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piqûre occasionne sont plus propres à activer l'afflux sanguin vers la région lésée qu'à le modérer, à développer l'inflammation qu'à la prévenir, surtout que, comme nous l'avons vu, toutes les lésions de l'entorse et tous les symptômes qui en dérivent, tels que distension et déchirure des ligaments, du tissu fibreux, des nerfs et des vaisseaux péri-articulaires, douleur et épanchement sanguin, toutes ces lésions et tous ces symptômes persistent après l'application des sangsues. Doit-on s'étonner, s'il en est ainsi, qu'autrefois on ait eu tant de tumeurs blanches à traiter dans l'articulation du pied? Doit-on s'étonner qu'on ait dû tant de fois s'armer du couteau pour conserver la vie des sujets qui en étaient atteints? Non, mais ce qui doit étonner c'est que les sangsues, remède dispendieux, inutile, dangereux même, ne soient pas encore complétement abandonnées, qu'elles soient même encore quelquefois préférées à la méthode amovo-inamovible qui, dans les cas d'entorse, a rendu des services immenses à l'humanité. En effet, par l'immobilité et la contention, la douleur s'enlève comme par enchantement, et les organes déchirés sont dans les conditions les plus favorables à leur réunion; par la compression et la position déclive du membre de son extrémité à sa racine, l'épanchement sanguin est disséminé sur une large surface et mis en rapport avec une infinité de vaisseaux qui le reprennent; le sang ne peut affluer en grande quantité et l'inflammation ne peut se développer. La guérison radicale s'obtient ainsi par le sacrifice de huit à dix jours, d'un peu de vieux linge et d'amidon. Est-ce payer trop cher la cure d'une affection dont les conséquences peuvent être si fatales?

Fistules anales. 55-56°.-Deux malades qui s'étaient présentés à la chirurgie pour étre traités de fistules anales, furent renvoyés à la clinique interne pour y être soignés de la tuberculose pulmonaire confirmée dont ils étaient atteints. Fractures.-26 fractures ont été admises dans le service. En voici l'histoire: 57o. C... F..., manœuvre de maçon, âgé de 48 ans, entre à l'hôpital le 22 mai. Un seuil en pierre bleue est tombé sur son gros orteil. La première phalange offre une fracture comminutive dont on ne peut préciser le nombre des fragments. Une plaie dorsale et une plaie plantaire laissent arriver facilement le doigt au milieu du foyer de la fracture. On n'y sent pas de corps étrangers. Les chairs sont fortement meurtries. Les bords des plaies sont contus et déchiquetés. Un caillot peu volumineux s'est interposé entre les lèvres des solutions de continuité. Ce caillot est enlevé au moyen d'un lavage à grande eau. Aucune esquille n'est extraite. Les lèvres des plaies sont rapprochées à l'aide d'une bande roulée qui contient les parties molles et les fragments osseux. Une attelle en zinc renforce ce pansement. Le blessé est couché dans son lit. Le pied est maintenu élevé sur un coussin placé sur le dos d'une chaise renversée. Des lotions d'eau froide sont appliquées d'une manière permanente loco dolenti. Ces moyens ont pour but d'empêcher une trop forte inflammation. Au bout de quelques jours la plaie suppure et se cicatrice ensuite peu à peu. Aucun séquestre n'est éliminé. Le sujet sort de l'hôpital le 16 juillet. L'articulation métatarso-phalangienne a conservé ses mouvements, mais celle des phalanges

entre elles paraît ankylosée, ce qui d'ailleurs ne gêne pas la fonction de la marche.

58°. M... J..., voiturier, âgé de 25 ans, entre à l'hôpital le 25 avril. La roue de sa charrette pesamment chargée lui a passé sur les deux premiers orteils et en a écrasé les phalangettes. Les ongles sont enlevés, les chairs meurtries et les os broyés. Aucune esquille n'est extraite. Les parties molles sont rapprochées au moyen d'un pansement unissant. Les orteils sont maintenus dans l'immobilité au moyen d'une attelle en zinc. De l'eau froide est appliquée loco dolenti jusqu'au 19 mai, époque à laquelle le blessé exige sa sortie. Les plaies n'étaient pas encore cicatrisées alors, mais elles furent pansées à la consultation gratuite jusqu'à guérison complète. Les ongles ne se sont pas reproduits, mais les phalanges se sont bien consolidées et les orteils ont conservé leur longueur.

59. K... E..., tourneur en cuivre, âgé de 15 ans, entre à l'hôpital le 20 juin. Il a eu l'indicateur et le médius pris dans un engrenage. L'extrémité de la phalangette de l'index est dénudée. La phalangette du médius est fracturée et il y a une plaie contuse du bout de ce doigt. On rapproche le plus possible les lambeaux des partics molles. On maintient les doigts dans l'immobilité au moyen d'une attelle en zinc et l'on applique l'eau froide sur la partie lésée. Le 20 juillet, la phalangette nécrosée de l'indicateur tombe. Le sujet sort le 30 du même mois. Un moignon d'une longueur d'un centimètre environ est conservé au bout de l'index. Il se formera peut-être un nouvel os, comme cela se voit souvent à la suite des panaris profonds où la troisième phalange est extraite en abandonnant son périoste dans les chairs. Le médius n'est que peu raccourci. La plalangette est consolidée.

Voilà trois exemples de chirurgie conservatrice dont on ne recusera certes pas l'utilité. On a conservé aux blessés tout ce que la nature surveillée et aidée par la chirurgie a voulu conserver. Les malades n'ont couru aucun danger, avantage qu'ils n'auraient peut-être pas eu, si l'instrument tranchant leur avait enlevé ce que de prime abord on désespérait de sauver, car pour une seule désarticulation du gros orteil que j'ai vue, une violente inflammation s'est dé clarée le long des gaines tendineuses, et le sujet a eu une résorption purulente. Il n'y a qu'un reproche qu'on puisse faire à la chirurgie conservatrice en cette circonstance, c'est la durée du traitement. Mais d'abord une amputation qui ne guérit pas par première intention, comme c'est la règle, dure aussi quelque temps. Ensuite que peut être le sacrifice d'un mois à six semaines, comparé à l'avantage de ne pas être privé pour toujours de la moitié d'un ou de plusieurs doigts, d'un ou de plusieurs orteils? Quel est l'homme qui voudrait ainsi se faire mutiler pour le reste de sa vie, en mettant peut-être plusieurs semaines à se guérir, fût-ce même sans danger, ce qui est très-problématique, attendu qu'une amputation est toujours dangereuse, lorsque par le sacrifice de quelques jours, il se conservera tel ou à peu près tel que la nature l'a fait. Si l'on devait toujours amputer à Bruxelles pour des plaies par écrasement avec fracture des

doigts, on amputerait presque tous les jours. Car combien souvent l'élève de garde ne voit-il pas arriver dans les hôpitaux des enfants qui ont eu les doigts pris entre les pièces de fer qui surmontent les trappes des égoûts, entre des portes, sous des pierres, etc.; combien de fois n'est-il pas appelé pour panser des ouvriers dont les extrémités digitales ont été surprises par un engrenage, écrasées par un coup de marteau ou tout autre agent contondant. Jamais dans ces cas il ne se fait d'amputation. Si les parties lésées doivent être retranchées, on attend que la nature les fasse tomber dans le pansement. Par une telle conduite que de doigts ont été conservés, dont on avait désespéré d'abord! Mais la beauté du moignon ? dira-t-on. Nous pouvons assurer qu'aux doigts, les moiguons que nous avons vu faire par la nature, pendant près de cinq ans qu'a duré notre séjour dans les hôpitaux, ne laissent rien à désirer aux chirurgiens les plus difficiles.

60° C... P..., voiturier, âgé de trente-deux ans, entre à l'hôpital le 20 avril. La roue d'une voiture lourdement chargée lui a passé sur le pied. Les quatre premiers métatarsiens sont fracturés sans que les téguments aient éprouvé de solution de continuité. Un épanchement sanguin abondant s'est produit au niveau de la fracture. Un bandage amidonné est appliqué. Le pied est mis dans une bonne position. Ces deux moyens facilitent la résorption des liquides épanchés. Sur la demande du malade, comme tout danger semblait avoir disparu, le billet de sortie est signé le 26 avril. Aucune complication consécutive n'est

survenue.

61° et 62° L... H..., charpentier, âgé de quarante-quatre ans et J... G..., bottier, âgé de dix-sept ans, offrent chacun un spécimen de fracture du péroné dont le siége est au-dessus de la malléole et dont la cause a été un faux pas. Au bout d'un mois de traitement, ces hommes retournent dans leur domicile.

63° M... J.-B..., manœuvre, âgé de dix-huit ans, entre à l'hôpital le 25 juin. Il est tombé d'un second étage sur le sol, et dans sa chute il s'est fracturé le tibia à la partie moyenne. Cette fracture, traitée par le bandage amidonné, n'a rien présenté de particulier. Le sujet est sorti le 6 août.

64° L... P..., ferblantier, âgé de soixante et un ans, entre à l'hôpital le 15 mai. Il a été renversé par une charrette dont la roue lui a passé sur la jambe et lui a fracturé le tibia. Douleur, gonflement considérable, fluctuation au niveau de la fracture, déformation du membre le long de la crête tibiale, déplacement en avant du fragment inférieur, mobilité anormale, marche impossible, crépitation, tels sont les symptômes de la lésion. En outre, la peau qui recouvre le foyer de l'épanchement est excoriée et mince. Un massage léger et prolongé au niveau de cet épanchement refoule dans les mailles du tissu cellulaire voisin le sang extravasé. Un bandage amidonné rembourré d'ouate est appliqué. Comme la poche sanguine se trouve sur la face interne du tibia et que la peau est lésée, on évite de faire porter l'attelle sur ce point. La jambe est mise dans une bonne position. Malgré ces précautions, le sang épanché ne se résorba pas complétement. Le caillot formé fonctionna comme corps étranger, irrita les parois de la

poche qui le contenait et détermina un abcès dont le contenu comprimant la peau de dedans en dehors, en produisit l'amincissement progressif et puis l'ulcération. Heureusement lorsque ce fait eut lieu, le fond de l'abcès n'offrait aucune solution de continuité et les extrémités des fragments osseux étaient encore recouvertes de parties molles. On pratiqua au bandage une fenêtre visà-vis de l'abcès devenu un ulcère, que l'on pansa tous les jours soit avec du styrax, soit avec du sparadrap double selon les indications. Il ne survint plus rien de particulier jusqu'au 9 juillet, époque où le malade guéri sortit de l'hôpital.

65° M... F..., pompier, âgé de vingt-quatre ans, entre à l'hôpital le 28 juin. Il était occupé à laver la façade du théâtre, lorsque l'échelle sur laquelle il se trouvait se brisa. Il tomba sur le pavé d'une hauteur d'environ dix mètres. Ce fut le bord externe du pied gauche qui rencontra le premier le sol. Le poids du corps agit donc ici comme cause vulnérante, comme il agit pour produire l'entorse externe. Voici les symptômes que le blessé présente à son entrée à l'hópital: le pied a subi un mouvement de rotation d'un quart de cercle sur son axe longitudinal, de façon que le dos est devenu externe. Un épanchement considérable entoure l'articulation tibio-tarsienne. Par suite, cette articulation est d'un volume tout à fait extraordinaire. Les doigts, comprimant à l'extrémité inférieure d'une malléole, font soulever les doigts appliqués à l'extrémité de l'autre. L'articulation est donc remplie de liquide. Le péroné fait saillie sous la peau et est sur le point de faire hernie à travers les téguments. La malléole interne est détachée du reste du tibia. Dans les mouvements anormaux qu'on lui imprime, on provoque de la crépitation. Elle fait avec le corps de l'os un angle qui se rapproche de l'angle droit. Le pied jouit d'une très-grande mobilité dans tous les sens. Le moindre mouvement fait pousser des cris plaintifs au patient. Ces symptômes, comme on le voit, sont l'expression de la luxation externe du pied et de la fracture de la malléole interne avec épanchement intra-articulaire. Les ligaments articulaires externes sont rompus. On remet les surfaces déplacées, dans leurs rapports physiologiques. On dissémine par un massage doux, continuel et progressif, le sang épanché dans le tissu cellulaire ambiant. On entoure le pied d'une forte couche de ouate et l'on applique un bandage amidonné légèrement contentif. Le pied est mis sur un coussin placé sur le dos d'une chaise renversée. Cette position déclive de l'extrémité du membre vers sa racine doit modérer l'afflux du sang en même temps qu'elle doit faciliter la résorption de l'épanchement. Tout ceci se passait vers six heures du soir. On comprend que de tels désastres devaient causer de la douleur au blessé. Aussi souffrit-il la nuit. Attribuant mal à propos ses souffrances à son appareil et non aux lésions dont il était atteint, il enleva la nuit, sans prévenir personne, le bandage depuis les orteils jusqu'au-dessus des malléoles et mit sa jambe à plat dans le lit. Les souffrances redoublèrent à l'instant. Peu fait aux habitudes de l'hôpital, il ne demanda aucun secours et attendit le matin dans cette cruelle position. A la visite on trouve le membre bleu et froid depuis les orteils jusqu'au tiers inférieur

de la jambe. Quelques phlyctènes apparaissent au niveau de la malléole externe. On réapplique le bandage contentif rembourré de ouate. Le malade est mis à la diète et il prend dix centigrammes d'émétique dissous dans mille grammes de limonade tartrique. Bien que le bandage ne produisît jamais de compression, ce dont on s'assurait tous les jours, la peau de la région malléolaire externe bleuit et s'amincit de plus en plus et finit par se mortifier. C'est qu'il était presque impossible qu'elle résistât à la violence de la contusion dont elle avait été atteinte, et l'imprudence du malade est venue lui enlever la dernière chance de vie qu'elle possédait encore après l'accident.

Le 1er juillet, l'escharre est établie. Le sujet souffre beaucoup dans le voisinage de la région gangrenée. L'escharre est tendue par les liquides qui se trouvent sous elle. Elle est largement incisée. Aussitôt il s'échappe une grande quantité de sérosité brunâtre et des caillots sanguins. La douleur disparaît complétement lorsque l'on met en repos les parties où elle siégeait. On fait des injections émollientes détersives qui pénètrent dans l'articulation tibio-astragalienne. Elles entrainent après elles le reste des caillots qui s'y étaient formés. On ne cesse de les pratiquer que quand elles sortent claires et limpides et qu'on a l'assurance que rien dans l'articulation ne peut plus se putréfier. Entre temps. on s'était assuré avec le doigt de l'état des surfaces de l'article, et cet examen avait amené la découverte d'une fracture de l'astragale. La portion articulaire externe était détachée du reste de l'os. On remet le bandage en place après y avoir fait une fenêtre en face de l'escharre pour en permettre l'élimination spontanée et l'écoulement continu des liquides qui devaient se produire autour d'elle et dans l'article. On administre le sulfate de quinine uni à l'opium, et on laisse manger le blessé selon que l'appétit l'exige. Rien de particulier ne se présente jusqu'au 10 juillet, où le malade commence à ressentir de la douleur à la région malléolaire interne. Il perd l'appétit. La langue se recouvre d'un enduit blanc. Il y a de la soif. La peau est chaude, le pouls accéléré. Il y a eu peu de sommeil la nuit. On ouvre le bandage et on aperçoit un érysipèle phlegmoneux près de la malléole interne. Une incision pratiquée en ce point, laisse sortir un peu de pus louable. Les injections traversent d'outre en outre l'articulation. On panse simplement après avoir fait au bandage une seconde fenêtre qui livre passage au pus à mesure qu'il s'élabore. On met le malade à la diète et on lui prescrit cinq centigrammes d'émétique dans mille grammes de limonade. citrique. Le lendemain, le malade a eu plusicurs selles et les symptômes febriles de la veille ont disparu. Il demande de la nourriture qui lui est accordée dans la mesure des exigences de l'estomac.

On croyait le blessé hors de danger lorsque, le 25 juillet au matin, on apprend que depuis la veille il souffre le long du péroné à la région moyenne de la jambe, qu'il a eu un frisson assez intense, qu'il a passé une mauvaise nuit, qu'il a complétement perdu l'appétit. Il est brûlant. Le pouls est fort et accéléré. L'inspection de la région douloureuse y fait découvrir un nouveau foyer phlegmoneux. On donne issue au pus quand il est formé et l'on combat la réac

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