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de nullité ou de dissolution de ce contrat, les obligations civiles et religieuses que le veuvage impose aux femmes, et enfin le droit qu'elles ont de posséder des biens particuliers.

§ 1er. DES QUALITÉS REQUISES POUR CONTRACTER MARIAGE.

En général les Indiens se marient fort jeunes, lorsqu'ils atteignent leur septième ou huitième année; on peut même affirmer que les filles sont données en mariage à cet âge. Le législateur indou ne s'est occupé ni du bonheur futur des époux, ni des inclinations du cœur. Il ne s'est attaché qu'au devoir religieux envers les mânes des ancêtres, dont le mariage peut amener l'accomplissement; il s'est placé au point de vue exclusif des intérêts de l'ascendant, sans s'inquiéter du consentement des époux. Aussi que de mécomptes, que de malheurs domestiques une législation aussi rigoureuse n'a-t-elle pas dû engendrer ? Quelque puissant que soit le sentiment religieux chez l'Indien, il ne peut commander complètement à sa raison, et étouffer les aspirations de son cœur. Les moeurs doivent être moins pures; et s'il était possible de pénétrer dans la vie privée des populations, on y trouverait bien des souffrances domestiques, on y relèverait bien des écarts que la faiblesse peut excuser, mais que la morale réprouve.

Une des premières conditions requises pour le mariage est l'égalité de la classe entre les époux : si un homme épouse une femme d'une classe inférieure à la sienne, les enfants qui naîtront de ce mariage sont illégitimes d'après certains jurisconsultes; d'autres, au contraire, considèrent le mariage contracté entre des personnes de classe différente, à l'exclusion toutefois des Sudras, comme valables et jouissant de certains effets civils. C'est une sorte de concubinat, comme chez les Romains: les enfants n'ont pas

tous les avantages de la légitimité, mais ils sont mieux traités que des bâtards et ont sur la succession de leur père des droits comme héritiers, qui varient selon la classe à laquelle ils appartiennent. Cette distinction n'a, du reste, qu'un intérêt historique: les mariages entre personnes de classe différente sont défendus dans l'âge actuel de Cali Juga. Cette législation rigoureuse avait été imitée par la loi des XII Tables, qui interdisait le mariage entre les patriciens et les plébéiens. Les Romains avaient sans doute, comme le fait observer Benjamin Constant, puisé cette disposition dans les lois des Étrusques, soumis à un gouvernement théocratique. Les moeurs des Romains ne s'accommodèrent pas longtemps de cette législation qui fut modifiée : les mariages entre patriciens et plébéiens furent permis. Dans l'Inde, au contraire, la prohibition s'est maintenue et est encore aussi vivace qu'aux premiers âges de la loi.

L'égalité de classe est donc une condition essentielle à la validité du mariage. Il ne faut pas perdre de vue que, par ce mot de classe, les jurisconsultes indous entendent parler des quatre grandes divisions de Brahma, Kchatrya, Vaisya et Sudra, et non de ces divisions infinies de castes, connues sous les noms de: vellaja, cavaré, chetty, pally, camala, etc., etc.

Le consentement des parties contractantes est, comme chez nous, nécessaire à la validité du mariage. Dans la plupart des mariages, ce consentement est présumé lorsqu'ils sont célébrés en bas âge, comme cela se pratique fréquemment, les ascendants consentent pour leurs enfants, incapables de donner un

consentement raisonné.

Le législateur indou s'est aussi occupé des empêchements au mariage, fondés sur la parenté : il ne les a pas classés et définis d'une manière aussi précise qu'ils le sont dans nos lois. Manou indique en ces termes les empêchements naissant de la parenté :

« Celle qui ne descend pas d'un de ses aïeux ma→ ternels ou paternels, jusqu'au sixième degré, et qui n'appartient pas à la famille de son père ou de sa mère, par une origine commune prouvée par le nom de famille, convient parfaitement à un homme des trois premières classes pour le mariage et pour l'union charnelle.» (Liv. III § 5.)

Quelque précis que soient ces textes, nous n'annulerions toutefois pas tous les mariages qui seraient contractés au mépris de ces dispositions. Nous pensons qu'il serait bon de restreindre les prohibitions, fondées sur la parenté, dans les limites des articles 161 et suivants du Code Napoléon du reste ces questions se présenteront rafement, car les Indous prennent les précautions les plus sévères pour exécuter ces prescriptions de leur loi.

Le père de famille est tenu de marier sa fille dans un âge qui précède la nubilité; s'il néglige de remplir ce devoir, de choisir un époux convenable pour sa fille, celle-ci peut se marier sans le consentement de son père, après l'expiration de trois années.

«<88. C'est à un jeune homme distingué, d'un extérieur agréable, et de la même classe, qu'un père doit donner sa fille en mariage, suivant la loi, quoiqu'elle n'ait pas encore atteint l'âge de huit ans, auquel on doit la marier.

«90. Qu'une fille, quoique nubile, attende pendant trois ans; mais, après ce terme, qu'elle se choisisse un mari du même rang qu'elle-même.

«<91. Si une jeune fille, n'étant pas donnée en mariage, prend de son propre mouvement un époux, elle ne commet aucune faute, non plus que celui qu'elle

va trouver. »

La loi indoue n'ayant pas indiqué d'une manière précise l'époque de la nubilité, nous pensons que la

fille ne pourrait contracter mariage de son plein gré, avant d'avoir atteint l'âge de quinze ans révolus. En cas de difficulté, et si le père formait opposition au mariage de sa fille, nous croyons que l'opposition devrait être levée ou maintenue par le juge de paix, jugeant en matière de caste. C'est un des points de la législation indoue les plus délicats; il nous semble que l'intervention des tribunaux ordinaires pourrait froisser les usages de la caste : le juge de paix se trouve plus rapproché des familles indoues; il a des moyens de conciliation que n'ont pas les tribunaux ordinaires. L'appel de ses sentences, en matière de caste, est porté au Conseil du Gouverneur; cette juridiction administrative est préférable, dans l'intérêt de la tranquillité publique, de la paix des familles, à la juridiction ordinaire. Le pouvoir exécutif, surveillant naturel de tout ce qui touche à l'ordre public et à la tranquillité générale, a pu se réserver la connaissance de toutes les questions relatives aux usages et coutumes des castes différentes.

La fille, jusqu'à l'époque de la consommation de son mariage, demeure dans la maison de son père. Le mariage dissout la puissance paternelle et fait passer la femme sous la puissance de son mari.

§ 2. DES DIVERSES ESPÈCES DE MARIAGE ET DES FORMALITÉS REQUISES POUR 'SON ACCOMPLISSEMENT.

Manou énumère huit espèces de modes de contracter mariage: 1o Brahma, 2o Daiva, 3o Arsha, 4o Pradjapati, 5o Asura, 6o Gandarba, 7o Rachsasa, 8° Paisacha. Les quatre premiers sont particuliers aux Brahmes; les modes de Gandarba et de Rachsasa sont permis aux Kchatryas, et le mode Asura aux classes mercantille et servile. Les modes de Gandarba et de Rachsasa ne sont autre chose qu'un concubinage légal ou l'autorisation de commettre un viol. Le premier

consiste dans des relations charnelles libres; le second, dans la jouissance d'une femme prise à la guerre ou enlevée par violence de la maison paternelle. Le mode Asura, qui est le plus généralement suivi, consiste dans le payement purement symbolique d'une somme de monnaie, par le futur, aux parents de la fille; c'est, en définitive, le mariage des Romains per æs et libram. Les diverses cérémonies qui accompagnent ce mariage sont des offrandes au feu, des oblations de riz aux dieux, des dons d'habillements faits par l'époux, etc., etc.; l'essence du contrat est dans le consentement donné au mariage, comme nous l'avons déjà dit :

«<227. Les prières nuptiales sont la sanction nécessaire du mariage, et les hommes instruits doivent savoir que le pacte consacré par ces prières est complet et irrévocable au septième pas fait par la mariée, lorsqu'elle marche donnant la main à son mari. » (Manou, livre VIII).

A ces formalités générales tirées du droit indou, il faut ajouter celles qui sont prescrites par la législation locale. Les dispositions que nous allons indiquer ne forment pas des conditions essentielles à la validité du mariage; elles complètent la législation indoue, la consacrent en assurant son exécution.

Le législateur s'était souvent préoccupé de l'incertitude qui règne sur l'état-civil des Indiens, et des moyens d'établir des registres publics comme dans les municipalités en France. On avait craint, en obligeant les Indiens à se présenter devant un officier de l'état-civil, pour y déclarer les naissances, mariages et décès, de blesser leurs préjugés, de porter une atteinte à leurs usages. C'est sous l'empire de ces préoccupations que fut rédigé l'arrêté du 23 juin 1842, qui laissait aux Indiens la faculté de faire à l'officier de l'état-civil les déclarations de naissances, mariages

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