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Après quelques considérations judicieuses sur l'incertitude du diagnostic établi à priori, avant l'opération de la hernie, incertitude qui est causée par l'extrême diversité des complications qui peuvent se présenter dans une tumeur herniée, l'auteur rapporte le premier cas qui fait le sujet de son travail.

Il s'agit d'un individu âgé de 32 ans, porteur d'une hernie inguinale droite, qu'il maintenait habituellement avec un mauvais bandage. Un jour, en faisant un effort pour soulever un fardeau, il sent la tumeur s'échapper sous la pelote, et il se contente de serrer fortement les courroies qui retenaient celle-ci. Quelques heures après, des douleurs étant survenues, il se couche, et, comme il avait l'habitude de le faire avec succès, il cherche à faire rentrer la hernie; mais il ne peut y parvenir. Deux jours après, tous les phénomènes de l'étranglement intestinal se manifestent avec intensité : cependant la tumeur est résistante, mate, et ne présente ni gargouillement ni fluctuation, et elle ressemble plutôt à une épiplocèle qu'à une entérocèle. La nécessité de l'opération ayant été reconnue, M. Cousot la pratique, rencontre d'abord les éléments du cordon spermatique au devant de la tumeur, puis une portion d'épiploon peu altérée, et une anse intestinale aplatie et comme collée au côté interne et profond du sac herniaire. Cette anse présente une coloration normale, et ne renferme ni gaz, ni matières fécaloïdes; de plus elle n'est étranglée ni par le collet du sac ni par l'orifice inguinal, puisque le doigt s'introduit facilement dans l'abdomen par ces deux ouvertures. Surpris de ces particularités singulières, M. Cousot éprouve un moment d'hésitation, et se demande s'il n'avait pas à se reprocher une opération inutile. Convaincu cependant par l'évidence des symptômes, il examine la chose

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de plus près et finit par trouver qu'au niveau de la portion herniaire collée contre le sac, il y avait une partie de la circonférence de l'intestin, grosse comme une aveline, qui s'était engagée dans un hiatus du ligament de Gimbernat, vers le pilier interne de l'anneau, dit l'auteur. Il détache avec l'ongle et la spatule cette petite portion incarcérée, constate, en retirant ensuite la petite partie du sac qui l'avait coiffée, que ce n'était point le collet de celui-ci qui avait étranglé le petit diverticulum intestinal, reconnaît un sillon profond au commencement de cet appendice, remarque qu'il offre une couleur beaucoup plus foncée que celle du reste de l'intestin sorti, mais que cependant il n'offre aucune trace de désorganisation; enfin, il réduit le tout, intestin et épiploon. Les suites de l'opération sont des plus simples, et le malade guérit en quinze jours.

Disons ici en passant qu'il y a malheureusement un peu d'obscurité dans la description de l'endroit précis du système aponévrotique où M. Cousot a trouvé l'étranglement intestinal. Il est évident, puisque notre auteur a trouvé les éléments du cordon spermatique au devant de la hernie, que celle-ci devait, comme il l'affirme, être une hernie inguinale. Il semblerait même qu'il a eu affaire à une hernie directe, quoiqu'il ne donne aucune considération à ce sujet. Mais les choses étant ainsi, comment concevoir que l'étranglement se soit fait comme le dit M. Cousot, en dedans du sac, à travers le ligament de Gimbernat? La position relative de l'orifice inguinal et du ligament de Gimbernat n'est nullement celle que semblerait supposer cette description, qui ne serait exacte que s'il était question d'une hernie crurale.

Dans la seconde observation, l'auteur relate qu'il a rencontré chez une dame de 68 ans une tumeur oblongue, oblique

de haut en bas et de dehors en dedans, bilobée, située sous le ligament de Fallope, et présentant dans ses deux lobes des différences marquées : dureté, insensibilité, mobilité dans le premier; mollesse, douleur, sonorité dans le second. La malade affirmant que la tumeur se réduisait toute entière avant l'étranglement, l'auteur se demande s'il ne se trouve pas en présence d'une hernie à double sac, contenant, l'un une ancienne hernie épiploïque, l'autre une hernie entéro-épiploïque plus récente. L'opération ayant été faite, il est reconnu que la portion externe de la tumeur est formée par un ganglion lymphatique induré, et l'interne par une portion d'épiploon et d'intestin. Le débridement est pratiqué dans différentes directions au moyen du débrideur de M. le professeur Lefebvre, et sur un anneau tellement rétréci qu'à peine il était possible d'y introduire l'ongle et une petite portion de la pulpe du doigt. Après la réduction de l'intestin, M. Cousot se demande s'il ne doit pas profiter de l'opération pour enlever le glanglion lymphatique malade; mais des raisons, fort plausibles, à notre avis, le déterminent à ne pas le toucher. Quant à l'épiploon, comme il est adhérent et irréductible, il est laissé en place dans la plaie. Tout se passe régulièrement après l'opération : l'épiploon se gangrène, mais la plaie se cicatrise, et la guérison ne tarde pas à se faire. Toutefois, l'opérée conserve assez longtemps une diarrhée atonique qui ne cède qu'à l'administration de la noix vomique.

A ce propos, M. Cousot, dans une digression, rapporte brièvement un autre cas d'opération de hernie, après lequel il survint, contrairement au cas présent, une constipation opiniâtre qui céda également à l'emploi de la noix vomique. Il explique ces deux faits, en apparence contradictoires, en supposant que dans le premier l'atonie portait sur la muqueuse et

l'empêchait d'absorber et d'élaborer les liquides qui servent à délayer les excréments, et que dans le second la paralysie attaquait le système musculaire intestinal. Dans les deux cas la noix vomique active la contractilité et fait disparaître le symptôme pathologique.

Ici encore, nous sommes obligé d'exposer nos doutes sur l'exactitude du diagnostic de M. Cousot relativement à l'espèce de hernie qu'il a eue à traiter. Selon lui, il a opéré sur une hernie inguinale. Mais n'est-on pas bien autorisé à croire au contraire que les organes déplacés avaient passé par l'orifice crural, si l'on considère en même temps le sexe de la patiente, la situation de la tumeur en dessous du ligament de Poupart, l'étroitesse de l'orifice aponévrotique, et surtout les connexions étroites du ganglion lymphatique induré avec le sac herniaire? Il n'y a point, dans l'état normal, de ganglions lymphatiques au niveau de l'orifice cutané du canal inguinal, et partant il est difficile de comprendre qu'une anse intestinale sortie par cet orifice puisse faire corps avec un de ces organes. M. Cousot aura probablement été trompé par la forme oblongue de la hernie. Mais tous ceux qui ont vu beaucoup de ces tumeurs savent que souvent des hernies crurales, qui étaient primitivement marronnées, s'allongent transversalement en se recourbant sur la traverse aponevrotique représentée par l'arcade crurale, à cause probablement de la pression qu'exerce sur elle la face antérieure de la cuisse pendant ses mouvements de flexion.

Après avoir relaté ces deux observations, M. Cousot se livre à quelques réflexions sur les particularités qu'elles présentaient. Il fait observer qu'aucun auteur ne cite un exemple d'étranglement semblable à celui du premier cas; et il est certain, dit-il, que la connaissance de la possibilité d'un fait

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pareil peut avoir de l'importance quant à la manière de pratiquer le taxis. Ici, en effet, ni la pression de dedans en dehors, ni l'inflammation de l'organe hernié, deux des causes ordinaires de l'étranglement, ne peuvent être invoqués comme ayant produit la maladie; l'intestin était exempt de phlogose et parfaitement libre dans le canal qui lui avait donné passage; il faut donc qu'une cause agissant d'avant en arrière ait déterminé seule l'étranglement, et l'auteur trouve cette cause dans l'application d'un mauvais bandage que le patient serrait fortement avec les courroies de la ceinture, croyant suppléer ainsi à l'impuissance du ressort.

Quant à la seconde observation, M. Cousot observe qu'elle n'a d'autre titre à l'attention que l'obscurité du diagnostic, résultant de la fusion intime en une seule tumeur de deux masses de nature différente, et des renseignements vagues et faux donnés par l'opérée.

En terminant, l'auteur fait remarquer que dans aucun des deux cas rapportés par lui, la méthode du baron Seutin n'eût pu aboutir à d'autres résultats qu'à une lésion grave de l'intestin et à un malheur certain. Il désapprouve cette pratique de la déchirure des anneaux constricteurs, et il déclare que dans tous les cas de hernies qu'il a rencontrés jusqu'à ce jour, cette méthode lui a toujours paru inapplicable et dangereuse.

Trois points principaux, se rapportant à l'étranglement herniaire, semblent, dans le mémoire de M. Cousot, de nature à fixer l'attention des praticiens. Le premier concerne le siége tout spécial de l'étranglement dans la première observation; le second, le mode de débridement par un instrument particulier; le troisième, les idées de l'auteur sur la déchirure des anneaux aponevrotiques.

Nous avons déjà fait quelques remarques sur le premier

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