultent de la stagnation et de la résorption de l'urine décomposée. M. Jaksch désigne par le mot ammonićmie l'altération de sang produite par cette résorption, parce que l'élément le mieux connu de l'urine en voie de décomposition, c'est le carbonate d'ammoniaque, fourni par l'urée. Il a observé l'ammoniémie : 1° à la suite de torpeur et de paralysie de la vessie; 2o dans des cas d'imperméabilité des uretères; 3° comme conséquence de diverses affections des reins (suppuration, tubercules, hydronéphrose).

Voici en quels termes M. Jaksch caractérise les accidents d'ammoniémie et les différencie des accidents urémiques propres à la maladie de Bright.

L'urine évacuée spontanément ou par le cathétérisme, dans les cas d'ammoniémie, présente, au moment même de son évacuation, une odeur ammoniacale péné

trante, preuve péremptoire de sa décomposition dans l'intérieur des voies urinaires. Rien de semblable dans l'urémie, suite de maladie de Bright.

L'ammoniémie ne s'accompagne pas d'accidents hydropiques que sa marche soit aiguë et fébrile, ou chronique et apyrétique.

Les sujets chez lesquels l'ammoniémie est très-prononcée présentent presque constamment une sécheresse remarquable, et un état lisse particulier de la muqueuse buccale et de l'arrière-gorge. Il semblerait que ces parties ne conservent pas un atome d'humidité, et cette sécheresse persiste d'une manière très-opiniâtre. Elle se propage quelquefois jusqu'à la muqueuse des fosses nasales et à la conjonctive, et peut-être aussi à la muqueuse laryngée; ce serait là la cause de l'enrouement et de l'aphonic que l'on remarque chez un certain nombre de sujets affectés d'ammoniémie à un degré avancé. Ces accidents sont complétement étrangers à l'urémie consécutive à la maladie de Bright.

Lorsqu'on découvre un malade affecté d'ammoniémie chronique et avancée, il

exhale une odeur ammoniacale intense, évidente, qui est également très-frappante dans l'air expiré par le malade. Ce dégagement manifeste et assez abondant d`ammoniaque n'appartient pas à l'urémie albuminurique. M. Jaksch cite à ce propos un malade qui mourut d'albuminurie chronique et qui resta plusieurs jours avant sa mort sans sécréter une goutte d'urine; il était plongé dans le coma pendant les trois derniers jours de sa vie. Chez ce malade, on ne put constater, soit par l'odeur, soit à l'aide d'un papier de tournesol, que des traces à peine perceptibles d'ammoniaque dans l'air expiré.

Tous les malades affectés d'ammoniémie avaient un dégoût insurmontable pour les viandes, et notamment pour les viandes noires, alors même que l'affection n'était pas très-avancée. Dans les cas d'urémie suite d'albuminurie, c'est tout le contraire que l'on observe.

M. Jaksch n'a jamais observé dans l'urémie les frissons violents, intermittents, qui accompagnent parfois l'ammoniémie et simulent assez exactement des accès de fièvre intermittente. Jamais, par contre, il n'a vu, dans l'ammoniémie, des attaques convulsives, épileptiformes, ni des exsudations croupales ou diphthéritiques sur les muqueuses buccales, pharyngée ou respiratoire, sur les membranes séreuses ou à la peau. Sans conclure dès lors que ces accidents n'accompagnent jamais l'ammoniémie, il faut au moins admettre qu'ils en sont des complications extrêmement rares. L'ammoniémie ne paraît pas donner lieu non plus aux mêmes accidents du côté des yeux que la maladie de Bright.

L'ammoniémie chronique s'accompagne constamment d'une coloration terreuse de la peau et d'un amaigrissement progressif, qui porte principalement sur le tissu adipeux et les muscles. Dans l'ammoniémie très-intense et aiguë, la face présente unc altération remarquable des traits, et les malades sont atteints d'une faiblesse musculaire voisine d'un état paralytique. Dans ces cas, on observe également comme symptome constant les vomissements, assez souvent accompagnés ou suivis de diarrhée, tandis qu'on ne les rencontre que fort exceptionnellement dans l'ammoniémie chronique.

Dans tous les cas terminés par la mort, M. Jaksch a vu la terminaison fatale précédée de coma pendant plusieurs heures ou plusieurs jours.

L'ammoniémie peut se manifester avec une marche essentiellement aiguë, guérir en peu de jours sous l'influence d'un trai

tement convenable, ou se terminer par la mort dans un délai très-court, deux à six jours par exemple. Dans ces cas, des vomissements violents plus ou moins répétés marquent le début de la maladie. Viennent ensuite, dans les cas défavorables, des mouvements febriles, la perte rapide des forces et le coma. L'ammoniémie chronique peut se prolonger pendant plusieurs semaines, plusieurs mois, et même pendant des années; après des alternatives d'aggravation et d'amélioration, elle peut encore guérir, même quand elle existe depuis rès-longtemps, à la condition que l'on en reconnaisse la cause en temps opportun, et qu'il soit possible de l'éloigner.

Il arrive assez souvent que l'ammoniémie passe inaperçue ou donne lieu à des erreurs de diagnostic graves, parce que les malades cachent au médecin des affections qui peuvent occasionner la rétention et la décomposition de l'urine, ou parce que ces affections ne sont pas reconnues par toute autre raison. Dans ces cas, les accidents fébriles peuvent simuler une fièvre typhoïde s'ils sont continus, ou une fièvre intermittente s'ils se produisent sous forme d'accès. Il n'est pas rare non plus de voir prendre l'ammoniémie pour un catarrhe stomacal ou intestinal. Dans tous ces cas, il est généralement facile d'éviter l'erreur en procédant à un examen méthodique des organes urinaires.

(Vierteljahr. für die prakt. Heilk. et Gaz. hebdom. de médec. et de chir., No 52.)

Sur le goître eXOPHTHALMIQUE. (Clinique de M. Trousseau). Au commencement de novembre dernier, une femme de Bagnolet, âgée de vingt-quatre ans, fut admise dans les salles de M. Trousseau pour la singulière maladie que ce professeur désigne sons le nom de goître exophthalmique.

Bagnolet n'est point un pays de goitreux. La malade dont il s'agit est devenue mère, mais son cou n'avait pas augmenté de volume pendant sa grossesse. Elle a cu des chagrins domestiques, et à la suite d'émotions très-vives elle a ressenti de violentes palpitations de cœur. Son regard a pris un aspect étrange; ses voisines lui disaient qu'elle avait les yeux drôles : ils étaient saillants, brillants et mobiles; la vue était plus courte et confuse. Puis son cou a grossi et elle s'en est aperçue à la difficulté croissante qu'elle éprouvait à attacher son col. Ajoutons que ses règles s'étaient arrêtées et qu'elle avait un appétit tel qu'elle mangeait quatre livres de

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