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cette application fut aussi prompt que salutaire. L'incendie fut arrêté sans avoir à faire la part du feu en d'autres termes, le phlegmon passa à la résolution et la déglutition redevint facile. En même temps, la fièvre tomba et la malade put rester levée. Pour nous qui voyons journellement ces effets, il n'y a rien qui nous étonne, et nous ne mentionnerions pas cette action antiphlogistique des caustiques, si elle n'avait été combattue dans cette enceinte avec plus de prévention que de raison.

L'opération que nous venons de soumettre à l'Académie, nous fournit l'occasion de revenir sur la chirurgie conservatrice. Dans la discussion provoquée à ce sujet, il nous a paru que nos idées avaient été mal appréciées. Chirurgie conservatrice ne veut pas dire n'opérer jamais, mais opérer quand on ne peut pas faire autrement et que la vie du malade en dépend. Il faut braver alors tous les dangers, et avoir pour devise « Fais ce que dois, arrive que pourra. » Aussi on ne pourrait sans injustice condamner le chirurgien qui dans l'extirpation d'une tumeur aurait le malheur de perdre son patient. De même on ne pourrait donner son approbation au praticien qui, de peur d'une récidive, laisserait périr misérablement son malade, ou bien à celui qui, se décidant à opérer, pratiquerait une opération incomplète. Lésiner sur les frais est toujours un mauvais calcul. Pour conserver une partie de l'organe malade, on compromet souvent le résultat de l'opération. C'est surtout le cas des tumeurs en général.

II. Extirpation de la mâchoire supérieure gauche.

Les observations qui précèdent s'appliquent à l'extirpation de la mâchoire, Là aussi on a agité la question de l'extirpa

tion complète et de l'extirpation partielle; mais cette dernière a souvent donné lieu à de cruels mécomptes, à des hémorragies formidables, à l'épuisement nerveux du malade par la durée de l'opération et à la mort, soit instantanée, soit peu d'heures après, au retour de la tumeur à cause de son extirpation incomplète, etc.

Nous venons de pratiquer cette opération, il y a une quinzaine de jours, et les nouvelles que nous avons reçues depuis nous permettent de considérer notre opérée comme convalescente.

C'était un polype muqueux très-vasculaire, ramifié dans toutes les cavités accessoires de la narine gauche. La tumeur avait usé la voûte palatine, le plancher de l'orbite, la fosse canine, le montant du maxillaire, l'os propre du nez, et débordait, dans l'angle interne de l'œil, sous forme d'un champignon conique, lequel avait déjà ulcéré la peau. En outre, elle obstruait complétement la fosse nasale gauche et faisait saillie dans l'arrière-bouche, de manière à rendre la déglutition et la respiration fort pénibles. Pour ce dernier motif, il n'y avait donc pas à retarder l'opération. Déjà plusieurs tentatives d'arrachement avaient imprimé au polype une activité nouvelle. De fréquentes hémorragies, dont une le matin même de l'opération, avaient rendu la malade anémique. On comprend combien cet état réclamait de précautions. On ne s'est pas toujours bien rendu compte des morts brusques pendant les opérations sanglantes. Ce n'est pas à cause du sang perdu, car un individu complétement exsangue peut être rappelé à la vie, ainsi que le démontrent les faits de transfusion; ce sont les embolies qui peuvent se former pendant la syncope ou la lipothymie qui succèdent à l'opération. Il y a quelques années, j'extirpai une petite tumeur au-dessus du sein gauche;

la malade était chloro-anémique. La nuit, une hémorragie eut lieu; elle ne put être très-abondante, puisque la tumeur n'avait que le volume d'une noisette; cependant la malade mourut subitement. On parlait peu à cette époque ou plutôt pas du tout d'embolies. Les prétendus polypes du cœur et des gros vaisseaux admis par les anciens, étaient considérés comme des effets cadavériques; l'expérience est cependant venue faire voir que ces coagulations ont lieu pendant la vie même et précèdent de peu la mort.

D'après ce que nous venons de dire, on voit combien nous avions intérêt à aller vite. Le Cito et le Tuto sont surtout applicables à l'extirpation de la mâchoire supérieure, puisque plus on accélère l'opération et plus on a des chances de réussite. Quant au Jucundè, il ne saurait en être question, puisque, comme pour toute opération dans la bouche, il n'est pas permis d'employer le chloroforme. Nous n'avons pas eu recours à la scie, soit droite, soit articulée, mais à la gouge et au maillet. Nous avons déjà exprimé dans cette enceinte l'opinion que l'extirpation de la mâchoire supérieure est une des opérations les plus expéditives et les plus méthodiques, si on la fait d'une manière complète. En effet, il ne s'agit que de dégacher les articulations maxillo-malaire et frontale, ainsi que la suture palatine; l'os suit alors de lui-même en engageant la gouge au fond de l'orbite, dans la suture sphéno-maxillaire. La partie la plus pénible de l'opération, c'est la formation du lambeau. Quant à ce dernier, deux méthodes ont été préconisées de bas en haut et de haut en bas. Il est évident que c'est la première qui doit être préférée, parce qu'on a ainsi un lambeau qui retombe par son propre poids et qu'il faut à peine soutenir par des points de suture.

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Voici donc comment nous avons procédé : Une incision

partant de l'angle interne de l'œil a été prolongée jusqu'à la commissure des lèvres, puis, en remontant jusqu'au devant de la pommette, de manière à éviter le canal de Sténon. Le lambeau, rapidement disséqué, a été relevé sur le front, et la tumeur ayant été mise à nu, un coup de gouge a séparé l'os maxillaire de l'os malaire; un deuxième coup a fendu l'arcade dentaire, après que la première incisive eut été tirée. Quant à la voûte palatine, elle était tellement amincie qu'elle a pu être divisée avec les ciseaux. Il en a été de même du montant du maxillaire supérieur et du plancher de l'orbite. L'os a été alors facilement amené avec la tumeur. Aucune hémorragie de quelque importance n'a eu lieu. L'opération proprement dite a duré un quart d'heure.

Nous mettons sous les yeux de l'Académie l'arcade dentaire, seule partie de la mâchoire restée intacte. On nous demandera peut-être pourquoi nous ne l'avons pas conservée ? Nous répondrons pour ne pas prolonger l'opération. D'ailleurs, de quel usage aurait été cette portion de la mâchoire privée d'appui? Mieux vaudra y substituer plus tard un râtelier.

En résumé, l'amputation de la langue et l'extirpation de la machoire supérieure témoignent de la puissance de la chirurgie moderne. Avant notre époque, on n'osait guère les aborder; la preuve, ce sont les nombreuses horreurs qu'on trouve dans les musées d'anatomie pathologique. Nous nous rappelons avoir vu en Hollande des tumeurs de mâchoires : rien ne manque à ces pièces, pas même la tête, preuve que pour les recueillir on a attendu patiemment que le trépas. vint mettre un terme aux souffrances des malades.

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M, le Président : M. Burggraeve désire-t-il que sa communication soit soumise à une discussion?

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M. Burggraeve: Je suis aux ordres de l'Académie..

M. Graux Je demande qu'une discussion soit ouverte sur cette communication.

M. Thiry : J'appuie cette proposition. Je demande que le travail de M. Burggraeve soit soumis à une discussion ultérieure et en attendant, pour ce qui me concerne, je puis informer l'honorable membre qu'en affirmant l'utilité des caustiques dans les inflammations, mais non comme antiphlogistiques, il ne m'a fait aucune peine.

L'Académie décide que la communication de M. Burggraeve fera l'objet d'une discussion.

M. Van Kempen est chargé par l'Académie d'examiner la pièce anatomique présentée par M. Burggraeve.

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1. RAPPORT de la Commission chargée d'examiner la communication de M. le docteur HAMON, intitulée : Essai sur la dysenterie.

Messieurs,

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M. MASCART, rapporteur,

L'Académie nous ayant chargés, M. Lequime et moi, d'examiner un travail de M. le docteur Hamon, de Fresnaysur-Sarthe, relatif à la dysenterie, nous venons vous présenter notre rapport sur cette communication.

Le travail dont il s'agit, l'auteur nous l'apprend lui-même, a déjà fait l'objet d'une communication adressée à l'Académie de médecine de Paris, en 1856, sur laquelle M. le professeur Piorry a fait un rapport favorable (1).

Ce travail, il l'a refondu, en lui conservant sa forme

(1) Bulletin de l'Académie de médecine de Paris, tome XXII, 1856-1857. page 1011.

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